La faute de l'orthographe | Arnaud Hoedt et Jérôme Piron | TEDxRennes
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0:20 - 0:22AH : Bonsoir !
JP : Bonsoir ! -
0:22 - 0:24AH : Je m'appelle Arnaud Hoedt
-
0:24 - 0:27et je suis professeur de français
à l'Institut Don Bosco en Belgique. -
0:28 - 0:29JP : Je m'appelle Jérome Piron.
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0:29 - 0:32Je suis professeur de philosophie
dans la même école. -
0:32 - 0:35AH : On a tous les deux fait
des études de linguistique -
0:35 - 0:38et un jour, au cours de ces études,
on est tombé sur une citation. -
0:38 - 0:41[L'orthographe de la plupart
des livres français est ridicule.] -
0:41 - 0:44[L'habitude seule peut
en supporter l'incongruité.] -
0:44 - 0:46JP : Est-ce que vous surveillez
votre orthographe ? -
0:46 - 0:48Public : Oui.
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0:48 - 0:51Est-ce que vous surveillez
l'orthographe des autres ? -
0:51 - 0:52Public : Oui.
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0:54 - 0:56AH : Alors il faut quand même bien
reconnaître une chose : -
0:57 - 0:58c'est qu'en français,
-
0:58 - 1:02on est particulièrement peu exigeant
avec l'orthographe. -
1:03 - 1:05JP : On ne parle pas de votre orthographe.
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1:05 - 1:06Ni de la nôtre d'ailleurs.
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1:06 - 1:08AH : Ni même celle de Kévin,
notre régisseur, -
1:08 - 1:11qui a une orthographe bien à lui.
-
1:11 - 1:13(Rires)
-
1:13 - 1:18En français, on est particulièrement
peu exigeant avec l'orthographe elle-même. -
1:19 - 1:22JP : Oui, s'il arrive qu'on juge
votre orthographe, -
1:22 - 1:25on ne juge pratiquement
jamais l'orthographe elle-même. -
1:25 - 1:28AH : Attention, il ne s'agit
pas ici de juger la langue -
1:28 - 1:29mais bien son orthographe.
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1:30 - 1:33Souvent, on a tendance à confondre
l'orthographe et la langue elle-même. -
1:33 - 1:35Mais l'orthographe,
ce n'est pas la langue. -
1:35 - 1:38L'orthographe,
c'est l'écriture de la langue. -
1:38 - 1:42Et c'est même pas l'écriture en termes
de style ou de qualité de phrase. -
1:42 - 1:45En fait c'est le code graphique
qui permet de transmettre, -
1:45 - 1:48de retranscrire la langue orale.
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1:48 - 1:50JP : C'est un petit peu
comme les partitions -
1:50 - 1:52qui sont au service de la musique.
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1:52 - 1:56AH : L'orthographe n'est qu'un outil
au service de la langue. -
1:56 - 1:58JP : Si l'orthographe est un outil,
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1:58 - 2:01on s'est simplement posé
une question avec Arnaud : -
2:02 - 2:04est-ce que c'est un bon outil ?
-
2:05 - 2:07Prenons par exemple le son /s/.
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2:07 - 2:09AH : Comme dans « régisseur ».
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2:10 - 2:13JP : Comment peut-on écrire
ce son en français ? -
2:14 - 2:17On peut l'écrire : « s »,
-
2:17 - 2:18« ss »,
-
2:18 - 2:19« c »,
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2:19 - 2:21« ç »,
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2:21 - 2:24« sc » comme dans « science »,
-
2:24 - 2:27« t », les finales en « tion »,
-
2:28 - 2:32on peut l'écrire « x »,
dans « dix » ou « six »... -
2:32 - 2:33AH : « Bruxelles » !
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2:33 - 2:35(Rires)
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2:35 - 2:41JP: On peut l'écrire « z »,
dans « quartz ». -
2:41 - 2:43AH : « Aztèque » !
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2:42 - 2:47JP : On peut l'écrire « th »,
dans « forsythia ». -
2:47 - 2:49(Rires)
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2:49 - 2:55On peut l'écrire « sth »,
dans « isthme » ou « asthme ». -
2:57 - 3:01On peut l'écrire « cc », dans « succion »,
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3:02 - 3:09et on peut même l'écrire « sç »,
dans « il acquiesça ». -
3:09 - 3:11(Rires)
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3:11 - 3:13(Applaudissements)
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3:17 - 3:20AH : Si vous voyez la lettre « s » écrite,
comment se prononce-t-elle ? -
3:21 - 3:22Soit /s/,
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3:22 - 3:25soit /z/, entre deux voyelles,
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3:25 - 3:27soit pas : muette.
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3:29 - 3:32JP : Donc ça fait : un son,
douze manières de l'écrire ; -
3:32 - 3:34une lettre, trois façons de la prononcer.
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3:34 - 3:36(Rires)
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3:36 - 3:38(Applaudissements)
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3:41 - 3:45AH : Alors en turc, l'orthographe
est parfaitement phonétique. -
3:45 - 3:46Une lettre, un son.
-
3:46 - 3:48Un son, une lettre.
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3:49 - 3:50« Mayonnaise »
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3:51 - 3:53(Rires)
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3:53 - 3:55« Saucisse »
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3:55 - 3:57(Rires)
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3:57 - 3:58Encore un !
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3:58 - 4:01[Ekler -- éclair]
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4:01 - 4:04JP : Donc en turc,
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4:04 - 4:08quand vous entendez un mot
pour la première fois, -
4:08 - 4:11vous savez automatiquement
comment il s'écrit. -
4:12 - 4:14C'est le cas dans beaucoup
d'autres langues -
4:14 - 4:17comme le bulgare, le finnois,
le serbe, le roumain -
4:17 - 4:21et c'est pratiquement le cas
du néerlandais, de l'italien, -
4:21 - 4:24de l'espagnol, de l'allemand ou du russe.
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4:25 - 4:27AH : Comparons à présent avec le français.
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4:27 - 4:31En français, si on inventait
un mot qui n'existe pas, -
4:32 - 4:34comme le mot /krɛfisjɔ̃/
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4:34 - 4:35qu'on a inventé avec Jérôme...
-
4:35 - 4:37/krɛfisjɔ̃/ !
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4:37 - 4:40De combien de manières différentes
pourrait-on écrire ce nouveau mot -
4:40 - 4:42/krɛfisjɔ̃/ en français ?
-
4:43 - 4:48Alors pour répondre à cette question,
Kévin a écrit un petit programme. -
4:48 - 4:52Un algorithme qui permet de calculer
toutes les orthographes possibles -
4:52 - 4:55du mot /krɛfisjɔ̃/ en français.
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4:55 - 4:56Kévin ?
-
5:04 - 5:06(Applaudissements)
-
5:12 - 5:18JP : Au total, il existe 240 manières
différentes d'écrire le mot /krɛfisjɔ̃/ -
5:18 - 5:20en français.
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5:20 - 5:23AH : On se demande souvent
comment respecter l'orthographe -
5:23 - 5:26mais l'orthographe elle-même
est-elle respectable ? -
5:26 - 5:28(Rires)
-
5:28 - 5:32En français, on écrit le mot « bruit »,
le mot « édit » ou le mot « crédit » -
5:32 - 5:37avec un T pour faire « bruiter »,
« éditer » ou « créditer » ; -
5:38 - 5:39mais pas « abri ».
-
5:40 - 5:41(Rires)
-
5:45 - 5:50JP : On écrit « dix » avec un X
qu'on prononce /s/, -
5:50 - 5:53alors qu'on écrit
une « dizaine » avec un Z -
5:53 - 5:57et un « dixième » avec un X
mais qu'on prononce /z/. -
5:57 - 5:59(Rires)
-
5:59 - 6:02(Applaudissements)
-
6:06 - 6:08AH : Employé avec l'auxiliaire « avoir »,
-
6:08 - 6:10le participe passé s'accorde
en genre et en nombre -
6:10 - 6:12avec le complément d'objet direct
-
6:13 - 6:14quand celui-ci le précède :
-
6:14 - 6:16« Les crêpes que j'ai mangées (-es) ».
-
6:16 - 6:21Par contre, quand le complément suit
le participe, il reste invariable : -
6:21 - 6:23« J'ai mangé (-é) les crêpes ».
-
6:25 - 6:26Alors pourquoi ?
-
6:27 - 6:30Pourquoi avant mais pas après ?
-
6:32 - 6:35Au Moyen-Âge, les moines ont
des conditions de travail difficiles -
6:35 - 6:38et travaillent dans des monastères
mal chauffés, mal éclairés, -
6:39 - 6:40avec des plumes d'animaux.
-
6:42 - 6:45Souvent, sous la dictée,
quand le moine écrivait, par exemple, -
6:45 - 6:48« Les pieds que Jésus a lavés »
-
6:49 - 6:52un simple regard vers la gauche
permet d'identifier ce que Jésus a lavé. -
6:52 - 6:57Il a lavé quoi ? Les pieds !
Donc le moine accorde, pas de problème. -
6:57 - 6:59Mais quand le moine écrivait :
-
6:59 - 7:01« Jésus a lavé... »
-
7:02 - 7:06Il se dit : « Jésus a lavé quoi ?
Je ne sais pas, je vais attendre, -
7:06 - 7:09ça va probablement venir
dans la suite du texte ». -
7:09 - 7:11(Rires et applaudissements)
-
7:15 - 7:22« ...avant la fête de Pâques,
sachant que son heure était venue, -
7:22 - 7:29lorsque le diable avait déjà inspiré
au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, -
7:29 - 7:33le dessein de le livrer
sur les bords du lac de Tibériade -
7:33 - 7:36et patati et patata...
-
7:37 - 7:38les pieds ».
-
7:38 - 7:40(Rires)
-
7:40 - 7:42(Applaudissements)
-
7:46 - 7:48AH : Quand le moine
est arrivé à « les pieds », -
7:48 - 7:51il a oublié qu'il avait
un participe à accorder ; -
7:52 - 7:54ou il n'a plus de place
pour écrire la lettre, -
7:54 - 7:55parce qu'au Moyen-Âge,
-
7:55 - 7:58les mots sont souvent attachés
les uns aux autres. -
7:58 - 8:00C'est de l'observation de cet oubli,
-
8:00 - 8:04de cette erreur particulièrement fréquente
dans les manuscrits du Moyen-Âge, -
8:04 - 8:06qu'on a tiré la règle.
-
8:06 - 8:09Voilà pourquoi avant mais pas après.
-
8:09 - 8:14JP : Alors, à l'école, les enfants
se demandent pourquoi. -
8:15 - 8:18Pourquoi avant et pas après ?
Pourquoi un X ? -
8:18 - 8:20AH : Pourquoi pas de T à « abri » ?
-
8:20 - 8:23JP : Mais quand les enfants
demandent pourquoi, -
8:23 - 8:25on leur explique comment :
-
8:25 - 8:28comment on écrit, comment on accorde.
-
8:28 - 8:32Pourquoi est-ce que l'esprit critique
s'arrête au seuil de l'orthographe ? -
8:33 - 8:36Parce qu'on a tous appris
à ne plus se demander pourquoi. -
8:37 - 8:40AH : Alors pourquoi l'orthographe
du français est-elle si compliquée ? -
8:40 - 8:44Parce qu'en réalité, elle ne tombe pas
du ciel, un jour, toute faite. -
8:45 - 8:46Elle a une histoire.
-
8:47 - 8:51JP : Avant le XVIIe siècle,
tout le monde écrit comme il veut. -
8:52 - 8:55Montaigne ou Rabelais avaient
leur propre orthographe -
8:55 - 8:56qui variait d'ailleurs
-
8:56 - 8:59d'un manuscrit à l'autre
ou d'un imprimeur à l'autre. -
8:59 - 9:00AH : Molière, lui-même,
-
9:00 - 9:03dans une des toutes premières
éditions du Misanthrope, -
9:04 - 9:05écrivait « misanthrope » sans H.
-
9:07 - 9:10D'ailleurs, Molière écrivait
« orthographe » sans H. -
9:10 - 9:13Aujourd'hui, plus personne ne lit
Molière dans l'orthographe de Molière. -
9:13 - 9:19Elle a été adaptée au fil des rééditions
sans que cela ne change rien à son œuvre. -
9:19 - 9:23Il ne faut donc pas confondre
la langue de Molière et son orthographe. -
9:23 - 9:24(Rires)
-
9:24 - 9:26(Applaudissements)
-
9:31 - 9:36JP : Alors, d'où vient cette obsession
contemporaine pour l'orthographe ? -
9:37 - 9:40Au XVIIe siècle, on centralise l'État,
-
9:40 - 9:43et Richelieu réalise
que la langue est un pouvoir. -
9:43 - 9:45Il crée alors l'Académie Française.
-
9:46 - 9:51L'Académie aura pour mission de rédiger
un dictionnaire pour fixer la norme. -
9:51 - 9:55AH : En réalité, aujourd'hui, l'Académie
Française est une fausse référence. -
9:55 - 9:58Il n'y a pas de linguiste
à l'Académie Française. -
9:59 - 10:03C'est un peu comme s'il n'y avait pas
de mécanicien au contrôle technique. -
10:04 - 10:09Non, « Académicien » est
un titre honorifique, pas scientifique. -
10:09 - 10:12Il ne suffit pas d'enfiler un habit vert
pour devenir grammairien. -
10:13 - 10:18AH : Dès l'origine, au XVIIe siècle,
l'Académie va surtout faire de la norme -
10:18 - 10:22la marque de l'appartenance
à la bonne société, le bon usage. -
10:23 - 10:25JP : En même temps, à l'époque,
pas grand monde n'écrit -
10:25 - 10:28et il faut vraiment
attendre le XIXe siècle -
10:28 - 10:31pour que l'orthographe
devienne une norme incontournable. -
10:31 - 10:34La bourgeoisie montante
va donner à l'orthographe -
10:34 - 10:35ses lettres de noblesse :
-
10:35 - 10:40elle va revendiquer une orthographe
délibérément compliquée. -
10:40 - 10:45L'Académie Française va d'ailleurs
introduire dans son dictionnaire de 1835 -
10:45 - 10:49toute une série de consonnes doubles,
de consonnes étymologiques, -
10:49 - 10:51qui n'existaient pas auparavant.
-
10:51 - 10:54AH : Et surtout, on va l'imposer à tous.
-
10:54 - 10:56De plus en plus d'enfants vont à l'école
-
10:56 - 11:01et l'orthographe devient le principal
critère de sélection des instituteurs. -
11:02 - 11:04Tous les concours d'accès
à la fonction publique -
11:04 - 11:06passent par une dictée.
-
11:06 - 11:08JP : C'est aussi l'époque
de l'avènement des nationalismes -
11:08 - 11:11et on fait de la langue
un enjeu identitaire. -
11:11 - 11:16On veut un français, le même pour tous,
unique et indivisible, -
11:16 - 11:19à l'image de la République,
une et indivisible. -
11:19 - 11:22L'orthographe comme ciment de la nation.
-
11:23 - 11:26AH : Depuis, à chaque fois qu'on propose
de modifier l'orthographe, -
11:26 - 11:29cela provoque parfois quelque réticences.
-
11:30 - 11:33Souvent parce qu'on a le sentiment
qu'on va s'attaquer à un héritage. -
11:34 - 11:37Des consonnes étymologiques
viennent du latin et du grec : -
11:37 - 11:40les TH, les PH, comme dans « philosophe ».
-
11:40 - 11:44Y toucher ce serait un peu
comme s'en prendre au patrimoine, -
11:44 - 11:46d'une certaine manière se couper
-
11:46 - 11:48d'une partie de l'histoire
de la langue française. -
11:50 - 11:52Mais cette histoire est
largement fantasmée. -
11:52 - 11:55D'abord pourquoi est-ce
qu'on a conservé ou introduit -
11:55 - 11:59uniquement les consonnes étymologiques
issues du latin et du grec ? -
12:01 - 12:03Bien parce que ça fait classe !
-
12:04 - 12:07Parce qu'on aime croire que le français
ne descend que de l'Antiquité, -
12:07 - 12:11mais en réalité on a évacué sans hésiter
toutes les consonnes étymologiques -
12:11 - 12:15issues des langues germaniques,
de l'arabe, de l'italien. -
12:15 - 12:16Rien que ces 3 langues-là,
-
12:16 - 12:20c'est déjà 35% de tous les mots
qu'on a empruntés en français. -
12:20 - 12:24JP : Si on voulait vraiment respecter
l'étymologie - pourquoi pas - -
12:24 - 12:29mais dans ce cas on devrait écrire,
par exemple, le mot « style » avec un I -
12:30 - 12:33parce qu'on l'a emprunté au latin
« stilus » et non au grec. -
12:33 - 12:37Par contre, il y a un mot qu'on a emprunté
au grec : le mot « économie ». -
12:38 - 12:41Pour respecter son origine,
on devrait l'écrire comme « fœtus ». -
12:41 - 12:45AH : Ou encore le mot « fantôme »,
qui vient aussi du grec « phantasma ». -
12:45 - 12:50JP : Et est-ce qu'on peut sérieusement
accuser les Italiens ou les Espagnols -
12:50 - 12:53de souffrir d'un déficit culturel ?
-
12:54 - 13:01Parce que en italien on écrit par exemple
« filosofo » avec des F depuis toujours, -
13:01 - 13:05et ça n'a quand même jamais empêché
les Italiens de faire de l'étymologie, -
13:06 - 13:09de retrouver les origines
« philo » et « sophia ». -
13:10 - 13:14AH : Certains donnent à l'orthographe
une dimension esthétique. -
13:15 - 13:19En effet, on peut trouver que c'est beau
parce que c'est compliqué. -
13:20 - 13:24On peut appeler toutes les absurdités
de l'orthographe des subtilités -
13:25 - 13:28et être fier de cette spécificité
de la langue française. -
13:29 - 13:32Mais si on a droit de trouver
qu'une forme est belle -
13:32 - 13:34et d'avoir envie de la garder,
-
13:34 - 13:36alors on a droit de la trouver laide.
-
13:37 - 13:43JP : Pourquoi les mots du dictionnaire
devraient-ils tous être beaux ? -
13:44 - 13:48AH : À la rigueur, on pourrait même
envisager de les rendre encore plus beaux. -
13:49 - 13:52Le Collège de Pataphysique,
Boris Vian et Alfred Jarry, -
13:52 - 13:55avait imaginé ce qu'ils appelaient
une orthographe d'apparat. -
13:57 - 13:59Qu'est-ce qu'une orthographe d'apparat ?
-
13:59 - 14:04Pour vous l'expliquer, Kévin
a programmé une petite application : -
14:04 - 14:10un module de reconnaissance vocale
en orthographe d'apparat, que voici. -
14:11 - 14:12Donc, dans cette orthographe,
-
14:12 - 14:14par exemple, le son :
-
14:15 - 14:16/a/
-
14:16 - 14:18[ igt ]
-
14:18 - 14:20...s'écrit comme dans le mot « doigt »,
-
14:21 - 14:23(Rires)
-
14:25 - 14:27/r/
-
14:27 - 14:29[ rrh ]
-
14:29 - 14:32comme dans « logorrhée » ou « diarrhée ».
-
14:32 - 14:34(Rires)
-
14:36 - 14:37/o/
-
14:37 - 14:39[ ü ]
-
14:39 - 14:41Capharnaüm.
-
14:42 - 14:43Cherchez pas, y en a qu'un !
-
14:43 - 14:45(Rires)
-
14:47 - 14:48/d/
-
14:48 - 14:50[ gd ]
-
14:50 - 14:52« Amygdale ».
-
14:52 - 14:55Tu peux faire un truc un peu plus long ?
-
14:57 - 15:00JP : Projet d'orthographe d'apparat.
-
15:03 - 15:05[ brrhüsgë gd'ürrhghtücrrhigtph
gd'igtbigtrrhigt ] -
15:05 - 15:07(Rires)
-
15:08 - 15:09(Applaudissements)
-
15:15 - 15:21JP : Alors il existe encore une raison
de défendre une orthographe compliquée : -
15:22 - 15:24le sens de l'effort.
-
15:27 - 15:29Comme c'est compliqué, c'est exigeant ;
-
15:29 - 15:33et cette exigence apprend
à nos enfants à se dépasser. -
15:35 - 15:38Les gens ont l'impression
que si l'on simplifie, -
15:38 - 15:40on va faire moins d'efforts.
-
15:40 - 15:42Mais on ne va pas faire moins !
-
15:42 - 15:44On va faire mieux.
-
15:45 - 15:47AH : Bon, c'est dur de dire
à ceux qui ont souffert -
15:47 - 15:48qu'ils ont souffert pour rien.
-
15:49 - 15:50(Rires)
-
15:50 - 15:52(Applaudissements)
-
15:57 - 16:00JP : Tout le temps
-
16:01 - 16:05de mémorisation
mécanique d'exceptions ânonnées, -
16:05 - 16:07« Pou, hibou, caillou »,
-
16:07 - 16:12tout ce temps pourrait être converti
en temps de pratique, de découverte, -
16:12 - 16:16de réflexion, de littérature
ou d'histoire de la langue. -
16:16 - 16:22Donc, en un sens, la simplification
constitue bien un nivellement par le haut. -
16:22 - 16:24(Applaudissements)
-
16:32 - 16:35AH : La question de l'orthographe touche
aussi celle de l'accès à l'emploi. -
16:36 - 16:40Dans ces cas-là, aujourd'hui, on sait
ce que coûte une faute d'orthographe. -
16:40 - 16:43Imaginez que ce ne soit pas
votre langue maternelle -
16:43 - 16:44ou que vous soyez dyslexique.
-
16:44 - 16:48JP : On emploie aussi l'orthographe
pour disqualifier une pensée. -
16:49 - 16:52Sur Internet, par exemple, on voit souvent
des commentaires du genre : -
16:52 - 16:54« Va d'abord soigner cette orthographe
-
16:54 - 16:57et après, tu te permettras
de donner ton avis. » -
16:57 - 17:01AH : On empêche donc quelqu'un
de s'exprimer, à cause de son orthographe. -
17:02 - 17:06C'est donc une forme de discrimination
-
17:06 - 17:09que tout le monde trouve légitime.
-
17:09 - 17:11JP : Même ceux qui en sont victimes
la trouvent légitime. -
17:11 - 17:13Une sorte de syndrome de Stockholm.
-
17:13 - 17:15(Rires)
-
17:15 - 17:22Et tout ça n'est possible
que si cette orthographe est sacrée. -
17:22 - 17:26Le Grevisse, la grammaire,
devient la Bible. -
17:26 - 17:29Tout ce qui s'y trouve,
c'est parole d'Évangile. -
17:29 - 17:31AH : Si c'est dans
le Bescherelle, ainsi soit-il ! -
17:31 - 17:34(Rires)
-
17:36 - 17:40JP : Simplifier l'orthographe,
ce serait appauvrir la langue ? -
17:41 - 17:46Cela veut dire lui faire perdre de la
valeur, mais de quelle valeur parle-t-on ? -
17:46 - 17:48On ne parle pas de la valeur
de l'orthographe. -
17:48 - 17:51On parle de valeur tout court.
-
17:52 - 17:56AH : Et si l'orthographe française
était un dogme ? -
17:57 - 18:00Quand vous faites une faute,
on ne juge pas votre orthographe, -
18:00 - 18:02on vous juge, vous,
-
18:02 - 18:04sur base de votre orthographe.
-
18:05 - 18:08JP : En 1694, dans
les cahiers préparatoires -
18:08 - 18:12du tout premier dictionnaire
de l'Académie Française, il est écrit : -
18:13 - 18:17« L'orthographe servira à distinguer
les gens de lettres -
18:17 - 18:19des ignorants et des simples femmes ».
-
18:19 - 18:21(Cris de surprise)
-
18:21 - 18:22AH : Merci !
-
18:22 - 18:24(Applaudissements)
- Title:
- La faute de l'orthographe | Arnaud Hoedt et Jérôme Piron | TEDxRennes
- Description:
-
Nous avons été profs de français. Sommés de nous offusquer des fautes d'orthographe, nous avons été pris pour les curés de la langue. Nous avons écrit pour dédramatiser, pour réfléchir ensemble et puis aussi parce que nous avons toujours pensé que l'Académie Française avait un vrai potentiel comique.
« Les deux belges qui veulent simplifier la langue française » : tout est faux dans cette phrase. Pas « simplifier » mais bien faire preuve d'esprit critique, se demander si tout se vaut dans notre orthographe. Pas deux Belges, mais bien deux curieux qui veulent transmettre le travail des linguistes de toute la francophonie, pas même la « langue française », seulement son orthographe. Car l'orthographe, c'est pas la langue, c'est juste le code graphique qui permet de la retranscrire. Passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, elle est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s'agit peut-être que d'un énorme malentendu. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation. Ils ont vécu 25 ans sans se connaître, mais c’était moins bien. Ils ont ensuite enseigné pendant 15 ans dans la même école. Quand Arnaud participe à la rédaction des programmes de français en Belgique, Jérôme se spécialise en médiation culturelle. En 2016, ils écrivent et mettent en scène le spectacle « La Convivialité », au Théâtre National de Bruxelles. Ce spectacle conférence qui traite de la question du rapport dogmatique à l’orthographe tourne depuis 3 ans dans toute la francophonie. Dans la foulée, ils publient l’ouvrage « La faute de l’orthographe », aux éditions Textuel. Ils se définissent comme suit : « Linguistes dilet(t)antes. Pédagogues en (robe de) chambre. Tentent de corriger le participe passé. Écrivent des trucs. Vrais-Faux Comédiens. Bouffeurs d’Académicien ».
A la question « est-ce que ça se dit ? » , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire ».
Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local
utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment.
En savoir plus : http://ted.com/tedx - Video Language:
- French
- Team:
closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 18:38
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Guillaume Rouy commented on French subtitles for La faute de l'orthographe | Arnaud Hoedt et Jérôme Piron | TEDxRennes | |
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Claire Ghyselen accepted French subtitles for La faute de l'orthographe | Arnaud Hoedt et Jérôme Piron | TEDxRennes | |
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Guillaume Rouy edited French subtitles for La faute de l'orthographe | Arnaud Hoedt et Jérôme Piron | TEDxRennes | |
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Guillaume Rouy edited French subtitles for La faute de l'orthographe | Arnaud Hoedt et Jérôme Piron | TEDxRennes |
Guillaume Rouy
J'ai remarqué deux oublis :
- (10:04) Il manque "JP:"
- (11:26) quelques, avec un s
Merci :)