-
-J'ai faim, j'ai faim
- Non, toi ?
-
- Oui, un peu
- Du chorizo ?
-
- Je sais pas ; il y en a ?
- Oui. Tu en veux ?
-
-Oui, mais pour toi et
pour grand père aussi !
-
- Ne t'inquiètes pas, je n'en veux pas
- C'est vrai !
-
-J'ai faim, j'ai faim
-
- On est allés à la bibliothèque à l'école
- Eh ?
-
- A la médiathèque.
- Quand ?
-
- Ce matin.
- Ce matin ?
-
- Oui.
- Ah ! Et ?
-
- J'ai pris un livre.
- Pour le trajet ?
-
- Peut être. Enfin, oui...
- Bon, très bien.
-
- Le titre est "Grand père et grand mère
en colonie de vacances"
-
- Voilà ton assiette Garikoitz. Papi
ne mange pas de chorizo.
-
- Non, moi je n'en veux pas. Je n'en veux pas.
-
- C'est chaud ?
-
- Gari, peux-tu nous dire où et avec qui
tu vis ?
-
- Oui, bah... je vis à Biriatou avec mes
grands parents.
-
- La forêt, les montagnes. Tu es bien ici.
- Oui... Oui.
-
- Pourquoi vis-tu avec tes grands
parents ?
-
- Car mes parents étaient en prison
et donc quand j'avais trois ans
-
mon oncle m'avait emmené ici, à Biriatou
-
pour vivre avec mes grands parents.
-
- Tu as toujours connu tes parents en
prison ?
-
- Oui.
- Et comment vis-tu cela ?
-
- Beh...ufff... c'est un peu triste.
-
Quand je les vois je suis très content
mais quand je pars un peu triste
-
- Bon appétit.
- Merci.
-
- Après je te dirai dans ton sac où est
ce que tu as ta carte d'identité
-
et les choses, d'accord ? Pour que tu
le dises à ta tante.
-
- Dans ta vie quotidienne, en quoi
sens-tu que tes parents sont en prison ?
-
Qu'est-ce que tu dois changer parce que
tes parents sont en prisons ?
-
- Bah...
-
- Ne t'en fais pas, Gari.
-
- Ah et... Peut-être que j'amènerai mes
devoirs avec moi.
-
- Je te l'ai dit tout à l'heure...
- Oui.
-
- ... de les mettre... dans ton sac
-
- Oui, on va les mettre.
-
- Je t'ai dit de les mettre dans le sac,
pour les faire avec Larraitz.
-
- Et, qu'est-ce que tu as comme devoir ?
-
- Des mathématiques.
-
- Des mathématiques ? C'est simple ça !
-
- Oui.
-
- Mais, je t'ai dit tout à l'heure de les
mettre dans ton sac.
-
- Ouuuuui...
-
- Bah... Désolé, pouvez-vous me répéter
la question s'il vous plaît ?
-
Je ne m'en rappelle pas.
-
- Nous voudrions savoir ce que ça suppose
pour toi d'avoir des parents en prison.
-
- Bah, ça suppose de passer quelques
mauvais moments,
-
mais de toujours les avoir dans la tête,
et de les aimer beaucoup.
-
- Où est-ce que tu es né ?
- A Grenade, en prison.
-
- Bah normalement sinon, quand je
finis, je ferai...
-
Mikel est très gentil, et on parle de
temps en temps,
-
ou je joue avec les enfants, avec Jare.
- Avec Jare, elle est très gentille hein ?
-
Oui, cette fille... Et demande à Mikel,
comment ça s'appelle... de mettre la wifi
-
sur ta tablette
- Oui, ça... Oui, oui.
-
- Pour jouer un peu avec la tablette.
- Oui.
-
- Si tu t'ennuies un peu...
- Oui, pour écouter de la musique ou...
-
- C'est ça ! Ou voir des vidéos... Non ?
- Benito Lertxundi, ou Huntza ou...
-
- Oui, voilà.
- Ah oui ! Oui, un film, le soir.
-
- Par combien de prisons est-tu passé ?
- Sept ou cinq ou... Je ne sais pas.
-
- Combien d'années est-ce que tu y as passé ?
- Trois.
-
- Trois ans.
- Trois ans.
-
- Je t'ai mis le plus grand.
- Mamie, je sais couper ne t'inquiètes pas
-
- Bon, d'accord, coupe.
-
- Lorsqu'il y a des transferts d'une
prison à l'autre, pour les parents,
-
comment est-ce que c'est vécu ?
- Mal. Parce que s'ils les rapprochaient,
-
ça serait bien, mais ils ne les amènent
pas ici...
-
C'est plus loin. Et donc on le vit mal.
-
- Tous ces transferts ont toujours été
effectués pour les éloigner ?
-
- Oui.
-
- Un jour, j'étais avec Aitzol, mon
cousin, et nous étions arrivés à Cepo
-
pour le petit-déjeuner. Et, après, la
famille nous avait demandé
-
"comment s'est passé le voyage ?"
et mon cousin Aitzol avait dit
-
"Nous avons mangé à Cepo, et Gari...
a juste dormi"
-
Bienvenue. Aujourd'hui, nous prenons
le bus et nous allons vers Cadiz.
-
Un voyage de 2000 km, aller-retour.
-
Nous allons accompagner un enfant dont
les deux parents sont en prison.
-
En effet, Gari est né en prison, et il y
a vécu les 3 premières années de sa vie.
-
Tu parles du fait que tu es né en prison ?
-
- Oui.
-
- Et ? Qu'est-ce qu'on te dit ?
- Que c'est très bizarre.
-
Il a 9 ans. Il habite à Biriatou, et il
visite ses parents une fois par mois.
-
Gari n'est pas le seul "enfant à sac à dos" que
nous allons rencontrer lors de cette émission.
-
Si vous voulez voyager avec nous,
bienvenue.
-
- Tu as toujours connu ton père en prison.
- Oui.
-
- Combien d'années il a passé en prison ?
- 20.
-
- 20 ans. Et toi, quel âge as-tu ?
- 18 ans.
-
Il passe 2 coups de fil par semaine à
Aiur et 2 à moi, car il a droit à 8 appels
-
Nous, nous ne pouvons pas l'appeler.
-
- Dans ces voyages en voiture...
- Oui...
-
- ... à quoi tu penses ?
-
- Bah, au moment où nous arriverons,
est-ce qu'il sera bien..
-
Pourquoi devons-nous nous aussi subir
une partie de leur peine.
-
Pourquoi est-ce qu'ils nous obligent à
faire autant de kilomètres.
-
- Est-ce que tu te sens bien traitée
en prison ?
-
- Ça dépend avec qui, parfois oui, parfois
le traitement est trop dur.
-
- Comment décrirais-tu la prison en
elle-même ?
-
- Sale et vieux.
- Oui ?
-
Sombre, il n'y a pas de lumière naturelle
qui rentre.
-
Froid et sombre.
-
"Les enfants à sac à dos"
-
- Gari, attends !
-
- Allez, passe un bon moment... d'accord ?
-
- Allez !
-
- Le bus va démarrer de Renteria.
-
- Aujourd'hui, Gari voyage avec sa
tante Txipi
-
- Allez.
- Passe le bonjour.
-
- Au revoir !
- Au revoir !
-
- Aide ta grand-mère.
-
- Tatie, les devoirs, les devoirs.
-
- Tu en as ? Mais tu n'as rien pris, on
les fera dimanche, à la maison, non ?
-
- Non non, je les amenés.
-
- Tu as amené tes devoirs ?
- Oui.
-
- Et on va les faire où ? A Algeciras ?
- Non bah...
-
- Ah tu as tout là, dans ton sac.
- Oui.
-
- Oui bien sûr.
-
- Gari, où est-ce que tu es né ?
- Je suis né à Grenade, en prison.
-
- En prison. Et après tu avais dû changer
de prison ?
-
- Je crois que oui, au moins à Valence.
-
- Et ça par exemple, le fait que tu sois
né en prison, tu en parles ?
-
- Oui.
-
- Comment tu en parles ? Comme une
anecdote, quelque chose de spécial...
-
- Comme quelque chose de spécial.
-
- Tu en parles à tes amis ?
- Oui.
-
- Et, qu'est-ce qu'ils te disent ?
-Que c'est très bizarre.
-
- Que c'est très bizarre.
- Oui.
-
- Et ils te posent beaucoup de questions ?
- Oui beaucoup.
-
- Qu'est-ce qu'ils veulent savoir ?
-
- A chaque fois, comment je le vis,
comment je fais les voyages,
-
combien de kilomètres...
-
- Tu as dit que le fait de naître en
prison est quelque chose de spécial.
-
- Oui.
-
- Comment ça ? Comment tu vois les
choses ?
-
- C'est triste.
-
- Triste ?
- Oui.
-
- Oui, oui, oui, j'ai des devoirs.
-
Dans le bus.
-
Pour lundi.
-
- Parfois, parfois il appelle quand on
ne s'y attend pas.
-
Et d'autres fois on attend ses appels.
-
- Tu as la possibilité de pouvoir parler
au téléphone avec ton père ?
-
- Oui. 5 minutes, mais oui.
-
Le week end.
-
- Ici aussi, il pleut.
-
Et sinon le parapluie et le manteau.
-
- Comment tu communiques avec Papa ?
-
- Par téléphone, par lettre et avec
les visites.
-
- Il a droit à des appels de quelle
durée, tu sais ?
-
- 5 minutes.
- 5 minutes ?
-
- Et ça te paraît court ou long ?
-
- Court.
-
- Ça te paraît court.
- Oui.
-
- L'appel s'arrête d'un coup, non ?
- Oui.
-
- Papa te dit, "ça va couper, ça va
couper" et bam, ça coupe.
-
- Oui.
- Et comment tu te sens ?
-
Tu me dis souvent "je ne lui ai pas
encore raconté
-
ce qu'il m'est arrivé hier"
- Oui.
-
- C'est fini ? Je t'aime ! Oui, bisous,
je t'aime ! Au revoir !
-
- C'est bon ?
- Oui.
-
- Qu'est-ce qu'il raconte ? Il pleut
aussi à Algeciras ?
-
- Oui.
- Ah oui, hein ? Eh bien !
-
- Tu sais comment est leur vie dans la
prison ?
-
- Non.
- Ils te le racontent ou...
-
Tu ne leur demandes pas ?
- Parfois... Mais je n'en sais pas beaucoup.
-
- Qu'est-ce qu'ils t'ont raconté ?
- Bah... En fait, ils ne m'ont presque rien raconté.
-
- Ne t'en fais pas... Pourquoi est-ce que
tu crois qu'ils ne te le racontent pas ?
-
- Bah parce pour moi ce n'est pas... Ça
ne me plairait pas, voilà pourquoi?
-
- Oui, merci. Attends, Papi est là ?
-
Ah regarde, ils sont là, regarde !
- Salut.
-
- Salut.
- Salut.
-
Après s'être arrêté à Saint Sébastien,
voici l'arrêt de Bilbao.
-
L'autre grand-père de Gari est là, prêt à
saluer son petit-fils.
-
- Maintenant, dans cette interview,
-
c'est vrai que toutes les émotions
ressortent,
-
mais sinon, au quotidien, je te vois
comme un garçon fort.
-
- Oui.
- Joyeux... Comment tu fais ?
-
- Bah en pensant qu'ils vont venir... et
en évitant de... s'inquiéter
-
- Qu'est-ce qui t'aide à aller de l'avant?
- Mes grands parents.
-
- Bonsoir.
- Salut.
-
- Dis-lui.
- Salut Ixone !
-
- Salut, ça va ?
- Oui.
-
- Voyons, on va s'assoir ici ?
- Non, il faut s'assoir derrière.
-
Il faut laisser ces places, c'est pour ça
que nous sommes ici.
-
- J'ai des tournois les samedis et les
dimanches par exemple.
-
- Oui.
- Et parfois je peux jouer et tout
-
mais d'autres fois je ne peux pas jouer
-
parce que je dois venir voir Maman et
Papa.
-
Mais bon, c'est logique, il y aura plus
de tournois
-
je préfère voir Maman et Papa plutôt que
de jouer au tournoi.
-
Moi, à chaque fois je demandais quand il
allait rentrer. Et j'avais passé un moment
-
assez critique. J'allais mal... Et pour
me tranquilliser, mes parents m'avaient
-
dit qu'au prochain championnat de Bertsu,
Papa viendrait avec moi. J'étais très
-
contente, mais avec le temps j'ai compris
que c'était un mensonge pour m'apaiser.
-
- Ta mère t'avait dit qu'au prochain
championnat de Bertsu ton père serait là ?
-
- Oui, avec moi.
- Mais au dernier championnat de Bertsu
-
il n'était pas là
- Non.
-
- Lors de ces voyages, à quoi penses-tu ?
-Quand est-ce qu'on arrive, s'il sera bien
-
- Pourquoi est-ce que tu t'inquiètes
comme ça de l'état de ton père ?
-
- Bah... Il est souvent malade.
-
- Est-ce qu'il te raconte les difficultés
qu'il vit là-bas ?
-
- Parfois oui, et parfois non.
-
- Tu crois qu'il ne te raconte peut-être
pas tout pour ne pas te blesser ?
-
- Je ne sais pas. Mais il ne dit pas tout.
-
- Hize, interview.
-
En Murcie, en prison...
-
On s'appelle pour regarder les dessins
animés au même moment
-
et pour regarder la lune à la même heure.
-
Pour regarder des dessins animés à la
même heure et pour regarder la lune.
-
- Ah ! Alors vous regarder les mêmes
-
dessins animés au même moment.
- Oui !
-
- C'est presque comme être ensemble !
-
Et regarder la lune au même moment,
ça aussi c'est presque comme être ensemble
-
- Il passe deux coups de fil par semaine à
Aiur, et deux autres
-
à moi, parce qu'il a droit à 8 appels.
Nous, on ne peut pas l'appeler.
-
- Et tes amis savent où sont tes parents ?
- Oui.
-
- Oui. Naturellement...
- Et ton professeur aussi ?
-
- Oui, ils savent.
- Et... ils comprennent ?
-
- Oui.
- D'accord.
-
- Tu en parles avec tes professeurs ?
Ils te demandent quelque chose ?
-
- Non.
-
- J'ai déjà eu un problème avec un
-
professeur à partir du moment où il s'en
est rendus compte.
-
Ça donne... je ne sais pas si c'est de la
peur ou... un peu d'inquiétude parce que
-
ça change la relation avec le professeur,
-
il sait quelque chose de très spécial
sur ta vie.
-
Maintenant, ils le sauront tous,
s'ils voient ça !
-
- Selon comment est le professeur, il peut
dire "ah ma pauvre"
-
ou je ne sais quoi... Et ça...
Exprimer de la pitié...
-
ça ne me plaît pas.
-
- Lorsque la maîtresse Nuria t'avait proposé
de faire le voyage à la prison pour voir tes
-
parents, qu'est-ce que tu avais pensé ?
-
- J'avais trouvé ça bien et
ça m'avais rendu contente.
-
- Et je me rappelle, quand nous étions
rentrés de la première visite, j'avais dit
-
lorsque nous étions en cours, dès le
matin, j'avais dit :
-
"Vous ne savez pas à quel point la Maman
d'Haizea est jolie
-
et quels vêtements elle a, et quel beau
collier elle a..."
-
Et je me rappelle encore du regard de
l'enfant au moment où je l'avais dit.
-
Son visage, oui... Et c'est à partir de ce
moment-là que l'enfant avait commencé à
-
parler de sa situation plus naturellement.
-
- L'enseignante nous a dit, que quand tu
étais plus petite,
-
lorsque les enfants parlaient de leurs
parents, ça te rendait triste.
-
- Oui.
- Pourquoi ?
-
- Parce que leurs parents sont libres, et
pas les miens, alors ça me rend triste.
-
-Quand Haizea était rentrée, j'avais pensé
"je connais les autres parents, je leur
-
donne des nouvelles de tous les enfants...
Moi je veux voir ces parents aussi
-
Pourquoi je ne pourrais pas voir ces
parents, non ?
-
Pourquoi je ne dirais pas à cette mère
comment va son enfant ? Quelle bêtises
-
elle fait ? Comment... Quel comportement
elle a, comment elle écoute...
-
- Tous les enfants ont des réunions entre
parents et professeurs.
-
- Oui.
- Et toi aussi comme ça tu en as...
-
- Oui.
-
- Quelle a été la réaction des parents ?
-
- Bah ! Lorsque j'étais rentré, et que
je les avais vus, ensemble...
-
Le regard de la mère... Génial, oui...
-
- Vous n'oublierez jamais cette visite ?
- Non, non jamais.
-
- Est-ce que tu as des moments tristes
à l'école
-
et elle est là pour t'aider ?
- Euh oui. Je me sens mal et
-
je vais dehors,
et parfois Nuria me voit.
-
- Et là tu as une protection ?
- Oui.
-
- Vous a-t-on reproché cette attention
que vous avez envers les parents d'Haizea?
-
- Non, jamais, jamais, non.
-
- Ce n'est peut-être pas facile non plus
de maintenir une distance éthique.
-
- Non, ce n'est pas facile non,
-
ce n'est pas du tout facile.
- Pourquoi ?
-
- Bah... Je ne sais pas.
-
A certains moments, on met une limite
entre nos pensées et ce que l'on dit.
-
Et finalement, il faut en mettre une,
non ?
-
J'y suis en tant qu'enseignante et il y a
des choses qu'on ne peut pas mélanger.
-
Des choses personnelles, mes expériences
et le lien que j'ai avec cette famille.
-
Je crois qu'il faut qu'il y ait une limite
Je ne sais pas si vous me comprenez.
-
- Tu feras quoi quand tu seras grand ?
- Je ne sais pas.
-
- Cuisinier, peut-être ?
- Peut-être, je ne sais pas.
-
- Quoi alors ?
- Je ne sais pas.
-
- Musicien, peut-être.
- Oui, peut-être.
-
J'aime beaucoup écouter Huntza et oui...
-
- Ah oui ?
- Oui, oui, j'aime beaucoup.
-
Et Anje Duhalde.
- Ah oui ?
-
- Oui, oui, et...
-
-Donc avec les bonnes notes que tu as eu,
Papa et Maman doivent être contents, non ?
-
- Oui.
- Purée !
-
- Enfin, je crois. Je leur dirai
aujourd'hui, enfin demain.
-
- Bien sûr.
- Ils ne le savent pas.
-
("Malen" - Ken Zazpi)
-
- Tu peux nous raconter l'histoire qui est
derrière la chanson Malen de Ken Zazpi ?
-
- Ils avaient écrit la chanson lorsque ma
mère était enceinte de moi et donc elle
-
m'avait appelé Malen.
- Et que raconte cette chanson ?
-
- Comment se passent les voyages ;
les voyages, puis 40 minutes.
-
- Quand j'étais petite, je n'aimais pas
du tout cette chanson, j'avais honte.
-
Par exemple on allait voir un concert de
Ken Zazpi...
-
Ken Zazpi jouait, et lorsqu'ils chantaient
Malen je me cachais, j'avais honte
-
car disaient peut-être, depuis le micro
"aujourd'hui Malen est là et pour elle..."
-
et moi j'avais super honte, je me cachais,
mais maintenant, maintenant
-
ils la chantent et c'est comme
"allez, debout, allez oui"
-
- La chanson dit que la vitre épaisse ne
vous enlèvera pas le sourire.
-
A toi elle ne te l'a pas enlevé.
-
- Non. Je ne sais pas, il faut toujours
sourire, non ?
-
Malen, 18 ans, elle n'a pas connu son
père en dehors de la prison.
-
Il est maintenant à Almeria. Avant, à
Jaen. Il est donc plus loin maintenant.
-
Comment sont les souvenirs d'enfance de
Malen ?
-
- As-tu la sensation d'avoir perdu les
plus belles années avec ton père ?
-
- Les plus belles années que j'ai eu avec
mon père sont celles de Jaen, et moi,
-
avec mon père, je jouais là-bas, j'ai vécu
là-bas.
-
C'est ça mes plus belles années.
Finalement...
-
Ce n'est pas comme pour un autre enfant,
je ne suis pas allé au parc avec mon père,
-
ce n'est pas ça le meilleur jour de ma
vie. Non, pour moi c'est plutôt
-
ceux-là, ces années-là
celles de Jaen.
-
Pour lui ces années-là étaient très dures,
-
mais moi j'ai de bons souvenirs de ces
années-là, oui.
-
- Je suis très bien quand je suis avec
lui, mais quand je sors,
-
l'adieu est un peu triste parce que c'est
un câlin et après
-
je ne vais plus le voir pendant un mois.
- Oui, bien sûr.
-
- C'est à dire que, il n'y aura rien
jusqu'en janvier.
-
- Est-ce que tu ressens une évolution
dans tes questions, tes préoccupations ?
-
- Plus je grandis, plus je deviens
conscient de la situation,
-
et de la réalité, et bah...
-
J'ai aussi de plus en plus de questions,
pourquoi nous devons nous aussi
-
payer une partie de leur peine
Pourquoi, euh...
-
ils nous obligent à faire autant de
kilomètres.
-
- Tu penses, qu'avec la dispersion, ils
veulent que tu payes aussi pour ton père ?
-
-Oui parce qu'au final, il peut très bien
être à la prison de Castellon ou Cordoue
-
comme à celle de Zaballa, mais bon,
en fait tout ça c'est une vengeance.
-
- Le fait de savoir que les proches
passent 8 heures dans la voiture et...
-
et que après ils ont aussi le retour à
faire, avec n'importe quelle météo,
-
et savoir que c'est pour lui qu'ils font
tout ce voyage,
-
c'est une charge pour le prisonnier.
Et le fait de faire subir cela aux proches
-
ne peut être compris que par le point de
vue de la rage.
-
Une rage que, en soi, nous n'avons pas à
ressentir.
-
- Je suis un peu faigué.
-
- Ah oui, un peu ?
- Oui.
-
- On a la visite familiale à 10:30,
-
et à 13h nous avons "la vitre", puis
l'après-midi tu as "la coexistence" avec
-
Papa et Maman, pendant 4 heures
l'après-midi.
-
- Oui, et après à 8 heurs, le bus
- Oui, après bien sûr, à 8 heures
-
on va sortir, et on va prendre le bus
et on repart au Pays Basque.
-
On mène deux vies en même temps.
-
On a d'un côté notre vie d'ici
-
et on a d'un autre côté une autre partie
de notre vie : les visites, les voyages...
-
On organise tout le mois en fonction des
visites. C'est comme avoir deux vies.
-
- Avec le verre c'est moins bien,
parce que...
-
- Tu ne peux pas toucher Papa et Maman
ni rien faire...
-
- Mais ma mère travaille à la bibliothèque
comme surveillante,
-
et donc, pour 3 mois de travail, ils lui
donnent des points,
-
et si elle travaille 3 mois, elle a droit
à une visite en plus.
-
- Ah oui ? Tiens !
-
- Nerea...
- Oui, son amie Nerea...
-
- L'autre jour, elle y était allée. 16 ans
sans faire de câlin à ma mère...
-
Elle venait, mais toujours avec la vitre.
- Génial !
-
- Oui, et 15 ans après, par exemple, Papi
Juanjo.
-
- Oui, oui.
- Combien ? Ils sont beaucoup !
-
- Bien sur, avec le verre...
- Et tonton Loren.
-
- Oui, tonton Loren aussi, bien sûr, il
ne peut pas.
-
- Car c'est des gens qui ne viennent pas
souvent.
-
- Bien sûr. Et du coup ils ont toujours
droit à la vitre.
-
Et c'est tous des amis, bien sûr. Il n'y a
que la famille qui peut rester avec elle.
-
Sinon, ce n'est pas possible.
-
Tu visites ton père une fois par mois,
à Castello.
-
- Où est-ce que tu vas visiter Papa ?
- A Murcie.
-
- A Murcie ! C'est très loin, non ?
- Oui !
-
- Combien d'heures ?
- Huit.
-
Huit heures. Et on y va en voiture.
-
Jouer à la tablette, regarder le ciel et
écouter de la musique.
-
Et parfois j'ai la nausée.
-
- Et parfois je vomis.
- Parfois tu as la nausée, non ?
-
- Et Aiur aussi fait les voyages ?
-
- Oui.
-
- Vous êtes plutôt sages, non ?
-
- Oui.
-
- Ça c'est Papa qui l'avait fait et il y
a des oiseaux qui viennent, tu savais ?
-
- Oui. Mais il ne vont pas rentrer là,
Papa avait fait un trou trop petit.
-
- Mais ce n'est pas des vautours qui
rentrent, Aiur.
-
C'est des oiseaux tous petits, comme des
troglodytes, et comme ça.
-
- Des troglodytes ?
-
- Tu ne sais pas lesquels c'est ?
-
- Oui, c'est ce que boit Papi.
-
- Et... quand tu vois Papa
-
après avoir traversé 9 portes,
-
qu'est-ce que tu fais quand tu le vois ?
-
- Je me jette sur lui.
-
- Quand est-ce que tu as la prochaine
visite ?
-
- Fin janvier.
-
- Il est au sud de la France, à Arles,
-
dans une prison de conformité.
-
- Prendre beaucoup de nourriture, faire
les valises, et partir.
-
- On doit préparer...
-
les choses qu'on lui donnera après.
-
On doit toujours préparer cette poche.
-
- Mais, avec illusion.
-
- Quelles sont les doutes que tu as ?
-
- Bah... Les doutes ? Je ne sais pas.
-
- Au sujet de la situation de tes parents,
hein ?
-
- Ah ! Oui, bah...
-
J'ai des doutes sur leur bien-être,
-
ce qu'ils font...
-
Est-ce qu'ils vivent bien...
-
- Tu poses ces questions à tes grands
parents ?
-
- Parfois oui.
-
- Et qu'est-ce qu'ils te disent ?
-
- La vérité... Toujours.
-
- Quels sont tes doutes, Hize ?
-
- Pourquoi mon père est en prison,
exactement.
-
- Oui, elle demande de plus en plus de
précisions.
-
Au début nous lui donnions des réponses
générales, et après, en grandissant,
-
elle a besoin de réponses de plus en plus
détaillées,
-
et nous les lui donnons. Je crois qu'il
faut dire la vérité aux enfants.
-
Que veut dire exactement dire la vérité
pour la mère d'Hize ?
-
Est-ce que ces enfants savent
-
ce qu'on fait leurs parents avant d'être
en prison ?
-
Et, s'ils le savent, qu'est-ce qu'ils
pensent des actes de leurs parents ?
-
Le but de cette émission n'est pas de
leur poser des questions
-
sur les actes de leurs parents. Le but
ici est d'analyser la chose suivante :
-
quelle est l'influence de cette politique
pénitentiaire d'exception que subissent
-
leurs parents sur ces enfants.
-
Une des conséquences de cette politique
pénitentiaire d'exception
-
et l'éloignement des prisonniers :
-
54 prisonniers,
entre 100 et 390 km.
-
103 prisonniers,
entre 400 et 690 km.
-
211 prisonniers,
entre 700 et 1 100 km.
-
Ces enfants, qui sont nos protagonistes
aujourd'hui, doivent faire le double de
-
ces kilomètres, pour rester avec leurs
parents un instant, puis pour rentrer.
-
C'est de cette politique pénitentiaire
d'exception que nous parlons aujourd'hui.
-
La connaissance de ces jeunes enfants sur
les actes de leurs parents
-
et leurs opinions sur ce qu'on fait leurs
parents avant d'entrer en prison...
-
Ces idées qui font partie de leur
intimité...
-
pourraient être le sujet d'une toute autre
émission.
-
- Maman nous a dit qu'à 14 ans déjà, tu
avais commencé à faire des recherches sur
-
internet. Qu'est ce que tu avais cherché ?
Quelles sont tes inquiétudes maintenant ?
-
- Bon, j'avais cherché à 11-12 ans, même
si en soi je n'en avait pas besoin, mais,
-
par curiosité j'avais cherché et...
J'avais commencé à chercher
-
sans savoir ce que j'allais trouver.
- Qu'est-ce que tu avais cherché ?
-
Tu tapais le nom de ton père sur Google ?
- Oui.
-
- Et, une sentence ou... Un article ?
-
- Oui, mais, au final, ils mettaient une
chose dans un journal
-
et autre chose dans un autre, et au final,
ils parlaient de mon père, non ?
-
Donc je ne savais pas trop...
Quoi croire et quoi non...
-
- Quelle avait été ta réaction ?
-
- Je n'avais rien dit, rien du tout, mais
après, j'en avais parlé à Maman, et...
-
Il y a des versions, ou des choses
différentes partout.
-
- Et ta mère t'a tout expliqué ?
- Oui.
-
- Parmi les questions que tu poses à ta
mère, il y en a une qui revient souvent ?
-
- Oui, "quand est-ce qu'il va rentrer ?"
-
- Et ? Quelle est la réponse ?
- Bientôt. C'est ce qu'elle dit.
-
- Qu'est-ce qu'on t'a dit sur les années
que doit passer ton père en prison ?
-
- Bah, 40 ans.
-
- Ouf, c'est beaucoup !
- Oui.
-
- Et ?
- Ben... Je ne sais pas.
-
Pourquoi tant d'années ?
-
- Tes camarades de classes ou tes amis
te demandent beaucoup de choses sur lui ?
-
- Quand on était petit oui, ils posaient
beaucoup de questions :
-
"Et pourquoi ton père est en prison ?"
Et c'était compliqué pour moi d'expliquer,
-
parce que moi-même je ne le savais pas
exactement, et eux non plus...
-
Maintenant on nous a tout raconté à la
maison.
-
Ma mère me disait toujours de leur dire
qu'ils n'avaient qu'à demander chez eux.
-
Car, finalement, dans chaque maison ils
allaient l'expliquer à leur manière.
-
Ma mère me disait qu'elle n'est personne
pour l'expliquer à d'autres enfants,
-
pour rentrer dans ces sujets-là,
qu'il valait mieux l'expliquer à la maison
-
et après je disais à mes amis :
-
"Moi je ne sais pas, ma mère dit que vous
n'avez qu'à demander à vos parents".
-
C'est ce que je répondais le plus souvent,
et au final...
-
Au final, à partir d'un moment les amis ne
demandaient plus rien
-
donc je suppose qu'on leur avait expliqué
à la maison...
-
- Je l'ai pris aussi... Pour passer un peu
le temps, j'ai pris la tablette,
-
un casque avec la musique...
- Il est neuf ?
-
- C'est Papi qui me l'a offert.
- Ah oui ? Trop bien !
-
- Et après les devoirs et le livre.
- Très bien.
-
- Oui, et je vais faire les devoirs au
retour, dans le bus, après avoir vu Maman.
-
- Ah oui, hein ?
- Oui, oui.
-
- Bien sûr, tu dois les faire pour lundi,
non ?
-
- Oui, et je ne peux pas les faire lundi
matin...
-
- Non, non, non, bien sûr...
-
- Quelle est l'ambiance de ces voyages ?
- Une bonne ambiance, joyeuse,
-
et je ris souvent.
- Oui ? Avec quoi tu ris ?
-
- Avec le chauffeur.
- Ah oui ?
-
- Il est très... Il essaye de m'amuser
et ils m'amusent.
-
- Tu es un des plus jeunes ?
- Oui.
-
(Les deux chantent)
-
- Maintenant nous sommes en train de
préparer le lit.
-
Garikoitz va dormir ici, Maitetxu ici, et
moi là.
-
Et Larraitz. Et...
-
Ils préparent le lit avant de diner.
-
Maintenant on va manger, et...
Après on va arriver et... jusqu'à demain.
-
- Purée !
-
- Alors, Jare, le voyage se passe bien ?
-
- Pressée de voir Papa, pas vrai ?
- Ah oui ?
-
- A Larrabetzu déjà, elle disait qu'elle
voulait voir Papa dès aujourd'hui.
-
- Oui ?
- Demain, demain matin, c'est bientôt.
-
- Tu vas voir Papa demain matin ?
(Elle fait non de la tête)
-
- Quand ?
- L'après-midi !
-
- Aaah !
-
- Oui, elle vient avec moi, non ?
-
- Demain non, parce qu'on a la visite
familiale. Et vous celle de coexistence.
-
- Et après "la coexistence", et "le
verre", le matin et l'après-midi.
-
- Mais "le verre" ce n'est pas...
-
Aussi bien que la visite familiale.
- Non, bien sûr que non.
-
Tu ne peux pas toucher Maman et Papa.
C'est pour ça, non ?
-
- Quoi qu'est-ce que tu préfères, Jare ?
-
- Aaah ! Pour toucher, Papa !
Ouuui, et pour faire des bisous à Papa !
-
- Oui ?
-
- On va ouvrir ?
-
Mais Jare, parle comme un enfant de 4
ans ! Pas comme un bébé.
-
- Tu as quel âge ? 4 ans ?
(Elle montre 4 doigts)
-
- Qu'est-ce que tu es grande !
- Mais elle est un peu excitée là...
-
On dirait...
- Peut-être qu'elle est fatiguée, non ?
-
- Jare parfois tu te fâches, non ? Quand
il faut dire adieu à Papa.
-
- Hein ?
(Elle fait oui de la tête)
-
- Elle fait plein de bêtises.
-
Bon, Gari, au revoir, à demain, hein ?
Bonne nuit.
-
Certains proches s'arrêtent à la prison
d'El Puerto de Santa Maria.
-
Il reste encore 110 km pour arriver à la
prison d'Algeciras, les derniers.
-
- Bon, on est bientôt arrivés, hein !
- J'espère, parce que...
-
On est partis hier à 17h et on est encore
ici.
-
- Oui, oui...
- Il reste encore une heure ou deux.
-
- Oui. Ça fait 14 heures qu'on y est,
non ?
-
- Devoir faire 1600 km, avec deux jeunes
enfants, en voiture...
-
et avec tous ces risques d'accidents, et
ouf ! On se dit qu'il vaut mieux prendre
-
l'avion, même si c'est cher...
-
C'est évidemment les accidents qui sont le
plus grand risque de la dispersion.
-
Ces dernières années, elle a causé des
dizaines de morts et de blessés.
-
Les proches prennent souvent en compte
la possibilité de prendre l'avion,
-
mais c'est beaucoup plus cher.
-
- En plus, maintenant, les avions aussi
ont changé leurs horaires et...
-
Souvent, ce n'est pas compatible avec les
visites, non ?
-
- Oui, en plus, l'avion partait souvent
trop tard ça n'allait pas avec les visites
-
- C'est ça. Et qu'est-ce qui arrive si tu
arrives trop tard à la visite ?
-
- On ne peux plus rentrer.
-
- Par contre, tu arrives souvent à l'heure
et on rentre à la visite en retard, non ?
-
- Bai !
- Car ils ouvrent les portes en retard.
-
- Mais... C'est comme ça la prison, hein ?
- Oui.
-
- C'est ce qu'on vous dit souvent : "c'est
comme ça la prison !".
-
- Tu sais qu'une fois j'avais compté les
portes qu'on doit passer depuis l'entrée
-
de la prison jusqu'à ce qu'on puisse voir
Papa?
-
On traverse une porte et on s'arrête,
hein ? On doit attendre.
-
- Oui !
-
- Ils nous ouvrent une autre porte, on
passe, et il faut attendre de nouveau...
-
Et comme ça neuf fois !
-
- Il faut qu'on passe neuf portes et qu'on
attende beaucoup.
-
- Quand on arrive à la prison, qu'est-ce
qu'il se passe ?
-
- Nous on doit y être une demi-heure avant
: les papiers et les empreintes digitales.
-
Après, quand on rentre, ils nous passent
le détecteur.
-
Après lorsqu'on rentre, on doit attendre
dans une autre pièce, puis on y est.
-
- Entre temps, il y a des fonctionnaires,
non ? Les fonctionnaires de la prison.
-
Quel est la relation que vous avez avec
eux ?
-
- Il y a beaucoup de fonctionnaires,
chacun est une personne,
-
et normalement ils sont respectueux, même
si on a quelques problèmes avec certains.
-
Mais en général ils sont respectueux.
-
- Cet été, quand je regardais ce que tu
avais fait à l'école, j'avais trouvé
-
de très jolis dessins et de très belles
rédactions. Et souvent tu racontais que
-
"nous sommes allés voir Papa ce week-end",
"nous nous sommes beaucoup amusés"...
-
Et il y avait un dessin... qui m'avait
paru très spécial. Tu t'en rappelles ?
-
- Oui, un fonctionnaire fâché.
-
- Quelle est votre relation avec eux ?
-
- Je ne sais pas... Je n'ai pas beaucoup
de lien avec eux donc...
-
Ils nous disent "rentrez" ou... "attendez"
ou... ou "qu'est-ce que tu as là ?".
-
- Et comment tu avais montré qu'il était
fâché dans le dessin ?
-
Comme ça, avec de grandes dents serrées ?
- Oui.
-
- Et pourquoi il était fâché ?
- Parce qu'ils sont toujours fâchés.
-
- Les fonctionnaires sont toujours
fâchés ? Tu crois ?
-
- Oui.
- Oui ? Et pourquoi tu penses cela ?
-
- Je ne sais pas.
- Quoi, ils sont très sérieux ?
-
- Oui.
- Oui ?
-
- Tu te sens bien traitée en prison ?
-
- Ça dépend avec qui. Parfois oui, parfois
le traitement est trop dur.
-
- Tu prépares chaque visite, chaque heure
que tu passes avec ton père ?
-
- Au final, chaque visite est un monde,
c'est toujours différent...
-
- Ce qui est bizarre avec les visites,
c'est que même si elles sont très
-
spéciales et très intenses,
il est très difficile de se rappeler d'une
-
visite en particulier plus que les autres.
-
- Comment est la prison depuis
l'intérieur ?
-
- Les barreaux, les murs, le bruit des
portes,
-
et comme Papa a toujours été en isolement,
on doit aller à la zone d'isolement.
-
Et c'est très petit, sombre, il n'y a pas
de lumière naturelle.
-
- Bah sale et vieux.
-
- Froid et sombre.
-
- Tu as déjà vu la cellule de ton père ?
- Non.
-
- Il t'a déjà raconté comment elle est ?
- Non.
-
- Tu ne le lui as pas demandé ?
- Non plus.
-
- Pourquoi ?
-
- On passe le temps qu'on a à parler
d'autres choses.
-
- Comment sont ces retrouvailles ?
- Moi depuis tout petite...
-
toujours, dès qu'ils nous ouvrent la porte
je cours vers lui
-
et il me prend dans les bras, toujours.
-
- Aiur et moi on se jette sur Papa
-
et on joue à plein de choses.
-
- On nous demande toujours comment va
Papa. Et pour y avoir répondu
-
si souvent... C'est peut-être une des
questions les plus difficiles à répondre.
-
- Pour toi, qu'est-ce qui est important
pendant cette heure et demie pour pouvoir
-
dire "on en a bien profité ?". Qu'est-ce
que tu dois lui transmettre pour penser
-
"ça a été une heure et demi bien
mise à profit" ?
-
- Transmettre de l'amour l'un à l'autre,
-
passer de bons moments... Ou, des mauvais
aussi, quand il le faut.
-
- Est-ce que tu as déjà senti le besoin
de mettre une distance avec ton père
-
et avec ces voyages ?
-
- Non, je n'ai jamais senti cela.
-
Tout le monde a toujours voulu garder la
relation la plus étroite possible
-
avec celui qui est à l'intérieur.
-
- Après, il y a un fonctionnaire qui
arrive et qui dit : "C'est fini".
-
- Oui, ou "finissez vite", ou "commencez
à sortir", et à ce moment là
-
il y a comme une espèce de rage...
-
- Un fonctionnaire, depuis un micro.
-
- Comme quand j'étais petite, je
dis que je veux rester avec lui.
-
- Faire un câlin à Papa, et commencer à
tout ramasser.
-
Et... Cet adieu n'est jamais facile. Même
si on veut sortir de la prison,
-
on ne veut pas que cette visite se
termine.
-
- Parce que je dois attendre un autre
mois pour revoir Papa.
-
- Les années passant, et en voyant que ce
rapprochement n'arrive pas,
-
tu ne déprimes pas ?
-
- Non. Il faut toujours avoir une pointe
d'espoir.
-
On ne se fait pas de faux espoir non plus,
mais il y a toujours ce rêve :
-
voyons s'ils les rapprochent un peu,
ou... Au moins quelque chose, non ?
-
Voyons si tout change d'un coup,
radicalement... Je ne sais pas.
-
On a toujours cet... espoir.
Je crois qu'on ne peut pas perdre espoir.
-
Si on perd espoir... Il ne reste plus
rien.
-
- Est-ce qu'il y a une visite, faite à
ton père
-
que tu n’oublieras jamais ?
-
- Nous étions allés pour son anniversaire,
l'année dernière.
-
C'était en semaine, j'avais raté les
cours,
-
je voulais y aller ce jour-là.
-
Il me fait des Bertsu pour mon
anniversaire, alors moi aussi
-
je lui en avais fait un. C'était bien.
- Tu te rappelles de ce Bertsu ?
-
- Oui.
- Tu peux la chanter ?
-
- Des années sont passées,
beaucoup de temps,
-
tout l'amour qu'il y a entre nous,
nous a guidé tous les jours.
-
L'éloignement donne,
de la force aux relations,
-
ils ne nous verront pas tristes,
nous chanterons toujours heureux,
-
parce qu'il nous est égal que ce soit
quarante ans, ou cent deux.
-
parce qu'il nous est égal que ce soit
quarante ans, ou cent deux.
-
- Je veux passer le permis, car je ne vais
pas y aller toujours en bus,
-
et alors je veux y aller par mes propres
moyens, car je pense que ça serait beau.
-
Et quand j'arriverai je dirai à Papa et
Maman :
-
"Pour la première fois j'ai fais le voyage
par moi-même". C'est pour ça.
-
- Tu veux passer le permis, alors ?
- Oui.