La mutinerie - Etienne Chouard à propos des Inuits (David Graeber)
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0:07 - 0:12Le passage sur les Inuits, c'est celui dans lequel Graeber, ce gars-là,
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0:14 - 0:19explique cette expérience formidable d'un anthropologue
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0:19 - 0:21qui visite donc les esquimaux,
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0:21 - 0:27et qui part à la pêche avec eux, et qui revient bredouille.
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0:27 - 0:32Il n'a pas ramassé grand chose, et quand il rentre, à son igloo, sa tente,
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0:32 - 0:36il trouve plein de poissons, parce qu'un autre, qui a eu une bonne pêche,
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0:37 - 0:41a fait un tas de poissons et lui a donné. Alors il lui dit « merci ! ».
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0:42 - 0:45Et l'autre s'indigne, en disant « Il faut pas dire merci ! ».
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0:46 - 0:48L'Inuit lui répond :
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0:48 - 0:51« Dans notre pays, nous sommes humains », dit le chasseur.
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0:51 - 0:55« Et puisque nous sommes humains, nous nous entraidons.
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0:57 - 1:00Nous n'aimons pas entendre quelqu'un dire « merci » pour ça.
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1:01 - 1:04Ce que j'ai aujourd'hui, tu peux l'avoir demain.
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1:04 - 1:09Ici, nous disons qu'avec les cadeaux ont fait des esclaves,
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1:11 - 1:14et qu'avec les fouets, on fait des chiens. ».
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1:16 - 1:19Il faut avoir l'explication, avec l'explication on comprend mieux la puissance.
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1:19 - 1:21Et alors ça, ça vaut le coup de le relire, de le relire, de le relire dix fois,
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1:21 - 1:24c'est d'une puissance inouïe, c'est très fort ce truc.
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1:24 - 1:27« La dernière phrase est un peu un énoncé classique de l'anthropologie,
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1:27 - 1:31et l'on trouvera de semblables rejets du calcul des crédits et des débits... »
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1:31 - 1:35— rejet du calcul des débits et des crédits ! —
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1:36 - 1:37« ... dans toute la littérature anthropologique
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1:37 - 1:39sur les sociétés égalitaires de chasseurs.
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1:40 - 1:42Loin de se voir comme un humain
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1:42 - 1:44parce qu'il peut faire des calculs économiques,
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1:44 - 1:47le chasseur affirme qu'on est véritablement humain
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1:47 - 1:50quand on refuse de faire ce genre de calculs.
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1:53 - 1:57Quand on refuse de mesurer ou de garder en mémoire qui a donné quoi,
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1:57 - 2:00à qui, justement parce que ces comportements
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2:00 - 2:02vont inévitablement créer un monde
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2:02 - 2:06où nous allons entreprendre de comparer puissance à puissance,
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2:07 - 2:09de les mesurer,
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2:10 - 2:12de les calculer,
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2:13 - 2:16et puis de nous réduire mutuellement, progressivement, à l'état d'esclaves...
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2:17 - 2:19ou de chiens, par la dette.
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2:21 - 2:24« Non que cette homme, comme d'innombrables esprits
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2:24 - 2:26aussi égalitaires que lui au fil de l'histoire,
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2:26 - 2:28non que cet homme ait ignoré
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2:28 - 2:30que les humains ont une propension à calculer.
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2:31 - 2:33S'il ne le savait pas, il n'aurait pas pu dire ce qu'il a dit,
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2:33 - 2:35bien sûr qu'on a une propension à calculer.
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2:35 - 2:37Nous avons toutes sortes de penchants.
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2:37 - 2:39Dans toute situation de la vie réelle,
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2:39 - 2:42nous avons des inclinations qui nous poussent simultanément
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2:42 - 2:44dans plusieurs directions différentes, et contradictoires.
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2:44 - 2:46Aucune n'est plus réelle que les autres.
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2:47 - 2:50Laquelle choisissons-nous comme fondement de notre humanité
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2:50 - 2:52et plaçons-nous à la base de notre civilisation,
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2:52 - 2:54telle est la vraie question. »
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2:54 - 2:57Et en ce moment, ça fait pas longtemps,
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2:57 - 2:59ça fait deux cents ans, trois cents ans, c'est pas long...
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2:59 - 3:01Mais depuis trois cents ans,
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3:03 - 3:05les marchands ont colonisé notre imaginaire !
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3:05 - 3:08Nous comptons les débits et les crédits !
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3:09 - 3:13Un marchand, quand il fait sa transaction,
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3:14 - 3:17quand on paye, il n'y a plus de relation entre les gens.
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3:18 - 3:20Il y a une relation pendant la transaction,
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3:20 - 3:22et le paiement éteint la relation !
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3:23 - 3:25Et nous redevenons des étrangers.
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3:25 - 3:27Alors que les humains, depuis la nuit des temps
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3:27 - 3:29— ce que racontent les anthropologues, c'est fabuleux ! —,
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3:29 - 3:33c'est que les humains, avant que les marchands ne nous colonisent
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3:33 - 3:35et ne nous déshumanisent,
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3:35 - 3:40les humains savaient l'importance qu'il y avait à ces micro,
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3:40 - 3:43micro-obligations réciproques permanentes.
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3:44 - 3:45Et quand on, quand...
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3:47 - 3:50Ce qui a précédé la monnaie, ça n'était pas le troc :
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3:51 - 3:55le troc n'a pas existé, le troc existait entre étrangers.
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3:55 - 3:58Mais une société qui comptait vivre ensemble
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3:58 - 4:01et qui avait devant elle l'éternité ne troquait pas.
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4:01 - 4:04On se prêtait les choses :
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4:04 - 4:07« oui, t'as besoin de tel outil, je te le prête évidemment,
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4:07 - 4:08il n'y a pas de problème, je te le prête »,
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4:08 - 4:10comme dit l'Inuit, « tu en as besoin, c'est à toi, prends-le,
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4:10 - 4:15enfin, oui je te le prête... Tu me le rendras,
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4:15 - 4:18tu me rendras un peu plus, ou tu me rendras un peu moins... ».
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4:18 - 4:20Ils ne se rendent jamais exactement la même chose,
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4:20 - 4:24pour qu'il y ait toujours une petite obligation qui fait qu'on ne s'étripe pas...
- Title:
- La mutinerie - Etienne Chouard à propos des Inuits (David Graeber)
- Description:
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Étienne Chouard explique à l'appui d'un ouvrage de Graeber comment les sociétés égalitaires de chasseurs ont refusé le calcul précis des débits et des crédits pour placer au fondement de leur humanité le partage des ressources.
- Video Language:
- French
- Duration:
- 04:33
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