Les inventions de la mémoire
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0:01 - 0:05Je voudrais vous parler d'un cas juridique
sue lequel j’ai travaillé -
0:05 - 0:08impliquant un homme nommé Steve Titus.
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0:08 - 0:11Titus était responsable d’un restaurant.
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0:11 - 0:16Il avait 31 ans, il vivait à Seattle
dans l'état de Washington, -
0:16 - 0:17il était fiancé à Gretchen,
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0:17 - 0:20il allait se marier, elle était l'amour de sa vie.
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0:20 - 0:23Et une nuit, le couple est sorti
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0:23 - 0:26pour un diner romantique.
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0:26 - 0:27Sur la route du retour,
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0:27 - 0:30ils ont été arrêtés par un policier.
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0:30 - 0:34La voiture de Titus ressemblait un peu à
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0:34 - 0:37une voiture conduite plus tôt dans la soirée
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0:37 - 0:41par un homme qui avait violé
une femme qui faisait l’autostop, -
0:41 - 0:44et Titus ressemblait un peu à ce violeur.
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0:44 - 0:47La police a pris une photo de Titus,
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0:47 - 0:50ils l'ont mise dans une série de photos,
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0:50 - 0:52qu’ils ont ensuite montrée à la victime,
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0:52 - 0:54et elle a identifié Titus.
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0:54 - 0:58Elle a dit, « C’est celui
qui lui ressemble le plus. » -
0:58 - 1:02La police et l’accusation sont
allés en justice. -
1:02 - 1:05et lorsque Steve Titus a été jugé pour viol,
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1:05 - 1:07la victime a témoigné
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1:07 - 1:11et a dit, « je suis absolument sûre
que c’est cet homme. » -
1:11 - 1:14Et Titus a été déclaré coupable.
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1:14 - 1:16Il a proclamé son innocence,
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1:16 - 1:19sa famille a crié aux jurés,
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1:19 - 1:22sa fiancée s'est effondrée en sanglotant,
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1:22 - 1:25et Titus a été emmené en prison.
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1:25 - 1:29Alors que feriez-vous à ce stade ?
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1:29 - 1:30Que feriez-vous ?
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1:30 - 1:34Eh bien, Titus a perdu toute foi
dans le système juridique, -
1:34 - 1:36et pourtant il a eu une idée.
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1:36 - 1:38Il a appelé le journal local,
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1:38 - 1:42il a retenu l'attention
d'un journaliste d'investigation, -
1:42 - 1:47et ce journaliste a effectivement
trouvé le véritable violeur, -
1:47 - 1:50un homme qui a finalement
avoué le viol, -
1:50 - 1:53un homme qui était soupçonné
avoir commis 50 viols -
1:53 - 1:55dans la région,
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1:55 - 1:58et quand cette information
a été donnée au juge, -
1:58 - 2:01le juge a libéré Titus.
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2:01 - 2:05C’est là où cette affaire aurait dû se terminer.
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2:05 - 2:06Elle aurait dû se terminer.
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2:06 - 2:08Titus aurait dû voir ça comme une année horrible,
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2:08 - 2:12une année d’accusation et de procès, mais terminée.
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2:12 - 2:14Ça ne s’est pas terminé comme ça.
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2:14 - 2:17Titus était si amer.
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2:17 - 2:20Il avait perdu son emploi.
Il n’a pas pu le récupérer. -
2:20 - 2:21Il a perdu sa fiancée.
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2:21 - 2:24Elle n'a pas pu supporter
sa colère persistante. -
2:24 - 2:26Il a perdu toutes ses économies,
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2:26 - 2:29et il a décidé d'intenter un procès
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2:29 - 2:32contre la police et ceux qu’il selon lui
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2:32 - 2:34étaient responsables de sa souffrance.
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2:34 - 2:39Et c'est là que j' ai vraiment commencé
à travailler sur cette affaire, -
2:39 - 2:41pour essayer de comprendre
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2:41 - 2:43comment cette victime était passée de
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2:43 - 2:44« C’est celui qui lui ressemble le plus »
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2:44 - 2:49à « Je suis absolument sûre que c’est lui. »
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2:49 - 2:52Titus était dévoré par son affaire civile.
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2:52 - 2:55Il y pensait à chaque instant,
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2:55 - 2:59et quelques jours avant le jour du procès
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2:59 - 3:02il s'est réveillé un matin,
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3:02 - 3:03plié en deux par la douleur,
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3:03 - 3:06et est mort d'une crise cardiaque liée au stress.
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3:06 - 3:09Il était âgé de 35 ans.
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3:09 - 3:14Alors on m'a demandé
de travailler sur le cas de Titus -
3:14 - 3:17parce que je suis psychologue scientifique.
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3:17 - 3:20J'étudie la mémoire.
J'étudie la mémoire depuis des décennies. -
3:20 - 3:24Si je rencontre quelqu'un dans un avion --
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3:24 - 3:26c’est arrivé en venant ici en cosse --
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3:26 - 3:28si je rencontre quelqu'un dans un avion,
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3:28 - 3:31quand on se demande mutuellement
ce qu'on fait dans la vie, -
3:31 - 3:32je dis que j'étudie la mémoire.
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3:32 - 3:36En général, il veut me raconter le mal qu’il a
à se souvenir des noms, -
3:36 - 3:38ou il a un parent atteint d'Alzheimer
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3:38 - 3:40ou une sorte de problème de mémoire,
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3:40 - 3:43mais je dois lui dire
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3:43 - 3:46que je n'étudie pas ce que les gens oublient.
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3:46 - 3:49J'étudie le contraire : quand ils se souviennent,
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3:49 - 3:52quand ils souviennent de ce qui n'est pas arrivé
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3:52 - 3:54ou se souviennent de choses différentes
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3:54 - 3:56de ce qui est vraiment arrivé.
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3:56 - 3:59J'étudie les faux souvenirs.
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4:01 - 4:05Malheureusement, Steve Titus
n'est pas la seule personne -
4:05 - 4:09déclarée coupable sur la base de faux souvenirs.
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4:09 - 4:13Dans une cité aux États-Unis,
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4:13 - 4:15on a recueilli des informations
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4:15 - 4:19sur 300 personnes innocentes
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4:19 - 4:23300 accusés reconnus coupables
de crimes qu'ils n'ont pas commis. -
4:23 - 4:28Ils ont fait 10, 20, 30 ans
de prison pour ces crimes, -
4:28 - 4:30et maintenant les tests ADN ont prouvé
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4:30 - 4:33qu'ils sont en fait innocents.
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4:33 - 4:36Lorsque ces cas ont été analysés,
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4:36 - 4:38trois quarts d'entre eux
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4:38 - 4:44étaient dus à une mémoire défaillante
de témoins oculaires. -
4:44 - 4:45Eh bien, pourquoi ?
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4:45 - 4:48Comme les jurés qui ont condamné
ces innocents -
4:48 - 4:51et les jurés qui ont reconnu Titus coupable,
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4:51 - 4:53beaucoup de gens croient que la mémoire
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4:53 - 4:54fonctionne comme un appareil d'enregistrement.
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4:54 - 4:57Vous enregistrez l'information,
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4:57 - 4:59puis vous la récupérez et vous la repassez
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4:59 - 5:03lorsque vous voulez répondre à
des questions ou identifier des images. -
5:03 - 5:05Mais des décennies de travail en psychologie
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5:05 - 5:08ont montré que ce n'est tout simplement pas vrai.
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5:08 - 5:11Nos souvenirs sont constructifs.
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5:11 - 5:12Ils sont reconstructifs.
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5:12 - 5:16Nos souvenirs fonctionnent un peu
comme une page de Wikipédia : -
5:16 - 5:21vous pouvez les changer,
mais d’autres peuvent le faire aussi. -
5:21 - 5:26J'ai commencé à étudier
ce processus de mémoire constructive -
5:26 - 5:28dans les années 1970.
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5:28 - 5:33J'ai fait mes expériences en montrant à des personnes
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5:33 - 5:35des accidents et des crimes simulés
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5:35 - 5:39et à leur poser des questions
sur ce dont ils se souviennent. -
5:39 - 5:43Dans une étude, nous avons montré
une simulation d'accident -
5:43 - 5:44et nous avons demandé,
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5:44 - 5:47à quelle vitesse allaient les voitures lors de l’impact.
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5:47 - 5:49Et nous avons demandé à d’autres personnes,
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5:49 - 5:52à quelle vitesse allaient les voitures lors du choc.
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5:52 - 5:55Et en posant la question du « choc »,
-
5:55 - 5:59les témoins nous disaient
que les voitures allaient plus vite, -
5:59 - 6:03et qui plus est, sur la question du choc
-
6:03 - 6:05les personnes avaient plus de probabilité de dire
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6:05 - 6:08qu'ils avaient vu des éclats de verre
sur les lieux de l'accident -
6:08 - 6:12là où il n’y avait pas de verre du tout.
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6:12 - 6:15Dans une autre étude, nous avons
montré une simulation d'accident -
6:15 - 6:19où une voiture traversait un croisement
avec un panneau stop, -
6:19 - 6:24et si nous posions la question qui insinuait
qu’il y avait un panneau « cédez le passage », -
6:24 - 6:28de nombreux témoins disaient
avoir vu le panneau « cédez le passage » -
6:28 - 6:31au croisement, pas un panneau stop.
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6:31 - 6:33Et vous pensez peut-être,
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6:33 - 6:35que ce sont des événements filmés,
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6:35 - 6:36ils ne sont pas particulièrement stressants.
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6:36 - 6:39Est-ce qu’avec un évènement vraiment stressant
-
6:39 - 6:42on aurait le même genre d’erreurs ?
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6:42 - 6:45Dans une étude publiée il y a quelques mois
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6:45 - 6:48nous avons une réponse à cette question,
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6:48 - 6:50parce que ce qui était inhabituel
dans cette étude -
6:50 - 6:56c’est que nous avons fait en sorte
qu'elle soit très stressante pour les gens. -
6:56 - 6:58Les sujets de cette étude
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6:58 - 7:01étaient membres de l’armée américaine
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7:01 - 7:05qui subissaient un exercice d'entraînement
particulièrement pénible -
7:05 - 7:08destiné à leur apprendre ce que c'est
-
7:08 - 7:12que d'être prisonniers de guerre.
-
7:12 - 7:14Et dans le cadre de cet exercice d'entraînement,
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7:14 - 7:18ces soldats sont interrogés de manière
-
7:18 - 7:23agressive, hostile et physiquement violente
pendant 30 minutes, -
7:23 - 7:26et par la suite ils doivent essayer d'identifier
-
7:26 - 7:29la personne qui a conduit l'interrogatoire.
-
7:29 - 7:33En leur donnant des suggestions
-
7:33 - 7:35qui insinuaient que c'était
une personne différente, -
7:35 - 7:39beaucoup d'entre eux
se trompaient sur leur interrogateur, -
7:39 - 7:43en identifiant souvent quelqu'un
qui ne ressemblait pas du tout -
7:43 - 7:46au véritable interrogateur.
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7:46 - 7:49Et donc ce que montrent ces études
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7:49 - 7:52c'est qu’en passant de fausses informations
-
7:52 - 7:56sur certaines expériences
qu'ils auraient pu avoir, -
7:56 - 8:01vous pouvez déformer, contaminer
ou changer leurs souvenirs. -
8:01 - 8:04Eh bien dans le monde réel,
-
8:04 - 8:07la désinformation est partout.
-
8:07 - 8:08Nous avons de la désinformation
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8:08 - 8:11non seulement en interrogeant
d’une certaine façon -
8:11 - 8:13mais si nous parlons à d’autres témoins
-
8:13 - 8:16qui pourraient consciemment
ou par mégarde nous passer -
8:16 - 8:18des informations erronées,
-
8:18 - 8:23ou si nous voyons une couverture médiatique
sur certains événements que nous aurions pu vivre, -
8:23 - 8:26tout cela rend possible
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8:26 - 8:30ce genre de contamination de la mémoire.
-
8:30 - 8:34Dans les années 90, nous avons commencé à voir
-
8:34 - 8:39un genre encore plus extrême
de problème de mémoire. -
8:39 - 8:42Certains patients allaient
en thérapie avec un problème -- -
8:42 - 8:45peut-être souffraient-ils de dépression,
d'un trouble de l'alimentation -- -
8:45 - 8:48et ils sortaient de la thérapie
-
8:48 - 8:50avec un problème différent.
-
8:50 - 8:54Des souvenirs extrêmes
d’horribles traitements violents, -
8:54 - 8:56parfois dans des rituels sataniques,
-
8:56 - 9:01parfois avec des éléments
vraiment bizarres et inhabituels. -
9:01 - 9:03Une femme est sortie de la psychothérapie
-
9:03 - 9:06croyant qu'elle avait enduré des années
-
9:06 - 9:09d’abus ritualistes,
où elle avait été forcée à la grossesse -
9:09 - 9:12et que le bébé a été prélevé de son ventre.
-
9:12 - 9:14Mais il n'y avait aucune cicatrice physique
-
9:14 - 9:16ni aucun genre de preuve physique
-
9:16 - 9:19qui aurait pu étayer son histoire.
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9:19 - 9:22En commençant à analyser ces cas,
-
9:22 - 9:24je me suis demandé,
-
9:24 - 9:26d'où viennent ces souvenirs bizarres ?
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9:26 - 9:30Et c'est ce que j'ai découvert
c’est que la plupart de ces situations -
9:30 - 9:36sont associées à une forme
particulière de psychothérapie. -
9:36 - 9:38Alors j'ai demandé,
-
9:38 - 9:41si certaines choses liées à cette psychothérapie,
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9:41 - 9:44comme les exercices d'imagination
-
9:44 - 9:46ou l'interprétation des rêves,
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9:46 - 9:48ou l’hypnose dans certains cas,
-
9:48 - 9:52ou dans certains cas une exposition
à de fausses informations, -
9:52 - 9:55entraînaient ces patients
-
9:55 - 9:57à développer
-
9:57 - 10:00ces souvenirs improbables très bizarres.
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10:00 - 10:02J'ai conçu une série d'expériences
-
10:02 - 10:07pour essayer d'étudier les processus utilisés
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10:07 - 10:10dans cette psychothérapie pour pouvoir étudier
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10:10 - 10:14le développement de ces faux souvenirs très complexes.
-
10:14 - 10:16Dans l'une des premières études
que nous avons faites, -
10:16 - 10:19nous avons utilisé la suggestion,
-
10:19 - 10:23une méthode inspirée de la psychothérapie
que nous avons vue dans ces cas, -
10:23 - 10:25nous avons utilisé ce genre de suggestion
-
10:25 - 10:27et implanté un faux souvenir
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10:27 - 10:30où lorsque vous étiez enfant,
à cinq ou six ans, -
10:30 - 10:32vous vous êtes perdus dans un centre commercial.
-
10:32 - 10:35Vous avez eu peur. Vous avez pleuré.
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10:35 - 10:37Une personne âgée vous a finalement sauvé
-
10:37 - 10:39et ramené à votre famille.
-
10:39 - 10:42Nous avons réussi à implanter ce souvenir
-
10:42 - 10:46dans l'esprit d'environ un quart de nos sujets.
-
10:46 - 10:48Et vous pourriez penser,
-
10:48 - 10:50que ce n'est pas particulièrement stressant.
-
10:50 - 10:53Mais, avec d’autres enquêteurs,
nous avons implanté -
10:53 - 10:56de faux souvenirs de choses qui étaient
-
10:56 - 10:59beaucoup plus rares et stressantes.
-
10:59 - 11:02Ainsi, dans une étude réalisée au Tennessee,
-
11:02 - 11:04des chercheurs ont implanté le faux souvenir
-
11:04 - 11:07où lorsque vous étiez enfant,
vous vous êtes presque noyés -
11:07 - 11:09et vous avez dû être secouru par un sauveteur.
-
11:09 - 11:11Dans une étude effectuée au Canada,
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11:11 - 11:14les chercheurs ont implanté le faux souvenir
-
11:14 - 11:15où lorsque vous étiez enfant,
-
11:15 - 11:19vous avez été attaqué
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11:19 - 11:20par un animal féroce,
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11:20 - 11:24avec succès sur environ la moitié des sujets.
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11:24 - 11:26Dans une étude réalisée en Italie,
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11:26 - 11:29les chercheurs ont implanté le faux souvenir,
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11:29 - 11:34où lorsque vous étiez enfant,
vous avez assisté à une possession diabolique. -
11:34 - 11:36Je veux ajouter qu’il semblerait
-
11:36 - 11:40que nous traumatisons ces sujets d’expérience
-
11:40 - 11:42au nom de la science,
-
11:42 - 11:46mais nos études ont passé
une évaluation approfondie -
11:46 - 11:48de comités d'éthique de recherche
-
11:48 - 11:50qui ont pris la décision
-
11:50 - 11:54que l'inconfort temporaire que certains
-
11:54 - 11:57de ces sujets ont pu rencontrer
au cours de ces études -
11:57 - 12:01est compensé par l'importance de ce problème
-
12:01 - 12:04de compréhension des processus de la mémoire
-
12:04 - 12:07et la maltraitance de la mémoire qui se produit
-
12:07 - 12:10dans certains endroits du monde.
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12:10 - 12:13Eh bien, à ma grande surprise,
-
12:13 - 12:17quand j'ai publié ce travail
et j’ai commencé à m'exprimer -
12:17 - 12:21contre ce type particulier de psychothérapie,
-
12:21 - 12:25ça m’a créé de gros problèmes :
-
12:25 - 12:30de l'hostilité, principalement de la part
des thérapeutes des souvenirs refoulés, -
12:30 - 12:31qui se sont senti attaqués,
-
12:31 - 12:35et par les patients qu’ils avaient influencés.
-
12:35 - 12:38J'avais parfois des gardes armés aux discours
-
12:38 - 12:40que j’étais invitée à donner,
-
12:40 - 12:44des gens qui tentaient d'organiser
des pétitions pour me faire licencier. -
12:44 - 12:46Mais sans doute le pire
-
12:46 - 12:49est que je soupçonne qu’une femme
-
12:49 - 12:51n’était pas coupable des violences
-
12:51 - 12:54dont l’accusait sa fille adulte.
-
12:54 - 12:57Elle accusait sa mère d'abus sexuels
-
12:57 - 12:59en se basant sur un souvenir refoulé.
-
12:59 - 13:02Et cette fille accusatrice
avait permis que son histoire -
13:02 - 13:05soit filmée et présentée dans des lieux publics.
-
13:05 - 13:08J'avais des doutes sur cette histoire,
-
13:08 - 13:10alors j'ai commencé à enquêter,
-
13:10 - 13:15et finalement j’ai trouvé
les informations qui m'ont convaincue -
13:15 - 13:17que cette mère était innocente.
-
13:17 - 13:20J'ai publié un exposé sur l'affaire,
-
13:20 - 13:23et un peu plus tard, la fille accusatrice
-
13:23 - 13:25a déposé plainte.
-
13:25 - 13:27Même si je n'avais jamais mentionné son nom,
-
13:27 - 13:32elle m'a poursuivi pour diffamation
et violation de vie privée. -
13:32 - 13:34Et j’ai passé près de cinq ans
-
13:34 - 13:41à traiter ce contentieux compliqué et désagréable,
-
13:41 - 13:45mais enfin c'était fini et j'ai pu vraiment
-
13:45 - 13:47en revenir à mon travail.
-
13:47 - 13:49Cependant, dans le processus,
je suis devenue partie -
13:49 - 13:52d'une tendance inquiétante en Amérique
-
13:52 - 13:54où les scientifiques sont poursuivis
-
13:54 - 13:59simplement en parlant de sujets
publiquement très controversés. -
13:59 - 14:02Quand je me suis remise à mon travail,
j'ai posé cette question : -
14:02 - 14:05si j’implante un faux souvenir dans votre esprit,
-
14:05 - 14:06cela a-t-il des répercussions ?
-
14:06 - 14:08Cela affecte-t-il vos pensées,
-
14:08 - 14:10vos comportements plus tard ?
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14:10 - 14:13Notre première étude a implanté un faux souvenir
-
14:13 - 14:16d’avoir été malade enfant
en mangeant certains aliments : -
14:16 - 14:19œufs durs, cornichons à l'aneth, glace à la fraise.
-
14:19 - 14:22Et nous avons constaté que,
une fois implanté ce faux souvenir, -
14:22 - 14:24les gens ne voulaient pas manger ces aliments
-
14:24 - 14:27lors d'un pique-nique en plein air.
-
14:27 - 14:31Les faux souvenirs ne sont pas
nécessairement mauvais ou désagréables. -
14:31 - 14:33Si nous implantions un souvenir joli, flou
-
14:33 - 14:36sur un aliment sain comme des asperges,
-
14:36 - 14:39nous pourrions amener les gens
à vouloir manger plus d’asperges. -
14:39 - 14:42Ce que montrent ces études
-
14:42 - 14:44est qu'on peut implanter de faux souvenirs
-
14:44 - 14:45et qu'ils ont des répercussions
-
14:45 - 14:50qui affectent le comportement
longtemps après qu'on les ait installés. -
14:50 - 14:53Eh bien, cette capacité
-
14:53 - 14:56d’implanter des souvenirs
et de contrôler le comportement -
14:56 - 15:00implique évidemment
des questions éthiques importantes, -
15:00 - 15:03comme, quand devrions-nous utiliser
cette technologie de l’esprit ? -
15:03 - 15:07Et devrions-nous interdire son utilisation ?
-
15:07 - 15:10Les thérapeutes ne peuvent pas sur le plan éthique
implanter de faux souvenirs -
15:10 - 15:11dans l'esprit de leurs patients
-
15:11 - 15:14même si cela peut aider le patient,
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15:14 - 15:15mais il n'y a rien pour arrêter un parent
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15:15 - 15:20d'essayer ça sur son adolescent
en surpoids ou obèse. -
15:20 - 15:22Et lorsque je l'ai suggéré publiquement,
-
15:22 - 15:26ça a créé à nouveau un tollé.
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15:26 - 15:30« La voilà. Elle préconise que les parents
mentent à leurs enfants. » -
15:30 - 15:32Bonjour, Père Noel. (Rires)
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15:32 - 15:41Une autre façon de voir ça, --
(Applaudissements) -
15:41 - 15:43c'est qui préféreriez-vous avoir,
-
15:43 - 15:47un enfant obèse, avec du diabète,
une durée de vie raccourcie, -
15:47 - 15:48tout ce qui va avec,
-
15:48 - 15:51ou un enfant avec
un petit faux souvenir en plus ? -
15:51 - 15:54Je sais ce que je choisirais pour mon enfant.
-
15:54 - 15:58Mais peut-être que mon travail m'a rendue
différente de la plupart des gens. -
15:58 - 16:01La plupart des gens chérissent leurs souvenirs,
-
16:01 - 16:03savent qu'ils représentent leur identité,
-
16:03 - 16:05qui ils sont, d'où ils viennent.
-
16:05 - 16:08Et je le comprends. Je le ressens moi aussi.
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16:08 - 16:10Mais je sais par mon travail
-
16:10 - 16:14combien de fiction est déjà présente.
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16:14 - 16:17Si j'ai appris quelque chose
ces dernières décennies -
16:17 - 16:19en travaillant sur ces problèmes, c'est la suivante :
-
16:19 - 16:22juste parce que quelqu'un
nous dit quelque chose -
16:22 - 16:23et le dit avec assurance,
-
16:23 - 16:26juste parce qu'il le dit avec beaucoup de détails,
-
16:26 - 16:29juste parce qu’il exprime de l'émotion en le disant,
-
16:29 - 16:32ça ne veut pas dire que c'est vraiment arrivé.
-
16:32 - 16:36Nous ne pouvons pas à coup sûr faire
la distinction entre les vrais et les faux souvenirs. -
16:36 - 16:39Nous avons besoin d'une confirmation indépendante.
-
16:39 - 16:42Une telle découverte m'a rendu plus tolérante
-
16:42 - 16:44aux fautes de mémoire de tous les jours
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16:44 - 16:47que font mes amis et ma famille.
-
16:47 - 16:52Une telle découverte aurait pu sauver Steve Titus,
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16:52 - 16:55l'homme dont l'avenir a été arraché
-
16:55 - 16:58par un faux souvenir.
-
16:58 - 17:01Mais en même temps,
nous devons tous garder à l'esprit, -
17:01 - 17:02il vaudrait mieux,
-
17:02 - 17:06que la mémoire, comme la liberté,
-
17:06 - 17:10est une chose fragile.
-
17:10 - 17:13Merci. Merci.
-
17:13 - 17:15Merci.
(Applaudissements) -
17:15 - 17:19Merci beaucoup.
(Applaudissements)
- Title:
- Les inventions de la mémoire
- Speaker:
- Elizabeth Loftus
- Description:
-
La psychologue Elizabeth Loftus étudie les souvenirs. Plus précisément, elle étudie les faux souvenirs, quand les gens se souviennent de choses qui ne se sont pas produites ou s'en souviennent différemment de la façon dont elles se sont passées. C'est plus fréquent que vous ne le pensez, et Elizabeth Loftus partage des histoires surprenantes et des statistiques, et soulève des questions éthiques importantes que nous devrions tous considérer.
- Video Language:
- English
- Team:
closed TED
- Project:
- TEDTalks
- Duration:
- 17:36
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Elisabeth Buffard accepted French subtitles for How reliable is your memory? | |
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Elisabeth Buffard approved French subtitles for How reliable is your memory? | |
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Elisabeth Buffard edited French subtitles for How reliable is your memory? | |
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Anna Cristiana Minoli edited French subtitles for How reliable is your memory? | |
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Anna Cristiana Minoli edited French subtitles for How reliable is your memory? | |
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