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Eve Ensler sur le bonheur, corps et âme

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    Je parie que vous êtes inquiets.
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    (Rires)
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    J'étais inquiète. C'est pour cela que j'ai commencé cette pièce.
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    Les vagins m'inquiétaient. Ce que nous pensons des vagins m'inquiétait,
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    et que nous n'y pensions pas m'inquiétais encore plus.
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    Mon propre vagin m'inquiétait.
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    Il avait besoin d'un contexte, d'une culture, d'une communauté de vagins.
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    Il y a tant de noirceur et de secret autour des vagins.
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    Comme le triangle des Bermudes, personne n'en revient jamais pour en parler.
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    (Rires)
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    D'abord, il n'est pas si simple de trouver son vagin.
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    Les femmes passent des jours, des semaines, des mois sans le regarder.
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    J'ai interviewé une grande femme d'affaires,
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    qui m'a dit qu'elle n'avait pas le temps.
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    "Regarder son vagin" m'a-t-elle dit, "est l'équivalent d'une journée entière de travail."
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    (Rires)
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    "Il faut s'allonger par terre, sur le dos, en face d'un miroir,
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    de pied, de préférence. Il faut trouver la position idéale,
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    avec la lumière idéale, qui sera de toute façon cachée par l'angle dans lequel vous êtes.
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    Vous soulevez la tête, courbez le dos, c'est épuisant --"
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    elle était occupée, elle n'avait pas le temps.
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    Alors, j'ai décidé de parler aux femmes de leurs vagins.
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    Cela a commencé par des entretiens informels autour du vagin.
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    et c'est devenu les Monologues du Vagin.
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    J'ai parlé à plus de 200 femmes. J'ai parlé à des femmes âgées,
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    à des jeunes femmes, à des femmes mariées, à des lesbiennes, des célibataires.
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    J'ai parlé à des cadres, des professeures de lycée, des actrices, des professionnelles du sexe,
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    J'ai parlé à des afro-américaines, des américaines d'origine asiatique,
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    des indiennes d'Amérique, des femmes blanches, des juives.
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    OK, au début, les femmes étaient un peu timides, un peu réticentes à parler.
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    Mais une fois qu'elles étaient lancées, on ne pouvait plus les arrêter.
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    Les femmes adorent parler de leur vagin, je vous assure.
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    Surtout parce qu'on ne les avait jamais interrogées avant.
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    (Rires)
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    Commençons par le mot vagin -- vagin, vagin.
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    On dirait au mieux une infection. Peut-être à un instrument médical.
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    "Infirmière, vite, apportez le vagin"
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    (Rires)
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    Vagin, vagin, vagin, peu importe le nombre de fois
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    que vous prononcez ce mot, ce n'est jamais un mot que vous voulez utiliser.
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    C'est un mot totalement ridicule, et pas sexy du tout.
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    Si vous le prononcez durant l'acte sexuel, en essayant d'être politiquement correct,
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    "Chéri, veux-tu caresser mon vagin?", vous foutez tout par terre
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    (Rires)
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    Je suis préoccupée par la façon dont on les appelle et dont on ne les appelle pas.
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    Dans le Great Neck, à New York, on l'appelle le "minou''
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    Là-bas, une femme m'a raconté que sa mère lui disait,
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    "ma chérie, ne porte pas de culotte sous ton pyjama,
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    il faut t'aérer le minou."
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    (Rires)
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    Dans le Westchester, on dit le "petit coin'', dans le New Jersey, "la foufoune".
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    Ici le "zizi", le "pioupiou", la "languette", là le "kiki", la "poupounette"
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    j'ai trouvé le "ziguouigoui", la "crapounette", la "bibiche", le "mimi".
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    (Rires)
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    On l'appelle aussi le "tutu", le "turlututu", la "bécassine", le "pipi", le "frifri"
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    "labi", "gladis siegelman", "va", pipi, l'endroit des putes, "nappy dugout",
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    "mungo", "ghoulie", poudrier, un "mimi à Miami",
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    un "split knish" -- Philadelphie -- et un "schmende" dans le Bronx.
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    (Rires)
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    Les vagins m'inquiètent.
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    C'est comme ça que les Monologues du vagin commencent.
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    Mais cela n'a pas réellement commencé là, cela a commencé par une conversation avec une femme.
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    Nous parlions de ménopause,
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    et nous nous sommes mises à parler de vagin --
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    ce que vous feriez si vous étiez en train de parler de ménopause.
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    Et ce qu'elle m'a dit de son vagin m'a vraiment choquée,
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    elle m'a dit qu'il était asséché, fini et mort, et j'étais choquée.
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    Alors j'ai demandé à une amie, comme ça, "que penses-tu de ton vagin?"
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    Et cette femme m'a dit quelque chose d'encore plus étonnant,
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    et la femme d'après m'a dit quelque chose d'encore plus incroyable,
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    et avant que je ne m'en rende compte, toutes les femmes me disaient
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    que je devais parler à quelqu'un d'autre qui avait une histoire incroyable sur son vagin,
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    et j'ai été entrainée sur la route des vagins.
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    (Rires)
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    Et je n'en n'ai pas encore fini le tour, si on m'avait dit
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    quand j'étais plus jeune que je grandirais et que j'irais dans un magasin de chaussures,
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    et que les gens crieraient en me voyant "c'est la Dame du Vagin",
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    je ne sais pas si cela aurait été l'ambition de ma vie.
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    (Rires)
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    Mais je veux parler un peu du bonheur et de la relation
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    à cette aventure du vagin parce que
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    cela a été une aventure extraordinaire qui a commencé il y a 8 ans.
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    Je pense qu'avant que je ne fasse les Monologues du vagin
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    je ne croyais pas vraiment au bonheur.
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    Pour être honnête, je pensais que seuls les imbéciles étaient heureux.
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    Je me souviens, lorsque j'ai commencé à pratiquer le bouddhisme, il y a 14 ans,
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    et que l'on me disait que le but de cette pratique était d'être heureux.
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    Je disais "Comment pouvez vous être heureux et vivre dans ce monde de souffrances
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    dans ce monde de peines?" J'ai confondu le bonheur avec beaucoup d'autres choses,
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    comme l'engourdissement, ou la décadence, ou l'égoïsme.
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    Et ce qui s'est passé avec les Monologues du vagin
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    et cette aventure, c'est que j'ai enfin compris
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    un peu mieux ce que c'était que le bonheur.
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    Je voudrais parler de trois qualités.
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    L'une est de voir ce qui en juste en face de vous et en parler,
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    et le dire. Je pense que ce que j'ai appris en parlant du vagin,
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    et en parlant du vagin comme si c'était la chose la plus évidente --
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    c'était au centre de mon corps, au centre du monde --
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    et pourtant c'était la seule chose dont personne ne parlait.
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    La deuxième chose est que parler du vagin
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    a ouvert la porte qui me permettait de voir
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    qu'il y avait un moyen d'être utile au monde pour le rendre meilleur.
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    Et c'est en fait de cela qu'est venu le plus grand bonheur.
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    Et le troisième principe du bonheur dont je me suis rendue compte récemment.
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    Il y a 8 ans, commençaient cet élan et cette énergie, cette vague V --
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    et je ne peux que décrire cela comme une vague parce que pour être honnête
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    je ne la comprends pas tout à fait, je me sens à son service.
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    Mais cette vague a commencé, et si je remets la vague en question,
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    ou essaie de l'arrêter ou de regarder en arrière,
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    j'ai souvent l'impression de me faire le coup du lapin
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    ou de me casser le cou. Mais si je pense à la vague,
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    et si je lui fais confiance, si je bouge avec elle, elle m'emmène au prochain lieu.
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    Et cela se passe de manière logique, biologique, vraie.
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    Et j'ai commencé cette pièce, particulièrement avec des histoires et des récits,
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    et j'ai parlé à une femme et cela m'a amené à une autre femme
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    et à une autre femme et alors j'ai écrit ces histoires
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    et je les ai présentées à d'autres personnes.
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    Et au début, toutes les fois où je montrais le spectacle,
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    les femmes faisaient la queue après le spectacle
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    parce qu'elles voulaient me raconter leur histoire.
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    Et j'ai d'abord pensé, "Super, je vais entendre parler d'orgasmes merveilleux,
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    et de vies sexuelles formidables et d'amour des femmes pour leurs vagins."
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    En fait, les femmes ne faisaient pas la queue pour me parler de cela.
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    Elles faisaient la queue pour me dire comment elles avaient été violées,
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    et comment elles avaient été cabossées, comment elles avaient été battues,
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    et comment elles avaient été victimes d'une tournante dans un parking,
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    et comment elles avaient été victimes d'inceste de leurs oncles.
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    Et j'ai voulu arrêter les Monologues du vagin
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    parce que je me sentais trop découragée. J'étais comme un reporter de guerre
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    qui prend des photos d'évènements terribles mais n'intervient pas.
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    Et donc en 1997, je me suis dit "Rassemblons les femmes.
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    Que pourrions nous faire de l'information de ces femmes qui ont été violées?"
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    Et après réflexion et investigations, il s'est avéré
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    que j'ai découvert -- et les Nations unies l'avaient dit récemment --
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    qu'1 femme sur 3 sur cette planète
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    sera battue ou violée au cours de sa vie.
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    C'est essentiellement un genre qui est essentiellement la ressource de la planète, et c'est la femme.
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    Alors en 1997 nous avons mis toutes ces femmes ensemble et nous avons dit,
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    "Comment utiliser la pièce, cette énergie, afin de mettre fin aux violences faites aux femmes?"
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    Et nous avons mené un évènement à New York, dans un théâtre,
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    et toutes ces actrices formidables sont venues -- de Susan Sarandon,
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    à Glenn Close, en passant par Whoopi Goldberg -- et nous avons fait une représentation
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    sur une soirée et cela a catalysé cette vague, cette énergie.
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    Et en cinq ans, cette chose extraordinaire a commencé à se passer.
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    Une femme a pris cette énergie et a dit "Je veux apporter cette vague,
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    cette énergie, sur les campus des universités", et elle a pris la pièce
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    et dit "Utilisons cette pièce et montons des représentations
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    une fois par an afin de collecter des fonds pour mettre fin aux violences faites aux femmes
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    dans les communautés locales à travers le monde."
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    Et en un an, la pièce a été montée dans 50 universités, puis ailleurs.
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    Et elle s'est répandue ces six dernières années,
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    elle s'est répandue, répandue, répandue à travers le monde.
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    J'ai appris deux choses. L'une est que l'épidémie
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    de violences envers les femmes est choquante, elle est globale,
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    elle est tellement profonde et elle est tellement dévastatrice,
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    et elle est tellement ancrée dans toutes les petites poches de tous les petits recoins
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    de toutes les petites sociétés, que nous ne la reconnaissons même pas
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    parce qu'elle est devenue ordinaire. Ce voyage m'a amené en Afghanistan,
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    où j'ai eu l'honneur et le privilège extraordinaires de me rendre dans
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    des endroits de l'Afghanistan sous les Talibans -- j'étais habillé en burqua --
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    et j'y suis allée avec un groupe extraordinaire appelé
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    l'Association révolutionnaire des femmes d'Afghanistan,
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    et j'ai vu de mes propres yeux comment les femmes ont été dépouillées
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    de tous les droits dont on pouvait les dépouiller.
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    Du droit à être éduquée, à celui de travailler, à celui de
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    pouvoir même être autorisée à manger une glace.
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    Pour ceux d'entre vous qui ne le saurait pas, il était illégal de manger des glaces sous les Talibans.
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    Et j'ai vu et rencontré moi même des femmes qui ont reçu des coups de fouet
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    pour avoir été prises en train de manger une glace à la vanille.
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    Et on m'a emmené dans l'endroit secret où on pouvait manger des glaces dans une petite ville,
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    nous sommes allées dans une remise et les femmes étaient assises
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    et un rideau était tiré autour de nous, et on leur a servi des glaces à la vanille.
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    Les femmes ont levé leur burqua et ont mangé leur glace,
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    je crois que ce n'est qu'à ce moment là que j'ai compris ce qu'était le plaisir,
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    et comment les femmes avaient trouvé un moyen de garder leur plaisir vivant.
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    Ce voyage m'a emmené à Islamabad, où j'ai
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    vu et rencontré des femmes aux visages brûlés.
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    Il m'a emmené à Juarez, au Mexique, où j'étais il y a une semaine,
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    où je me suis rendue dans les parkings
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    où des ossements de femmes avaient été découverts et jetés
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    près de bouteilles de Coca-Cola.
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    Ce voyage m'a emmené dans les universités
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    à travers ce pays, où les filles sont violées et droguées.
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    J'ai vu des violences terribles, terribles, terribles.
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    Mais, en voyant ces violences, j'ai aussi compris,
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    qu'être confrontée à ces choses et que voir
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    ce qui est en face de nous est un antidote à la dépression et au sentiment
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    qu'on ne vaut rien et qu'on a pas de valeur.
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    Parce qu'avant les Monologues du vagin,
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    je dirais que 80% de ma conscience était fermé
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    à ce qui se passait dans cette réalité.
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    Et cette fermeture me coupait de ma vitalité et de mon énergie vitale.
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    Ce qui s'est également passé au cours de ces voyages --
  • 10:46 - 10:50
    et cela a été extraordinaire -- est que dans chaque endroit
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    où je me suis rendue dans ce monde, j'ai rencontré une nouvelle espèce.
  • 10:53 - 10:57
    Et j'adore vraiment entendre parler de ces espèces du fond de la mer.
  • 10:57 - 10:59
    Et je me suis demandé comment être avec ces
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    gens extraordinaire sur cette planète
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    qui soit en dessous, au delà et entre,
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    et le vagin semble convenir à toutes ces catégories.
  • 11:08 - 11:09
    (Rires)
  • 11:09 - 11:12
    Mais une des choses que j'ai vu est que ces espèces --
  • 11:12 - 11:15
    et c'est une espèce, et c'est un nouveau paradigme,
  • 11:15 - 11:17
    et on en entend pas parler dans la presse ou dans les médias
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    parce que je ne pense pas que les bonnes nouvelles sont de l'information,
  • 11:21 - 11:23
    et je ne pense pas que les gens qui transforment la planète
  • 11:23 - 11:26
    fassent monter l'audience des shows télévisés.
  • 11:26 - 11:29
    Mais dans tous les pays dans lesquels je me suis rendue - et ces 6 dernières années
  • 11:29 - 11:34
    je me suis rendue dans 45 pays environ, y compris dans ces petits villages et villes et communes --
  • 11:34 - 11:38
    j'ai vu ce que j'en suis venue à appeler les "guerrières du vagin".
  • 11:38 - 11:42
    Une guerrière du vagin est une femme, ou un homme 'vagin-friendly',
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    qui a été témoin ou qui a subi des violences incroyables,
  • 11:46 - 11:50
    et plutôt que de prendre un AK-47 ou une arme de destruction massive,
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    ou une machette, elles gardent la violence dans leurs corps,
  • 11:55 - 12:00
    elles ont du chagrin, elles en font l'expérience, et elles s'en vont et dédient
  • 12:00 - 12:04
    leurs vies à s'assurer que cela n'arrivera à personne d'autre.
  • 12:04 - 12:07
    J'ai rencontré des femmes partout sur cette planète.
  • 12:07 - 12:09
    Et je veux raconter quelques histoires parce que je crois que
  • 12:09 - 12:12
    les histoires sont un vecteur de transmission d'information
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    qui permet de toucher nos corps. Et je pense que l'une des choses
  • 12:15 - 12:18
    très intéressantes de cette participation à TED
  • 12:18 - 12:22
    est que je vis beaucoup dans mon corps et je ne vis plus beaucoup dans ma tête.
  • 12:22 - 12:24
    Or c'est un endroit très cérébral.
  • 12:24 - 12:27
    Et cela a été vraiment très intéressant d'être cérébrale.
  • 12:27 - 12:29
    Ces deux derniers jours, j'ai été très désorientée --
  • 12:29 - 12:30
    (Rires)
  • 12:30 - 12:34
    parce que je pense que le monde, le monde-V, est beaucoup dans notre corps.
  • 12:34 - 12:38
    C'est un monde corporel et l'espèce existe vraiment dans le corps,
  • 12:38 - 12:40
    et je je pense qu'il est très significatif
  • 12:40 - 12:43
    de rattacher nos corps à nos têtes -- que cette séparation
  • 12:43 - 12:49
    a crée une division qui sépare souvent le but de l'intention.
  • 12:49 - 12:55
    Et la connexion entre le corps et la tête ramène souvent ces choses ensemble.
  • 12:55 - 12:57
    Je voudrais parler de trois personnes en particulier
  • 12:57 - 13:01
    que j'ai rencontré, des guerrières qui ont réellement transformé ma compréhension
  • 13:01 - 13:03
    de ces principes et espèce,
  • 13:03 - 13:06
    et l'une d'entre elles est une femme qui s'appelle Marsha Lopez.
  • 13:06 - 13:09
    Marsha Lopez est une femme que j'ai rencontré au Guatemala.
  • 13:09 - 13:12
    Elle avait 14 ans et elle était mariée
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    et son mari la battait régulièrement,
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    et elle ne pouvait pas s'en allait car elle était accroc à cette relation
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    et elle n'avait pas d'argent. Sa soeur était plus jeune qu'elle
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    et elle a postulé -- nous avions une concours à New York "Arrêtez le viol" --
  • 13:27 - 13:30
    et elle a postulé, dans l'espoir qu'elle pourrait devenir finaliste
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    et qu'elle pourrait amener sa soeur.
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    Elle est devenu finaliste, elle a amené Marsha à New York.
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    Et à cette époque nous avons fait ce V-Day extraordinaire
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    sur Madison Square Garden où nous avons vendu tous les billets du dome rempli de testotérone,
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    18 000 personne debout disant
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    "oui" aux vagins, ce qui était une transformation plutôt incroyable.
  • 13:49 - 13:52
    Et elle est venue, elle a vu cela et elle a décidé
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    qu'elle repartirait et qu'elle quitterait son mari,
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    et qu'elle amènerait le V-Day au Guatemala.
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    Elle avait 21 ans. Je suis allée au Guatemala et elle avait rempli
  • 14:00 - 14:03
    tout le théâtre national du Guatemala.
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    Et je l'ai vu monter sur scène dans sa robe rouge courte et ses talons hauts
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    et elle était là et elle a dit: "Je m'appelle Marsha.
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    Mon mari m'a battu pendant cinq ans.
  • 14:14 - 14:17
    Il m'a presque tuée. Je suis partie et vous aussi vous pouvez le faire."
  • 14:17 - 14:21
    Et les 2 000 personnes sont devenues folles.
  • 14:21 - 14:23
    Il y a une femme qui s'appelle Esther Chavez
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    que j'ai rencontré à Juarez, au Mexique. Esther Chavez
  • 14:26 - 14:29
    était une comptable brillante à Mexico, elle avait 72 ans,
  • 14:29 - 14:31
    et elle prévoyait de prendre sa retraite.
  • 14:31 - 14:36
    Elle est allée à Juarez pour s'occuper d'une tante malade et ce faisant,
  • 14:36 - 14:38
    elle a commencé à découvrir ce qu'il arrivait
  • 14:38 - 14:41
    aux femmes tuées et disparues de Juarez.
  • 14:41 - 14:44
    Elle a tout abandonné, a déménagé à Juarez,
  • 14:44 - 14:48
    elle a commencé à écrire des histoires documentant les femmes disparues.
  • 14:48 - 14:50
    300 femmes ont disparu
  • 14:50 - 14:52
    dans une ville frontière parce qu'elles étaient bronzées et pauvres.
  • 14:52 - 14:54
    Aucune réponse n'a été apportée à ces disparitions,
  • 14:54 - 14:56
    et pas une personne n'a eu à rendre des comptes.
  • 14:56 - 15:01
    Elle a commencé à les documenter, elle a ouvert un centre qui s'appelle Casa Amiga,
  • 15:01 - 15:03
    et en 6 ans, elle a littéralement porté cela
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    à la conscience du monde.
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    Nous étions là-bas il y a une semaine et 7 000 personnes étaient dans la rue
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    et c'était vraiment un miracle, et alors que nous marchions dans les rues,
  • 15:12 - 15:15
    les habitants de Juarez, qui d'habitude ne descendent pas dans la rue,
  • 15:15 - 15:18
    parce que les rues sont dangereuses, se sont tenus là et se sont joint
  • 15:18 - 15:21
    pour voir que d'autres gens du monde entier étaient venus
  • 15:21 - 15:24
    pour cette communauté là.
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    Il y a une autre femme qui s'appelle Agnès. Pour moi Agnès illustre
  • 15:28 - 15:30
    illustre ce qu'est une guerrière du vagin.
  • 15:30 - 15:36
    Je l'ai rencontré au Kenya il y a 3 ans. Agnès a été mutilée enfant,
  • 15:36 - 15:38
    elle a été excisée contre sa volonté
  • 15:38 - 15:42
    lorsqu'elle avait 10 ans et elle a décidé
  • 15:42 - 15:46
    qu'elle ne voulait pas que cette pratique continue dans sa communauté.
  • 15:46 - 15:49
    Alors, lorsqu'elle fut plus âgée, elle a crée cette chose incroyable,
  • 15:49 - 15:54
    c'est une sculpture anatomique du corps de femme, c'est à moitié un corps de femme,
  • 15:54 - 15:57
    et elle a parcouru à pied la vallée du Rift avec
  • 15:57 - 16:00
    un morceau de vagin et un morceau de remplacement de vagin qu'elle utilisait pour apprendre
  • 16:00 - 16:04
    aux filles et à leurs parents et aux garçons et aux filles à quoi ressemblait un vagin sain,
  • 16:04 - 16:08
    et à quoi ressemblait un vagin mutilé. Durant son voyage
  • 16:08 - 16:11
    elle a marché pendant 8 ans, litéralement, à travers la vallée du Rift,
  • 16:11 - 16:15
    traversant la poussière, dormant par terre -- parce que les Massais sont des nomades,
  • 16:15 - 16:19
    et elle devait les trouver, et ils bougeaient,
  • 16:19 - 16:24
    et elle les trouvait à nouveau -- elle a sauvé 1 500 filles de l'excision.
  • 16:24 - 16:27
    Et durant ce travail, elle a crée un rituel alternatif
  • 16:27 - 16:30
    pour les filles arrivant en âge, sans etre excisées.
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    Quand nous l'avons rencontré il y a trois ans,
  • 16:32 - 16:34
    nous avons demandé "Qu'est-ce que V-Day pourrait faire pour vous?"
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    Elle nous a dit, "Eh bien, si vous me donnez une jeep, je pourrais me déplacer beaucoup plus vite."
  • 16:37 - 16:38
    (Rires)
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    Alors nous lui avons acheté une jeep. Et l'année où elle a eu la jeep,
  • 16:41 - 16:45
    elle a sauvé 4 500 filles de l'excision. Alors nous lui avons demandé:
  • 16:45 - 16:47
    "Agnès, que pourrions-nous faire d'autre pour vous?" et elle a répondu:
  • 16:47 - 16:49
    "Eh bien, Eve, vous savez, si vous me donniez de l'argent,
  • 16:49 - 16:53
    je pourrais ouvrir une maison et les filles pourraient se réfugier et pourraient être sauvées."
  • 16:53 - 16:56
    Et je veux raconter cette petite histoire de mes propres débuts
  • 16:56 - 17:00
    parce qu'elle est très liée au bonheur et, et à Agnès.
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    Lorsque j'étais une petite fille -- et j'ai grandi
  • 17:03 - 17:07
    dans une communauté riche, blanche, bourgeoise--
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    et cela avait toutes les apparats,
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    et les apparences d'une vie parfaitement agréable, merveilleuse, superbe.
  • 17:14 - 17:17
    Et tout le monde était censé être heureux dans cette communauté
  • 17:17 - 17:20
    En réalité ma vie était un enfer. Je vivais avec un père alcoolique
  • 17:20 - 17:23
    qui me battait et m'agressait sexuellement, et tout ça se passait là bas.
  • 17:23 - 17:28
    Et enfant, j'imaginais que quelqu'un viendrait me sauver.
  • 17:28 - 17:31
    Et j'ai imaginé ce petit personnage qui s'appelait M. Alligator,
  • 17:31 - 17:34
    et je l'appelais quand les choses tournaient mal,
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    et je lui disais qu'il était temps de venir me chercher.
  • 17:36 - 17:40
    et je préparais un petit sac et j'attendais que M. Alligator vienne.
  • 17:40 - 17:42
    Bien sûr, M. Alligator n'est jamais venu,
  • 17:42 - 17:47
    mais l'idée de M. Alligator m'a empêché de devenir folle
  • 17:47 - 17:49
    et m'a permis de continuer parce que je croyais
  • 17:49 - 17:53
    qu'un jour, quelqu'un viendrait me sauver.
  • 17:53 - 17:57
    Environ 40 ans plus tard, nous allons au Kenya,
  • 17:57 - 18:01
    et nous marchons, nous arrivons à l'ouverture de cette maison
  • 18:01 - 18:03
    et pendant plusieurs jours Agnès n'avait pas voulu que je vienne dans cette maison --
  • 18:03 - 18:05
    parce qu'elles étaient en train de préparer tout un rituel.
  • 18:05 - 18:08
    Et je veux vous raconter une superbe histoire, quand Agnès a d'abord commencé
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    à se battre pour faire cesser les mutilations génitales féminines dans sa communauté,
  • 18:12 - 18:15
    elle était devenue une paria, et elle était exilée et calomniée,
  • 18:15 - 18:17
    et toute la communauté s'était tournée contre elle.
  • 18:17 - 18:20
    Mais, en guerrière du vagin, elle a continué.
  • 18:20 - 18:23
    Et elle a continué à s'engager pour transformer les consciences.
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    Et dans la communauté Masai, les chèvres et les vaches sont les possessions les plus précieuses.
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    Ce sont les Mercedes-Benz de la Vallée du Rift.
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    Elle a dit que 2 jours avant l'ouverture de la maison, 2 personnes différentes
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    étaient venues lui donner chacune une chèvre et elle m'a dit:
  • 18:39 - 18:44
    "J'ai su alors que les mutilations génitales féminines seraient éradiquées un jour en Afrique."
  • 18:44 - 18:47
    Enfin, on est arrivé, et lorsque nous sommes arrivées,
  • 18:47 - 18:51
    il y a avait des centaines de filles habillées en rouge, de robes faites maison --
  • 18:51 - 18:54
    qui est la couleur des Masai et la couleur du V-Day --
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    et elles nous ont saluées, elles avaient composé ces chansons
  • 18:57 - 18:59
    qu'elles chantaient, sur la fin des souffrances,
  • 18:59 - 19:02
    et la fin des mutilations, et elles nous ont accompagnées sur le chemin.
  • 19:02 - 19:04
    C'était une journée magnifique, sous un soleil d'Afrique,
  • 19:04 - 19:07
    et la poussière volait et les filles dansaient,
  • 19:07 - 19:12
    et il y a avait cette maison sur laquelle était écrit "V-Day foyer pour filles."
  • 19:12 - 19:17
    Et à ce moment, j'ai réalisé qu'il avait fallu 47 ans,
  • 19:17 - 19:20
    mais que M. Alligator était finalement venu.
  • 19:20 - 19:25
    Et il était venu de toute évidence sous une forme que j'ai mis du temps à comprendre,
  • 19:25 - 19:28
    qui est que lorsque nous donnons
  • 19:28 - 19:34
    au monde ce que nous voulons le plus, nous soignons la part blessée à l'intérieur de chacun de nous.
  • 19:34 - 19:37
    Et ces 8 dernière années, j'ai senti
  • 19:37 - 19:40
    que ce voyage, ce miraculeux voyage du vagin,
  • 19:40 - 19:47
    m'a appris cette chose très simple: que le bonheur existe dans l'action,
  • 19:47 - 19:51
    il existe quand on dit la vérité et quand on dit quelle est notre vérité,
  • 19:51 - 19:55
    et il existe en donnant ce que l'on veut le plus.
  • 19:55 - 19:59
    Je sens que cette connaissance et ce voyage
  • 19:59 - 20:01
    a été un privilège extraordinaire,
  • 20:01 - 20:05
    et je me sens bénie d'être ici aujourd'hui pour vous le communiquer.
  • 20:05 - 20:07
    Merci beaucoup.
  • 20:07 - 20:10
    (Applaudissements)
Title:
Eve Ensler sur le bonheur, corps et âme
Speaker:
Eve Ensler
Description:

Eve Ensler, créatrice des Monologues du vagin, confie comment une discussion sur la ménopause avec ses amies l'a amenée à parler sur scène de toutes sortes d'actes sexuels, à mener une campagne globale pour mettre fin aux violences faites aux femmes et à trouver son propre bonheur.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
20:09
Paule Rigaud added a translation

French subtitles

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