Entendre des voix : un guide d'initiation sur les hallucinations auditives | Debra Lampshire | TEDxTauranga

L'histoire de Debra, qui vit avec des voix, est un voyage dans l'âme. En décrivant ses expériences, nous commençons à comprendre et à mieux soutenir ces êtres humains qui vivent avec des esprits bruyants.

Debra est la responsable du projet « Psychological Interventions for Enduring Mental Illness Project » [Projet d'intervention psychologique pour les maladies mentales persistantes ] au Conseil de santé du district d'Auckland (ADHB). Dans cette position unique et novatrice, Debra travaille dans le cadre clinique en dirigeant le développement de stratégies psychologiques pour les symptômes positifs de la psychose. Elle est la première non clinicienne à le faire.

Elle est également tutrice principale au Centre de recherche et d'élaboration des politiques en matière de santé mentale de l'université d'Auckland.

Cette présentation a été faite lors d'un TEDx, organisé indépendamment des conférences TED. En savoir plus : https://www.ted.com/tedx

Ta-da !

(Rires)

Merci, vous avez été si patients
d'attendre si longtemps.

J'apprécie que vous restiez ;
je m'attendais à un exode de masse.

J'espère que j'en vaux la peine.

Bien, allons-y.

Désolé, les lunettes ;
elles sont assez cool, non ?

Ouais, ouais.

Ok.

Bien.

Quand j'avais environ 12 ans,

j'ai été présentée
à un groupe de personnes,

qui étaient captivantes et charmantes.

Elles étaient amusantes et drôles,

et j'étais captivée

par leurs conversations engageantes
et leurs idées fascinantes.

Mais tout aussi facilement,
malheureusement,

elles se sont retournées contre moi

et leurs paroles sont devenues
brutales, humiliantes et très critiques.

Elles ont anéanti mon esprit
avec leur sauvagerie.

Heureusement, ou malheureusement,

elles ont dit qu'elles
resteraient avec moi,

elles ont dit qu'elles
ne m'abandonneraient jamais.

Et elles ont commencé
à me protéger et me guider

mais aussi à me punir

si je ne faisais pas ce qu'elles
pensaient que je devais faire.

Nous passions des heures
à discuter en profondeur,

où j'ai appris que le monde
est un endroit dangereux.

Elles m'ont dit que j'étais détestée,

qu'il y avait des gens qui voulaient
se débarrasser de moi ;

elles m'ont dit que j'étais inutile,
que j'étais nulle,

que j'étais grosse,

que j'étais moche et que j'étais stupide,

des choses que j'avais essayé
si désespérément

de cacher à moi-même et aux autres,

mais elles avaient découvert la vérité.

Je suis devenue terrifiée
à l'idée de sortir

et je me méfiais de tout le monde.

Elles m'ont dit que j'étais
un messager de Dieu,

et elles m'ont promis la rédemption
si je me montrais digne.

Elles m'ont conduit
sur des chemins très sombres

avec des promesses d'illuminations,

mais tout ce que j'ai vécu
c'était une déception amère.

Je suis devenue dépendante d'elles.

Mes compagnons étaient autoritaires,

mais elles étaient vives, vitales
et impossible à ignorer.

Elles en savaient tellement sur tout
et j'étais totalement absorbée par elles.

Avec le temps, il est devenu impossible
de me libérer de leurs griffes,

et j'ai exclu tout le monde de ma vie,

y compris les personnes
les plus importantes

et celles qui avaient osées m'aimer.

J'étais dans une relation
esclavage-maître.

C'est impossible de s'épanouir dans la vie
quand vous êtes caché de la lumière.

Je m'efforçais constamment d'obtenir
leurs approbations, leurs louages,

et une invitation dans leur jardin secret,

mais cette porte
est restée fermée pour moi.

Toute cette déception n'a fait
que renforcer mon dégoût de moi-même,

qui dominait chacune de mes pensées,

et je me suis éloignée de tout
ce qui est merveilleux dans ce monde.

Pourtant sans elles, je me sentais
si désespérée, si seule

parce qu'elles remplissaient
un énorme vide dans ma vie.

Vous voyez, j'entends des voix.

J'entends une variété
de voix différentes -

homme, femme, jeune, vieux.

Certaine d'entre elles ont même
ces accents farfelus,

et elles sont complétement
obsédées par moi.

Elles observent et commentent
chacune de mes actions, de mes pensées.

Il n'y a pas d'intimité,
il n'y a pas de lieu de sainteté,

elles peuvent accéder
à mes pensées à volonté,

et je ne suis jamais à l'abri

de leurs commentaires
et critiques incessantes.

Cette collection de narrateurs internes

s'immisce dans tous les aspects de ma vie.

« Alors, ça ressemble à quoi,
ce truc d'entendre des voix ? »

Je suis sûre que vous
vous êtes posé la question.

J'entends des voix de façon assez banale.

Ce qui se passe,
c'est que j'entends des gens

quand ils ne sont pas dans la pièce,

et c'est aussi clair et concis

comme si quelqu'un était
directement en face de moi.

J'ai tendance à entendre
mes voix derrière moi,

donc je vais regarder autour de moi -

parfois il y a quelqu'un,
parfois il y a personne,

mais l'expérience est exactement la même.

Comme la plupart de ceux
qui entendent des voix,

je vis dans un monde dominé par les mots ;

je suis une proie facile
du pouvoir des mots.

Les mots peuvent diffamer,
ils peuvent profaner,

mais ils peuvent aussi
ramener un cœur à la vie.

J'en suis venue à considérer les voix
comme une forme extrême d'anxiété,

une stratégie de défense pour faire face
à mes niveaux élevés d'anxiété

et ma propension à m'inquiéter de tout.

Essayez d'imaginer cela de cette façon.

Quand les sentiments
deviennent trop intenses,

l'esprit décide : « Tu peux pas gérer.
Tu peux pas gérer »,

donc vous cultivez une technique pour
vous assurer que vous survivrez à l'assaut

et que vous ne serez pas submergé
par vos émotions.

Il ne fait aucun doute

que l'objectif premier
des voix est d'isoler,

créer un environnement idéal pour
qu'elles aient un accès exclusif à vous.

Cela vous prive
de tout autre point de vue,

et vous êtes complétement
dicté par leurs opinions.

Alors cet isolement,
devient une protection,

et devient une protection

contre l'angoisse de vivre
avec une âme si fragile.

Le terme clinique spécifique
est « hallucinations auditives. »

Donc, « auditive » c'est l'audition,
je suis sûre que vous le savez.

Et oui, je les entends. Et oui, ça va.

Les hallucinations
en termes d'imagination -

et bien, non.

Le fait est que j'entends des voix
que d'autres personnes n'entendent pas.

C'est ma réalité.

Mais j'admets que c'est ma réalité,

et j'admets que tout le monde
n'est pas sensible à ces échanges.

Cela ne veut pas dire
qu'elles n'existent pas.

Il y a beaucoup de choses
que nous vivons en tant qu'individus

que nous ne partageons pas.

Elles nous sont uniques ; cela ne veut pas
dire qu'elles ne sont pas passées.

Notre santé mentale fonctionne
sur un continuum,

une échelle coulissante oscillant entre
un stress faible et un stress extrême,

en fonction des évènements de la vie.

Vivre est une affaire
stressante, n'est-ce pas ?

Et personne n'est à l'abri des difficultés
et des épreuves de la vie quotidienne.

En tant qu'êtres humains, nous sommes
brillants, tout simplement brillants,

pour faire face à des situations
complexes et difficiles.

Outre les facteurs de stress externes,
nous avons des vulnérabilités internes

qui nous rendent sensibles
à certains facteurs de stress,

des sensibilités qui se sont accumulées
au cours de notre vie :

la peur de l'échec, la peur du rejet,

la peur du conflit,
la peur d'être hors de contrôle -

vous partagez ces craintes,
je n'en doute pas.

Et chaque vulnérabilité s'accompagne
d'une charge mentale que nous portons,

comme un sac sur notre dos.

La plupart du temps, c'est léger

et nous pouvons facilement
porter ce fardeau,

mais quand des circonstances s'ajoutent
à cette charge, comme par exemple :

se disputer avec quelqu'un
qui nous est cher ;

lâcher votre nouveau téléphone,
et c'est toujours votre nouveau téléphone,

dans les toilettes -

(Rires)

Je sais, vous vous dîtes :
« Ne le mets pas dans ta poche, »

et puis ça fait : « Plouf » ;

votre tante préférée meurt -
ce n'est jamais cette sorcière ;

(Rires)

votre chat se bat et vous
vous précipitez chez le vétérinaire.

À chaque fois, la charge s'accumule

et dans votre sac de stress,
ça devient de plus en plus lourd,

et l'effet se multiplie
de façon exponentielle.

Votre niveau de stress a évolué
dans le continuum ;

il est parti de moyen,
à très élevé, à insupportable.

Il y a une limite à la quantité de stress
qu'une personne peut tolérer,

et lorsque vous y ajoutez
nos vulnérabilités silencieuses,

l'effet se multipliera,
et il y aura une réponse -

il doit y en avoir une.

Quand nous sommes stressés,

entendre des voix est une technique

que nous utilisons
pour détourner notre attention

et nous protéger des questions
profondément blessantes

qui nous submergent parfois
et nous rendent incroyablement craintifs.

Les voix deviennent un guide pour
nous aider à naviguer dans un monde

qui nous jettent tellement
d'adversité et d'animosité.

La peur est une réponse instinctive
à une menace perçue,

et nous protège contre le danger.

Quand votre peur est activée,
votre niveau d'anxiété augmentera,

et votre cerveau sera bombardé
avec des instructions

pour faire face à cette menace imminente.

Pour ceux qui entendent des voix,

cette réponse est déclenchée
constamment et systématiquement.

En vous sentant en danger,
vous cherchez constamment le danger,

et quand vous le cherchez,
vous le trouverez,

et cela dupliquera votre anxiété.

En fin de compte,
l'extrême timidité devient

la position par défaut de l'esprit.

Cela vous rendra très vigilant
à toute menace, réelle ou non.

Lorsque cela se transforme en
une peur extrême et implacable,

la panique s'installe,

et c'est incroyablement paralysant.

Quand je panique, je cherche un refuge.

J'essaie frénétiquement de me ressaisir,
parfois même m'éteindre complétement.

Essayer de maintenir la façade
d'être calme et en contrôle

quand vous êtes en panique à l'intérieur

demande énormément d'énergie.

Quand mon monde interne et externe
se heurtent si dramatiquement,

c'est là où vous êtes susceptible
de me voir parler ouvertement à mes voix,

et quand nos appels à l'aide
et à l'acceptation sont rejetés,

cela rend cette tâche
beaucoup plus difficile.

Ce n'est pas une personne folle
que vous voyez

mais plutôt une personne

aux prises avec une douleur
psychologique et émotionnelle intolérable.

Quand vous êtes submergé,
vaincu par la peur et désespéré,

il est parfaitement raisonnable

de vous cacher et de lécher vos plaies,

de rester caché.

C'est une réponse humaine très typique.

Ce n'est pas de la folie
que vous observez,

c'est une personne essayant de survivre.

Le concept de folie est
un concept curieux pour moi,

sans doute construit par la société

pour dicter les normes
sociales et culturelles.

Jusqu'en 1974, l'homosexualité
et l'épilepsie étaient toutes deux

considérées comme des maladies mentales,

les temps ont donc changé.

La masturbation, fumer à l'église,
étaient des symptômes de maladie mentale.

Je soupçonne que certains d'entre vous

pourraient même remplir les conditions
ou répondre aux critères.

(Rires)

Vous serez peut-être surpris d'apprendre

qu'une personne sur 25
déclare entendre des voix

L'histoire, notre histoire, est jonchée
de personnes entendant des voix.

Il y a Martin Luther King Jr., Gandhi,
Jeanne d'Arc, Winston Churchill.

Leurs mémoires ne sont pas entachées

par le fait d'être identifiés comme
des personnes qui entendent des voix ;

au lieu de ça, ils sont vus
comme des héros,

de grands orateurs, de grands penseurs,

pourtant chacun d'eux serait considéré
comme malade mental

selon les standards actuels.

Quant à moi, je suis folle uniquement

parce que quelqu'un d'autre
dit que je le suis.

Si je dis que le voisin m'a dit :

« Ne bois pas l'eau du robinet.
Elle est contaminée, »

je suis socialement connectée,
et je peux entretenir des relations.

Si je dis qu'une voix m'a dit

de ne pas boire l'eau du robinet
car elle est contaminée,

alors clairement je suis folle.

Et si je dis : « J'entends
les voix des morts »,

j'aurai probablement
ma propre émission télé.

(Rires)

Je vous le demande, s'il vous plait.

S'il vous plait, ne vous laissez pas
tromper par ces images négatives

véhiculées sur les personnes
qui entendent des voix.

Elles proviennent d'un lieu
d'arrogance et d'ignorance.

Ce n'est pas une maladie
qui dure toute la vie

dans laquelle les gens sont condamnés
à un déclin progressif

dans leur bien-être mental.

Je peux vous assurer
qu'il y a des milliers de gens

qui continuent à vivre et à s'épanouir.

J'ai trouvé la clé.

Ce n'est pas facile,
mais c'est tout à fait faisable.

Grâce à la persévérance, au soutien,
et à la volonté d'être active,

j'ai découvert un moyen
de me libérer de mes voix.

Je vis maintenant la vie
que j'ai tant désirée.

Et je consacre mon temps

à travailler avec des gens qui entendent
des voix bouleversantes.

J'ai développé une approche
basée sur mon propre vécu

pour aider les autres à se libérer
de la tyrannie des voix.

J'appelle ça « l'approche moderne »,

et je travaille dans un cadre clinique
ici en Nouvelle-Zélande.

Nous offrons un environnement
d'apprentissage sûr et compatissant

pour aider les gens dont la vie
a été violée par des voix négatives,

qui ont perdu leur famille, leur amis,

et leur richesse matérielle
et spirituelle.

Mes collègues qui entendent des voix
partagent leurs expériences

et sont si généreux

avec leur expertise et leur sagesse
et dans la manière de les traiter.

Nous avons amassé un trésor d'informations

et d'actions de leur désir désintéressé

de s'aider eux-même et d'aider ceux qui
sont affectés négativement par les voix.

Je veux applaudir ceux
qui entendent des voix,

qui chaque jour font preuve
d'un véritable courage

lorsqu'ils sont confrontés
à leurs nombreux défis.

Je tiens à remercier ceux qui naviguent
avec nous sur ces eaux inconnues,

ces personnes fabuleuses qui croient
que nous en valons la peine.

C'est cette précieuse qualité

qui nous aidera tous à ouvrir
la voie vers un monde meilleur.

Je veux vous remercier de m'avoir
accordé ce précieux moment

pour que je puisse vous parler,
pour que je puisse être entendue,

vous êtes venus

avec des cœurs compatissants
et des esprits curieux ;

vous me soutenez simplement en m'écoutant.

Je suis une personne craintive.

J'ai un esprit vif.

J'ai un besoin désespéré d'être aimée.

Je n'ai pas confiance en moi.

Je m'inquiète beaucoup trop.

Je ris trop fort. Je parle trop.

Mais je suis gentille et je suis généreuse
et je suis assez chaleureuse.

Je suis la propriétaire
d'un esprit mutiné,

mais je ne suis pas folle.

Merci.

(Applaudissements) (Acclamations)