Tauba Auerbach dans "Bodies of Knowledge" - Saison 11 | Art21

♪ (musique) ♪

(Tauba Auerbach) Je veux
sans cesse apprendre de nouvelles choses.

Et j'essaie constamment de trouver
comment les choses sont structurées.

J'ai appris plusieurs principes
scientifiques et mathématiques

grâce à des arts
comme le tissage ou le papier marbré.

♪ (musique ambiante éthérée) ♪

Pour le papier marbré,
tout n'est que relations et proportions.

Il faut mélanger les peintures
afin qu'elles flottent sur l'eau

et se répandent.

Ni trop, ni trop peu.

♪ (musique éthérée ondulante) ♪

Le contrôle que l'on a
sur elles est limité.

♪♪

J'aime beaucoup l'idée
de cultiver notre sensibilité

de cette façon vraiment manuelle et utile.

Et j'ai utilisé le papier marbré
comme matériau de base

dans beaucoup de mes travaux publiques.

♪♪

Il me semble approprié de travailler

avec différents matériaux,
médiums et méthodes...

car je me focalise sur la connectivité

et la relation entre
beaucoup de choses différentes.

Dès que des gens viennent
à mon studio,

j'aime leur montrer ces étagères,

car elles contiennent beaucoup de trésors

et de choses avec lesquelles
j'aime vivre et réfléchir.

Des cendres d'une œuvre qui a brûlé
dans un incendie.

Voilà une éponge de mer.

La pression de l'eau
où cette créature vit est extrême.

L'architecture de ce squelette fut étudiée
pour sa force.

C'est une forme de treillage
d'une grande force.

Je qualifierais mon expérience
comme vraiment profonde avec ce puzzle.

Il faut plus d'un millier de mouvements
pour retirer cette barre de ces anneaux.

Je suis arrivée au point
où il ne restait plus qu'un anneau.

Il s'est avéré qu'avoir un anneau restant
était en quelque sorte l'équivalent

d'être allé aussi loin que possible
au sein d'un labyrinthe

dans la mauvaise direction.

Et j'ai dû faire
complètement marche arrière,

remettre les anneaux et recommencer
de façon légèrement différente.

Donc je sens que ce puzzle m'a
beaucoup appris sur les présomptions

que l'on fait sur notre progression
en cours de route.

♪ (musique de synthé éthérée) ♪

Je suis assez contrainte
par des choses qui marchent à peine.

La quasi-impossibilité est la clé.

J'ai découvert cette technique de perlage
grâce à un chimiste de Taïwan.

Il a utilisé cette technique
pour représenter des molécules,

et dans ces représentations,
les perles connectent les atomes.

Maintenant j'essaie de réaliser
quelque chose avec cette technique.

Je suis intéressée par les limites
dans lesquelles un système reste stable,

celles où il se fragilise
et se disloque,

mais aussi par les limites
où notre interprétation

et notre compréhension se fragilisent
et se disloquent...

tout comme mes propres limites
et d'autres plus collectives,

soit parce que
nous ne les avons pas encore atteintes

ou simplement car elles sont
hors de portée pour l'esprit humain.

(clics de souris)

♪ (chœurs provenant de l'ordinateur) ♪

L'apprentissage qui m'intéresse
ne consiste pas juste à apprendre un fait

mais à changer la façon dont je digère

et réfléchie à tous
les faits à l'avenir (rires).

Par exemple, mon amie Cameron m'a envoyé

cet enregistrement d'une chorale
sur la télévision nationale bulgare.

♪ (chants bulgares) ♪

(Tauba) J'ai senti
comme des sons à l'intérieur

avec cet effet sur moi
ou que je n'oublierai jamais,

de la plus positive des façons.

Quand on m'a parlé de l'idée
des différentes tailles de l'infini,

c'est quelque chose
que je n'oublierai jamais.

♪ (les chants bulgares continuent) ♪

Confronter l'idée d'un espace
à quatre dimensions,

et les formes qui y résident,

a été un outil pour réajuster mon regard,
mon imagination.

Idéalement, il serait bien de créer
une chose qui n'est pas qu'une image

dont quelqu'un pourrait se rappeler,

mais une image qui affecterait un peu
la vision portée sur toutes les autres.

J'aime tellement la peinture,

et il y a tant de façons de l'aborder
comme une technologie.

♪ (synthés énergiques et oscillants) ♪

À l’université, je cherchais
un job pour l'été,

et je me suis dit :
"Tente le magasin d'enseignes !"

J'ai travaillé pour New Bohemia Signs
à San Francisco,

en tant qu'apprentie et assistante
pendant environ trois ans,

et c'était de superbes enseignes
peintes à la main.

♪ ♪

Dans la peinture d'enseigne,

si vous allez trop vite,
vous allez être imprécis.

Mais si vous allez trop lentement
pour essayer d'être parfait,

le rendu n'est pas très gracieux.

J'ai beaucoup appris
sur la recherche d'un juste milieu,

c'est un sujet auquel je pense beaucoup
et de bien des manières.

MUSÉE D'ART MODERNE DE SAN FRANCISCO

♪ ♪

J'adore la peinture
et je pense que j'en ferai toujours,

mais je pense que j'utilise le medium
qui va servir l'idée au mieux,

donc des fois c'est la peinture,

mais une peinture ne peut pas faire
la même chose qu'un morceau de verre,

par exemple.

Donc quand j'ai senti qu'un groupe d'idées
nécessitait un travail avec du verre,

j'ai appris comment travailler
le verre au chalumeau.

C'est mon approche
des matériaux et des médiums.

(grondements et reflux)

Le Wave Organ fait partie
de mes lieux préférés de San Francisco.

C'est près de là où j'ai grandi.

(grondements et reflux)

Basiquement, c'est une série
de tuyaux à moitié immergé dans l'eau,

et selon le niveau de la marée,
on obtient différents sons qui en sortent.

Je pense que j'y suis attachée
car il existe à travers

une frontière d'air, d'eau et de sable.

(grondements et reflux)

L'instrument est joué par la sorte
d'instabilité de cette frontière,

et c'est différent
à chaque fois que je m'y rends.

Quand je parle d'essayer
de trouver le bon état d'esprit,

c'est l'une des choses
que je tente d'atteindre

pour être à un point qui n'est pas rigide.

♪ (sons de notes isolées et difformes) ♪

♪ (musique difforme d'un orgue) ♪

(Tauba) Je pense
que ça sonne bien aussi.

Tu penses quoi de la durée
de la note que j'ai jouée ?

Je l'ai trouvée bien.

Mais j'ai trouvé
que le timing était un peu...

- incertain.
- (Taubia) Bizarre ?

Sur celle-ci.

(Tauba) Mh-hm.

(Tauba) L'Auerglass est un harmonium
interdépendant à deux personnes.

que j'ai fabriqué
avec mon amie Cameron Mesirow,

dont le nom d'artiste est Glasser,
d'où le nom A-U-E-R, glass.

♪ (l'Auerglass est joué) ♪

L'Auerglass est né
quand Cameron et moi avons voulu

fabriquer un instrument nécessitant
deux personnes pour être joué.

♪ ♪

Chaque musicien a une moitié de clavier,

c'est un clavier à 4 octaves réparti
des deux côtés en alternant les notes,

l'une a le do, la suivante le do ♯, etc.

♪ ♪

Chaque musicien souffle l'air
pour les notes de l'autre.

Cameron le présente
comme devoir respirer l'une pour l'autre.

(acclamations et applaudissements)

♪ (l'Auerglass est joué) ♪

Jouer l'Auerglass semble
presque impossible.

L'instrument a cette qualité
de quasi-symétrie

mais juste décalée d'un clic,
on ressent une relation très stimulante.

- C'est dur !

- Oui, c'est dur.

(acclamations et applaudissements)

(Tauba) C'est super quand on atteint
cette synchronicité,

mais je sens que les fois où l'on tâtonne
dans nos performances,

je développe un attachement pour elles.

♪ (l'Auerglass est joué) ♪

Je fais beaucoup de dessins qui impliquent
cette structure en tricot,

et je perds souvent figurativement
le fil de ce que je dessine.

Je perds le rythme.

Ce sont des travaux
très rapides, spontanés.

Des fois, je reste fixée
sur l'accomplissement

d'une seule et longue forme connectée
avec un ensemble de règles variables.

Il est presque impossible de ne pas entrer
dans une sorte d'état de transe.

♪ (musique de l'Auerglass) ♪

Souvent, quand je dessine, je me demande :
"Puis-je bouger au-delà de mon poignet ?

Au-delà de mes doigts, de mon coude,
de mon épaule, du centre de mon torse ?"

♪ ♪

Je sens que je réfléchis
mieux quand je dessine.