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Émilie Muller (court-métrage de fiction)

  • 0:43 - 0:45
    C'est à vous.
  • 0:46 - 0:50
    - Bonjour.
    - Bonjour. Asseyez-vous.
  • 0:50 - 0:52
    Vous vous appelez comment ?
    - Emilie Muller.
  • 0:52 - 0:55
    - C'est votre vrai nom ?
    - Oui [elle sourit]
  • 0:55 - 0:58
    - Vous êtes comédienne ?
  • 0:58 - 1:01
    - J'ai joué un petit rôle une fois
    au théâtre il y a longtemps
  • 1:01 - 1:04
    mais on peut pas
    appeler ça comédienne.
  • 1:04 - 1:06
    - C'est tout ?
    - Oui.
  • 1:06 - 1:08
    - Pas de films ?
    - Et non, jamais.
  • 1:08 - 1:11
    - Des auditions ?
    - Non, c'est la première fois.
  • 1:11 - 1:15
    - Pas d'école,
    pas de cours d'art dramatique ?
  • 1:15 - 1:16
    - Non, je suis désolée.
  • 1:16 - 1:19
    - Comment vous avez appris
    qu'on cherchait une comédienne ?
  • 1:19 - 1:23
    C'est une amie. Elle voulait
    que je l'accompagne et a beaucoup insisté.
  • 1:23 - 1:26
    Puis, finalement c'est elle
    qui n'est pas venue.
  • 1:26 - 1:30
    - Vous êtes venue quand même.
    - Oui, à cause de l'histoire...
  • 1:30 - 1:32
    enfin, le scénario.
  • 1:32 - 1:35
    Cet homme coincé
    dans une pièce et cette femme
  • 1:35 - 1:38
    qui court le monde à sa place
    ça m'a beaucoup touché.
  • 1:38 - 1:41
    Est-ce que vous pourriez me montrer
    ce qu'il y a dans votre sac ?
  • 1:41 - 1:44
    - votre sac à main.
    - Dans mon sac ?
  • 1:44 - 1:46
    - Oui.
    - Je...
  • 1:46 - 1:51
    - Vous voulez pas ? Allez-y, allez-y.
    - Si, d'accord.
  • 1:54 - 1:59
    - Vous trouvez peut-être ça indiscret ?
    - Non, non, pas du tout.
  • 2:02 - 2:05
    - En fait, vous voulez
    que je vide mon sac.
  • 2:05 - 2:07
    Je fais comment ?
  • 2:07 - 2:08
    Vous tirez un objet au hasard
    et vous racontez ce que ça fait
  • 2:08 - 2:10
    dans votre sac, ce que ça vous évoque.
  • 2:11 - 2:13
    D'accord, on peut tourner.
    Tout le monde est prêt ?
  • 2:13 - 2:18
    Metteur ?
    - Émilie Muller, 1ère.
  • 2:20 - 2:23
    - Bon, j'y vais, là ?
  • 2:24 - 2:28
    Vous savez, il y a rien d'extraordinaire.
  • 2:29 - 2:31
    Porte-monnaie.
  • 2:32 - 2:34
    Un poudrier.
  • 2:40 - 2:43
    Ce matin, en venant ici
    j'ai traversé un marché,
  • 2:43 - 2:48
    il y avait des fruits
    de toutes les couleurs, et des pommes,
  • 2:48 - 2:52
    rouges et vertes...
  • 2:52 - 2:56
    Comme je m'étais arrêtée pour regarder,
    le marchand en a pris une
  • 2:56 - 2:59
    et me l'a donnée, voilà.
  • 2:59 - 3:02
    - C'est quoi ?
    - Ça ?
  • 3:02 - 3:04
    De petites annonces.
  • 3:04 - 3:06
    Vous cherchez quelque chose ?
  • 3:06 - 3:09
    En ce moment, rien,
    mais ça m'arrive de chercher du travail.
  • 3:09 - 3:12
    Quel genre de travail ?
  • 3:12 - 3:14
    En fait, j'en change tout le temps :
  • 3:14 - 3:22
    femme de chambre, baby-sitter,
    serveuse dans un bar, documentaliste...
  • 3:23 - 3:26
    En ce moment je suis correctrice
    dans une maison d'édition.
  • 3:26 - 3:28
    Ça me plaît beaucoup.
  • 3:28 - 3:33
    Le défaut c'est que dans un texte,
    je ne vois plus que les défauts justement.
  • 3:33 - 3:37
    C'est fou quand on est un peu curieux,
    ce qu'on peut trouver
  • 3:37 - 3:40
    dans les petites annonces.
  • 3:40 - 3:43
    Puis, je trouve que
    c'est tellement formidable de...
  • 3:43 - 3:48
    savoir que quelques mots d'un journal
    peuvent changer une vie.
  • 3:51 - 3:55
    J'aime bien les annonces des maisons aussi
    parce que je rêve d'avoir une maison à moi.
  • 3:55 - 3:57
    Oh, pas grand-chose.
  • 3:57 - 3:59
    Une petite maison au fond d'une forêt,
    ça me suffirait.
  • 3:59 - 4:03
    Mais une maison où je pourrais aller
    quand j'en ai envie,
  • 4:03 - 4:07
    je pourrais amener des amis
    où l'on pourrait boire,
  • 4:07 - 4:10
    écouter de la musique,
    jusqu'à très tard dans la nuit.
  • 4:11 - 4:15
    Quand je lis l'annonce d'une maison,
  • 4:15 - 4:18
    j'imagine aussitôt la vie
    que je pourrais y mener,
  • 4:18 - 4:21
    parce que une maison c'est forcément
    le début d'une nouvelle vie.
  • 4:21 - 4:24
    Je veux dire, des odeurs différentes,
  • 4:24 - 4:30
    des couleurs nouveaux, nouvelles ?
  • 4:32 - 4:35
    ou alors la solitude, totale,
  • 4:35 - 4:38
    rien, personne à qui parler.
  • 4:38 - 4:41
    Je rêve de ça quelquefois.
  • 4:41 - 4:43
    - Et ça ne vous fait pas peur ?
    - Non, pas du tout.
  • 4:43 - 4:46
    Très tôt, mes parents
    m'ont appris à rester seule.
  • 4:46 - 4:49
    Ils me laissaient
    des après-midis entières,
  • 4:49 - 4:51
    avec un livre, oui.
  • 4:51 - 4:55
    J'ai pas le souvenir d'avoir eu peur,
    non, jamais.
  • 4:57 - 5:00
    Ah, une bague.
  • 5:02 - 5:05
    C'est un très vieil ami qui me l'a donnée.
  • 5:05 - 5:10
    C'était à sa mère, qui est morte.
  • 5:11 - 5:13
    J'ai jamais pu la mettre.
  • 5:13 - 5:17
    - Pourquoi ?
    - Parce que c'est trop lourd à porter.
  • 5:23 - 5:25
    Un billet d'avion.
  • 5:25 - 5:28
    - Un vieux billet ?
    - Non, un billet neuf...
  • 5:28 - 5:30
    ...qu'un ami m'a envoyé.
  • 5:31 - 5:35
    Paris-Nice aller-retour.
    Je sais pas si j'y irai.
  • 5:35 - 5:37
    Et pourquoi ça ?
  • 5:38 - 5:41
    Il m'a dit qu'il y avait
    un appartement tout blanc,
  • 5:41 - 5:45
    qui donne sur la mer,
    comme dans un tableau de...
  • 5:46 - 5:49
    non, en fait, ça serait
    pour aller voir une tombe.
  • 5:49 - 5:54
    - Une ?
    - Une tombe. Vous savez ? Une tombe.
  • 5:54 - 5:58
    Qui est tout au bout de la ville.
    Il y a un cimetière tout blanc.
  • 5:58 - 6:01
    Matisse, le peintre, est enterré là.
  • 6:01 - 6:07
    Cette tombe nue avec un bouquet
    de fleurs rouges, toujours les mêmes.
  • 6:07 - 6:13
    Quelqu'un, une femme peut-être,
    vient les changer tous les jours.
  • 6:13 - 6:16
    Quand il m'en a parlé, je lui ai dit
    que j'avais envie
  • 6:16 - 6:19
    de voir cette tombe,
    alors hier j'ai reçu ce billet.
  • 6:20 - 6:24
    Bon, si je pars,
    j'ai peur de ne pas revenir.
  • 6:30 - 6:33
    Hmm, un petit carnet pour noter.
  • 6:33 - 6:38
    - Pour noter quoi ?
    - Une histoire, un bout de rêve,
  • 6:38 - 6:41
    une phrase que j'ai lue dans un livre.
  • 6:41 - 6:45
    J'aime pas à ce point noter.
    C'est une manie absurde.
  • 6:45 - 6:50
    - Pourquoi absurde ?
    - Parce que ça ne sert à rien.
  • 6:50 - 6:54
    Ce qui compte vraiment,
    inutile de le noter, on s'en souvient.
  • 6:58 - 7:02
    - Et c'est votre journal aussi ?
    - Ça ? Oui.
  • 7:02 - 7:05
    J'écris tous les jours.
    Je m'oblige à écrire tous les jours.
  • 7:05 - 7:09
    C'est comme un travail.
  • 7:09 - 7:12
    J'écris ce que je vois, ce que je fais,
    des gens que je rencontre, tout.
  • 7:12 - 7:16
    - Vous avez pas peur qu'on le lise ?
    - Si.
  • 7:16 - 7:19
    L'autre jour, j'ai perdu
    un de mes carnets.
  • 7:19 - 7:20
    Carnés.
  • 7:20 - 7:23
    - Carnets.
    - Carnets [correction de prononciation].
  • 7:23 - 7:26
    Depuis ça, j'arrête pas
    de faire des cauchemars.
  • 7:26 - 7:30
    Je rêve qu'on le retrouve, qu'on vienne
    me demander des comptes sans arrêt.
  • 7:30 - 7:34
    Il y a des choses terribles,
    que je n'ai jamais dites à personne.
  • 7:34 - 7:36
    Vous pourriez me lire
    quelque chose, comme ça ?
  • 7:36 - 7:38
    Un peu au hasard.
  • 7:47 - 7:49
    Lundi 7 juillet.
  • 7:51 - 7:55
    J'ai connu le bonheur, mais ce n'est pas
    ce qui m'a rendu la plus heureuse.
  • 7:56 - 7:57
    C'est joli, non ?
  • 7:57 - 7:59
    C'est de vous ?
  • 7:59 - 8:01
    Non, de Jules Renard.
  • 8:01 - 8:04
    J'ai lu ça dans son journal.
  • 8:04 - 8:06
    Il y a une phrase très drôle
    que j'ai notée.
  • 8:06 - 8:07
    Il faudrait que je la retrouve.
  • 8:07 - 8:12
    - Est-ce que vous voulez un peu de café ?
    - Non, non, merci.
  • 8:12 - 8:15
    Dites-moi, est-ce que
    vous aimez séduire ?
  • 8:17 - 8:19
    Franchement, je crois pas.
  • 8:19 - 8:23
    Mais on aime tous séduire, non ?
  • 8:27 - 8:31
    Moi, c'est plutôt le désir de l'autre
  • 8:31 - 8:33
    qui me séduit.
  • 8:33 - 8:35
    C'est-à-dire ?
  • 8:35 - 8:40
    Oui, dès qu'on me montre
    un peu d'intêret, je ne résiste pas.
  • 8:40 - 8:43
    Je voudrais faire autrement,
    mais c'est plus fort que moi.
  • 8:43 - 8:46
    Mais les hommes
    doivent en profiter, non ?
  • 8:48 - 8:50
    Ben je les laisse tomber.
  • 8:50 - 8:53
    C'est très inattendu parfois.
  • 8:53 - 8:55
    Par exemple ?
  • 8:55 - 8:58
    Il peut suffire d'un mot, d'un geste,
  • 8:58 - 9:02
    pour eux c'est sans importance,
    mais pour moi c'est suffisant.
  • 9:02 - 9:08
    Ça suffit pour que je me rende compte...
    qu'il y a rien de commun entre nous.
  • 9:08 - 9:13
    - Et après, vous ne les revoyez plus ?
    - Non, ça, je peux pas.
  • 9:13 - 9:17
    Des gens que j'ai aimés,
    je cherche toujours à les revoir.
  • 9:18 - 9:23
    J'ai toujours besoin de savoir
    ce qu'ils font, ce qu'ils sont devenus.
  • 9:23 - 9:25
    Même si je les vois pas pendant des mois.
  • 9:25 - 9:28
    Le fait simplement de savoir
    qu'ils sont là, quelque part,
  • 9:28 - 9:31
    que là où ils sont,
    ils sont bien et que...
  • 9:31 - 9:33
    et qu'il suffit d'un signe
    pour qu'on se retrouve.
  • 9:33 - 9:35
    Vous pouvez pas imaginer...
  • 9:35 - 9:36
    c'est important.
  • 9:39 - 9:42
    On cherche à effacer quelqu'un de sa vie,
  • 9:42 - 9:45
    c'est finalement un peu
    de sa vie qu'on efface.
  • 9:45 - 9:51
    Et puis, la vie fait déjà tout
    pour séparer des gens, alors...
  • 9:55 - 9:57
    Un...
  • 9:57 - 10:00
    Un stylo.
  • 10:00 - 10:03
    C'est un cadeau de mon ami
    pour son anniversaire.
  • 10:03 - 10:05
    Pour SON anniversaire ?
  • 10:05 - 10:11
    - Oui. Il a toujours préféré
    de faire des cadeaux à en recevoir.
  • 10:16 - 10:18
    Une carte postale.
  • 10:20 - 10:22
    D'une amie.
  • 10:22 - 10:24
    Ça fait longtemps que
    j'avais pas eu de ses nouvelles.
  • 10:24 - 10:28
    Elle vit au Brésil, à Sao Paulo.
  • 10:28 - 10:31
    Depuis cinq ans, elle est bonne sœur.
  • 10:34 - 10:40
    Là, elle m'écrit pour me dire
    qu'elle a tout abandonné
  • 10:40 - 10:43
    et qu'elle vient de se marier...
  • 10:43 - 10:45
    avec un prêtre. (rires)
  • 10:45 - 10:49
    Si je pouvais, je prendrais
    le premier avion.
  • 10:52 - 10:57
    - Il reste des choses ?
    - Qu'est-ce qu'il y a encore ?
  • 10:57 - 10:59
    Oui.
  • 10:59 - 11:01
    Une...
  • 11:01 - 11:06
    Une carte de bibliothèque
    et une carte de donneur d'organes.
  • 11:08 - 11:12
    - De quoi ?
    - Oui, de donneur d'organes.
  • 11:12 - 11:16
    Si je meurs, je fais le don
    de mes organes.
  • 11:16 - 11:18
    Je n'en prends presque jamais, mais
  • 11:18 - 11:21
    je l'ai toujours sur moi à cause de...
  • 11:21 - 11:23
    à cause des insomnies.
  • 11:23 - 11:26
    Le plus terrible c'est
    entre 4h et 5h du matin.
  • 11:26 - 11:27
    Quand on a rien prévu.
  • 11:27 - 11:29
    Quand on n'a même pas un bon livre
  • 11:29 - 11:32
    ou quelques biscuits à grignoter.
  • 11:36 - 11:38
    Paquet de cigarettes.
  • 11:38 - 11:40
    - Vous fumez beaucoup ?
    - Moi ?
  • 11:40 - 11:41
    Moi, je fume pas.
  • 11:41 - 11:44
    C'est pour les amis.
  • 11:44 - 11:47
    - Et vous avez beaucoup d'amis ?
  • 11:47 - 11:48
    - Euh, non.
  • 11:48 - 11:51
    J'ai un ami qui a
    une théorie là-dessus.
  • 11:51 - 11:57
    Il dit que l'être humain
    a une capacité limitée d'avoir des amis.
  • 11:57 - 11:59
    Que si vous en ajoutez un nouveau,
  • 11:59 - 12:03
    il en chasse un que vous aviez déjà.
  • 12:03 - 12:08
    Je suis d'accord. Dans une vie
    on peut avoir deux ou trois amis.
  • 12:08 - 12:11
    Et encore... (rires)
  • 12:13 - 12:17
    Mais quelles sont les qualités
    qui vous touchent le plus chez un homme ?
  • 12:19 - 12:21
    Qui me touchent le plus ?
  • 12:23 - 12:25
    Qui puisse être touché justement.
  • 12:26 - 12:29
    Qui puisse admirer aussi,
    c'est important d'admirer.
  • 12:29 - 12:31
    Mais bon, c'est pas valable
    que pour les hommes.
  • 12:31 - 12:35
    Je crois que j'aime encore plus quelqu'un
  • 12:35 - 12:38
    s'il est capable d'être ému.
  • 12:38 - 12:40
    C'est vrai.
  • 12:40 - 12:43
    Et votre ami ? Il a cette qualité ?
  • 12:43 - 12:45
    Je crois, oui.
  • 12:45 - 12:47
    Et quels sont ses défauts ?
  • 12:47 - 12:50
    - "Émilie Muller, 2ème". [clac]
  • 12:50 - 12:52
    Faut reprendre
    parce la pellicule est finie,
  • 12:52 - 12:57
    donc votre ami, je vous demandais
    quels étaient ses défauts.
  • 12:57 - 12:59
    Ah, oui, ses défauts.
  • 13:03 - 13:06
    Je lui en connais qu'un,
    un seul, mais il est terrible.
  • 13:06 - 13:08
    Lequel ?
  • 13:10 - 13:13
    Tout le monde l'aime...
  • 13:13 - 13:16
    et lui n'aime personne.
  • 13:17 - 13:19
    Continuez.
  • 13:21 - 13:23
    Un canif.
  • 13:23 - 13:27
    Un harmonica.
    On dit "un" ou "une" harmonica ?
  • 13:27 - 13:29
    Un, je crois.
  • 13:29 - 13:32
    Une épingle à nourrice, un vieil agenda...
  • 13:32 - 13:36
    - Vous avez un livre sur vous ?
    - Un livre ?
  • 13:36 - 13:38
    Oui, toujours.
  • 13:38 - 13:40
    Pouvez-vous me le montrer ?
  • 13:40 - 13:41
    C'est quoi ?
  • 13:41 - 13:44
    C'est un livre du souvenir.
  • 13:45 - 13:50
    Je n'ai plus que ça, et des biographies,
    des journaux intimes aussi.
  • 13:50 - 13:55
    Il faut que... que je soie sûre que
    ce que je lis a été vécu par quelqu'un.
  • 13:55 - 13:59
    Sans ça, le livre me tombe des mains.
  • 13:59 - 14:04
    Là, ça, c'est un... livre
    d'un écrivain américain.
  • 14:05 - 14:08
    À un moment donné, il explique que
    sa mère est morte
  • 14:08 - 14:11
    sans avoir jamais rien dit de lui.
  • 14:12 - 14:14
    Vous savez pourquoi ?
  • 14:14 - 14:19
    Parce qu'à chacun de ses livres
    il se disait que le prochain
  • 14:19 - 14:21
    sera meilleur, donc digne d'elle.
  • 14:22 - 14:25
    C'est magnifique, non ?
  • 14:25 - 14:27
    Je lis très peu de livres en entier.
  • 14:27 - 14:30
    Je saute toujours d'un à l'autre,
    d'une page à l'autre, tout le temps.
  • 14:30 - 14:32
    Mais pourquoi ?
  • 14:35 - 14:39
    Est-ce que vous avez déjà rencontré
    la femme de votre vie ?
  • 14:39 - 14:40
    Pardon ?
  • 14:41 - 14:47
    Oui, celle qui au premier regard
    remplace toutes les autres.
  • 14:47 - 14:50
    Bon, imaginons que vous la cherchez,
    que vous la connaissiez pas.
  • 14:50 - 14:54
    Vous êtes seulement sûr d'une chose,
    c'est que quand elle sera devant vous,
  • 14:54 - 15:01
    pour la première fois, sans aucun doute
    ce sera elle que vous avez cherchée.
  • 15:01 - 15:04
    La lecture, c'est pareil.
  • 15:05 - 15:08
    En lisant on cherche tous
    quelque chose d'unique.
  • 15:08 - 15:13
    Mais cette chose, bien sûr,
    reste toujours introuvable.
  • 15:14 - 15:16
    Et si vous la retrouviez, cette chose ?
  • 15:18 - 15:22
    Alors, ça me bouleverserait la vie,
    tout simplement. (rires)
  • 15:22 - 15:25
    "Émilie Muller, 3ème". [clac]
  • 15:25 - 15:27
    Allez-y.
  • 15:27 - 15:29
    Je crois que c'est fini.
  • 15:29 - 15:32
    Ah, non, il y a une petite poche.
  • 15:33 - 15:36
    Là, c'est mon ami. Il dort.
  • 15:36 - 15:41
    C'est le seul moment
    où il accepte d'être photographié.
  • 15:42 - 15:48
    Là, c'est ma mère, quand elle était jeune.
  • 15:48 - 15:51
    J'ai trouvé la photo
    il y a quelques jours dans une malle.
  • 15:51 - 15:53
    Je l'avais jamais vue.
  • 15:53 - 15:59
    J'aime bien le regard de ma mère,
    son sourire surtout.
  • 15:59 - 16:03
    C'est la première fois que je la vois
    dans les bras d'un autre que mon père.
  • 16:03 - 16:06
    Ils avaient l'air très amoureux.
  • 16:06 - 16:08
    Je suis contente qu'avant nous,
  • 16:08 - 16:12
    avant mon père, elle a pu être heureuse.
  • 16:14 - 16:16
    Ils comptent beaucoup, vos parents ?
  • 16:16 - 16:18
    Oui, ils sont tout pour moi.
  • 16:18 - 16:21
    L'idée qu'un jour ils...
  • 16:21 - 16:23
    j'en tremble.
  • 16:25 - 16:28
    Vous pouvez me parler de vous,
    petite fille ?
  • 16:29 - 16:31
    Longtemps,
    je suis restée petite.
  • 16:31 - 16:35
    - Pourquoi ?
    - Je voulais pas grandir, j'étais bien.
  • 16:35 - 16:36
    Je sais plus quel écrivain dit que
  • 16:36 - 16:41
    quand il était jeune, petit,
    il ne se souvient pas d'avoir touché terre
  • 16:41 - 16:43
    tellement il passait de bras en bras.
  • 16:43 - 16:45
    Moi, c'est pareil.
  • 16:45 - 16:48
    J'avais des parents très rassurants
    qui m'ont beaucoup protégée.
  • 16:48 - 16:50
    Vous êtes de quelle origine ?
  • 16:50 - 16:54
    Je suis... hongroise.
  • 16:54 - 16:58
    Pouvez-vous me dire quelque chose
    en hongrois, un poème, par exemple ?
  • 16:58 - 17:00
    Vous n'allez pas comprendre grand-chose.
  • 17:00 - 17:02
    Pas grave.
  • 17:02 - 17:12
    [elle récite en hongrois, semble-t-il]
  • 17:12 - 17:14
    - D'accord.
    - Voilà.
  • 17:16 - 17:18
    Quand vous étiez petite,
    saviez-vous
  • 17:18 - 17:21
    ce que vous vouliez faire plus tard ?
  • 17:21 - 17:26
    Oui, avec mon frère,
    on voulait être astronautes.
  • 17:26 - 17:28
    (rires) Astronaute, oui.
  • 17:28 - 17:31
    On passait notre temps à observer le ciel.
  • 17:32 - 17:36
    On nous aurait proposé de partir
    sur Vénus, Mars ou Jupiter,
  • 17:36 - 17:39
    on aurait été fous de joie,
    on serait partis tout de suite.
  • 17:39 - 17:41
    - Et ça s'est pas fait ?
    - Non.
  • 17:41 - 17:44
    Allez savoir pourquoi. (rires)
  • 17:44 - 17:50
    On peut couper ? C'est fini.
    15 minutes sont passées.
  • 17:50 - 17:53
    Déjà ? Ah, bon.
  • 17:53 - 17:55
    - Merci beaucoup.
    - Au revoir.
  • 17:55 - 17:58
    Au revoir.
  • 17:58 - 18:01
    N'oubliez pas de vérifier
    les coordonnées dehors
  • 18:01 - 18:03
    auprès du jeune homme
    dans le couloir.
  • 18:03 - 18:07
    On vous rappellera, dans une semaine.
  • 18:20 - 18:25
    Est-ce que je pourrais avoir
    un petit peu d'eau, svp, parce que là...
  • 18:25 - 18:27
    Il vous en reste quatre.
  • 18:27 - 18:30
    Tu veux la suivante maintenant ?
  • 18:30 - 18:31
    J'ai envie de faire une petite pause.
  • 18:31 - 18:33
    Ouais.
  • 18:33 - 18:36
    Tu leur dis que ce sera pas long,
    10-15 minutes ?
  • 18:36 - 18:39
    - Ouais, je vais leur faire patienter.
    - Merci.
  • 18:39 - 18:41
    Je vais en face, hein.
  • 18:43 - 18:44
    - Hé, Olivier !
    - Ouais ?
  • 18:44 - 18:47
    - Elle a oublié son sac, Émilie.
  • 18:47 - 18:48
    Tu l'arrêteras tout de suite ?
  • 18:48 - 18:50
    Ce sac ? Mais c'est pas le sien.
  • 18:50 - 18:53
    Attends, on vient de tourner avec.
  • 18:53 - 18:56
    C'est pas le sien, je t'assure,
    elle avait pas de sac.
  • 18:56 - 18:58
    C'est celui de qui alors ?
  • 18:58 - 19:02
    - Alice ! Alice !
    - Oui ?
  • 19:02 - 19:07
    - Alice, dis-moi, c'est à qui ce sac ?
    - C'est le mien.
  • 19:07 - 19:10
    - Non [incrédule].
    - Mais si, c'est le mien.
Title:
Émilie Muller (court-métrage de fiction)
Description:

Émilie Muller raconte le bout d'essai d'une jeune comédienne.
Réalisé par Yvon Marciano en 1994. Nommé au César du meilleur court-métrage en 1995. Actrice : Veronika Varga.

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Video Language:
French
Duration:
19:56

French subtitles

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