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Avez-vous déjà rencontré un monstre ? | Amy Herdy | TEDxSanJuanIsland

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    Avez-vous déjà rencontré un monstre ?
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    Si effrayant qu'il a éveillé
    votre cerveau reptilien ?
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    Un matin, je me rendais à mon poste
    de chroniqueuse judiciaire à Denver.
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    Je suis entrée dans un ascenseur bondé,
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    tournée vers la porte,
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    et j'ai senti que quelqu'un
    derrière moi me regardait.
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    J'ai regardé par-dessus mon épaule
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    et j'ai vu cet homme me fixer
    d'une manière très insidieuse
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    avec un regard froid et éteint.
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    Alors je l'ai fixé,
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    mon regard disait : « impoli »
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    et il n'a pas baissé le regard.
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    Alors j'ai mis fin à cette lutte,
    et je me suis retournée,
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    des signaux d'alarme résonnant
    dans ma tête.
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    J'ai aussitôt décidé qu'il ne devait pas
    savoir à quel étage j'allais.
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    À l'arrêt suivant,
    juste avant que la fermeture des portes,
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    je suis sortie à la dernière minute.
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    J'ai vite monté les escaliers
    et couru dans la salle de rédaction,
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    le cœur battant.
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    La peur des monstres est instinctive.
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    À Denver, en 2005,
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    des rumeurs sur un violeur en série
    effrayaient tellement les habitants
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    que certains transportaient
    des battes de baseball.
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    La police a divulgué un nom, Brent Brents
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    et les médias se sont pressés de trouver
    toute information possible sur ce type.
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    Un chroniqueur d'un journal rival
    a téléphoné à sa sœur, qui vie en Arkansas
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    et elle a dit :
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    « Il a ce qu'il mérite. »
  • 1:26 - 1:28
    avant de raccrocher.
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    Une seule phrase mais on était devancés.
  • 1:31 - 1:35
    « Prenez l'avion pour l'Arkansas. »,
    disaient les éditeurs.
  • 1:35 - 1:38
    « Trouvez sa famille
    et faites en sorte qu'elle vous parle. »
  • 1:38 - 1:39
    C'est ce que j'ai fait.
  • 1:39 - 1:43
    Sa mère l'a décrit comme étant
    déterminé, intelligent.
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    Il avait chassé et pêché en grandissant ;
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    fait de l'athlétisme, de la lutte,
    de la boxe.
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    Il avait du mal à apprendre
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    et est devenu frustré puis en colère
    à l'école.
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    Il a commencé à fumer de l'herbe
    et à boire à 10 ans.
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    Et c'est là qu'il a commencé
    à frapper sa mère.
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    À 13 ans, il a modifié l'aiguillage
    d'une voie ferrée
  • 2:01 - 2:03
    et a fini en détention juvénile,
  • 2:03 - 2:06
    où il a fait des allers-retours
    jusqu'à ses 18 ans,
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    quand il a été condamné
    pour le viol de 2 enfants.
  • 2:09 - 2:13
    Il a passé 16 ans en prison
    et est sorti sans supervision.
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    Sa sœur a remarqué qu'il avait
    beaucoup de colère contre leur père,
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    mort un an auparavant.
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    J'ai regardé la mère et j'ai dit :
  • 2:21 - 2:23
    « Désolée de vous demander
  • 2:23 - 2:26
    mais c'est une question habituelle
    quand on a affaire à un agresseur :
  • 2:26 - 2:29
    Brent a-t-il été agressé
    quand il était enfant ? »
  • 2:30 - 2:31
    Il y a eut une longue pause,
  • 2:31 - 2:33
    puis, en baissant les yeux, elle a dit :
  • 2:33 - 2:36
    « Brent invente toutes sortes
    de mensonges. »
  • 2:37 - 2:40
    La police l'a arrêté quelques jours
    après la Saint-Valentin.
  • 2:40 - 2:41
    Au début de ce week-end,
  • 2:41 - 2:43
    un inspecteur lui a dit, au téléphone :
  • 2:43 - 2:46
    « Rends-toi, sale voyou. »
  • 2:46 - 2:48
    Brents lui a juste répondu :
    « Viens me chercher.»
  • 2:49 - 2:53
    Ce même week-end, il a violé 5 personnes,
    dont 2 enfants
  • 2:53 - 2:55
    et a presque battu une jeune femme à mort.
  • 2:56 - 2:59
    L'ADN de ces affaires a été testé
    en quelques heures
  • 2:59 - 3:00
    et la chasse à l'homme
  • 3:00 - 3:03
    a fini en course poursuite spectaculaire
    en montagne,
  • 3:03 - 3:05
    où la police l'a capturé
    sous la menace d'une arme.
  • 3:06 - 3:09
    Ce genre d’histoire crée
    la frénésie médiatique.
  • 3:09 - 3:12
    Les journalistes se sont rués
    vers la prison, moi non.
  • 3:12 - 3:14
    J'ai pensé que cela ne servirait à rien.
  • 3:14 - 3:18
    Au lieu de ça, je lui ai envoyé une lettre
    manuscrite, sur du papier à lettres,
  • 3:18 - 3:20
    deux phrases :
  • 3:20 - 3:21
    « Cher Brent,
  • 3:21 - 3:25
    J'ai rencontré votre mère et votre sœur
    en Arkansas.
  • 3:25 - 3:26
    Si vous leur demandiez,
  • 3:26 - 3:29
    elles diraient que je les ai traitées
    avec dignité et respect
  • 3:29 - 3:31
    et je ferai de même avec vous. »
  • 3:31 - 3:34
    Je lui ai donné le numéro de la rédaction
  • 3:34 - 3:36
    et lui ai dit d'appeler en PVC
    quand il voulait.
  • 3:36 - 3:39
    Comme j'ai pensé qu'il recevrait
    beaucoup de haine,
  • 3:39 - 3:40
    j'ai écrit derrière l'enveloppe :
  • 3:40 - 3:43
    « N'ayez pas peur de l'ouvrir. »
  • 3:45 - 3:46
    À la fin de la semaine,
  • 3:46 - 3:50
    la police a publié un communiqué sur
    une autre victime confirmée de Brents.
  • 3:50 - 3:54
    Et comme elle protège l'identité
    des victimes de viol,
  • 3:54 - 3:58
    elle ne dévoile que les intersections
    proche du lieu de l'agression.
  • 3:58 - 4:02
    « Rendez-vous sur ces intersections avec
    un photographe », disaient les éditeurs.
  • 4:02 - 4:05
    « Trouvez cette victime anonyme
    et faites-la parler. »
  • 4:06 - 4:07
    D'accord.
  • 4:07 - 4:09
    Alors on a été à ces intersections
  • 4:09 - 4:13
    et on a trouvé une multitude de locations,
  • 4:13 - 4:15
    comme des Legos géants.
  • 4:15 - 4:18
    On a frappé aux portes pendant des heures,
    sans succès.
  • 4:18 - 4:22
    Il faisait presque nuit quand on a vu
    une femme promener son chien.
  • 4:22 - 4:25
    Ce genre de personnes ont toujours
    des informations.
  • 4:25 - 4:26
    Et en effet,
  • 4:26 - 4:29
    l'homme à tout faire lui avait parlé
    d'une attaque contre une femme.
  • 4:29 - 4:31
    Elle nous a donné le numéro
    de sa porte
  • 4:31 - 4:33
    et il nous a donné celui de la victime.
  • 4:33 - 4:35
    J'ai frappé à la porte, un homme a ouvert
  • 4:35 - 4:38
    et j'ai vu cette femme, frêle
    et brune, cachée derrière la porte.
  • 4:38 - 4:41
    Je me suis présentée,
    elle est sortie et a dit :
  • 4:41 - 4:43
    « Vous m'avez fait peur. »
  • 4:45 - 4:46
    Elle s'appelle Margaret
  • 4:46 - 4:48
    et elle ma raconté son histoire.
  • 4:48 - 4:51
    Elle avait été attaquée
    presque 3 semaines plus tôt
  • 4:51 - 4:55
    et elle avait toujours les traces jaunes
    des bleus sur sa gorge.
  • 4:55 - 4:57
    Brents l'a agressé devant sa porte -
  • 4:57 - 4:59
    elle revenait des courses.
  • 4:59 - 5:00
    Elle s'est débattue.
  • 5:00 - 5:02
    Il l'a frappée et étranglée.
  • 5:02 - 5:04
    Puis il l'a violée.
  • 5:04 - 5:06
    Margaret a montré le canapé,
  • 5:06 - 5:09
    sur lequel il manquait un gros morceau
    du rembourrage.
  • 5:09 - 5:11
    La police l'avait pris comme preuve
  • 5:11 - 5:13
    car c'était là où le viol avait eut lieu.
  • 5:14 - 5:16
    Et quand vous ne pouvez pas racheter
    un canapé
  • 5:16 - 5:18
    ni rompre votre bail et déménager -
  • 5:18 - 5:20
    et Margaret ne pouvait pas -
  • 5:20 - 5:23
    vous êtes forcés de vivre avec
    des souvenirs de votre pire cauchemar.
  • 5:25 - 5:26
    La police lui a dit
  • 5:26 - 5:29
    que l'ADN de son dossier serait traité
    sous deux mois.
  • 5:29 - 5:32
    Elle ne lui a donné aucun espoir
    de résolution de son dossier.
  • 5:32 - 5:35
    Puis elle a vu un avis de recherche
    sur Brents
  • 5:35 - 5:38
    et a reconnu son agresseur
    grâce à sa photo.
  • 5:38 - 5:42
    Une des dernières choses qu'elle m'a dites
    ce soir-là m'a vraiment marquée.
  • 5:42 - 5:44
    Elle a dit : « Je le déteste.
  • 5:44 - 5:46
    Mais j'ai aussi pitié de lui.
  • 5:46 - 5:48
    Un animal - pauvre créature. »
  • 5:49 - 5:52
    Une semaine après, Brents m'a appelée.
  • 5:52 - 5:56
    Une des premières choses qu'il m'a dite
    a été : « Vous ne tirerez rien de moi. »
  • 5:56 - 5:58
    J'adore quand on m'appelle et me dit :
  • 5:58 - 5:59
    « Je ne vous parlerez pas. »
  • 5:59 - 6:01
    D'accord.
  • 6:02 - 6:03
    Puis il a dit :
  • 6:03 - 6:05
    « J'ai une question pour vous
  • 6:05 - 6:07
    et la suite dépend de votre réponse. »
  • 6:07 - 6:10
    Il a dit : « Les gens disent me haïr,
    que je suis un monstre.
  • 6:10 - 6:12
    C'est ce que vous pensez ? »
  • 6:12 - 6:15
    Sans réfléchir, j'ai répondu :
    « Non, je ne le pense pas.
  • 6:16 - 6:18
    Vous avez fait des choses horribles,
  • 6:18 - 6:20
    mais vous n'êtes pas un monstre
    à mes yeux. »
  • 6:21 - 6:23
    Et c'est comme ça qu'a débuté
    notre correspondance.
  • 6:24 - 6:25
    Dans une lettre, il a écrit :
  • 6:25 - 6:29
    « Ne paniquez pas - j'ai été à moins
    d'un mètre de vous dans un ascenseur. »
  • 6:29 - 6:31
    J'ai levé les yeux au ciel
  • 6:31 - 6:33
    et j'ai pris une feuille pour envoyer
    cette réponse :
  • 6:33 - 6:37
    « Ne vous foutez pas de moi.
    On s'était jurés de ne jamais mentir. »
  • 6:37 - 6:42
    Et j'ai réalisé que c'était lui
    derrière moi dans l'ascenseur ce matin-là.
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    L'homme dont la présence
  • 6:44 - 6:47
    m'avait fait courir vers la salle
    de rédaction tel un lapin effrayé.
  • 6:48 - 6:51
    Il se trouve que Brents suivait
    mon travail.
  • 6:51 - 6:54
    Quelques mois avant qu'il soit libéré
    de prison,
  • 6:54 - 6:55
    j'ai co-écrit une trilogie
  • 6:55 - 7:00
    sur la mauvaise gestion des viols
    et de la violence domestique dans l'armée
  • 7:00 - 7:03
    et ça l'a touché.
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    Non pas parce qu'il était un criminel
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    mais parce que l'homme-enfant en colère
    se voyait comme une victime.
  • 7:12 - 7:16
    Voici une photo de Brent au CP.
  • 7:16 - 7:19
    À ce moment-là, son père le violait
    depuis 3 ans.
  • 7:19 - 7:24
    Quelques semaines après que cette photo
    soit prise, quand Brent avait 12 ans,
  • 7:24 - 7:26
    son père l'a battu si violemment
  • 7:26 - 7:29
    qu'il a subi ce que les dossiers médicaux
    ont appelé
  • 7:29 - 7:32
    « une fracture du plancher
    de l'orbite gauche ».
  • 7:32 - 7:34
    Son orbite gauche était cassée.
  • 7:35 - 7:38
    Les dossiers et les entretiens
    avec sa famille
  • 7:38 - 7:42
    montrent que son père était un homme
    violent et sadique.
  • 7:42 - 7:44
    Les deux enfants de son second mariage
  • 7:44 - 7:46
    lui ont été retirés pour cause
    de maltraitance.
  • 7:46 - 7:49
    Et Brent et son frère lui ont été rendus,
  • 7:49 - 7:51
    même si on ne sait pas pourquoi.
  • 7:52 - 7:53
    Son père lui a dit
  • 7:53 - 7:56
    que lui aussi avait été battu et violé
    dans son enfance
  • 7:56 - 7:59
    par son père, le grand-père de Brent.
  • 7:59 - 8:02
    Alors le schéma s'est répété :
  • 8:02 - 8:07
    souffrance, humiliation, honte.
  • 8:07 - 8:11
    Brent Brents a fait aux autres
    ce qu'il a subi étant enfant.
  • 8:11 - 8:15
    Et dans son enfance, il s'en est voulu
    comme beaucoup de victimes.
  • 8:16 - 8:17
    Un jour, il a écrit :
  • 8:17 - 8:19
    « Je ne me souviens pas vraiment
    de mon enfance
  • 8:19 - 8:23
    sauf de la peur, de la honte
    et du manque de courage. »
  • 8:23 - 8:26
    Brents m'a dit qu'après que cet inspecteur
    lui a dit :
  • 8:26 - 8:28
    « Rends-toi, sale voyou. »
  • 8:28 - 8:33
    il est entré dans une colère noire.
  • 8:33 - 8:37
    Puis il a commis une horrible
    dernière série de crimes.
  • 8:38 - 8:39
    Je ne dis pas
  • 8:39 - 8:44
    que ces facteurs excusent les violences
    commises par Brents.
  • 8:45 - 8:47
    Il a fait des choix.
  • 8:47 - 8:51
    Il mérite totalement de passer le reste
    de sa vie en prison.
  • 8:52 - 8:54
    Mais savoir ce qui lui est arrivé
  • 8:54 - 8:58
    aide à expliquer pourquoi une personne
    comme Brents puisse être si violente
  • 8:58 - 9:01
    avec si peu d'empathie -
  • 9:01 - 9:04
    que son cerveau y soit prédisposé
  • 9:04 - 9:08
    et que la violence qu'il avait subi soit
    son modèle.
  • 9:09 - 9:10
    C'est la nature humaine
  • 9:10 - 9:13
    qui veut qu'on s'éloigne
    de personnes comme lui,
  • 9:13 - 9:16
    qu'on le qualifie de « monstre »,
    qu'on le voit comme mauvais.
  • 9:16 - 9:19
    On ne veut rien avoir en commun
    avec un tel monstre
  • 9:19 - 9:23
    car cela voudrait dire qu'on est aussi
    capables de choses monstrueuses.
  • 9:24 - 9:28
    Voir un violeur comme un « monstre »
    nous rassure peut-être aujourd'hui
  • 9:28 - 9:31
    mais c'est plus dangereux pour demain.
  • 9:31 - 9:35
    Car nous n'imaginerons pas
    que ce « monstre » peut être un voisin,
  • 9:35 - 9:37
    un collègue, un ami proche.
  • 9:38 - 9:41
    Et cela leur permet de se cacher
    parmi nous.
  • 9:42 - 9:45
    Aujourd'hui, le sujet dominant
    de la prévention des viols
  • 9:45 - 9:48
    se cache derrière de bons conseils comme :
  • 9:48 - 9:52
    « Ne marchez pas seules, ne buvez
    pas trop, ne vous mettez pas en danger. »
  • 9:52 - 9:54
    Et le message,
    dirigé surtout vers les femmes
  • 9:54 - 9:56
    est : « Ne vous faites pas violer. »
  • 9:57 - 10:01
    Pourquoi ne pas plutôt nous focaliser
    sur une population différente et dire :
  • 10:01 - 10:03
    « Ne violez pas. »
  • 10:04 - 10:06
    Et pourquoi ne pas aller encore plus loin
  • 10:06 - 10:07
    et nous demander
  • 10:07 - 10:13
    ce qu'on fait de mal en tant que culture
    pour continuer à engendrer des violeurs ?
  • 10:13 - 10:17
    Car que ce soit l'ancien détenu
    qui attaque des inconnues,
  • 10:17 - 10:20
    l'étudiant qui viole sa copine
  • 10:20 - 10:24
    ou la célébrité qui drogue
    et agresse ses victimes -
  • 10:24 - 10:30
    ils choisissent tous d'exercer la colère,
    la force et le contrôle sur quelqu'un.
  • 10:30 - 10:34
    En faisant ce choix,
    ils sont tous les mêmes.
  • 10:34 - 10:37
    Et ils laissent de la douleur
    derrière eux.
  • 10:39 - 10:42
    J'ai interviewé plus de 50 survivantes
    de viols sur campus
  • 10:42 - 10:44
    rien que pendant les 2 dernières années.
  • 10:44 - 10:47
    Et les détails que j'ai appris
    sur les auteurs
  • 10:47 - 10:52
    dépeignent tellement de jeunes hommes
    intentionnellement prédateurs.
  • 10:53 - 10:55
    Ils isolent leur victime désignée,
  • 10:55 - 10:58
    ils les gavent de drogues et d'alcool,
  • 10:58 - 11:00
    ils ferment les portes,
  • 11:00 - 11:03
    ils ignorent les pleurs,
    ils ignorent les demandes d'arrêter,
  • 11:03 - 11:08
    ils ignorent le fait que leur victime
    est tétanisée ou évanouie.
  • 11:09 - 11:14
    Il y a 10 ans, Brent Brents a été condamné
    à 1 509 ans de prison.
  • 11:14 - 11:19
    Aujourd'hui, dans tout le pays, on voit
    de nouvelles générations de violeurs.
  • 11:20 - 11:22
    Pourquoi cela se produit-il encore ?
  • 11:22 - 11:27
    Pourquoi continue t-on à dire
    à nos garçons et à nos jeunes hommes
  • 11:27 - 11:32
    que leur valeur est liée à leur capacité
    à dominer ?
  • 11:32 - 11:37
    Et si on s'attachait plus à la compassion
    qu'au pouvoir ?
  • 11:38 - 11:40
    Quand ils sont petits,
    on dit à nos enfants :
  • 11:40 - 11:43
    « Jouez gentiment dans le bac à sable. »
  • 11:43 - 11:45
    Ils grandissent et on leur dit :
  • 11:45 - 11:46
    « Ne vous battez pas dans la cour.
  • 11:46 - 11:49
    Respirez, comptez jusqu'à 10,
    éloignez-vous. »
  • 11:50 - 11:52
    Ils grandissent encore
  • 11:52 - 11:57
    et on leur parle des aspects biologiques
    du sexe : la santé et la reproduction.
  • 11:58 - 12:02
    Si on faisait évoluer ces conversations
    avec nos jeunes
  • 12:02 - 12:05
    et qu'on leur disait que de ressentir
    de la honte,
  • 12:05 - 12:07
    de se sentir impuissant, en colère -
  • 12:07 - 12:11
    sentiments qui dissimulent la douleur
    et le rejet -
  • 12:11 - 12:14
    pourrait leur donner envie de dominer
    une autre personne ?
  • 12:15 - 12:19
    Et qu'ils peuvent apprendre à reconnaître
    les signes et ne pas y répondre ?
  • 12:19 - 12:22
    Si on entamait au moins
    cette conversation.
  • 12:22 - 12:26
    Et parlez si vous êtes témoin
    d'un comportement prédateur -
  • 12:26 - 12:28
    et vous le saurez quand vous le verrez.
  • 12:28 - 12:32
    N'inventez pas d'excuses, ne détournez pas
    le regard, ne le cachez pas.
  • 12:33 - 12:36
    Et parce que le viol est le résultat
    d'une série d'événements,
  • 12:36 - 12:41
    qui commence par le harcèlement verbal
    et dégénère en agression physique,
  • 12:41 - 12:47
    parlez-en si vous entendez ou lisez
    une blague sur le viol ou l'agression.
  • 12:47 - 12:51
    Ce n'est ni drôle, ni sexy.
  • 12:51 - 12:53
    C'est dangereux.
  • 12:53 - 12:56
    Si une personne vous confie
    qu'elle a été violée,
  • 12:56 - 12:58
    croyez-la.
  • 12:58 - 13:02
    Les faux signalements sont si rares,
    alors oui, croyez-la.
  • 13:02 - 13:04
    Écoutez-la sans la juger.
  • 13:04 - 13:05
    Aidez-la à trouver du soutien
  • 13:05 - 13:08
    et encouragez ses décisions,
    quelles qu'elles soient.
  • 13:09 - 13:11
    Pour les victimes, Brents m'a dit
  • 13:11 - 13:16
    que les groupes de soutien pour prédateurs
    sexuels en prison sont inutiles.
  • 13:16 - 13:19
    Le simple fait qu'un détenu se rende à
    un de ces groupes
  • 13:19 - 13:21
    met en danger sa sécurité.
  • 13:21 - 13:24
    Et une fois arrivé, il ne veut pas être vu
    comme étant vulnérable.
  • 13:24 - 13:27
    Il est difficile de changer
    quand on vit dans la peur.
  • 13:28 - 13:31
    Si on veut vraiment les aider
    à essayer de changer,
  • 13:31 - 13:35
    pourquoi ne pas donner plus de respect
    et de compassion
  • 13:35 - 13:39
    comme lors d'entretiens individuels ?
  • 13:39 - 13:42
    Ce dont une personne brisée
    a désespérément besoin.
  • 13:43 - 13:47
    Au lieu de construire plus de prisons
    et de vouloir punir les criminels,
  • 13:47 - 13:49
    pourquoi ne pas essayer
    de les en empêcher ?
  • 13:50 - 13:51
    Brents a souvent dit,
  • 13:51 - 13:55
    avant ses 9 ans, son cerveau était ruiné.
  • 13:57 - 14:00
    Et si quelqu'un était intervenu plus tôt
    dans sa vie ?
  • 14:00 - 14:02
    Un voisin, un professeur.
  • 14:03 - 14:07
    Pourquoi personne n'a vu ce garçon
    qui allait à l'école couvert de bleus,
  • 14:07 - 14:09
    en sentant l'urine
  • 14:09 - 14:11
    parce qu'il avait mouillé son lit
    la veille
  • 14:11 - 14:13
    au lieu d'aller sans bruit aux toilettes
  • 14:13 - 14:15
    et risquer de réveiller son père ?
  • 14:16 - 14:18
    Si vous aidez un enfant maltraité,
  • 14:18 - 14:24
    vous pouvez empêcher une vie de douleur
    pour plus d'une personne.
  • 14:25 - 14:29
    Aujourd'hui, beaucoup vivent dans
    des « maisons garages »
  • 14:29 - 14:31
    où le garage est la partie principale.
  • 14:31 - 14:33
    Ils se garent dedans le soir,
  • 14:33 - 14:36
    la porte s'ouvre, la voiture entre,
    la porte se ferme
  • 14:36 - 14:39
    et ils restent à l'intérieur jusqu'à
    leur sortie le lendemain.
  • 14:39 - 14:42
    Je ne peux pas nommer la famille
    du bout de la rue.
  • 14:42 - 14:45
    Ils n’interagissent pas
    et n'interviendront pas non plus.
  • 14:46 - 14:51
    Et si on se sentait concernés,
    sans hésitation ni condition ?
  • 14:52 - 14:53
    C'est une dure vérité
  • 14:53 - 14:56
    mais notre société se préoccupe plus
    des victimes de viols
  • 14:56 - 14:59
    si elles sont le bon type de victimes.
  • 14:59 - 15:01
    Souvenez-vous quand la police a dit
    à Margaret
  • 15:01 - 15:04
    que l'ADN
    ne serait pas traitée avant deux mois ?
  • 15:05 - 15:08
    Quand Brents a attaqué des victimes
    dans un quartier riche,
  • 15:08 - 15:10
    l'ADN a été traité en quelques heures.
  • 15:11 - 15:15
    La justice a beau être aveugle,
    elle a quand même des goûts de luxe.
  • 15:17 - 15:18
    J'ai gardé contact avec Margaret
  • 15:18 - 15:21
    pendant que son dossier sillonnait
    le système judiciaire.
  • 15:21 - 15:25
    En juin 2005, Brents a plaidé coupable
    de son agression.
  • 15:26 - 15:30
    Comme beaucoup de survivantes souffrant
    de trouble de stress post-traumatique,
  • 15:30 - 15:33
    Margaret était terrifiée à l'idée
    de quitter son domicile.
  • 15:33 - 15:36
    Elle faisait des cauchemars,
    avait des souvenirs.
  • 15:36 - 15:38
    Elle n'arrivait pas à garder un travail.
  • 15:38 - 15:40
    Son mariage a été détruit.
  • 15:41 - 15:42
    La veille de l'audience,
  • 15:42 - 15:45
    elle m'a demandé de passer
    un message à Brents pour elle
  • 15:45 - 15:46
    et j'ai accepté.
  • 15:46 - 15:48
    Voici son message :
  • 15:48 - 15:50
    « Dites-lui...
  • 15:51 - 15:52
    Que je le pardonne. »
  • 15:54 - 15:56
    C'est fou, non ?
  • 15:57 - 16:01
    Comment pouvait-elle pardonner un homme
    qui lui avait fait tant de mal ?
  • 16:01 - 16:04
    Qui lui avait presque tout pris ?
  • 16:05 - 16:06
    Elle a dit :
  • 16:06 - 16:09
    « Je ne pense pas à l'homme
    qui a voulu me tuer.
  • 16:09 - 16:12
    Je pense au petit garçon qui a subi
    la même chose. »
  • 16:13 - 16:16
    Elle a dit : « Il est facile de haïr.
  • 16:16 - 16:20
    Mais si je le déteste,
    je ne m'en remettrai jamais. »
  • 16:21 - 16:22
    Et elle a ajouté :
  • 16:22 - 16:26
    « Si ça avait été moi, j'aurais voulu que
    quelqu'un m'aide ou m'écoute
  • 16:26 - 16:29
    au lieu de me regarder comme un animal
    ou un monstre. »
  • 16:31 - 16:33
    Elle m'inspire.
  • 16:33 - 16:38
    Si Margaret peut pardonner Brent Brents,
    on peut pardonner n'importe qui.
  • 16:40 - 16:44
    Cette affaire a eu un effet profond
    sur ma vie.
  • 16:44 - 16:48
    Il m'a appris que l'on est tous connectés
  • 16:48 - 16:53
    et que le fait de nous tourner le dos
    revient à nous abandonner.
  • 16:53 - 16:57
    J'ai réalisé que je n'aimais pas
    la journaliste que j'étais.
  • 16:57 - 16:59
    C'est même Brents qui m'a montré
  • 16:59 - 17:01
    que l'on avait une chose en commun :
  • 17:01 - 17:03
    on était tous les deux motivés.
  • 17:04 - 17:07
    J'ai démissionné peu après
    la fin de l'affaire
  • 17:07 - 17:10
    et je ne travaillerai plus jamais
    dans une rédaction,
  • 17:10 - 17:12
    car la compétition désespérée
    pour l'audimat
  • 17:12 - 17:15
    est vraiment malsaine pour moi.
  • 17:15 - 17:20
    Et je ne frapperai plus à la porte
    d'une survivante sauf si j'y suis invitée.
  • 17:21 - 17:23
    J'ai commencé à parler avec Brents
  • 17:23 - 17:27
    parce qu'en tant que journaliste
    ayant passée sa vie à parler de viol,
  • 17:27 - 17:31
    je voulais une réponse à la question :
    « Pourquoi ? »
  • 17:31 - 17:34
    Il était comme un insecte sous
    un microscope, c'est ce que je lui ai dit.
  • 17:36 - 17:41
    Brent Brents est devenu une leçon
    sur l'humanité et la compassion.
  • 17:42 - 17:46
    Mêmes les prétendus « monstres »
    ont des peurs.
  • 17:46 - 17:48
    Brents m'a parlé des siennes.
  • 17:49 - 17:50
    Il a dit :
  • 17:50 - 17:53
    « Ma plus grande peur est de mourir
  • 17:53 - 17:57
    sans avoir fait une chose de bien. »
  • 17:59 - 18:01
    Et c'est pourquoi j'en parle.
  • 18:02 - 18:04
    Merci de votre attention.
  • 18:04 - 18:05
    (Applaudissements)
Title:
Avez-vous déjà rencontré un monstre ? | Amy Herdy | TEDxSanJuanIsland
Description:

Les messages de prévention contre les viols sont largement dirigés vers les femmes et dissimulés derrière de bons conseils : ne marchez pas seules, ne soyez pas îvres, ne vous mettez pas en danger. En clair, ne vous faites pas violer.

Et si on portait cette attention sur une population différente et que l'on disait : « Ne violez pas » ? Que fait-on mal en tant que culture pour continuer à engendrer des violeurs ?

À travers une narration poignante, Amy Herdy, auteure récompensée et journaliste d'enquête, explore le cycle de l'abus sexuel et examine les dangers de considérer nos plus violents prédateurs comme des « monstres ».

Pendant plus de 20 ans, la journaliste et auteure Amy Herdy s'est spécialisée dans les reportages sur les traumatismes, plus particulièrement sur les agressions sexuelles. Les engagements professionnels de Mme Herdy incluent des ateliers sur le journalisme d'investigation et le reportage du traumatisme au ministère des Affaires étrangères des États-Unis à Lahore et à Islamabad au Pakistan. Elle a reçu un Emmy, un prix de la Society of Professional Journalists, un prix de la Radio, Television News Directors Association, un prix de la Associated Press, deux prix de la American Society of Newspaper Editors et un prix de la Military Reporters & Editors.

En 2011, Mme Herdy a publié un mémoire primé : « Diary of a Predator » [Journal d'un prédateur] sur son expérience au Denver Post quand elle couvrait le dossier du violeur en série Brent Brents. En 2015, elle a été la productrice d'investigation pour le documentaire « Terrain de chasse ». Elle est à présent productrice d'investigation pour Chain Camera Pictures et vie sur San Juan Island dans l'État de Washington.

Cette conférence a été donnée lors d'un événement TEDx en utilisant le format des conférences TED mais en étant organisée indépendamment par une collectivité locale. Plus d'informations sur http://ted.com/tedx

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
18:11

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