J'ai vécu comme un homme et comme une femme. Voici ce que j'ai appris | Paula Stone Williams |

Si vous êtes un homme, à un moment donné vous vous êtes probablement dit : « Je ne comprendrai jamais les femmes ! » Et si vous êtes une femme : « Qu'est-ce qui ne va pas chez les hommes ? » Mais votre genre est le seul que vous ayez connu, alors comment pourriez-vous comprendre ? En tant que femme transgenre, Paula Stone Williams a vécu des deux cotés. « Et les différences sont énormes ! » dit-elle. Dans cette conférence amusante et perspicace, Paula partage sa sagesse avec tous.

J'étais le PDG
d'une grande ONG religieuse,

l'animateur d'un programme
de télévision nationale.

Je prêchais dans des méga églises.

J'étais riche, instruit, blanc,
américain et homme.

Le poète et mystique
Thomas Merton disait :

« C'est une chose difficile de
monter en haut de l'échelle

pour se rendre compte à l'arrivée

que votre échelle a été posée
contre le mauvais mur. »

(Rires)

Dès l'âge de trois ou quatre ans,
je savais que j'étais transgenre.

Dans ma naïveté,
je pensais pouvoir choisir.

Je pensais que la fée du genre
viendrait me dire :

« Voilà, l'heure est arrivée ! »

Mais hélas, aucune fée du genre est venue,

alors j'ai simplement vécu ma vie.

Je ne détestais pas être un garçon.

Je savais que je n'étais pas un.

Je suis allé à l'université, me suis
marié, j'ai eu des enfants, une carrière,

mais l'appel vers l'authenticité
a la subtilité d'un détecteur de fumée.

(Rires)

Et un jour il a fallu
prendre des décisions.

Ainsi je me suis affirmé transgenre
et j'ai perdu tous mes emplois.

Je n'ai jamais eu une mauvaise évaluation,

et j'ai perdu chacun de mes emplois.

Dans 21 États, il est interdit de
licencier les transgenres,

mais dans tous ceux du pays,

il est permis de licencier les transgenres
dans les entreprises religieuses.

Bon à savoir !

(Rires)

Il n'est pas facile d'être
une femme transgenre.

Parfois les gens demandent :
« Vous vous sentez 100 % femme ? »

Et je dis : « Si vous parlez
avec une personne transgenre,

vous avez parlé à exactement
une personne transgenre.

Je ne peux parler que pour moi-même. »

Je me sens 100 %
comme une femme transgenre.

Une femme cisgenre sait des choses
que je ne saurai jamais.

Cela dit, j'apprends beaucoup
sur le fait d'être une femme,

et j'apprends beaucoup
de celui qui était mon genre.

(Rires)

J'ai l'unique expérience
d'avoir vécu des deux côtés.

(Rires)

et je suis venue pour vous dire :
les différences sont énormes.

(Rires)

(Applaudissements)

Je commencerai par les petits détails

comme les poches des jeans pour femme.

(Rires)

Quoi ?

(Applaudissements)

(Rires)

Je ne peux pas y mettre mon téléphone.

(Rires)

Un trombone, peut-être.

(Rires)

Ou les tailles des vêtements pour femme.

Est-ce que les numéros ont un sens ?

(Rires)

Qu'est-ce que c'est qu'un double zéro ?

(Rires)

Et mesdames, je doute
que vous ayez déjà pensé,

saviez-vous qu'il n'y a jamais un moment
dans la vie d'un homme

où il doit s'inquiéter de

si l'un de ses vêtements va partir
accidentellement dans les toilettes ?

Ni un long pull, ni une ceinture, rien.

Ils n'ont même pas y pensé.

(Rires)

Je vais chez le coiffeur
deux fois moins qu'avant,

mais ça me coûte dix fois le prix.

(Rires)

Soit je pars en vacances,
soit chez le coiffeur.

Je ne peux pas faire les deux.

(Rires)

Je me cogne partout contre
les différences de genre !

Parfois littéralement.

Je marche dans le couloir et je m'y cogne.

Il n'y a rien au passage,
et je m'y cogne.

Je me dis : « C'est quoi ? »

Et je sais que cela va laisser des bleus,

maintenant que j'ai la peau plus fine,
j'ai des bleus partout.

La façon d’expérimenter ma sexualité
est profondément différente.

Elle est moins visuelle
et plus holistique ;

moins une expérience corporelle
et plus une expérience de l'être.

Je ne peux pas compter le nombre de fois
que j'ai dit à Cathy, mon ex-femme :

« Je suis tellement désolée ! »

(Rires)

Je ne savais pas ce que j'ignorais.

Un homme blanc instruit
ne peut pas comprendre

combien la culture penche en sa faveur.

Il n'y a pas moyen qu'il le comprenne
car c'est tout ce qu'il a connu,

et tout ce qu'il connaîtra.

Et à l'inverse,

une femme ne comprendra jamais
tout ce que cela comporte

parce qu'être une femme
est tout ce qu'elle a connu.

Peut-être se doute-t-elle qu'elle bosse
le double pour recevoir la moitié,

mais elle n'a aucune idée

de combien il est plus difficile pour elle
que pour le gars en veste Brooks Brothers

dans le bureau d'en face.

Je le sais ! J'étais ce gars-là !

Et je croyais être un des gentils,

sensible avec les femmes,

égalitaire.

Puis est arrivée mon premier vol
en tant que femme.

J'ai volé plus de 2,3 millions de miles
avec American Airlines.

J'ai l'habitude de voyager en avion.

La compagnie a été super
lors de ma transition,

mais ça ne veut pas dire
que ses passagers l'étaient.

Mon premier vol comme Paula,
était de Denver à Charlotte.

Dans l'avion, j'ai trouvé
des affaires sur mon siège.

Je les ai enlevées pour mettre les miennes
et un homme a dit : « C'est à moi. »

J'ai dit : « Oui, mais c'est ma place.

Je vais juste les tenir
pendant que vous cherchez la vôtre,

puis je vous les passerai. »

Il a dit : « Madame, c'est ma place ! »

J'ai dit : « En fait, non.
C'est ma place. »

(Rires)

« 1D, 1D.

Mais je vous tiens vos affaires
le temps que vous trouviez votre siège.

- Comment faut-il vous
le dire ? C'est ma place !

- Oui, mais non. »

(Rires)

Puis le gars derrière moi me dit :

« Madame, voudriez-vous
déplacer votre dispute ailleurs

pour que je puisse entrer dans l'avion ? »

J'étais sidérée !

Je n'avais jamais été traitée ainsi
quand j'étais un homme.

J'aurais dit :
« Je crois que c'est mon siège »,

et le gars aurait immédiatement regardé
sa carte d'embarquement

et dit : « Je suis désolé. »

Je le sais parce que
ça arrivait tout le temps !

L'hôtesse a pris
nos cartes d'embarquement.

Elle a dit à l'homme : « Monsieur,
vous êtes au 1C. Madame au 1D. »

J'ai déposé ses affaires au 1C,
il n'a pas dit un mot,

et bien sûr, vous devinerez
qui était à mon côté au 1F.

(Rires)

Monsieur « voudriez-vous déplacer
votre dispute ailleurs ».

(Rires)

Mon amie Karen,
qui travaille pour American,

est montée dans l'avion
pour donner sa paperasse au pilote.

Elle est partie en me saluant.

Une fois arrivée à Charlotte,
elle m’appela.

Elle a dit : « Paula, que s'est-il passé ?

Tu étais blanche comme un linge ! »

Je lui ai raconté et elle a dit : « Oui.

Bienvenue dans le monde des femmes ! »

(Rires)

Je ne vivrai pas assez longtemps
pour perdre mon privilège masculin.

Je l'ai amené avec moi
lors de ma transition.

(Rires)

Beaucoup de décennies en tant qu'un homme.

Mais ça ne veut pas dire
que mon pouvoir ne diminue pas.

Je vous parlerai d'autre chose
que j'ai constatée.

Paraît-il que, depuis que je suis femme,
je suis devenue stupide.

(Rires)

Ça doit être la perte de testostérone,
et l'arrivée de l’œstrogène

qui m'ont fait perdre
les cellules cérébrales

indispensables pour être une adulte
pleinement opérationnelle.

(Rires)

Soit ça, soit je suis
aussi futée que d'habitude,

sauf que maintenant je suis soumise
constamment à la mecsplication.

(Rires)

(Applaudissements)

J'étais à Denver dans un magasin de vélos,
un stagiaire d'été m'a dit :

« Voulez-vous de l'aide ? »

J'ai dit : « Oui.

Est-ce possible que le cadre
d'un vieux vélo de montagne Gary Fisher

commence à fléchir et se plier provoquant
le frottement du frein arrière ? »

Il a dit : « Il faut régler fréquemment
les freins à disque. »

J'ai dit : « Je le sais,

et en fait, je fais régulièrement
mes réglages de frein. »

Il a dit : « Ah bon,
alors votre rotor est plié. »

J'ai dit : « Mon rotor n'est pas plié.
Je reconnais un rotor plié. »

D'un ton condescendant, il a dit :
« Que voulez-vous que je fasse ? »

J'ai dit : « Vous pourriez répondre
à ma question. »

(Rires)

C'est là qu'est intervenu Kyle,
le gérant du magasin.

Il est un amour.

Il a dit : « Je crois
que vous avez raison.

Je peux vous poser une question ?

Entendez-vous
un grincement du frein arrière

seulement en forte montée ? »

J'ai dit : « Oui, exactement ! »

Il a dit : « Oui,
c'est la fatigue du cadre. »

Je voulais m’agenouiller
à ses pieds et l'adorer !

(Rires)

Enfin quelqu'un me prenait au sérieux !

Ça m'arrive tout le temps maintenant.

Je dois insister trois
ou quatre fois avec quelqu'un

avant d'avoir une réponse directe !

Et il y a un problème majeur :

plus nous sommes traitées comme si
on ne savait pas de quoi on parlait,

plus on commence à douter

si nous savons de quoi nous parlons,
n'est-ce pas ?

(Applaudissements)

Je comprends la tendance des femmes
à douter d'elles-mêmes.

Avez-vous remarqué qu'une femme
en réunion avec des hommes,

si elle sait qu'elle a raison,

elle s'en excuse ?

Elle dit : « Désolée, je crois
que le compte n'est pas bon. »

Vous savez, vous n'êtes pas obligées
de vous excuser d'avoir raison.

(Applaudissements)

Puisque je suis nouvelle dans ce genre,
j'ai demandé à mon amie Jen :

« Que cherchent les femmes
chez un homme ? »

Elle a dit : « Elles cherchent des hommes
qui acceptent notre singularité,

qui s’aperçoivent que notre don
n'est ni moindre, ni plus faible,

seulement différent,

Il est, en fait, plus large
et il est essentiel. »

Bien sûr qu'il y a des hommes
qui respectent les femmes, beaucoup,

comme mon bon ami
et collègue pasteur, Mark,

qui fait ressortir le meilleur de moi

et a l'air de prendre du plaisir
à me voir diriger.

Il nous faut plus d'hommes comme Mark,

qui soient prêts à respecter
et à émanciper les femmes.

Je continuerai à me cogner contre
d'autres différences sur ce chemin,

mais laissez-moi vous dire ceci.

Aux femmes,
j'adresse mes vifs remerciements.

Je me sens souvent comme une intruse,

la dernière arrivée dans
le sérieux monde de la féminité,

vous m'offrez grâce et compassion.

Sachez que vous êtes
bien plus capables que vous croyez,

vous êtes plus puissantes que vous croyez

et vous représentez le meilleur
de l'essentiel de l'humain.

Et à vous les gars

qui n'êtes pas, probablement,
très à l'aise en ce moment

(Rires)

Je comprends.

Je n'ai jamais pensé avoir des privilèges,

mais je les avais.

Et vous aussi.

Que pouvez-vous faire ?

Vous pouvez nous croire

quand on vous dit qu'on a peut-être,
peut-être égalité,

mais pas l'équité.

Nous n'avons pas l'égalité de chances,
on ne l'a jamais eue.

Vous ferez partie de la solution
en nous traitant sur un pied d'égalité.

Vous seuls avez ce pouvoir.

Et à tous,

vous savez à qui je pense souvent ?

Je pense à ma fille à la peau noire,

et à ma belle-fille à la peau noire.

Que savent-elles
que j'ignore complètement ?

Que savons-nous vraiment de la vie des
personnes qui sont différentes de nous ?

Il est difficile d'être femme,
il est difficile d'être femme transgenre.

En tant qu’homme, je ne savais pas
ce que je ne savais pas.

Si j'avais à recommencer ?

Bien sûr que je le ferais,

parce que l'appel vers l’authenticité
est sacré, saint,

c'est pour le plus grand bien.

Pendant 45 ans, mon père
a été pasteur fondamentaliste.

Ma mère est encore plus conservatrice.

(Rires)

Lors de mon coming out
en tant que transgenre, ils m'ont rejetée.

Je pensais que je ne leur
reparlerai plus jamais.

En janvier, j'ai pris le risque d'appeler
mon père pour son anniversaire,

et il a pris mon appel.

Nous avons parlé une demi-heure,
et un mois plus tard,

j'ai demandé si je pouvais
leur rendre visite et ils ont dit oui.

Au printemps, nous nous sommes réconciliés
lors d'une agréable visite de 3 heures.

Je les ai revus deux fois depuis.

Mais ce jour-là, vers la fin
de la conversation, ce premier jour,

mon père m'a dit des choses précieuses.

J'étais sur le point de partir

et il a dit...

(Applaudissements)

J'allais partir, et il m'a dit :

« Paula ».

Il m'a appelée « Paula ».

(Applaudissements)

Il a dit : « Paula, je ne comprends pas

mais je suis prêt à essayer. »

Mon père a 93 ans,

et il est prêt à essayer.

Que demander de mieux ?

Je l'ai fortement serré contre moi.

Un homme prêt à rendre son pouvoir
parce qu'il savait ce qu'il savait,

qu'il aimait son enfant,

et qu'il était prêt à faire n'importe quoi

pour honorer le parcours de l'autre.

Merci.

(Applaudissements)