-
(Musique de blue jazz)
-
(Musique de blue jazz)
-
- Mon esprit est plein de petites boîtes.
-
Chaque boîte a une image.
-
Cette image je la puise dans mon enfance,
-
de n'importe quel moment de ma vie,
-
comme un fleuve, comme le ciel, comme les nuages...
-
Je prends juste l'âme de ces choses,
-
je prends leur émotion.
-
(la musique jazz continue)
-
(la musique jazz continue)
-
J'ai quelque chose là de très intéressant,
-
de vieilles photos de ma famille.
-
C'est une de mes grands-mères
-
et aussi l'un de mes grands-pères,
-
d'autres proches.
-
Celle-ci me plaît beaucoup.
-
Une jolie photo de ma mère et mon père.
-
Elle porte un costume traditionnel de mariage soudanais
-
Et je ne pense pas trop au futur.
-
Je pense toujours au passé.
-
J'aime l'odeur de l'histoire, l'odeur du temps.
-
(Musique douce de piano)
-
90% de mon art vient du Soudan.
-
Pendant mon enfance,
-
je vivais dans une maison près du Nil Bleu.
-
Une vie très riche, car tout le monde
-
se connaissait, comme une grande famille.
-
Je me rappelle des barrages, des nageurs,
-
des tours d'électricité,
-
les amoureux assis au bord de la rivière,
-
les chevaux qui passent.
-
(bruits de trafic)
-
Je me sens désolé pour mon passé,
-
je sens qu'il manque quelque chose à ma vie
-
comme mon village, comme mes amis.
-
Je suis au Caire depuis presque 12 ans,
-
mais j'ai toujours voulu retourner au Soudan.
-
C'est comme recharger,
-
je suis une batterie, et quand je veux me recharger,
-
alors je veux retourner à la maison.
-
(dessine à l'encre)
-
Maintenant, c'est le temps le plus long que j'ai été en dehors du Soudan,
-
à cause de la guerre.
-
- [Reporter 1] Des affrontements mortels
-
éclatent dans les rues de la capitale.
-
- [Reporter 2] Les tensions violentes
-
entre les factions de l'armée du Soudan
-
laissent place à une violence totale.
-
- [Reporter 3] Maintenant, dans l'horreur de la lutte
-
qui a coûté des milliers de vies,
-
c'est le plus grand déplacement de population du monde.
-
- [Salah] Toute ma famille a quitté le Soudan.
-
J'espère que la guerre finira bientôt.
-
- [Ayman - en arabe] Je veux dire, la nuit on entendait les tirs et les balles.
-
C'était comme des feux d'artifice.
-
Tout le monde a perdu quelque chose d'important.
-
J'ai dû laisser derrière moi des disques durs
-
avec 20 ans de travail dessus, toutes mes sauvegardes.
-
- [Mutaz - en arabe] On est arrivés au Caire
-
au bout de 10 jours de voyage.
-
- Mon Dieu.
-
9 à 10 jours. Des gens sont morts en chemin, Salah.
-
Oui, j'ai une tante qui est morte.
-
Quelles tragédies.
-
Tout le monde a une tragédie maintenant.
-
Ce qui s'est passé au Soudan ne sera jamais oublié.
-
(musique sombre)
-
- En 1990, j'ai été employé dans une revue anglaise
-
appelée "Sudanow".
-
Les Frères Musulmans,
-
qui étaient au pouvoir, au gouvernement,
-
J'ai fait un dessin humoristique,
-
qui était juste
-
complètement contre les Frères Musulmans.
-
Ils l'ont découvert et l'ont retiré,
-
en mettant juste un carré noir sur la caricature.
-
(musique de guitare douce)
-
Ils m'ont arrêté pendant une semaine.
-
Beaucoup de mes amis
-
sont en prison pour de longues périodes.
-
C'est juste pour leur opinion,
-
penser contre les Frères Musulmans.
-
Ils les battent, ils font
-
beaucoup de choses violentes contre eux.
-
Mais ils n'ont aucun recours.
-
La situation politique du Soudan m'a inspiré
-
pour faire une série sur les prisonniers innocents.
-
J'ai acheté des photos d'identité sur Internet,
-
certaines venant de magasins d'antiquités,
-
et ensuite j'ai ajouté les éléments créatifs
-
des boîtes de mon esprit.
-
(la musique de guitare continue)
-
(klaxons)
-
- [en arabe] Bonjour, comment ça va ?
-
- Bien. Et toi l'artiste ?
-
- Ça va.
-
J'ai commandé plusieurs choses, elles sont prêtes ?
-
Regarde cette collection et tu trouveras quelque chose,
-
si Dieu le veut.
-
Je t'ai dit que tu trouverais quelque chose.
-
Oui, pour être honnête c'est très beau.
-
Pour moi, les photos, c'est comme un miracle
-
parce que c'est comme, fixer le temps.
-
(musique entraînante)
-
(la musique entraînante continue)
-
(bruits de trafic)
-
(la musique entraînante continue)
-
Cet intérêt pour les photographies vient de mon enfance.
-
Mon père avait ce talent pour faire des photos
-
et il avait un appareil.
-
Et le gouvernement a demandé à tous les soudanais
-
d'avoir des cartes d'identité,
-
alors il a saisi cette occasion de faire de l'argent.
-
(musique de guitare joyeuse)
-
Un jour, je suis allé au studio
-
et j'ai trouvé des boîtes, remplies de photos.
-
Ces photos étaient mauvaises.
-
Avec des doubles expositions et des images floues,
-
parce que les bonnes photos étaient prises par les clients.
-
Ce genre de défaut est comme un trésor.
-
Ça m'a permis de développer mon style
-
comme le figuratif abstrait.
-
- [en arabe] D'accord, oui. C'est bien.
-
Lève ta tête...
-
(Salah) J'imagine comment était le studio de mon père.
-
Je l'ai vu en entier dans mon esprit.
-
Alors j'ai décidé d'en construire un nouveau,
-
comme si le Studio Kamal était de retour.
-
(bruits de conversation)
-
J'ai créé une installation à propos du studio.
-
C'est comme une peinture, mais en 3D.
-
J'ai ajouté des choses, enlevé d'autres,
-
et maintenant c'est terminé.
-
C'est prêt.
-
- [en arabe] Quel travail !
-
- Entrez donc,
-
ma soeur adorée.
-
- Whaouh, c'est sympa !
-
- Que Dieu te bénisse.
-
J'ai créé tout ça
-
en me basant sur les histoires que tu m'as racontées
-
à propos du studio,
-
et les images que j'ai trouvées dans la réserve.
-
- [Kamal, père de Salah, en arabe] C'est très beau ce que tu as fait.
-
Tu me rappelles des choses, de 1964 à aujourd'hui.
-
Maintenant, la photographie se repose sur la technologie.
-
Et l'apport personnel est masqué.
-
Je connais quelqu'un
-
dont le visage était couvert d'acné,
-
mais ils ont réussi à le lui enlever.
-
Son visage était propre et lisse à l'image.
-
C'était de la triche, mais c'était bien fait.
-
Tu penses quoi de l'installation ?
-
[Tagreed, soeur de Salah]
-
- Je pensais que tu voulais créer
-
une oeuvre basée sur la photographie.
-
Mais maintenant, je pense que tu voulais juste
-
te laisser aller dans la beauté du passé.
-
(musique douce de salon)
-
- Ok, on va faire une compétition.
-
Je vais gagner.
-
Tu sais même pas dessiner.
-
Bon d'accord, on va voir.
-
Khartoum (Soudan) est ma ville.
-
Loin de toute frustration.
-
-
-
-