< Return to Video

Métaux rares : la face cachée de la transition énergétique | Guillaume PITRON | TEDxLille

  • 0:13 - 0:14
    Bonsoir.
  • 0:17 - 0:19
    Vous êtes-vous déjà demandé
  • 0:19 - 0:22
    par quoi que nous allons bien
    pouvoir remplacer le pétrole ?
  • 0:23 - 0:26
    C'est une question fondamentale.
  • 0:26 - 0:30
    C'est fondamental parce que nous
    sommes, comme vous le savez,
  • 0:30 - 0:31
    dans une transition fondamentale.
  • 0:31 - 0:35
    Et cette transition, on l'appelle
    aujourd'hui la transition énergétique.
  • 0:35 - 0:39
    Cette transition qui a connu un coup
    d'accélérateur absolument fabuleux
  • 0:39 - 0:45
    en 2015 notamment avec cette COP 21
    et les accords de Paris de décembre.
  • 0:46 - 0:50
    L'idée centrale, principale de
    cette transition énergétique
  • 0:50 - 0:54
    est que le pétrole, les énergies fossiles,
    sont un problème pour l'environnement.
  • 0:54 - 0:56
    Il faut « décarboner » nos économies.
  • 0:56 - 0:59
    Il faut « décarboner » nos énergies.
  • 0:59 - 1:03
    Il faut se sevrer de cette
    dépendance au pétrole
  • 1:03 - 1:06
    de façon à ce qu'il y ait moins
    de gaz à effet de serre.
  • 1:06 - 1:09
    Cela est la condition de la lutte
    contre le réchauffement climatique.
  • 1:09 - 1:11
    Alors qu'est-ce qu'on met à la place
  • 1:11 - 1:14
    de ces technologies
    qui utilisent le pétrole ?
  • 1:14 - 1:16
    On met ce que vous connaissez :
    des technologies vertes.
  • 1:16 - 1:19
    Les technologies vertes, ce sont
    des panneaux solaires,
  • 1:19 - 1:21
    des éoliennes,
    les voitures électriques, etc.
  • 1:21 - 1:23
    Ce sont aussi des technologies numériques.
  • 1:23 - 1:27
    C'est-à-dire des téléphones portables,
    des tablettes, des ordinateurs.
  • 1:27 - 1:29
    Puisqu'il faut du numérique
    pour permettre ensuite
  • 1:29 - 1:32
    de rendre ces technologies vertes
    plus efficientes.
  • 1:32 - 1:35
    C'est ce qu'on appelle
    l'efficacité énergétique.
  • 1:35 - 1:39
    Cependant ces technologies-là ont elles
    aussi besoin de matières premières.
  • 1:39 - 1:41
    Pas de pétrole mais
    d'autres matières premières.
  • 1:41 - 1:43
    Et des matières premières
    tellement importantes,
  • 1:43 - 1:45
    tellement essentielles,
  • 1:45 - 1:47
    que les industriels qui les utilisent,
    les scientifiques,
  • 1:47 - 1:51
    mais aussi les chefs d'État, les appellent
    déjà pour certaines « the next oil ».
  • 1:51 - 1:53
    « Le prochain pétrole ».
  • 1:53 - 1:54
    De quoi parle-t-on ?
  • 1:55 - 1:56
    Personne ne sait.
  • 1:57 - 1:59
    Pourtant nos aïeux au 19ème siècle
    savaient très bien
  • 1:59 - 2:00
    l'importance du charbon.
  • 2:00 - 2:04
    Au 20e siècle, on savait très bien
    la nécessité du pétrole
  • 2:04 - 2:06
    pour le mix énergétique.
  • 2:06 - 2:09
    Mais au 21e siècle,
    nous ne savons pas forcément
  • 2:09 - 2:12
    qu'un monde plus vert
    dépend de ce nouveau pétrole.
  • 2:12 - 2:15
    Des nouveaux équilibres énergétiques
    dépendent de ce nouveau pétrole
  • 2:15 - 2:18
    qu'on appelle les métaux rares.
  • 2:20 - 2:22
    Dans la nature, vous avez
    des métaux abondants.
  • 2:22 - 2:25
    Tout le monde connaît
    les grands métaux abondants.
  • 2:25 - 2:29
    On parle du fer, du zinc, du cuivre,
    de l'aluminium.
  • 2:29 - 2:32
    Cependant il n'y a pas que ça
    dans l'écorce terrestre.
  • 2:32 - 2:35
    Dans les gisements, naturellement
    mélangés à ces métaux abondants,
  • 2:35 - 2:37
    on trouve également de petits métaux.
  • 2:37 - 2:41
    On les appelle « rares » parce que
    leur proportion dans l'écorce terrestre
  • 2:41 - 2:43
    est infiniment moindre
    que les grands métaux.
  • 2:43 - 2:46
    Quelquefois, c'est des milliers
    de fois moindre.
  • 2:46 - 2:49
    Mais on sait comment les extraire
    et les séparer des grands métaux.
  • 2:49 - 2:52
    Depuis une quarantaine d'années,
    on sait les utiliser
  • 2:52 - 2:54
    pour leurs fabuleuses propriétés
    électromagnétiques,
  • 2:54 - 2:58
    électroniques, catalytiques,
    optiques, etc.
  • 2:58 - 3:01
    Et ils rentrent dans toutes
    les technologies vertes.
  • 3:01 - 3:03
    Vous avez besoin de ces métaux
    pour fabriquer des éoliennes,
  • 3:03 - 3:07
    pour fabriquer des panneaux solaires,
    des voitures électriques,
  • 3:07 - 3:10
    et pour fabriquer
    tout ce monde numérique
  • 3:10 - 3:13
    qui permet de rendre ces technologies
    vertes plus efficientes.
  • 3:13 - 3:14
    Ces métaux, il y en a une trentaine.
  • 3:14 - 3:18
    Si je vous en cite quelques-uns,
    on s'apparente à de la poésie :
  • 3:18 - 3:23
    on parle de samarium, de gadolinium,
    de lutécium, de cobalt,
  • 3:23 - 3:25
    de néodyme, de tungstène, de tantale.
  • 3:25 - 3:28
    Il y en a un que j'aime bien,
    c'est le prométhium.
  • 3:28 - 3:29
    J'aime bien ce mot-là.
  • 3:29 - 3:31
    On utilise très peu cet élément.
  • 3:31 - 3:34
    J'aime bien le prométhium car quand
    il a été découvert dans les années 1940,
  • 3:34 - 3:37
    il a été baptisé par la femme
    d'un chimiste qui disait
  • 3:37 - 3:40
    qu'avec cet élément, c'est comme si
    l'on avait volé le feu aux Dieux.
  • 3:40 - 3:44
    Comme Prométhée, le Titan
    qui s'est introduit dans l'Olympe
  • 3:44 - 3:46
    et qui a volé le feu aux dieux
    pour le rendre aux hommes.
  • 3:46 - 3:49
    On a appelé cet élément le prométhium
  • 3:49 - 3:51
    parce que finalement, à vous et à moi,
    on ne le sait pas,
  • 3:51 - 3:54
    mais il nous a donné
    les pouvoirs prométhéens.
  • 3:54 - 3:56
    Grâce à lui, toutes
    les technologies vertes fonctionnent.
  • 3:56 - 3:59
    Grâce à lui et à cette trentaine
    de métaux rares,
  • 3:59 - 4:01
    toutes les technologies
    numériques fonctionnent.
  • 4:01 - 4:05
    À l'instant où je vous parle, nous avons
    tous sur nous des métaux rares.
  • 4:05 - 4:08
    Vous en avez dans votre téléphone,
    vous en avez dans vos écouteurs,
  • 4:08 - 4:10
    j'en ai un dans mon écouteur,
  • 4:10 - 4:13
    vous rentrerez peut-être avec
    une voiture électrique qui en consomme
  • 4:13 - 4:17
    mais nous ne pourrions pas passer
    une seule journée sur Terre à vivre
  • 4:17 - 4:21
    sans utiliser d'une façon ou d'une autre
    ces métaux rares.
  • 4:23 - 4:26
    Cependant je suis un journaliste
    et je me suis demandé
  • 4:26 - 4:29
    où nous allions chercher ces métaux.
  • 4:29 - 4:32
    Ces matières premières qui, justement,
    vont remplacer le pétrole,
  • 4:32 - 4:35
    à quel coût pour les hommes et
    pour l'environnement
  • 4:35 - 4:38
    allons-nous les extraire et
    en sécuriser les approvisionnements ?
  • 4:39 - 4:42
    Et pendant plusieurs années, j'ai fait
    le tour de la planète plusieurs fois,
  • 4:42 - 4:46
    dans une douzaine de pays
    pour essayer de remonter le fil
  • 4:46 - 4:49
    de ces nouvelles matières premières
    qui sont en train de remplacer le pétrole
  • 4:49 - 4:51
    à la faveur de la transition énergétique.
  • 4:51 - 4:56
    Et ce que j'ai découvert m'a « déniaisé »
    par rapport à la transition énergétique.
  • 4:56 - 5:00
    Pour moi, la transition énergétique,
    c'était une transition plus verte
  • 5:00 - 5:02
    plus sobre, plus responsable.
  • 5:02 - 5:06
    Et puis quand on la regarde sous l'angle
    de ces petits métaux rares,
  • 5:06 - 5:10
    en réalité, on voit une autre phase
    plus sombre de cette transition verte.
  • 5:11 - 5:14
    Nous sommes en 2016
    et je me trouve en Chine,
  • 5:14 - 5:16
    et plus précisément
    dans la province du Jiangxi.
  • 5:16 - 5:20
    C'est une province qui se trouve au sud
    de la Chine, près de Hong Kong.
  • 5:20 - 5:23
    D'abord c'est... une province magnifique.
  • 5:23 - 5:26
    C'est la Chine qu'on aimerait
    voir plus souvent, la Chine verte
  • 5:26 - 5:29
    avec des collines
    et des pains de sucre à perte de vue,
  • 5:29 - 5:30
    et une nature généreuse.
  • 5:30 - 5:32
    La province de Jiangxi,
    ça n'est pas que ça.
  • 5:32 - 5:36
    C'est aussi l'une des principales zones
    d'extraction de certains métaux rares,
  • 5:36 - 5:39
    plus précisément des métaux rares
    qu'on appelle les « terres rares ».
  • 5:39 - 5:42
    Les terres rares sont
    une sous-catégorie de métaux rares.
  • 5:42 - 5:46
    Cette province de Jiangxi est
    l'une des premières zones d'exploitation
  • 5:46 - 5:48
    de cette terre rare de la planète.
  • 5:48 - 5:52
    Et il faut s'enfoncer assez loin
    dans cette région,
  • 5:52 - 5:54
    quitter un petit peu les sentiers battus,
  • 5:54 - 5:56
    pour aller voir comment se passe
    l'extraction de ces métaux.
  • 5:56 - 6:00
    Déjà, choc visuel, il y a des collines
    coupées en deux verticalement
  • 6:00 - 6:02
    pour aller extraire les métaux.
  • 6:02 - 6:05
    On se retrouve nez à nez avec
    des mafias qui font du marché noir.
  • 6:05 - 6:09
    On comprend les impacts écologiques
    de l'extraction de ces métaux
  • 6:09 - 6:13
    car il faut aller les extraire alors
    qu'ils se trouvent en proportions infimes.
  • 6:13 - 6:16
    Imaginez les efforts qu'il faut
    pour extraire un kilo de ces métaux.
  • 6:16 - 6:20
    Il faut retourner des dizaines de milliers
    de tonnes de caillasse.
  • 6:20 - 6:23
    Il faut ensuite séparer ces métaux
    des métaux abondants.
  • 6:23 - 6:26
    Il va falloir les purifier,
    utiliser des produits chimiques.
  • 6:26 - 6:29
    Nous sommes en Chine, ça ne se passe
    pas aussi bien qu'on le voudrait
  • 6:29 - 6:31
    sur le plan de l'environnement.
  • 6:31 - 6:33
    Ces eaux sont ensuite rejetées
    dans les rivières.
  • 6:33 - 6:34
    Plus rien ne pousse.
  • 6:34 - 6:38
    Les personnes qui travaillent dans
    ce secteur disent que c'est un poison.
  • 6:38 - 6:41
    Ces métaux rares en réalité ont un coût
    environnemental extrêmement élevé.
  • 6:41 - 6:44
    À la même époque,
    quelques années plus tôt,
  • 6:44 - 6:49
    je me trouvais dans une autre zone
    d'extraction de terres rares en Chine,
  • 6:49 - 6:54
    en Mongolie intérieure,
    à 700 km au nord-ouest de Pékin.
  • 6:54 - 6:57
    C'est la plus grande zone d'extraction.
  • 6:57 - 7:00
    Là-bas, c'est l'enfer de Dante.
  • 7:00 - 7:04
    Ce sont des lacs toxiques dans lesquels
    on rejette tous les effluents
  • 7:04 - 7:08
    chargés de produits chimiques
    et de métaux lourds.
  • 7:08 - 7:12
    Ces effluents qui ont servi au raffinage
    de ces métaux.
  • 7:12 - 7:18
    On se retrouve à parler avec des gens
    qui travaillent dans cette industrie
  • 7:18 - 7:22
    et des riverains qui habitent des
    villages baptisés « villages du cancer »
  • 7:22 - 7:26
    car on meurt dans ces villages d'un taux
    anormalement élevé de cancers.
  • 7:26 - 7:29
    Le lien avec l'industrie,
    selon ces villageois, est évident :
  • 7:29 - 7:32
    ils mangent, boivent, respirent
    les effluents toxiques
  • 7:32 - 7:38
    des mines de métaux rares
    et des rejets de métaux lourds
  • 7:38 - 7:40
    qui ont servi au raffinage
    des métaux rares.
  • 7:41 - 7:45
    Une experte chinoise m'a dit que
    la Chine a sacrifié son environnement
  • 7:45 - 7:49
    pour fournir le reste du monde
    avec ces métaux rares.
  • 7:49 - 7:53
    Et là je me prends une claque
    parce que je ne comprends pas.
  • 7:53 - 7:57
    J'identifie deux paradoxes
    que je voudrais vous partager.
  • 7:57 - 8:02
    Le premier paradoxe, c'est que
    les énergies vertes, dites propres,
  • 8:02 - 8:09
    se fondent sur l'exploitation de métaux
    qui ne sont pas propres, qui sont sales.
  • 8:09 - 8:13
    Les énergies renouvelables
    ne peuvent exister
  • 8:13 - 8:18
    sans l'extraction de matières premières
    qui elles ne sont pas renouvelables.
  • 8:18 - 8:21
    Et ce que je vous dis pour la Chine
    vaut pour un tas de pays
  • 8:21 - 8:23
    où l'on extrait tous ces métaux rares.
  • 8:23 - 8:24
    On peut parler du cobalt au Congo,
  • 8:24 - 8:27
    de métaux divers et variés
    au Kazakhstan.
  • 8:27 - 8:29
    J'étais également en Amérique Latine.
  • 8:29 - 8:32
    Il est extrêmement difficile aujourd'hui
    en Amérique Latine d'ouvrir une mine
  • 8:32 - 8:35
    parce que les populations riveraines
    sont vent debout
  • 8:35 - 8:37
    contre les projets d'extraction minière
  • 8:37 - 8:40
    tellement c'est sale et problématique
    pour l'environnement.
  • 8:41 - 8:47
    Je me suis demandé pourquoi
    je n'avais pas réalisé cela plus tôt.
  • 8:48 - 8:50
    Comment ça se fait que
    je découvre cette histoire,
  • 8:50 - 8:52
    ces dessous des technologies vertes,
  • 8:52 - 8:56
    si tard alors que cette industrie existe
    depuis des décennies.
  • 8:57 - 9:00
    À la même époque,
    je me trouve aux États-Unis.
  • 9:00 - 9:03
    Je me trouve plus précisément
    dans la région de Las Vegas
  • 9:03 - 9:06
    à la frontière entre
    la Californie et le Nevada.
  • 9:07 - 9:11
    À cette époque là-bas se trouvait
    une mine dans les années 90.
  • 9:11 - 9:15
    « The Mountain Pass »,
    c'était le nom de la mine.
  • 9:15 - 9:19
    Et cette mine était la première mine
    d'extraction de terres rares,
  • 9:19 - 9:21
    donc une classe de métaux rares
    de la planète.
  • 9:21 - 9:24
    Le problème, c'est que dans les années 90,
  • 9:24 - 9:27
    cela a commencé à poser de sérieux
    problèmes environnementaux.
  • 9:27 - 9:32
    Et ça posait tellement
    de problématiques environnementales
  • 9:32 - 9:35
    que la compagnie minière
    qui s'appelait Molycorp
  • 9:35 - 9:38
    se retrouvait aux prises
    avec des tas de difficultés
  • 9:38 - 9:42
    et avec aussi l'administration américaine
    qui compliquait les choses
  • 9:42 - 9:45
    parce que les réglementations
    environnementales étaient strictes.
  • 9:45 - 9:47
    Cette compagnie minière
    s'est rendu compte
  • 9:47 - 9:50
    qu'elle ne pouvait plus continuer
    à extraire ces terres rares
  • 9:50 - 9:51
    et a fermé la mine.
  • 9:51 - 9:56
    Toujours les années 90, il y avait un
    autre pays leader de ces métaux rares,
  • 9:56 - 9:57
    c'était la France.
  • 9:58 - 10:02
    À La Rochelle, il y avait une usine
    qui s'appelait Rhône-Poulenc.
  • 10:02 - 10:07
    Rhône-Poulenc n'était pas seulement
    le sponsor de l'émission « Ushuaïa »,
  • 10:07 - 10:11
    c'était aussi un chimiste qui purifiait
    50% des terres rares de la planète.
  • 10:12 - 10:14
    Et Rhône-Poulenc
    se trouve à cette époque
  • 10:14 - 10:17
    dans les mêmes problématiques
    que celles de Molycorp,
  • 10:17 - 10:20
    non pas pour l'extraction,
    mais pour le raffinage.
  • 10:21 - 10:25
    Problématique de pollution.
  • 10:25 - 10:27
    Quand on extrait les terres rares,
  • 10:27 - 10:31
    qu'on les sépare du thorium et de
    l'uranium auxquels elles sont associées,
  • 10:31 - 10:32
    ça génère de la radioactivité.
  • 10:32 - 10:34
    Les Rochelais ne supportaient pas
    cette situation,
  • 10:34 - 10:36
    ça créait des troubles sociaux.
  • 10:36 - 10:41
    Les coûts de la purification de
    ces métaux commençaient à exploser,
  • 10:41 - 10:42
    ça n'était plus rentable.
  • 10:42 - 10:46
    Rhône-Poulenc décide de délocaliser
    ses activités en Chine.
  • 10:47 - 10:51
    Donc au même moment
    vous avez une compagnie minière
  • 10:51 - 10:55
    et une compagnie de raffinage
    de ces métaux rares
  • 10:55 - 11:00
    qui décident de concert
    mais sans se concerter, soit de fermer,
  • 11:00 - 11:03
    soit de délocaliser leurs activités.
  • 11:04 - 11:06
    Et à ce moment-là, qui récupère le bébé ?
  • 11:06 - 11:07
    Ce sont les Chinois.
  • 11:07 - 11:11
    Parce que dans ces années-là,
    les Chinois vous disent :
  • 11:11 - 11:13
    « Mao, ça ne s'est pas très bien passé,
  • 11:13 - 11:17
    la révolution agricole
    n'a pas eu le succès escompté,
  • 11:17 - 11:20
    on mise tout sur l'industrie.
  • 11:20 - 11:23
    On a plein de gisements de terres
    rares et de métaux rares en général,
  • 11:23 - 11:26
    on peut fournir des terres rares
    pas chères, abondantes.
  • 11:26 - 11:29
    On va sacrifier notre environnement
    mais ce n'est pas grave.
  • 11:29 - 11:32
    Ce qui nous importe,
    c'est le développement économique. »
  • 11:32 - 11:35
    Et nous, on s'est débarrassé
    des terres rares.
  • 11:36 - 11:40
    Ce faisant, on n'a pas seulement
    délocalisé nos emplois et nos usines.
  • 11:40 - 11:43
    Nous avons délocalisé la pollution.
  • 11:43 - 11:47
    Nous avons délocalisé la pollution
    associée à ces matières premières,
  • 11:47 - 11:51
    ce nouveau pétrole nécessaire
    aux technologies vertes.
  • 11:51 - 11:56
    Nous avons laissé des pays salir
    pour extraire et purifier ces métaux
  • 11:56 - 12:00
    de sorte que nous puissions
    les racheter purs, propres,
  • 12:00 - 12:02
    les mettre dans les technologies vertes
  • 12:02 - 12:05
    et nous glorifier
    de notre conversion écolo.
  • 12:05 - 12:12
    Pour le dire autrement, le monde
    s'est [divisé] grosso modo
  • 12:12 - 12:15
    entre ceux qui sont sales,
  • 12:15 - 12:17
    et ceux qui font semblant d'être propres.
  • 12:20 - 12:21
    Alors...
  • 12:24 - 12:27
    Est-ce que je suis audible
    avec tout ça finalement ?
  • 12:27 - 12:31
    Je me demande si je suis audible alors
    que notre consommation électronique,
  • 12:31 - 12:34
    notre consommation de
    technologies vertes explose.
  • 12:35 - 12:37
    Elle est exponentielle.
  • 12:37 - 12:38
    Nous sommes dans un monde
  • 12:38 - 12:42
    où tout le monde veut toujours plus
    d'électronique et d'énergies vertes,
  • 12:42 - 12:44
    les Chinois veulent vivre
    comme des Français,
  • 12:44 - 12:47
    ils veulent aller se faire photographier
    devant la Tour Eiffel,
  • 12:47 - 12:50
    ils veulent vivre comme des Européens,
    comme des occidentaux.
  • 12:50 - 12:52
    Il y a une convergence des modes de vie
  • 12:52 - 12:55
    entre les pays développés
    et les pays en voie de développement
  • 12:55 - 12:58
    qui va provoquer une explosion
    de la demande
  • 12:58 - 13:00
    de consommation de ces métaux rares.
  • 13:00 - 13:03
    Un rapport qui a été publié en 2013
    disait que d'ici 2035,
  • 13:03 - 13:06
    il allait falloir deux fois plus
    de terres rares,
  • 13:06 - 13:09
    quatre fois plus de tantale,
    neuf fois plus de scandium,
  • 13:09 - 13:12
    24 fois plus de cobalt,
    180 fois plus de lithium,
  • 13:12 - 13:15
    etc., etc., etc.
  • 13:15 - 13:17
    C'est exponentiel.
  • 13:17 - 13:21
    Un expert français du CNRS
    a fini par se demander
  • 13:21 - 13:25
    si l'on pouvait calculer les besoins
    globaux en métaux qui sont nécessaires,
  • 13:25 - 13:27
    compte tenu de nos nouveaux
    modes de vie.
  • 13:27 - 13:29
    Il a fait un calcul qui m'a laissé
    complètement pantois.
  • 13:29 - 13:33
    Il a remarqué que compte tenu
    de notre consommation
  • 13:33 - 13:34
    de toutes sortes de technologies,
  • 13:34 - 13:36
    pas seulement les vertes
    et les numériques,
  • 13:36 - 13:40
    mais compte tenu de nos besoins futurs
    pour les trente prochaines années,
  • 13:40 - 13:43
    l'humanité va consommer en trente ans
    davantage de métaux
  • 13:43 - 13:47
    que tous les métaux qu'elle a jamais
    extraits depuis le début de l'humanité,
  • 13:47 - 13:49
    depuis 70 000 ans.
  • 13:49 - 13:53
    C'est-à-dire que la génération des 25
    ou 30 prochaines années
  • 13:53 - 13:58
    consommeront davantage que les 2 500
    générations qui les ont précédées.
  • 14:00 - 14:02
    Il va falloir plus de métaux.
  • 14:02 - 14:04
    On commence à se dire qu'on va
    ouvrir des mines partout.
  • 14:04 - 14:06
    Et puis les océans regorgent de métaux.
  • 14:06 - 14:07
    Et l'Espace aussi.
  • 14:07 - 14:09
    Les Américains commencent
    à s'y intéresser.
  • 14:09 - 14:12
    Nous étendons le domaine de la mine
  • 14:12 - 14:16
    pour pouvoir nous fournir en métaux
    abondants mais aussi en métaux rares
  • 14:16 - 14:20
    pour nos nouveaux besoins
    énergétiques et numériques.
  • 14:20 - 14:22
    Je souligne à nouveau
    un paradoxe de la transition énergétique :
  • 14:22 - 14:25
    tout cela au nom de la sobriété.
  • 14:25 - 14:27
    Ce qui pose à un moment
    des problématiques de pénurie.
  • 14:27 - 14:30
    On commence déjà à dresser
    des listes de pénuries
  • 14:30 - 14:32
    en se disant qu'à ce rythme
    d'exploitation-là,
  • 14:32 - 14:36
    tel ou tel ou tel métal,
    on n'en aura plus à tel horizon.
  • 14:38 - 14:40
    Nous sommes à la veille d'une renaissance.
  • 14:40 - 14:43
    Nous sommes au cœur d'une nouvelle
    renaissance technologique.
  • 14:43 - 14:45
    C'est un mot qui enthousiasme
    tout le monde.
  • 14:45 - 14:46
    Et même moi je voudrais y croire.
  • 14:46 - 14:51
    Mais que se passe-t-il
    si vous êtes dans une renaissance
  • 14:51 - 14:54
    et qu'il n'y a pas assez
    de matières premières ?
  • 14:54 - 14:57
    Que se serait-il passé en 1492
    si Christophe Colomb,
  • 14:57 - 14:58
    faute de bois disponible,
  • 14:58 - 15:01
    n'avait pas trouvé ses deux bateaux
    amarrés à un port andalou ?
  • 15:01 - 15:03
    Alors que faire ?
  • 15:03 - 15:07
    D'abord je pense qu'il faut méditer
    cette phrase d'Einstein.
  • 15:07 - 15:09
    Einstein nous a donné
    une phrase magnifique.
  • 15:09 - 15:11
    Il a dit : « On ne règle pas un problème,
  • 15:11 - 15:14
    avec les modes de pensée
    qui l'ont engendré. »
  • 15:14 - 15:16
    Or nous sommes en train d'essayer
    de régler un problème
  • 15:16 - 15:19
    avec les mêmes modes de pensée
    qui l'ont engendré.
  • 15:19 - 15:22
    Nous pensons cette transition
    de façon purement technologique
  • 15:22 - 15:27
    mais nous ne la pensons pas de façon
    plus culturelle, plus personnelle.
  • 15:28 - 15:31
    Nous avons une problématique :
  • 15:31 - 15:33
    nous voulons faire
    des sauts technologiques
  • 15:33 - 15:34
    sans saut de conscience.
  • 15:34 - 15:36
    Nous voulons faire des progrès techniques
  • 15:36 - 15:39
    sans nécessairement penser
    à des progrès humains.
  • 15:39 - 15:42
    Et une façon d'appliquer cette maxime,
  • 15:42 - 15:45
    c'est peut-être de regarder
    concrètement ce qu'on peut faire
  • 15:45 - 15:46
    pour rationaliser la matière.
  • 15:46 - 15:51
    Rationaliser la matière, c'est recycler
    tous les métaux rares par exemple.
  • 15:51 - 15:54
    On recycle moins de 1%
    de métaux rares aujourd'hui
  • 15:54 - 15:56
    puisque c'est trop cher de les recycler.
  • 15:56 - 15:58
    On sait faire mais on ne veut pas faire.
  • 15:58 - 16:01
    On pourrait substituer certains métaux
    par d'autres moins énergivores.
  • 16:01 - 16:04
    Il faudrait éco-concevoir
    toutes les technologies
  • 16:04 - 16:06
    de façon à pouvoir les recycler
    plus facilement après.
  • 16:06 - 16:10
    Il faudrait lutter contre l'obsolescence
    programmée des produits
  • 16:10 - 16:12
    qui est un scandale qui nous pousse
    à consommer davantage.
  • 16:12 - 16:15
    À Lille, il y a une entreprise
    qui s'appelle Vitamine T.
  • 16:15 - 16:18
    Cette entreprise génère un chiffre
    d'affaires de 60 millions d'euros,
  • 16:18 - 16:20
    emploie 3 500 salariés,
  • 16:20 - 16:23
    et recycle 40 000 tonnes
    de déchets électroniques.
  • 16:23 - 16:25
    Une autre entreprise, Envie Nord,
  • 16:25 - 16:30
    récupère et remet sur le marché
    9 000 produits électroménagers par an.
  • 16:30 - 16:34
    Ce sont des exemples très concrets
    de progrès qui peuvent être faits
  • 16:34 - 16:38
    sans nécessairement devoir remettre
    en cause nos modèles de croissance.
  • 16:38 - 16:40
    Mais il faut rationaliser la matière
  • 16:40 - 16:43
    et garder aussi à l'esprit cette belle
    phrase des énergéticiens qui disent :
  • 16:43 - 16:47
    « La meilleure énergie, c'est celle
    que nous ne consommons pas. »
  • 16:47 - 16:53
    Pour terminer je vous dirais simplement
    ce dont je parlais avec un expert.
  • 16:53 - 17:00
    Il me proposait cette phrase, cette
    maxime pleine de bon sens et d'espoir.
  • 17:00 - 17:02
    Il me disait : « Vous savez
    finalement Guillaume,
  • 17:02 - 17:05
    on n'a pas de problème de matières rares.
  • 17:05 - 17:07
    nous n'avons que
    des problèmes de matière grise. »
  • 17:07 - 17:08
    Je vous remercie.
Title:
Métaux rares : la face cachée de la transition énergétique | Guillaume PITRON | TEDxLille
Description:

En nous émancipant des énergies fossiles, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance : celle aux métaux rares. Graphite, cobalt, indium, platinoïdes, tungstène, terres rares… ces ressources sont devenues indispensables à notre nouvelle société écologique et numérique. Elles se nichent dans nos smartphones, nos ordinateurs, tablettes et autre objets connectés de notre quotidien. Or les coûts environnementaux, économiques et géopolitiques de cette dépendance pourraient se révéler encore plus dramatiques que ceux qui nous lient au pétrole.

Guillaume Pitron est journaliste et réalisateur. Ses enquêtes de terrain décryptent les tendances symptomatiques d’un monde globalisé. Ses recherches s’intéressent notamment aux enjeux économiques, politiques et environnementaux liés à l’exploitation des matières premières.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

more » « less
Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
17:18

French subtitles

Revisions