Le racisme veut que vous soyez silencieux : il est temps de vous exprimer | Dexter Dias | TEDxExeter

La mort horrible de George Floyd et les manifestations mondiales Black Lives Matter seront-elles un moment décisif dans la lutte pour la justice raciale ? L'avocat spécialisé en droits humains Dexter Dias QC (http://twitter.com/DexterDiasQC) croit qu'elles peuvent l'être, mais seulement si, en tant que citoyens, nous utilisons notre pouvoir et nos privilèges pour exiger du changement dans chacune de nos sphères d'influence. Dexter met à profit ses recherches sur quatre continents pour son livre best-seller « Les dix types d'êtres humains » et ses trois décennies d'expérience à représenter des familles de personnes de couleur qui ont été tuées en détention pour exposer comment la « race » est un mythe utilisé pour justifier l'inégalité et la discrimination. Il avance que le racisme a besoin de notre silence. L'antidote est de nous engager à être antiraciste. Et le bon moment, c'est maintenant.

Cette présentation a été enregistrée pour un événement virtuel de TEDxExeter (http://www.tedxexeter.com) en juin 2020 et explore le racisme et la justice raciale.

Organisatrice : Claire Kennedy https://twitter.com/clairekennedy__
Production : Andy Robertson http://www.taminggaming.com e tFirst Sight Media http://twitter.com/firstsightmedia
Musique : FONN http://www.fonnmusic.co.uk/

Dester Dias QC est un avocat primé spécialisé dans les droits humains , juge à temps partiel et chercheur primé à Cambridge et à Harvard. Ses domaines de spécialisation incluent : le terrorisme, la mutilation génitale féminine, les violences genrées et d'honneur, la traite d'êtres humains et l'esclavage moderne, l’enrôlement d'enfants comme soldats, la violence domestique et les enfants au sein du système judiciaire pénal. Il a joué un rôle déterminant dans la modification de la loi afin de mieux protéger les filles risquant une violence genrée. Les 30 dernières années, Dexter a été impliqué dans certaines des plus grandes affaires judiciaires où il a été question de droits humains, de meurtre, de crime contre l'humanité, de terrorisme, de crimes de guerre, de décès litigieux en détention et de génocide.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : https://www.ted.com/tedx

Le racisme.

Tout le monde y pense.

La semaine dernière,

les rues se sont emplies
de milliers de personnes

soutenant Black Lives Matter.

Ce week-end, dans le centre de Londres,

il y avait d'autres personnes
regroupées autour de statues,

faisant des saluts nazis et scandant :
« Je suis raciste et je suis fier ».

Dans les rues proches de chez moi,

des jeunes me scandaient :

« Je préférerais
être pakistanais que noir. »

Comment est-ce là où vous êtes ?

Comment pouvons-nous changer cela ?

Je suis avocat en droits de l'Homme.

Je suis avocat en droits de l'Homme
depuis 30 ans et voici ce que je sais.

Un jour, il y avait
un homme seul dans une pièce.

Il avait 25 ans et son nom était Alton.

Et sept autres hommes, sept inconnus

se sont précipités dans sa chambre
et l'ont fait en sortir.

Ils l'ont tenu dans une position
de crucifixion à l'horizontale,

un tenant chaque bras,
deux tenant chaque jambe

et le septième homme

tenait le cou d'Alton en étau
entre ses deux avant-bras.

Alton avait des difficultés à respirer
et disait : « Je ne peux pas respirer »,

tout comme George Floyd a dit :
« Je ne peux pas respirer ».

Mais ils n'ont pas arrêté
et peu de temps après, Alton est mort.

Quand on m'a demandé de représenter
sa mère, son frère et sa sœur

pour enquêter sur sa mort,

ils m'ont demandé
comment cela pouvait arriver.

Et je n'avais pas de réponse.

Car Alton avait des blessures
sur tout le corps.

Il avait des bleus
sur son cou et son torse,

il était blessé aux bras et aux jambes,

il avait du sang dans les yeux,
les oreilles et le nez.

Mais ils prétendaient que personne
ne savait quoi que ce soit.

Ils prétendaient qu'ils ne pouvaient pas
expliquer comment il était mort.

Alton avait deux problèmes :

un, le couloir dans lequel il est mort
est un couloir de prison

et deux, il était noir.

Aujourd'hui, je veux vous parler
de la question de la mère d'Alton :

« Comment une telle chose
peut-elle arriver dans notre pays ?

Comment ces choses arrivent-elles
dans des pays à travers le monde ?

Comment se fait-il
qu'elles arrivent encore ?

Et que pouvons-nous faire
pour y mettre un terme ? »

Depuis trois décennies, je représente
les familles de personnes de couleur

qui ont été tuées en détention
au Royaume-Uni.

J'ai travaillé pour les droits de l'Homme
sur quatre continents

et voici ce que j'en ai appris :

si nous voulons faire quelque chose
au sujet du racisme,

nous devons d'abord
comprendre ce que c'est.

Parlons de cette chose
que l'on appelle « la race ».

Qu'est-ce que c'est ?

Un fait de notre vie,

l'une des plus grandes forces au monde,

une chose dont nous ne voulons
pas particulièrement parler.

C'est toutes ces choses,

mais c'est autre chose :

c'est un mythe.

Il n'y a rien de tel que la race.

La recherche scientifique de Harvard
et de nombreuses autres universités

montre que la race est une illusion.

Par exemple, quelqu'un
de descendance européenne

pourrait être génétiquement plus proche
d'une personne asiatique

que quelqu'un d'autre
de descendance européenne.

Si la race n'est pas
un fait biologique, qu'est-ce donc ?

C'est une construction sociale,
ce qui signifie qu'elle a été inventée.

Mais par qui et pour quelle raison ?

En tant qu'espèce, nous partageons
99% de notre ADN avec tous les autres.

Mais des caractéristiques
externes visibles

comme le type de cheveux
ou la couleur de la peau

ont été utilisées afin de promouvoir
ce mensonge génétique raciste

sur ces supposées
différences raciales génétiques.

Le racisme est endémique
depuis des siècles.

Les nazis, bien sûr, étaient très désireux
de promouvoir le mensonge raciste.

Mais aux États-Unis également, il y a eu
des expériences et lois eugéniques.

En Australie, les enfants
avec un double patrimoine autochtone

étaient saisis auprès de leurs parents
afin de créer une Australie blanche.

Ce genre de pensée
est à nouveau en augmentation

avec des groupes de la droite alternative
rêvant de patries racialement pures.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Nous n'avons pas d'inégalités sociales
du fait de la race.

Nous avons des inégalités sociales
qui sont justifiées par la race.

J'ai commencé à le comprendre

quand j'ai représenté
des activistes anti apartheid

et ils m'ont montré en quoi l'apartheid

était un système d'exploitation
et de discrimination sociales

qui était justifié par la race,

par la prétendue supériorité
du peuple blanc

et la prétendue infériorité
du peuple noire.

Le régime de l'apartheid
disait que c'était la nature,

que cela était donc inévitable

et que l'on ne pouvait rien y faire.

Le mensonge de Mère Nature

offre un laisser-passer
à la discrimination et l'injustice.

Je l'ai aussi observé dans des situations

où les gens souffrent de l'héritage
de la colonisation et de l'empire.

J'ai vu des effets similaires
sur des gens de la même couleur en Afrique

et comment les gens de certaines castes
sont dénigrés en Inde.

Les victimes sont peut-être différentes

mais le mécanisme,
la caractérisation et les mensonges

sont exactement les mêmes.

Vous pouvez voir pourquoi les gens sont
si désireux d'adopter la notion de race :

cela offre aux gens privilégiés comme nous

une carte de sortie de prison.

La vérité est que la race est un système.

C'est comme de l'oxygène,
comme une atmosphère.

Elle s'écoule partout dans notre société.

Elle infecte tous ceux qu'elle touche.

Elle protège le pouvoir et les privilèges.

De qui ?

Regardez autour de vous.

Quelle est l'expérience
des personnes de couleur,

des gens comme moi,

qui essayent de parler de racisme
à des personnes blanches ?

De nombreuses personnes blanches
trouvent cela très difficile.

Certaines personnes blanches
disent ne rien savoir à ce sujet,

d'autres disent que nos sociétés
ne souffrent d'aucun racisme.

Si vous êtes une personne blanche
qui s'interroge à ce sujet,

il y a un exercice de réflexion
que vous pouvez faire.

La vérité est :

vous savez.

Vous savez déjà.

Demandez-vous :

voudriez-vous vraiment
que votre fils ou votre fille,

votre frère ou votre sœur

épouse un musulman pratiquant
venant du Moyen-Orient ?

Ou quelqu'un qui est récemment arrivé
d'Asie du Sud est qui est hindou ?

Ou un demandeur d'asile
venant d'Afrique subsaharienne ?

Ou quelqu'un qui a récemment
franchi la frontière

entre les États-Unis et le Mexique ?

Vous ne feriez peut-être pas preuve
d'un refus complet,

mais vous pourriez
témoigner d'une préoccupation,

un scrupule qui effleure votre cerveau.

Ce n'est pas du fait
de la couleur de sa peau

mais car vous savez que dans les pays
tels que le nôtre actuellement,

les perspectives d'avenir seront
probablement affectées par cette union.

Vous réalisez que vous savez,
que vous comprenez,

que les gens les jugeront.

Il y a cent façons

dont ces jugements influenceront leur vie
et la vie de leurs enfants.

A ce moment-là, vous entrez en contact
avec une vérité redoutable :

vous savez que le racisme
systémique est une réalité.

Alors pourquoi ne voulez-vous pas
parler de race ?

Car vous met mal à l'aise, certainement.

Mais cela n'est
qu'une partie de la réponse.

La vérité au sens plus large
est bien plus dévastatrice.

Votre hérissement
n'est pas qu'une attitude défensive,

c'est un mécanisme de défense.

Il défend le système de privilèges

et la division inégale
de la richesse et du pouvoir.

La fragilité offre un laisser-passer
à l'inégalité raciale.

Qui y gagne et qui y perd ?

Regardez les données.

Pour les revenus, les inégalités
en matière de santé,

les exclusions scolaires,
les perspectives de carrière,

les arrestations et les fouilles.

Regardez comment les personnes de couleur

meurent de façon
disproportionnée du COVID.

Si le mythe racial rend invisible

et que la réaction de fragilité
passe sous silence,

quels choix nous reste-t-il ?

Le choix binaire entre être raciste
et ne pas être raciste ?

Ou y a-t-il une autre voie ?

Car presque tout le monde présent ici
se dira non raciste.

Mais nous devons être honnêtes :
être non quelque chose ne suffit pas.

Le troisième choix est d'être
activement anti-raciste.

Si vous êtes d'accord avec le fait
que les vies noires comptent,

demandez-vous :

« Comment les vies noires
comptent-elles dans ma vie ?

Qu'ai-je fait pour montrer
que les vies noires m'importent ? »

En adoptant une position antiraciste
visible, consciente et active,

ce qui était auparavant invisible
est rendu visible,

ce qui était passé sous silence
est crié haut et fort.

Mais cela ne suffit toujours pas.

Après des semaines d'une bataille acharnée
autour de l'enquête,

le jury entièrement blanc
est revenu dans la salle d'audience

pour l'affaire d'Alton.

Il y a eu de silence absolu
quand le président du jury s'est levé,

qu'il a annoncé le verdict

et que c'était un homicide.

A ce moment-là, il y a eu un déchaînement
au sein de la salle d'audience

et il y a eu ce son assourdissant.

Les gens criaient,

la sœur d'Alton est venue
dans l'allée à ma gauche,

elle pointait du doigts
les agents pénitentiaires

et elle leur criait :

« Vous avez tué mon frère.
Vous avez tué mon frère. »

La famille voulait désespéramment

que les agents pénitentiaires
responsables de la mort d'Alton

soient poursuivis.

Nous voulions tous cela désespéramment.

Mais aucun d'entre eux
n'a a été poursuivi en justice.

Nous avons poursuivi en justice
le procureur général,

le directeur des poursuites pénales.

Le juge le plus haut placé du pays,
le lord juge en chef, a concordé

que la décision de ne pas poursuivre était
une énorme erreur et contraire à la loi.

Chaque jour durant l'affaire d'Alton,

son frère s'asseyait
sur les marches du tribunal

et il me disait : « Formez-les bien
aujourd'hui Monsieur D. »

Mais quand il a réalisé

que personne ne serait poursuivi
pour le meurtre de son frère,

cela l'a anéanti.

Il est mort quelques années plus tard
dans un hôpital psychiatrique.

Quel lien la mort d'Alton
crée-t-elle pour vous

avec le racisme et les privilèges
au sein de nos sociétés ?

Qu'est-ce que je veux de vous ?

Ce que je veux,
c'est ne plus avoir de travail.

Les familles qui viennent me voir
sont des familles en deuil

et je vois de l'espoir dans leurs yeux

et je dois leur dire

que les chances que quiconque
soit un jour poursuivi en justice

pour son implication
dans le meurtre d'un être cher

sont très faibles.

J'ai vu ces visages en deuil
à l'aube de ma carrière

et je les vois encore alors que j'approche
du crépuscule de ma carrière.

Et le milieu de la journée
a été plein de sang.

D'une certaine façon, je pense
que j'ai du sang sur les mains

même si, rationnellement,
je sais que ce n'est pas le cas,

mais je n'ai pas pu redonner vie
à Alton ou Gareth ou Zahid

ou aucun des autres,

ce qui est tout ce que
leur famille en deuil voulait.

Je vous demande de voir
au-delà des mensonges

et de voir au-delà d'un des mensonges
les plus paralysants qui soient :

que nous ne changerons pas
quoi que ce soit,

que nous ne le pouvons pas.

Je suis sûr qu'on a dit cela à Rosa Parks
et à Martin Luther King

et à Nelson Mandela.

Mais ils ont continué
et ont quand même changé les choses.

J'ai essayé de penser à eux

lorsque j'ai mené le contre-interrogatoire
des agents pénitentiaires

et j'ai dit à chacun d'eux :

« Regardez Mme Mannig » -
la mère d'Alton -

« et dites-lui pourquoi
son fils est mort. »

Pas un seul d'entre eux
n'a pu la regarder,

ils voulaient qu'elle soit invisible.

Malheureusement, en réalisant
que personne ne serait poursuivi

pour la mort de son garçon,

elle a sombré dans la dépression

et elle est décédée.

Mais je n'oublierai jamais comment,
au milieu du chaos et de la débâcle,

quand ce verdict a été annoncé,

je me suis tourné vers elle et j'ai dit :

« Mme Manning, je suis
profondément désolé pour votre famille. »

Elle m'a regardé et elle a dit :
« M. Dias, vous êtes de la famille. »

Puis elle a pointé un doigt
sur les agents pénitentiaires et le jury

et elle a dit :

« Et ils font partie de la famille,

mais les familles
se chicanent et se disputent,

mais nous devons arranger cela,
nous devons trouver un moyen. »

Comment arranger cela et quand ?

Le Dr King nous a appris :

« Le moment est toujours juste
pour faire ce qui est juste. »

Ces décès litigieux en détention

ont eu lieu dans des prisons
et dans des postes de police,

mais finalement, la lumière
a été faites sur ces décès

à travers la mort épouvantable
de George Floyd.

Nous ne pouvons pas dire
que nous ne savions pas.

La crise du coronavirus
et la mort de George Floyd

nous ont secoués
et sortis de notre complaisance.

Elles ont mis le monde en mouvement

car ce qui a été vu
ne peut pas être oublié.

Le moment actuel est
un moment de changement historique.

Il est temps d'agir
dans nos sphères d'influence.

Nous en avons tous.

Nous du pouvoir électoral,
nous avons du pouvoir d'achat -

où nous dépensons notre argent
et ce pour quoi nous le dépensons.

Nous avons le pouvoir
de dénoncer le racisme

à chaque fois que nous le rencontrons.

Ceux d'entre vous qui écoutent aujourd'hui
et qui ont bénéficié de ce privilège

ont l'opportunité de le renverser

et d'exiger que la société change.

Finalement, ce qui arrivera
est entre nos mains.

Voici ce que je sais :

quand quelqu'un en détention dit :
« Je ne peux pas respirer »,

il est en danger de mort,

mais quand une société
ne remet pas en question

l'oxygène du racisme
que tout le monde respire au quotidien,

l'espoir d'une justice et d'une égalité
raciales au sein de cette société

est également en danger de mort.

Il ne peut plus y avoir d'Alton,
de Gareth, de Zahid,

d'Olaseni, de Jimmy, de Sean,

de Cherry, de Beonnas,

de Christopher, de George...

Mais il n'est pas uniquement
question de morts,

il est question de vie

et d'êtres humains
s'épanouissant ensemble.

Pour cela, il y a besoin
de chacun d'entre nous.

Le racisme veut demeurer invisible,
mettez-le à jour.

Le racisme veut que vous soyez silencieux,

faites du bruit.

Le racisme veut votre apathie,

engagez-vous à utiliser votre voix,
vos privilège et votre pouvoir

pour vous battre, toujours,
pour la justice raciale

et pour vous joindre au crescendo
de voix qui demandent du changement

et pour faire partie de l'espoir.

Vous joindrez-vous à nous ?

(Montage vidéo : Black Lives Matter)