Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle
-
0:11 - 0:18(Applaudissements)
-
0:20 - 0:23Être vieux, ce n'est pas si grave.
-
0:25 - 0:26La vie pour la plupart des gens,
-
0:26 - 0:29c'est comme les asperges.
-
0:30 - 0:36Au début, l'enfance c'est
tendre, joyeux, insouciant. -
0:37 - 0:39L'adolescence, c'est toujours bon,
-
0:40 - 0:45les premiers amours,
les espoirs, les découvertes. -
0:46 - 0:48Et puis ça se durcit.
-
0:48 - 0:51La vie professionnelle,
les responsabilités, -
0:51 - 0:53mais c'est toujours dégustable.
-
0:56 - 1:02Puis il arrive un moment où ça
devient si dur, amer, plein de fibres -
1:03 - 1:07que l'on est heureux d'arriver au bout.
-
1:09 - 1:13Moi, j'ai dû avaler
ma vie d'asperge à l'envers. -
1:14 - 1:18Le début était coriace, combatif,
-
1:18 - 1:22l'école, les parents sévères
et puis la guerre. -
1:23 - 1:27Les masques à gaz, les sirènes d'alerte,
-
1:28 - 1:32et puis l'occupation nazie,
l'étoile jaune. -
1:33 - 1:38Ma famille se cachera en Dordogne
sous une fausse identité. -
1:39 - 1:45Déjà meilleur, l'apprentissage très tôt,
dès 14 ans, de mon métier d'imprimeur. -
1:46 - 1:49Puis le maquis, la résistance.
-
1:50 - 1:55De plus en plus tendre, la libération,
l'amour, les enfants. -
1:56 - 2:01La vie de mon entreprise,
la création, les voyages. -
2:02 - 2:08Aujourd'hui je suis dans
cette partie croquante et délicieuse -
2:08 - 2:11libre, heureux, j'écris des livres
-
2:18 - 2:24et je ne redoute qu'une chose,
c'est d'arriver à la fin de mon asperge. -
2:26 - 2:28Comme disait Woody Allen :
-
2:28 - 2:33« Je n'ai pas peur de la mort,
mais quand elle se présentera, -
2:33 - 2:36j'aimerais autant ne pas être là. »
-
2:38 - 2:42Le début de mon asperge si amer,
si dur, c'était l'occupation. -
2:43 - 2:46À 15 ans, je rentre
dans le maquis de Corrèze, -
2:46 - 2:49et je m'intitule « agent de liaison ».
-
2:50 - 2:53En réalité je porte les plis
d'un maquis à l'autre, -
2:54 - 2:56à vélo, avec un cartable sur le dos,
-
2:56 - 2:59pour avoir l'air d'un gamin
qui va à l'école. -
3:00 - 3:05Un jour de 1943, sur un pont, des soldats
allemands aidés par des miliciens -
3:05 - 3:07contrôlent les papiers.
-
3:08 - 3:11Les miliciens, c'était
ces collabos extrémistes -
3:11 - 3:16chargés d'arrêter les résistants,
les Juifs, les Gitans et les maquisards, -
3:17 - 3:19et de les remettre à la Gestapo.
-
3:22 - 3:26Un milicien m'arrête,
me fait descendre de mon vélo, -
3:26 - 3:27et me demande mes papiers.
-
3:29 - 3:30Ils étaient faux,
-
3:30 - 3:34et le message que je portais
était particulièrement compromettant. -
3:35 - 3:38J'étais sur le point
de lui montrer mes papiers, -
3:38 - 3:42quand un soldat allemand,
à l'autre bout du pont, -
3:43 - 3:46l'appelle et lui demande
de venir immédiatement. -
3:46 - 3:50Miracle ! Le milicien
me fait signe de partir. -
3:52 - 3:54Depuis cet instant,
-
3:54 - 3:58je me suis dis que rien de vraiment
grave ne pouvait m'arriver. -
4:03 - 4:05Je ne suis pas encore blasé.
-
4:05 - 4:08J'ai 89 ans et demi.
-
4:08 - 4:09(Rires)
-
4:09 - 4:13À partir de 80, on fête
les demi-anniversaires, -
4:13 - 4:14comme les enfants.
-
4:14 - 4:15(Rires)
-
4:15 - 4:17On ne sait jamais !
-
4:17 - 4:20(Rires)
-
4:20 - 4:23Parfois au cours de ma vie,
je me suis demandé : -
4:23 - 4:25« C'est quoi d'être vieux ?
-
4:25 - 4:27A quoi pense-t-on ?
-
4:28 - 4:29On fait quoi ?
-
4:29 - 4:32On aime quoi ?
-
4:32 - 4:35On attend la mort avec un mélange
de patience et de peur ? -
4:38 - 4:42Ou bien on en repousse l'idée,
en essayant de vivre encore intensément -
4:42 - 4:45en regardant autour de soi,
en participant, -
4:45 - 4:48en tentant de comprendre ce qui
se passe dans le monde ? » -
4:49 - 4:51J'ai donc choisi la deuxième solution.
-
4:52 - 4:54Et je m'en sors en écrivant des livres.
-
4:57 - 5:00La route vers le bonheur n'existe pas.
-
5:00 - 5:05D'ailleurs, même si elle existait,
elle serait tellement encombrée, -
5:05 - 5:07qu'elle ne serait pas praticable.
-
5:09 - 5:13En revanche, c'est en empruntant
des petits sentiers secrets -
5:13 - 5:16que l'on découvre,
en regardant autour de soi, -
5:16 - 5:18des petits bonheurs délicieux.
-
5:21 - 5:23Il m'arrive rarement de penser à la mort.
-
5:24 - 5:27C'est un mot, de toute façon,
que je n'aime pas, -
5:27 - 5:28c'est un mot sinistre.
-
5:29 - 5:32« Fin de vie » me semble plus adapté
à ce que je ressens. -
5:33 - 5:37Il faut bien que ça finisse
un jour, cette belle aventure. -
5:38 - 5:42Par contre, la disparition de mes amis
est difficile à accepter. -
5:44 - 5:48Je me sens parfois comme dans une forêt
qui aurait subi un ouragan, -
5:49 - 5:52et où je serais
le seul arbre encore debout. -
5:57 - 6:03Ce que je redoute, c'est le fauteuil relax
dans lequel on s'assoupit -
6:03 - 6:07dans un demi-sommeil
doucereux et cotonneux. -
6:07 - 6:09Mais pour l'instant, j'en suis pas là.
-
6:10 - 6:11Souvent on me demande :
-
6:11 - 6:15« Mais comment tu fais pour avoir
encore la frite après tant d'années ? » -
6:18 - 6:23Je ne suis pas un gourou, capable de
donner des leçons de vie joyeuse. -
6:23 - 6:25Mais ce que je peux,
-
6:25 - 6:30c'est vous faire partager un peu de
mon énorme caisse de souvenirs, -
6:31 - 6:38mélange d’allégresse, de mélancolie,
et d'une certaine forme de béatitude. -
6:40 - 6:43Il y a des années de ça,
des années et des années, -
6:43 - 6:45une amie me disait :
-
6:45 - 6:50« Ce qui m'agace le plus en toi,
c'est que tu es toujours béat. » -
6:51 - 6:5770 ans après, je suis toujours béat,
devant les inventions, les innovations, -
6:57 - 7:00les films, les livres,
la musique, le design. -
7:01 - 7:02Oui, je suis béat.
-
7:03 - 7:06Quand je consulte ma tablette
pour tout savoir sur Blaise Pascal, -
7:06 - 7:10ou pour trouver
une nouvelle machine à laver, -
7:10 - 7:13et qu'elle clignote, l'air entendu,
-
7:13 - 7:16et en quelques secondes,
-
7:16 - 7:20me dit tout sur ce cher Blaise,
-
7:20 - 7:24en me proposant les 100 derniers
modèles de machines à laver. -
7:26 - 7:30Autrefois, si tu voulais t'informer
rapidement sur un penseur, -
7:30 - 7:33ou sur le dernier modèle d'électroménager,
-
7:33 - 7:36tu devais t'abonner
à un service téléphonique payant. -
7:36 - 7:39Tu composais SVP 11 11
-
7:41 - 7:43sur le cadran de ton téléphone
-
7:43 - 7:47et tu posais la question à une hôtesse.
-
7:47 - 7:50Elle consultait ses fiches
et te rappelait. -
7:51 - 7:56SVP 11 11 répondait à environ
5 000 questions par jour. -
7:57 - 8:04Aujourd'hui, il y a plus de 3 milliards
de recherches sur Google par jour, -
8:05 - 8:08soit près de 40 000 par seconde.
-
8:10 - 8:11Oui, je suis béat...
-
8:11 - 8:13quand je prends
le tunnel sous la Manche, -
8:13 - 8:18dont j'ai eu la chance d'assister
à la réunion des deux tronçons, -
8:18 - 8:19pendant sa construction.
-
8:20 - 8:25Je suis béat quand
on m'opère d'un simple rayon -
8:25 - 8:27au lieu de me charcuter comme autrefois.
-
8:32 - 8:35C'est le genre de chose
qui me donne de l'espoir -
8:35 - 8:40et me fait croire que l'Homme
peut être extraordinaire. -
8:41 - 8:42Et la femme aussi bien sûr.
-
8:44 - 8:46En commençant par la mienne.
-
8:47 - 8:50Je vais vous raconter
notre première rencontre. -
8:51 - 8:52Elle était plutôt surprenante.
-
8:53 - 8:57C'était l'époque des surprises-parties,
des slows, du swing. -
8:58 - 9:01On amenait ses 45 tours,
et sa bouteille de Whisky. -
9:04 - 9:06J'invite une fille à danser.
-
9:07 - 9:12Je lui demande son nom,
elle me répond : « Lise Weill. -
9:17 - 9:20-- C'est drôle, moi c'est Claude Weill.
-
9:21 - 9:23-- Ah bah oui, c'est marrant.
-
9:23 - 9:26-- Et là-bas, c'est ma sœur,
c'est Micheline Weill. -
9:27 - 9:30-- Oh bah ma sœur s'appelle
aussi Micheline Weill ! -
9:32 - 9:36-- Mais ne me dites pas que
votre père s'appelle Robert ! -
9:36 - 9:39-- Mais si, mon père
s'appelle Robert aussi. -
9:42 - 9:43Mais il est mort.
-
9:44 - 9:45-- Mais le mien aussi.
-
9:46 - 9:49-- Mais c'est fou ! Où habitez-vous ?
-
9:49 - 9:50-- Dans le 17ème.
-
9:50 - 9:51-- Moi aussi.
-
9:54 - 9:55-- Et vous avez 19 ans ?
-
9:55 - 9:56Moi aussi. »
-
9:57 - 9:59Nous sommes repartis ensemble.
-
10:00 - 10:05Nous avons descendu l'avenue Niel,
il faisait sombre et très froid. -
10:06 - 10:09Lise a mis sa main dans
la poche de mon manteau. -
10:10 - 10:14Et voilà 70 ans que nous sommes ensemble.
-
10:17 - 10:20Nous avions des métiers
totalement différents. -
10:21 - 10:25Je dirigeais une entreprise de PLV,
de marketing au point de vente. -
10:26 - 10:29Lise, elle, était chirurgien-dentiste.
-
10:30 - 10:34En plus de son cabinet, elle avait créé
un service de soins dentaires gratuits -
10:34 - 10:36dans un hôpital parisien.
-
10:37 - 10:38C'était avant la CMU.
-
10:39 - 10:42Ensuite, elle a fondé une association
avec quelques confrères, -
10:42 - 10:46ils partaient dans des régions
très éloignées -
10:46 - 10:48où aucun dentiste ne s'aventurait.
-
10:51 - 10:55Ils soignaient des gens qui risquaient
parfois de mourir de dénutrition -
10:55 - 10:58parce que leurs dents étaient
en mauvais état, -
10:58 - 11:00et qu'ils ne voulaient plus s'alimenter.
-
11:01 - 11:04Lise formait des habitants
aux premiers soins. -
11:04 - 11:08Elle a aussi travaillé dans les Andes,
à plus de 4 000 mètres d'altitude, -
11:09 - 11:11ou au Nicaragua, en pleine guerre.
-
11:15 - 11:17Pour opérer dans ces régions
sans électricité, -
11:17 - 11:21Lise avait créé une valise spéciale
avec un ingénieur. -
11:22 - 11:26La partie supérieure renfermait
un panneau solaire, -
11:26 - 11:29et l'intérieur une unité complète
de soins dentaires. -
11:30 - 11:34La valise de Lise, comme
on l'appelait à ce moment-là, -
11:34 - 11:38est un outil maintenant couramment
utilisé partout dans le monde. -
11:39 - 11:43Pour cet engagement et pour bien d'autres,
elle a reçu la Légion d'Honneur -
11:43 - 11:45des mains de Bernard Kouchner.
-
11:46 - 11:49Quand nous nous retrouvions, nous
avions tant de choses à nous raconter, -
11:49 - 11:53et c'est peut-être un des secrets
de la vitalité de notre couple. -
11:57 - 12:02Ma béatitude ne m'aura pas
empêché d'être souvent révolté, -
12:02 - 12:08indigné, bouleversé
par l'injustice et le fanatisme. -
12:09 - 12:14Lise et moi, nous avons milité pendant
40 ans à Amnesty International, -
12:15 - 12:17pour défendre les droits humains.
-
12:18 - 12:21Et c'est en se battant
pour cette cause commune, -
12:21 - 12:24que nous avons rencontré
des gens merveilleux, -
12:25 - 12:28qui sont devenus des amis proches.
-
12:29 - 12:32A Madagascar, j'ai participé
à la construction d'une école -
12:32 - 12:35et d'un village d'accueil de 100 maisons,
-
12:36 - 12:40et qui progresse encore
grâce à son créateur Daniel Dupuis, -
12:40 - 12:43malgré les immenses difficultés
rencontrées dans ce pays. -
12:47 - 12:51Un jour, un ami que j'admirais
beaucoup m'a dit : -
12:52 - 12:56« Il ne faut pas mourir
avant d'avoir écrit un livre. » -
12:57 - 12:59Il est mort sans en avoir écrit aucun.
-
13:00 - 13:04Moi, j'ai suivi son conseil,
et j'en ai déjà écrit quatorze. -
13:05 - 13:07Mais il faut que je me dépêche !
-
13:09 - 13:15Après les événements de Charlie Hebdo,
du magasin casher, et du Bataclan, -
13:15 - 13:19j'étais abasourdi, abattu.
-
13:19 - 13:23Je ressentais autour de moi
inquiétude et découragement. -
13:25 - 13:31Par défi, par révolte, j'ai voulu écrire
un livre joyeux et insouciant, -
13:31 - 13:35et essayer de redonner pour un instant
le sourire à mes proches -
13:36 - 13:38et aux inconnus qui liront ce livre.
-
13:39 - 13:42J'ai écrit « Zéro tristesse ! »,
illustré par Claire Maupas, -
13:42 - 13:48à qui j'ai confié les dessins
de cette conférence. -
13:50 - 13:55Voilà, vous l'aurez compris,
être vieux, ce n'est pas si grave. -
13:57 - 14:01Je n'ai pas de recette de
vieillesse joyeuse à vous donner, -
14:01 - 14:04mais ce que je sais, c'est qu'à 30 ans...
-
14:05 - 14:09A 30 ans ? Non. A 89 ans et demi,
-
14:09 - 14:11(Rires)
-
14:13 - 14:20j'ai encore soif de découverte, d'aimer
et de me goinfrer d'asperges ! -
14:21 - 14:28(Applaudissements)
-
14:29 - 14:30Merci !
-
14:31 - 14:38(Applaudissements)
-
14:39 - 14:41Merci !
-
14:41 - 14:46(Applaudissements)
- Title:
- Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle
- Description:
-
Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.
Claude est un jeune homme de 90 ans. Il a un message plein d’espoir et d’humanité à partager avec nous, et qui nous concerne tous : vieillir, ce n’est pas si grave !
Spécialiste reconnu de la publicité « papier », Claude Weil est co-auteur des ouvrages à succès Cartons de Pub, Belles de Pub et Bêtes de Pub.
- Video Language:
- French
- Team:
closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 14:48
![]() |
eric vautier approved French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle | |
![]() |
eric vautier accepted French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle | |
![]() |
eric vautier edited French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle | |
![]() |
Camille J. edited French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle | |
![]() |
eric vautier declined French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle | |
![]() |
eric vautier edited French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle | |
![]() |
Camille J. edited French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle | |
![]() |
Camille J. edited French subtitles for Vieillir, ce n'est pas si grave | Claude Weill | TEDxLaRochelle |