Nick Cave : La peau dure |ART21 "Exclusive"

Episode #239 : L'artiste Nick Cave discute des expériences qui l'ont forcé à confronter son identité en tant qu'homme noir, y compris le délit de faciès que la police lui a fait subir, et comment elles ont nourri sa pulsion créatrice. Cave explique que dans ces moments là il se calme et évite d'éclater de colère. "Et si je le fais, me déchaîner c'est créer ceci" dit-il en faisant référence à ses Soundsuits construites de manière complexe. "Les Soundsuits dissimulent le genre, la race, la classe et ils vous forcent à regarder l'oeuvre sans jugement". L'exposition "Here Hear", qui comprenait une performance communautaire à grande échelle, a été mise en place au Cranbrook Art Museum de Détroit en 2015. Le musée est en partenariat avec la Cranbrook Academy of Art, où Nick Cave fit ses études dans les années 80 et où il était le seul étudiant à l'époque appartenant à une minorité.

Nick Cave crée des "Soundsuits", de majestueux objets surréalistes alliant mode et art sculptural, qui tirent leur origine d'armures métaphoriques en réponse au passage à tabac de Rodney King et ont évolué en des vecteurs d'émancipation. Dissimulant totalement le corps, les "Soundsuits' agissent comme une seconde peau étrangère qui occulte la race, le genre et la classe sociale, permettant les spectateurs de regarder sans a priori vers l'identité du porteur. Cave lui-même donne régulièrement des prestations dans les sculptures, dansant soit devant le public, soit pour la caméra, déclenchant leur plein potentiel comme costume, instrument de musique, et icône vivante. L'artiste travaille aussi avec des chorégraphes, des danseurs et des interprètes amateurs dans le but de produire de somptueuses fêtes communautaires en des lieux insolites pour l'art. Les sculptures de Cave comprennent aussi des assemblages abstraits, des amoncellements complexes d'objets trouvés qui font saillie du mur et d'installations enveloppant des salles entières.

Plus d'informations sur l'artiste sur :
http://www.art21.org/artists/nick-cave

CREDITS : Producteur : Ian Forster & Nick Ravich. Producteur-conseil : Wesley Miller. Interview : Stanley Neson. Editeur : Morgan Riles. Caméra : Jamin Townsley. Son : Richard K.Pooler. Avec l'aimable autorisation de : Nick Cave. Remerciements particuliers : Cranbrook Art Museum, Robert Faust, William Gill & Laura Mott.

ART21 "Exclusive" est soutenu en partie par 21c Museum Hotel et par des contributeurs individuels.

La Cranbrook Academy of Art est le lieu où
j'ai fait mes études universitaires.

Au départ, ça a été un peu choquant,
je crois,

car j'étais la seule minorité là-bas.

C'était en 1988.

Je me considérais seulement comme
un autre artiste

parmi mes pairs.

Et je pense que ça a été difficile car
c'était la première fois

que j'étais confronté à mon identité
en tant qu'homme noir.

Ma mère m'a expliqué quand j'avais, disons
huit ans,

la complexité de ce avec quoi j'aurais
à composer.

Donc le fait de savoir ça m'a fait penser:
"Je dois avoir la peau dure."

"Je dois être capable d'évoluer
dans un monde..." [RIRE]

"...qui peut aller à mon encontre
plutôt que dans mon sens."

Qu'est-ce que j'en fais de ça ?

J'ai été victime de délit de faciès.

Je rentre chez moi après les cours
avec mon portfolio.

On m'attrape... je suis cerné par
des flics en civil qui disent :

"A terre" --

car la supérette au bout de la rue
a été cambriolée.

Ça a été ma réalité.

Il faut mettre de l'ordre là haut.

Psychologiquement, je dois vraiment
mettre de l'ordre.

Et j'ai seulement à me calmer--

mettre ça en perspective

et, en quelque sorte,

ne pas en quelque sorte éclater de colère.

Et si je le fais, me déchaîner
c'est créer ceci.

Tout cela se transforme en
une pulsion créatrice.

Les "Soundsuits" ne m'ont jamais
paru drôles.

Ils viennent vraiment d'un endroit
très sombre.

Les "Soundsuits' dissimulent le genre,
la race, la classe.

Et ils vous obligent à regarder l'oeuvre
sans jugement.

Vous savez, on a tendance à vouloir tout
catégoriser.

On a tendance à vouloir lui
trouver une place.

Comment parvient-on
en quelque sorte à être seul à seul

avec quelque chose
qui nous est étranger ?