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Les voix dans ma tête

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    Le jour où j'ai quitté la maison pour la première fois,
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    pour aller à l'université, fut une journée ensoleillée,
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    pleine d'espoir et d'optimisme.
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    J'avais bien réussi à l'école.
    On attendait beaucoup de moi,
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    et c'est avec jubilation
    que j'ai entamé ma vie d'étudiante
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    avec ses cours magistraux, ses fêtes,
    et ses vols de cônes de signalisation.
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    Les apparences peuvent, bien sûr, être trompeuses,
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    et dans une certaine mesure,
    cette personnalité fougueuse, énergique
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    qui suivait des cours magistraux et volait
    des cônes de signalisation, n’était qu'une façade,
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    bien que très bien conçue et convaincante.
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    Sous ce masque, j'étais en fait profondément malheureuse,
    je manquais d'assurance,
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    et j'étais complètement terrifiée -
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    par les autres personnes, par le futur, par l'échec,
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    et par le vide que je ressentais en moi.
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    Mais j'étais douée pour le cacher, et à première vue,
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    je semblais être quelqu'un
    qui pouvait nourrir de grands espoirs,
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    et de grandes ambitions.
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    Ce fantasme d'invulnérabilité était si complet
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    que je me suis trompée moi même,
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    et lorsque le premier semestre s'acheva
    et que le second débuta,
  • 0:53 - 0:56
    personne n'aurait pu prédire
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    ce qui était sur le point d'arriver.
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    Je sortais d'un séminaire quand ça a commencé,
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    fredonnant en fouillant dans mon sac,
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    comme je l'avait fait des centaines de fois auparavant,
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    lorsque soudain, j'entendis une voix
    annoncer calmement :
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    "Elle quitte la salle."
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    J'ai regardé autour de moi, il n'y avait personne,
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    mais la clarté et la détermination du commentaire
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    étaient indubitables.
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    Secouée, j'ai abandonné mes livres sur l'escalier,
    et je me suis précipité chez moi,
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    et elle est revenue.
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    "Elle ouvre la porte."
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    C'était le début. La voix était venue.
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    Et la voix a continué,
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    des jours et des semaines,
    encore et encore,
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    racontant tout ce que je faisais à
    la troisième personne.
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    "Elle va à la bibliothèque."
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    "Elle va à un cours."
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    Elle était neutre, impassible, et même,
    au bout d'un moment,
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    étrangement amicale et rassurante,
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    bien que j'aie remarqué
    que son calme apparent s'effritait parfois,
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    et qu'elle reflétait de temps à autres
    mes propres émotions inexprimées.
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    Ainsi, par exemple, si j'étais en colère
    et que je devais le cacher,
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    ce qui arrivait souvent, car j'étais une grande praticante
    de la dissimulation de mes sentiments réels,
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    alors la voix semblait frustrée.
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    Autrement, elle n'était ni sinistre ni perturbante,
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    bien que dès cette époque il soit clair
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    qu'elle avait quelque chose à me dire sur mes émotions,
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    en particulier les émotions
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    qui étaient lointaines et inaccessibles.
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    C'est alors que j'ai fait une erreur fatale,
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    en parlant de la voix à une amie : elle fut horrifiée.
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    Un subtil processus de conditionnement avait commencé,
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    le fait que les gens normaux
    n'entendent pas de voix,
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    alors que moi j'en entendais,
    signifiait que quelque chose n'allait vraiment pas.
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    Tant de peur et de méfiance étaient contagieuses.
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    Soudain, la voix ne semblait plus aussi bénigne,
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    et lorsque mon amie a insisté
    pour que je consulte un médecin,
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    je m'y suis dûment conformé, ce qui s'est révélé être
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    la deuxième erreur.
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    J'ai passé quelque temps à expliquer
    au médecin généraliste du campus
  • 2:41 - 2:43
    ce que je percevais comme le véritable problème :
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    de l'anxiété, une faible estime de soi,
    une peur de l'avenir,
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    mais je n'ai rencontré qu'une indifférence polie,
  • 2:48 - 2:49
    jusqu'au moment où j'ai mentionné la voix,
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    sur quoi il a laissé tomber son stylo, a fait volte-face,
  • 2:51 - 2:54
    et a commencé à me questionner avec un réel intérêt.
  • 2:54 - 2:57
    Et pour être honnête, j'avais désespérément besoin
    d'aide, et que l'on s'intéresse à mon cas,
  • 2:57 - 3:00
    alors j'ai commencé à lui parler
    de mon étrange commentateur.
  • 3:00 - 3:02
    Et j'ai toujours souhaité qu'à cet instant, la voix ait dit :
  • 3:02 - 3:04
    "Elle creuse sa propre tombe."
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    On m'a adressée à un psychiatre, qui lui aussi
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    a adopté une vision très négative de la voix,
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    et a interprété par conséquent tout ce que je disais
  • 3:12 - 3:14
    à travers le prisme d'une folie latente.
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    Par exemple, je faisais partie d'une chaîne TV étudiante
  • 3:17 - 3:20
    qui diffusait des bulletins d'information sur le campus,
  • 3:20 - 3:22
    et lors d'une consultation qui s'éternisait,
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    je lui ai dit : "Je suis désolée, docteur, mais je dois y aller.
  • 3:23 - 3:25
    Je présente les informations à six heures."
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    Maintenant, il est écrit dans mon dossier médical
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    qu'Eléanor se prend pour une présentatrice
    d'information à la télé.
  • 3:30 - 3:34
    C'est à ce stade que les événements ont commencé
  • 3:34 - 3:36
    à me dépasser rapidement.
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    Une admission à l'hôpital s'en est suivi,
    la première d'une longue série,
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    le diagnostic de schizophrénie est venu ensuite,
  • 3:41 - 3:45
    et puis, pire que tout, un sentiment toxique et torturant
  • 3:45 - 3:48
    de désespoir, d'humiliation et d'abattement
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    vis-à-vis de moi et de mon avenir.
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    Mais ayant été encouragée à voir la voix
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    non pas comme une expérience,
    mais comme un symptôme,
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    ma peur et ma résistance à son égard se sont intensifié.
  • 3:59 - 4:01
    Essentiellement, cela s'est traduit
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    par une position agressive envers mon propre esprit,
  • 4:03 - 4:05
    comme une sorte de guerre civile psychique,
  • 4:05 - 4:08
    et à son tour, cela a provoqué
    une augmentation du nombre des voix,
  • 4:08 - 4:12
    qui sont progressivement devenues
    hostiles et menaçantes.
  • 4:12 - 4:15
    Démunie et désespérée, j'ai commencé à me retirer
  • 4:15 - 4:17
    dans ce monde intérieur cauchemardesque,
  • 4:17 - 4:19
    dans lequel les voix étaient destinées à devenir
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    à la fois mes persécutrices
    et les seules compagnes que j'entendais.
  • 4:23 - 4:26
    Elles me disaient, par exemple,
    que si je me montrais digne de leur aide,
  • 4:26 - 4:28
    elles pourraient me rendre
  • 4:28 - 4:30
    ma vie d'avant,
  • 4:30 - 4:33
    et elles m'ont fixé une série d'épreuves
    de plus en plus bizarres,
  • 4:33 - 4:35
    des sortes de travaux d'Hercule.
  • 4:35 - 4:36
    Cela a commencé assez doucement,
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    par exemple, il fallait arracher trois mèches de cheveux,
  • 4:38 - 4:40
    mais progressivement c'est devenu
    de plus en plus extrême,
  • 4:40 - 4:42
    jusqu'à m'ordonner de me faire du mal,
  • 4:42 - 4:44
    avec une instruction particulièrement spectaculaire :
  • 4:44 - 4:46
    " Tu vois ce prof, là-bas ?
  • 4:46 - 4:47
    Tu vois ce verre d'eau ?
  • 4:47 - 4:50
    Très bien, tu dois aller là-bas et lui renverser sur la tête
    devant les autres étudiants."
  • 4:50 - 4:52
    Ce que j'ai effectivement fait,
    et inutile de vous dire
  • 4:52 - 4:54
    que cela ne m'a pas valu
    d'être appréciée des professeurs.
  • 4:54 - 4:58
    Concrètement, un cercle vicieux de peur, d'évitement,
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    de méfiance et d'incompréhension avait été établi,
  • 5:01 - 5:04
    c'était un combat dans lequel
    je me sentais impuissante,
  • 5:04 - 5:08
    et incapable d'établir aucune sorte de paix
    ou de réconciliation.
  • 5:08 - 5:12
    Deux ans plus tard, la dégradation était spectaculaire.
  • 5:12 - 5:16
    Maintenant, j'avais déchaîné la totalité du répertoire :
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    voix terrifiantes, visions grotesques,
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    délires bizarres et irréductibles.
  • 5:21 - 5:24
    Mon état de santé mentale avait provoqué
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    de la discrimination, des insultes,
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    et des agressions physiques et sexuelles,
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    et mon psychiatre m'avait dit,
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    "Eleanor, tu t'en sortirais mieux avec le cancer,
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    car le cancer est plus facile à guérir
    que la schizophrénie."
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    J'avais été diagnostiquée, droguée et rejetée,
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    et j'étais maintenant si torturée par les voix
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    que j'ai tenté de me percer un trou dans la tête
  • 5:44 - 5:47
    pour les en faire sortir.
  • 5:47 - 5:51
    Aujourd'hui, quand je contemple le naufrage
    et le désespoir de ces années,
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    il me semble que c'est comme si quelqu'un
    était mort à cet endroit,
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    et pourtant, quelqu'un d'autre a été sauvé.
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    Une personne brisée et hantée a entrepris ce voyage,
  • 6:01 - 6:04
    mais la personne qui en est sortie était une survivante,
  • 6:04 - 6:06
    et a fini par devenir la personne
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    que j'étais destinée à être.
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    Beaucoup de personnes m'ont fait du mal
    au cours de ma vie,
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    et je me souviens d'eux tous,
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    mais ces souvenirs pâlissent et s'évanouissent
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    en comparaison avec les gens qui m'ont aidée.
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    Mes compagnons survivants,
    ceux qui entendent des voix,
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    mes camarades et collaborateurs ;
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    la mère qui ne m'a jamais laissée tomber,
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    qui savait qu'un jour je lui reviendrai,
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    et qui était prête à m'attendre
    aussi longtemps qu'il le faudrait ;
  • 6:33 - 6:35
    le docteur qui n'a travaillé avec moi qu'un court moment,
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    mais qui croyait encore plus que la guérison
  • 6:37 - 6:40
    était non seulement possible mais inévitable,
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    et qui, pendant une rechute dévastatrice,
  • 6:42 - 6:45
    a dit à ma famille terrifiée, " Ne perdez pas espoir.
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    Je suis persuadé qu'Eleanor peut surmonter cela.
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    Parfois, vous savez, il neige jusqu'au mois de mai,
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    mais l'été finit toujours par arriver. "
  • 6:54 - 6:56
    Quatorze minutes ne suffiraient pas
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    pour remercier pleinement ces personnes
    bonnes et généreuses
  • 6:59 - 7:01
    qui se sont battues avec moi et pour moi
  • 7:01 - 7:03
    et qui ont attendu pour m'accueillir à mon retour
  • 7:03 - 7:05
    de ce lieu tourmenté et solitaire.
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    Mais ensemble, ils ont forgé un alliage de courage,
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    de créativité, d'intégrité, et de foi inébranlable
  • 7:11 - 7:15
    dans la guérison et la réunion
    de mon moi brisé en morceaux.
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    J'avais l'habitude de dire que ces gens m'avaient sauvée,
  • 7:17 - 7:18
    mais ce que je sais maintenant,
    c'est qu'ils ont fait quelque chose
  • 7:18 - 7:21
    d'encore plus important
    dans le sens où ils m'ont permis
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    de me sauver moi-même,
  • 7:22 - 7:25
    et de manière décisive,
    ils m'ont aidée à comprendre quelque chose
  • 7:25 - 7:26
    dont je m'étais toujours doutée :
  • 7:26 - 7:29
    que mes voix étaient une réponse significative
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    à des événements traumatiques de ma vie,
    en particulier des événements de l'enfance,
  • 7:32 - 7:34
    et qu'ainsi elles n'étaient pas mes ennemies,
  • 7:34 - 7:38
    mais une source d'éclairage
    sur des problèmes émotionnels résolubles.
  • 7:38 - 7:41
    Au début, c'était très difficile à croire,
  • 7:41 - 7:44
    surtout parce que les voix paraissaient
    tellement hostiles et menaçantes,
  • 7:44 - 7:47
    aussi une première étape vitale
  • 7:47 - 7:50
    a été d'apprendre à dégager un sens métaphorique
  • 7:50 - 7:54
    de ce que j'interprétais auparavant
    comme une vérité littérale.
  • 7:54 - 7:57
    Ainsi, par exemple,
    quand les voix menaçaient d'attaquer ma maison,
  • 7:57 - 8:00
    j'ai appris à les interpréter
    comme mon propre sentiment de peur
  • 8:00 - 8:03
    et d'insécurité dans le monde,
    plutôt que comme un danger réel et objectif.
  • 8:03 - 8:05
    Au début, je les aurais cru.
  • 8:05 - 8:07
    Je me souviens, par exemple, qu'une nuit,
  • 8:07 - 8:09
    j'ai monté la garde devant la chambre de mes parents,
    pour les protéger
  • 8:09 - 8:13
    de ce que je croyais être une vraie menace
    venant des voix.
  • 8:13 - 8:15
    Comme j'avais eu tellement de problèmes
    d'auto-mutilation,
  • 8:15 - 8:18
    la plupart des couverts de la maison avaient été cachés,
  • 8:18 - 8:20
    alors j'ai fini par m'armer d'une fourchette en plastique,
  • 8:20 - 8:23
    du style couvert pour pique-nique,
    et je suis restée devant leur chambre,
  • 8:23 - 8:27
    en la serrant bien fort, prête à passer à l'action
    au cas où il arriverait quelque chose.
  • 8:27 - 8:28
    C'était genre : "Fais gaffe.
  • 8:28 - 8:31
    J'ai une fourchette en plastique, ok ?"
  • 8:31 - 8:33
    Stratégique.
  • 8:33 - 8:35
    Mais une réponse ultérieure, beaucoup plus utile,
  • 8:35 - 8:40
    aurait été d'essayer de décrypter le message
    qui se cachait derrière les mots,
  • 8:40 - 8:43
    de sorte que, quand les voix me prévenaient
    de ne pas sortir de la maison,
  • 8:43 - 8:45
    j'aurais pu les remercier d'avoir attiré mon attention
  • 8:45 - 8:46
    sur mon énorme sentiment d'insécurité -
  • 8:46 - 8:49
    car si j'en avais été consciente,
    j'aurais pu faire quelque chose de positif à son sujet -
  • 8:49 - 8:51
    tout en continuant à les convaincre, elles et moi-même,
  • 8:51 - 8:55
    que nous étions en sécurité
    et que nous n'avions plus besoin de nous sentir effrayés.
  • 8:55 - 8:56
    J'ai fixé des limites aux voix,
  • 8:56 - 8:59
    et j'ai essayé d'interagir avec assurance
  • 8:59 - 9:01
    tout en restant respectueuse,
    établissant ainsi un lent processus
  • 9:01 - 9:04
    de communication et de collaboration
  • 9:04 - 9:07
    dans lequel nous pouvions apprendre à travailler ensemble et à nous aider mutuellement.
  • 9:07 - 9:09
    Au travers de tout cela, ce que j'ai finalement compris,
  • 9:09 - 9:11
    c'est que chaque voix était intimement liée
  • 9:11 - 9:14
    à des aspects de ma personnalité,
    et que chacune d'elles
  • 9:14 - 9:16
    portait les émotions écrasantes
    que je n'avais jamais eu la possibilité
  • 9:16 - 9:18
    de traiter ou résoudre,
  • 9:18 - 9:21
    des souvenirs de traumatismes et d'abus sexuels,
  • 9:21 - 9:24
    de colère, de honte, de culpabilité,
    de manque d'estime de soi.
  • 9:24 - 9:26
    Les voix prenaient la place de cette souffrance,
  • 9:26 - 9:28
    et lui donnaient la parole.
  • 9:28 - 9:29
    L'une des plus grandes révélations
    a sans doute été
  • 9:29 - 9:32
    lorsque j'ai réalisé que les voix les plus hostiles
    et les plus aggressives
  • 9:32 - 9:34
    représentait en fait les parties de moi
  • 9:34 - 9:36
    qui avaient été le plus profondément blessées,
  • 9:36 - 9:39
    et en tant que telles, c'était ces voix
  • 9:39 - 9:42
    qui avaient besoin qu'on leur manifeste
    le plus de compassion et d'attention.
  • 9:42 - 9:45
    C'est armée de ce savoir que j'ai fini
  • 9:45 - 9:47
    par rassembler mon moi brisé,
  • 9:47 - 9:50
    chaque fragment représenté par une voix différente,
  • 9:50 - 9:52
    que je me suis éloignée peu à peu
    de tous mes médicaments,
  • 9:52 - 9:57
    et que je suis revenue à la psychiatrie,
    mais cette fois de l'autre côté de la barrière.
  • 9:57 - 10:00
    Dix ans après l'apparition de la voix,
    j'ai enfin obtenu mes diplômes,
  • 10:00 - 10:02
    cette fois avec le plus haut grade en psychologie
  • 10:02 - 10:05
    que l'université ait jamais donné,
    et un an plus tard,
  • 10:05 - 10:06
    le master le plus élevé, ce qui, dirons-nous,
  • 10:06 - 10:08
    n'est pas si mal, pour une folle.
  • 10:08 - 10:11
    En fait, l'une des voix m'a réellement dicté les réponses
    pendant l'examen,
  • 10:11 - 10:14
    ce qui pourrait techniquement compter pour de la triche.
  • 10:14 - 10:16
    (Rire)
  • 10:16 - 10:18
    Et pour être honnête, parfois j'ai bien aimé leur attention.
  • 10:18 - 10:20
    Comme l'a dit Oscar Wilde,
    Il n'y a qu'une seule chose au monde
  • 10:20 - 10:23
    qui soit pire que d'être la cible des commérages,
    c'est de ne pas l'être.
  • 10:23 - 10:25
    Cela vous rend également très bon en espionnage,
  • 10:25 - 10:27
    parce que vous pouvez écouter deux conversations simultanément.
  • 10:27 - 10:29
    Il n'y a donc pas que du mauvais.
  • 10:29 - 10:31
    J'ai travaillé dans des services de santé mentale,
  • 10:31 - 10:33
    j'ai pris la parole lors de conférences,
  • 10:33 - 10:35
    j'ai publié des chapitres de livres et des articles scientifiques,
  • 10:35 - 10:38
    et j'ai soutenu, et continue à le faire,
  • 10:38 - 10:40
    la pertinence du concept suivant :
  • 10:40 - 10:43
    une des questions importantes en psychiatrie
  • 10:43 - 10:44
    ne devrait pas être de savoir ce qui ne va pas chez vous
  • 10:44 - 10:47
    mais plutôt ce qui vous est arrivé.
  • 10:47 - 10:50
    Et pendant tout ce temps, j'ai écouté mes voix,
  • 10:50 - 10:52
    avec lesquelles j'ai finalement appris à vivre en paix
    et dans le respect
  • 10:52 - 10:55
    et qui en retour ont reflété un sentiment croissant
  • 10:55 - 10:58
    de compassion, d'acceptation et de respect
    envers moi-même.
  • 10:58 - 11:02
    Et je me souviens de ce moment
    si émouvant et extraordinaire,
  • 11:02 - 11:05
    lorsque je soutenais une autre jeune femme
    terrorisée par ses voix,
  • 11:05 - 11:07
    où je suis devenue pleinement consciente,
    pour la toute première fois,
  • 11:07 - 11:10
    que je ne me sentais plus ainsi
  • 11:10 - 11:14
    mais que j'étais enfin capable d'aider quelqu'un
    dans cette situation.
  • 11:14 - 11:17
    Je suis aujourd'hui très fière de faire partie d'Intervoice,
  • 11:17 - 11:21
    l'organisation de l'International Hearing Voices Movement,
  • 11:21 - 11:24
    une initiative inspirée par les travaux
    du professeur Marius Romme
  • 11:24 - 11:26
    et du Dr. Sandra Escher,
  • 11:26 - 11:29
    qui situe le fait d'entendre des voix
    comme une stratégie de survie,
  • 11:29 - 11:32
    une réaction saine à des circonstances folles,
  • 11:32 - 11:36
    non pas comme un symptôme aberrant de la schizophrénie
    qui doit être enduré,
  • 11:36 - 11:39
    mais comme une expérience complexe,
    importante et significative
  • 11:39 - 11:42
    qui doit être explorée.
  • 11:42 - 11:44
    Ensemble, nous envisageons et promulguons
    une société
  • 11:44 - 11:46
    qui comprend et respecte ceux qui entendent des voix,
  • 11:46 - 11:49
    qui prend en charge leurs besoins,
  • 11:49 - 11:52
    et qui les considère comme citoyens à part entière.
  • 11:52 - 11:54
    Ce type de société est non seulement possible,
  • 11:54 - 11:56
    mais déjà en construction.
  • 11:56 - 12:00
    Pour paraphraser Chavez,
    une fois que le changement social commence,
  • 12:00 - 12:02
    il ne peut être inversé.
  • 12:02 - 12:05
    On ne peut humilier la personne qui se sent fière.
  • 12:05 - 12:07
    On ne peut opprimer les gens
  • 12:07 - 12:10
    qui n'ont plus peur.
  • 12:10 - 12:12
    Pour moi, les réalisations du Hearing Voices Movement
  • 12:12 - 12:15
    nous rappellent que l'empathie, la camaraderie,
  • 12:15 - 12:18
    la justice et le respect sont plus que des mots ;
  • 12:18 - 12:20
    ils sont des convictions et des croyances,
  • 12:20 - 12:23
    et que les croyances peuvent changer le monde.
  • 12:23 - 12:25
    Au cours des 20 dernières années, le Hearing Voices Movement
  • 12:25 - 12:28
    a établi des réseaux d'écoute
  • 12:28 - 12:31
    dans 26 pays, à travers cinq continents,
  • 12:31 - 12:34
    travaillant ensemble pour promouvoir la dignité, solidarité
  • 12:34 - 12:37
    et l'autonomisation des personnes en détresse mentale,
  • 12:37 - 12:40
    pour créer un nouveau langage
    et une nouvelle pratique de l'espoir,
  • 12:40 - 12:44
    au centre duquel se trouve une foi inébranlable
  • 12:44 - 12:47
    en la puissance de l'individu.
  • 12:47 - 12:50
    Comme l'a dit Peter Levine, l'animal humain
  • 12:50 - 12:52
    est un être unique,
  • 12:52 - 12:55
    doté d'une capacité instinctive à guérir,
  • 12:55 - 12:59
    et de l'esprit intellectuel nécessaire
    pour exploiter cette capacité innée.
  • 12:59 - 13:02
    À cet égard, pour les membres d'une société,
  • 13:02 - 13:04
    il n'y a pas de plus grand honneur ou privilège
  • 13:04 - 13:07
    que de faciliter ce processus de guérison pour quelqu'un,
  • 13:07 - 13:10
    d'en être témoin, de tendre la main,
  • 13:10 - 13:12
    partager le fardeau dont une personne souffre,
  • 13:12 - 13:15
    et maintenir l'espoir de leur rétablissement.
  • 13:15 - 13:18
    Et de même, pour les survivants de la détresse
    et de l'adversité,
  • 13:18 - 13:20
    souvenons nous que nousne sommes pas obligés
    de vivre nos vies
  • 13:20 - 13:24
    déterminées pour toujours par les choses destructrices
    qui nous sont arrivées.
  • 13:24 - 13:27
    Nous sommes uniques. Nous sommes irremplaçables.
  • 13:27 - 13:29
    Ce qui se trouve en nous
    ne peut ne jamais être vraiment colonisé,
  • 13:29 - 13:32
    déformé, ou nous être enlevé.
  • 13:32 - 13:36
    La lumière est toujours là.
  • 13:36 - 13:38
    Comme un merveilleux médecin m'a dit un jour,
  • 13:38 - 13:41
    " Ne me dites pas ce que les autres ont raconté de vous.
  • 13:41 - 13:44
    Parlez-moi de vous. "
  • 13:44 - 13:46
    Merci.
  • 13:46 - 13:52
    (Applaudissements)
Title:
Les voix dans ma tête
Speaker:
Eleanor Longden
Description:

À tout point de vue, Eleanor Longden était comme les autres étudiant, se dirigeant vers l'université d'un pas alerte et sans le moindre souci. C'était avant que les voix dans sa tête ne commencent à parler. D'abord inoffensifs, ces narrateurs internes sont devenus de plus en plus hostiles et dictatoriaux, transformant sa vie en un cauchemar éveillé. Diagnostiquée schizophrène, droguée et finalement abandonnée par un système qui ne savait pas l'aider, Longden raconte l'histoire émouvante de son long retour à la santé mentale, et démontre que c'est en apprenant à écouter ses voix qu'elle a réussi à survivre.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
14:17
Patrick Brault approved French subtitles for The voices in my head
Patrick Brault edited French subtitles for The voices in my head
Patrick Brault edited French subtitles for The voices in my head
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Lysvia Adams commented on French subtitles for The voices in my head
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  • Bonjour,
    Merci d'avoir accepté la révision de ma traduction. La traduction (la mienne) de certains passages de la vidéo étaient un peu lourdes (c'est ma première traduction ), et celle que vous avez proposeées sont plus fluides :) et il restait dans ma version encore quelque fautes d'inattention. Je voulais juste signaler quelques petites erreurs dans la dernière révision. Déjà au niveau du titre, avec le nom de l'auteur (ça c'est une erreur de ma part)

  • à 0:13 > *jubillantion>>jubilation

  • à 0:13 > *jubillantion>>jubilation

  • à 2:23 > *signifiaitque>> signifiait que

  • à 2:34 > je m'y *conforma >> conformai

  • à 7:22 > *de manière décisif>> manière décisive

  • Bonjour,

    Bonjour,
    Veuillez m'excuser j'étais sur la traduction et j'ai manqué vos commentaires. Certaines des erreurs sur lesquels vous avez attiré mon attention persistent donc sur la version final (que j'ai soumis à validation):
    -à 0:13 > *jubillantion>>jubilation
    -à 7:22 > *de manière décisif>> manière décisive

  • ok. j'avais relevé d'autres petites erreurs, et aussi des passages où nous aurions pu discuter de nos choix et peut-être procéder à des modifications (mais il est vrai que le temps doit manquer pour avoir ce genre d'échange) sinon, dans l'ensemble j'ai apprécié vos corrections. Maintenant, attendons la suite :)

  • Le plaisir fut partagé. Concernant l'échange ce n'est que partie remise à une prochaine traduction :-)

  • :-)

  • Ulrique, pourrais-tu mentionner les corrections que tu souhaitais rajouter (notamment en ce qui concerne l'orthographe) ? Anna (modératrice) se chargera de les retranscrire

    J'ai noté celles-ci:
    à 0:13 > *jubillantion>>jubilation -
    à 7:22 > *de manière décisif>> manière décisive

    Tu faisais allusion aussi au titre. Y a t-il autre chose ?

  • Bonjour :) alors, j'avais relevé aussi entre 7:25 et 7:29 >>dont je me suis toujours doutée :
    *A savoir que les voix sont une réponse significative >> le signe de ponctuation ":" annonce déjà une explication, on pourrait donc garder la première traduction (" (...) : les voix sont une (...)

  • à 8:49 >> mais je continuais à les rassurer, et à me *massurer >> m'assurer

French subtitles

Revisions