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Village des Pruniers, France, Mai 2014
Le Maître Zen Thich Nhat Hanh répond aux questions
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Comment aider un proche à transformer
sa souffrance alors qu'il ne la reconnaît pas?
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Cher Thây,
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Voici le contexte de la question.
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Elle dit :" Mon mari,
le père de nos trois filles
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est en grave dépression
depuis fin Mars,
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quand notre seconde fille qui a 14 ans
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a eu un grave accident.
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Il était très proche d'elle.
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Elle a été renversée par une voiture
et gravement blessée à la tête.
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Elle a passé deux mois dans le coma.
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Elle est miraculeusement en vie,
et se remet progressivement.
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Le Village des Pruniers a chanté pour elle en Mai
et nous vous en remercions.
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Mon mari a beaucoup souffert,
et était très en colère
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il n'accepte pas la situation
qu'il considère très injuste.
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J'avais déjà senti une grosse souffrance en lui
depuis quelques années.
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Elle se manifestait sous forme de colère,
de reproches, d'impatience
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mais il ne l'a jamais reconnue
et j'en souffre.
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Si notre fille peut complètement
revenir à la vie
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j'espère que ce sera
un nouveau départ pour toute la famille
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pour vivre plus sereinement
et être heureux ensemble."
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Et donc la question est :
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"Comment aider un proche
à transformer sa souffrance
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alors qu'il ne la reconnaît pas en lui?"
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Peut-être qu'il reconnaît
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ses faiblesses, ses souffrances,
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sans le dire à voix haute.
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Et on pense qu'il ne les reconnaît pas.
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On pense qu'il ne veut pas
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reconnaître qu'il souffre.
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Mais peut-être
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qu'il l'a accepté,
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qu'il en a conscience.
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Donc on n'a pas besoin qu'il dise à voix haute:
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"je reconnais que j'ai de la souffrance
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et de la colère en moi."
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On n'a pas besoin qu'il le dise.
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Peut-être qu'il se l'est dit lui-même.
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Qu'il le dise est peut-être notre besoin,
plutôt que le sien.
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Parfois on doit utiliser des moyens habiles
pour aider quelqu'un.
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Si on ne peut pas aider directement,
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alors on peut aider indirectement.
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Il y a des choses qu'on ne devrait pas
lui dire directement,
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mais que quelqu'un d'autre peut lui dire.
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Quelqu'un d'autre
peut le faire mieux que nous
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Parfois, mes disciples ont besoin d'aide
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mais Thây n'essaye pas
de les aider directement
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car Thây sait que le disciple a
un frère ou une soeur dans le Dharma
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qui peut le faire mieux que Thây.
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Car quand vous êtes du même âge,
c'est plus facile de parler.
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Donc Thây demande à un autre disciple
d'aller l'aider.
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Thây n'a pas besoin de le faire directement.
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Donc il y a des amis, des personnes
qui sont sur la même longueur d'ondes,
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qui peuvent raconter une histoire,
dire quelque chose,
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amener cette idée,
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amener cette proposition
mieux que nous.
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On a essayé plusieurs fois,
et on l'a ressenti.
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On peut toujours demander à
quelqu'un d'autre de le faire pour nous
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On ne veut pas s'attribuer le mérite.
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Et parfois
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on raconte l'histoire de quelqu'un d'autre
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qui est dans une situation semblable.
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C'est plus facile.
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En écoutant l'histoire
de quelqu'un d'autre
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il peut commencer à réfléchir
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car c'est plus facile pour lui
d'écouter l'histoire de quelqu'un d'autre
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que d'écouter sa propre histoire.
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Il y a beaucoup de moyens habiles
pour aider quelqu'un.
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On a besoin d'avoir assez de compassion.
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On a besoin de beaucoup de compréhension.
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On doit se comprendre nous-mêmes
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et on doit comprendre l'autre,
sa façon de faire,
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pour offrir l'aide appropriée.
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On doit être patient,
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frais, et aimant.
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Beaucoup de patience.
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Tout ce qu'on fait dans la journée,
cuisiner, faire du ménage, nettoyer
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peut être un acte d'amour,
un acte de soutien.
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Notre façon de voir, de sourire, de parler...
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tout joue dans cette tentative d'aide.
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Donc notre façon d'être,
notre façon de vivre, c'est la base
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et pas seulement ce qu'on veut dire,
ce qu'on veut faire pour aider.
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Thây a aussi beaucoup appris
de son rôle d'enseignant.
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Il doit voir la personnalité
de chaque disciple,
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et reconnaître la force, les faiblesses
et les difficultés de chacun
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et avoir une idée assez claire
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de ce qu'il faut dire, ne pas dire,
faire ou ne pas faire
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pour aider ce disciple en particulier.
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Il faut réfléchir à quand le dire,
quand le faire.
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On doit chercher le bon moment,
le bon endroit
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pour le faire ou le dire,
pour pouvoir aider.
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Parfois Thây doit attendre 3 mois.
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On doit donner assez d'espace à l'autre.
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On ne doit rien presser,
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car on comprend,
on voit la souffrance.
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L'amour est patience.
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La patience est une marque de l'amour.
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Et on doit s'aimer soi-même d'abord,
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avant de pouvoir aimer quelqu'un d'autre.
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On doit avoir assez de calme,
de joie et de paix pour nous-mêmes.
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La pratique aide.
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J'avais une disciple, une nonne.
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Elle a été mise en prison
à cause de ses activités pacifistes.
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La prison est un endroit très difficile
pour pratiquer.
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Mais elle a essayé.
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Les gardiens n'ont pas aimé la voir
pratiquer la méditation assise.
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Ils pensaient...
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Ils ont vu ça comme un affront
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qui leur était destiné.
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Pour eux, ça voulait dire :
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"Je ne suis pas obligée
de souffrir en prison"
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Donc quand on pratique
la méditation assise dans la cellule
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il croit que vous le défiez.
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Elle devait donc attendre
l'extinction des feux
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pour s'asseoir.
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Elle faisait la marche lente
dans sa cellule pour se nourrir.
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C'était une situation difficile,
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mais elle connaissait la pratique.
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Elle pouvait non seulement
se préserver en prison
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mais aussi aider les autres prisonniers
à moins souffrir.
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En situations difficile comme celle la,
on peut quand même pratiquer,
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garder espoir, fraîcheur,
amour et patience
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pour pouvoir aider l'autre.
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