Les rencontres construisent le chemin qui dessine nos vies | Eddy Durteste | TEDxBordeaux
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0:07 - 0:11Si on m'avait dit qu'un jour je ferai
partie des couleurs de l'arc-en-ciel. -
0:11 - 0:12(Rires)
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0:12 - 0:13Moi.
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0:13 - 0:15Le fruit d'une relation sans lendemain,
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0:15 - 0:19né un mercredi matin,
dans le Nord, à Lille. -
0:20 - 0:22Parce que, disons-le,
je suis originaire de Chnord. -
0:22 - 0:24Là, où le soleil ne brille pas trop,
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0:24 - 0:28mais là, où le cœur des gens
véritablement est ouvert. -
0:28 - 0:31Et ça, du cœur, eh bien,
ma mère, elle en a. -
0:31 - 0:33Je m'entends.
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0:33 - 0:37Concrètement, je suis l'aîné
d'une famille composée de quatre garçons. -
0:37 - 0:39J'ai bien dit : quatre garçons.
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0:39 - 0:43Une maman dévouée à ses enfants
et pour autant quatre garçons, -
0:43 - 0:46chacun de père et d'origine différents.
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0:47 - 0:49Hé oui, à chacun sa manière
de faire le tour du monde. -
0:49 - 0:50(Rires)
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0:52 - 0:54(Applaudissements)
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0:56 - 0:57Je m'entends.
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0:57 - 0:59Maman n'a pas eu de chance en amour.
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0:59 - 1:02Mais ce qui est certain,
c'est qu'elle n'y a vu aucune fatalité. -
1:02 - 1:06Pour elle, un principe tout bête :
la fierté d'être maman. -
1:06 - 1:08Maman de quatre enfants, quatre garçons,
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1:08 - 1:12dont elle est certaine que eux,
demain, seront là pour elle. -
1:12 - 1:15Petit passage important :
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1:15 - 1:18Maman, oui je t'aime et on sera là
pour toi toujours, c'est certain. -
1:19 - 1:20Alors, pour revenir au TEDx
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1:20 - 1:23et la raison qui me fait être
aujourd'hui avec vous, -
1:23 - 1:25c'est que maman un jour m'a dit une phrase
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1:25 - 1:28qui véritablement est restée
ancrée dans mon esprit. -
1:28 - 1:30Elle m'a regardé et m'a dit :
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1:30 - 1:32« Tu sais, mon fils,
ce sont les rencontres -
1:32 - 1:36qui participent à construire
le chemin qui dessine nos vies. » -
1:36 - 1:38Eh oui, philosophe, maman.
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1:38 - 1:42Vous me direz : « Avec le parcours
qui est le sien, il le faut. » -
1:42 - 1:43Je m'entends.
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1:44 - 1:48Enfant, du moins adolescente,
elle croise le chemin de Kassem. -
1:48 - 1:50Ah, Kassem.
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1:51 - 1:54Accessoirement,
il allait devenir mon père. -
1:54 - 1:56Il s'avère qu'elle tombe
amoureuse, fatalement, de Kassem. -
1:56 - 1:58Elle voit en lui l'homme de sa vie :
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1:58 - 2:02« C'est certain, on va se marier,
avoir des enfants, fonder une famille. » -
2:02 - 2:07Compliqué pour convaincre ma grand-mère,
qui ne voyait pas Kassem du bon œil. -
2:07 - 2:10Cependant, ma mère tombe enceinte.
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2:10 - 2:13Mon père, lui, décide de tourner
le dos à ses responsabilités, -
2:13 - 2:15voilà, j'étais sous X.
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2:15 - 2:18Difficile pour une maman
qui est née dans les années 60 -
2:18 - 2:21de devoir expliquer non simplement
à ses parents et à ses amis -
2:21 - 2:25qu'elle a 18 ans et qu'elle
accouche d'un enfant, seule. -
2:25 - 2:29Alors, à partir de là, s'ensuit
un chemin plus ou moins sinueux. -
2:29 - 2:32Vous le comprendrez : nous
sommes quatre, de pères différents. -
2:32 - 2:35Ça a été compliqué, mais elle
n’a jamais, jamais baissé les bras -
2:35 - 2:40et toujours nous a donné l'envie
d'apprendre à comprendre -
2:40 - 2:42ce qui se passe autour de nous.
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2:42 - 2:45Maintenant, imaginons une chose.
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2:46 - 2:48Imaginons qu'on se rencontre
20 ans auparavant. -
2:48 - 2:50On est en 2016, aujourd'hui,
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2:50 - 2:52on plonge en 96.
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2:53 - 2:55J'ai 17 ans.
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2:55 - 2:58En 96 déjà, je n'ai pas de lunettes.
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2:59 - 3:03Et puis, je vais vous plonger dans
un contexte qui était le mien, à l'époque. -
3:05 - 3:06« Ou bien !
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3:06 - 3:07Tranquille ou quoi ?
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3:07 - 3:09C'est comment ? »
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3:09 - 3:12« Mon frère, t'es cravé là,
c'est quoi les bails ? » -
3:12 - 3:16« Oh, toi là, oh, excuse-moi,
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3:17 - 3:20toi, tu es bizarre
comme mec, tu viens d'où ? -
3:20 - 3:22Tu cherches quelque chose ?
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3:22 - 3:24Non, parce que si tu veux,
on peut s'entendre. -
3:24 - 3:28Je peux là descendre, venir te voir et
expliquer qu'en vérité je suis capable. » -
3:28 - 3:29« Pardon, attendez. »
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3:29 - 3:32Je m'emballe, je remets mes lunettes.
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3:32 - 3:34Non, je ne suis pas là pour vous effrayer.
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3:34 - 3:36Qu'on s'entende, je reprends le principe.
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3:36 - 3:39En fait, j'ai 16 ans,
et je suis en conflit identitaire. -
3:39 - 3:42Et je suis nourri par un seul mode
de dialogue : la violence. -
3:42 - 3:44Effectivement, à ce moment, je me dis :
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3:44 - 3:47« Mais attendez, j'ai 16 ans,
j'ai trois frères de pères différents. -
3:47 - 3:49On nous appelle la famille Benetton,
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3:49 - 3:52mais moi, dans ma tête, ça
ne résonne pas comme une blague. » -
3:52 - 3:53(Rires)
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3:53 - 3:55Et ouais, United Color.
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3:55 - 3:57(Rires) (Applaudissements)
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3:59 - 4:03Non, c'est n'est pas si simple et
du coup, je suis en colère contre maman. -
4:03 - 4:04Je lui en veux.
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4:04 - 4:07Je n'ai pas envie de parler
à mes frères, on est différents. -
4:07 - 4:09On est de quatre couleurs différentes.
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4:09 - 4:12Imaginez dans mon esprit déjà
comme il est compliqué pour moi, -
4:12 - 4:15avec le teint qui est le mien,
entendu que je suis métis, -
4:15 - 4:16déjà de me positionner.
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4:16 - 4:20Alors, quand avec mes frères je me
retrouve à l'école primaire Sacré Cœur - -
4:20 - 4:21(Rires)
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4:21 - 4:23Eh oui, j'ai connu
l'école des bonnes sœurs. -
4:23 - 4:25Forcément, c'est compliqué :
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4:25 - 4:29« Ton frère, lui ? Non ! Arrête !
Il est noir, lui, et t'es blanc ! Hé ! » -
4:29 - 4:33« Mais oui, c'est mon frère, il s'appelle
Samuel Durteste et moi Eddy Durteste. » -
4:33 - 4:35« Quoi ? L'autre aussi,
le café au lait tout crème ? » -
4:35 - 4:37« Oui, c'est Romuald Durteste ! »
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4:37 - 4:41Le dernier arrivé plus tard, William,
c'était un peu plus facile pour lui. -
4:41 - 4:43Cependant étant, finalité de tout ça,
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4:43 - 4:47il s'avère que, quatre mois
après ma sortie du lycée, -
4:47 - 4:49je me retrouve en garde à vue.
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4:49 - 4:52C'est la première fois de ma vie
que je me fais arrêter, -
4:52 - 4:5496 heures de garde à vue.
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4:54 - 4:57Je me retrouve déféré au parquet
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4:57 - 4:59et je retiens une chose de ce moment :
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4:59 - 5:03« Article 125 du code pénal :
capable de nuire à l'ordre public. » -
5:04 - 5:08Je ne comprends pas ce qui se passe,
4h du matin, dans un fourgon cellulaire, -
5:08 - 5:12je me retrouve dans la maison d'arrêt
de Loos, une des plus vétustes de France. -
5:12 - 5:15Moi, jeune mineur, je suis
incarcéré avec les majeurs. -
5:15 - 5:18Concrètement, deux mois
plus tard, je vais avoir 18 ans, -
5:18 - 5:20né en janvier, je me fais
arrêter le 26 novembre. -
5:20 - 5:24Je n'ai pas de chance au fond,
mais en même temps il se passe -
5:24 - 5:27que je rencontre un grand de
mon quartier, qui me protège et me dit : -
5:27 - 5:29« Reste à côté de moi, t'inquiète pas. »
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5:29 - 5:32Donc, je me retrouve avec lui, on me dit :
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5:32 - 5:34« Mets-toi tout nu, baisse-toi, tousse. »
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5:34 - 5:35(Soupir)
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5:36 - 5:37Ça me choque.
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5:38 - 5:41Le grand me dit : « T'inquiète,
c'est ça, la logique des choses. » -
5:41 - 5:44Je me retrouve en cellule d'arrivant,
je m'endors dans le lit -
5:44 - 5:48et le lendemain matin, je me réveille
persuadé que j'ai fait un cauchemar. -
5:48 - 5:51Donc du coup, je ne cherche
pas à comprendre, -
5:51 - 5:54je sors de mon lit, je suis
au troisième, troisième étage. -
5:54 - 5:57Vous imaginez la chute et l'atterrissage.
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5:57 - 6:00L'atterrissage, pour moi,
a été de me rendre compte -
6:00 - 6:02que, effectivement,
j'étais bien incarcéré. -
6:02 - 6:06Le problème est que je ne suis pas
condamné, mais en mandat de dépôt. -
6:06 - 6:09Je mets deux semaines pour sortir,
ne serait-ce qu'en promenade. -
6:09 - 6:13J'ai peur de me faire attaquer,
de me faire égorger, de me faire violer. -
6:13 - 6:18C'est l'image qu'on donne des prisons,
quoi qu'on ne montre pas véritablement. -
6:18 - 6:21Simplement, le principe c'est
que dans ma cellule, il y a Mehdi. -
6:21 - 6:24Et il me dit : « Tu sais,
Eddy » (Mehdi, Eddy !) -
6:24 - 6:25« Mais dis-moi donc ! »
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6:25 - 6:27Elle était facile, celle-là.
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6:27 - 6:28(Rires)
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6:29 - 6:32« Tu sais, Eddy, il faut que tu sortes,
il faut que tu ailles en promenade -
6:32 - 6:35parce que si tu ne sors pas,
tu vas t'enfermer. » -
6:35 - 6:38Je lui dis : « Mais tu est un fou,
mon frère, je suis enfermé déjà. » -
6:38 - 6:42Il dit : « Non, mais dehors,
il y a l'extérieur, va en promenade. » -
6:42 - 6:44Je me dis : « Ok, je vais
y aller en promenade. » -
6:44 - 6:46J'arrive en promenade,
c'est la première fois. -
6:46 - 6:48Mehdi me quitte et me dit :
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6:48 - 6:51« Prends une brosse à dents, ramone-la
bien, protège-toi et sors avec. » -
6:51 - 6:54Eh oui, effectivement,
la violence existe en prison. -
6:55 - 6:57Du coup, je m'avance
dans la cour de promenade -
6:57 - 7:00mais ce qu'il s'y passe,
c'est simple : on tourne. -
7:00 - 7:04Ou sinon, on se cache dans
les toilettes pour faire des trafics. -
7:04 - 7:06Et sinon quand on a
la « position à l'aise », -
7:06 - 7:08on s'installe au milieu
de la cour de promenade -
7:08 - 7:10et on vaque à ses occupations.
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7:10 - 7:13Alors moi, je vous dirais
que j'en menais pas large. -
7:13 - 7:16Je marche tranquillement,
je fais le tour de la promenade -
7:16 - 7:18et là, tout d'un coup,
j'entends : « Mardoche ! » -
7:18 - 7:19C'était mon surnom.
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7:19 - 7:21Petite anecdote : on m'appelait ainsi,
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7:21 - 7:24car mercredi, Robinson Crusoé,
qui parlait beaucoup, -
7:24 - 7:26mon pote qui confond mercredi et mardi,
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7:26 - 7:29parce que je parle beaucoup,
on finit par m'appeler « mardi ». -
7:29 - 7:30(Rires)
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7:31 - 7:33Ouais, je viens du Nord, encore une fois.
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7:33 - 7:35(Rires)
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7:35 - 7:38Donc, j'entends Mardoche,
une fois, deux fois, -
7:38 - 7:41je ne réponds pas, j'ai peur,
c'est un règlement de compte, c'est sûr, -
7:41 - 7:43quelqu'un qui m'en veut
qui me retrouve là. -
7:43 - 7:45Tout d'un coup, j'entends :
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7:45 - 7:47« Oh ! Eddy, le fils à Pierrette ! »
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7:49 - 7:50Je vous explique :
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7:50 - 7:53une maman seule avec
ses enfants, ce n'est pas facile. -
7:53 - 7:55Moi, j'ai connu une époque,
sur un caddie, ma mère court -
7:55 - 7:58et ma tante derrière qui
empêche le vigile de nous rattraper. -
7:58 - 8:00Pas pour voler autre chose qu'à manger.
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8:01 - 8:04Il s'avère que celui qui m'appelle
c'est quelqu'un qui a connu ma mère -
8:04 - 8:07et quelqu'un qu'elle a aidé à une époque
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8:07 - 8:08et qui se demande pourquoi je suis là,
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8:08 - 8:12parce que j'étais véritablement celui
qu'on n'attendait pas à cet endroit. -
8:12 - 8:16Des lunettes, tête posée,
j'arrivais toujours à me débrouiller. -
8:16 - 8:20Ma mère elle-même jamais n'aurait
imaginé me retrouver à un tel endroit. -
8:20 - 8:22Je m'avance, il me regarde et il me dit :
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8:22 - 8:24« Alors ! Qu'est-ce que tu fais là ? »
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8:24 - 8:26Je me saisis du pourquoi du comment,
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8:26 - 8:30je vais lui dire que je suis là
pour violence, ça va faire bien. -
8:30 - 8:32Je me suis pris une sacrée tarte.
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8:32 - 8:34Eh oui, il me regarde et me dit :
-
8:34 - 8:36« Pourquoi t'es pas venu nous voir ?
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8:36 - 8:39On t'aurait donné des stupéfiants,
tu aurais fait de l'argent, -
8:39 - 8:41la violence, ça ne sert pas à rien. »
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8:41 - 8:42Moralisateur qui veut.
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8:42 - 8:44(Rires)
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8:44 - 8:47Finalité, je prends ma raclée
et je me vois tendre une bouteille. -
8:47 - 8:50À l'intérieur, ce que je pense
être du jus d'orange. -
8:50 - 8:51(Soupir)
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8:51 - 8:54Rigolez ! Je me suis mis à rigoler
après quelques gorgées. -
8:54 - 8:58La vérité : dans le jus d'orange,
ce qui se cachait, c'était de la levure. -
8:58 - 9:01Voilà, la meilleure manière
en prison de faire de l'alcool. -
9:01 - 9:04Je me retrouve à boire
et donc à partir de là, -
9:04 - 9:06je me retrouve à vivre
autrement les choses, je me dis : -
9:06 - 9:10« Je suis chez moi, je suis tranquille,
tout se passe bien, vive le quartier. » -
9:10 - 9:13Deux semaines plus tard,
un maton vient me voir. -
9:14 - 9:18Et là, il me regarde droit dans les yeux
et me dit : « Durteste, paquetage. » -
9:18 - 9:21Oh, je me dis : « Je m'en vais,
c'est bon, tout est gagné. » -
9:21 - 9:25Je le suis, je descends et là
je fais la rencontre improbable, -
9:25 - 9:26deux gendarmes qui me disent :
-
9:26 - 9:30« Monsieur, transfert, vous
êtes disciplinaire, suivez-nous. » -
9:30 - 9:33Étrange, je ne me suis
pas battu, j'ai rien fait de mal, -
9:33 - 9:35ça fait deux semaines que je suis là.
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9:35 - 9:38Le seul vrai moment difficile
que j'ai vécu est l'échange avec ma mère -
9:38 - 9:39au premier parloir
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9:39 - 9:42qui me dit : « Mon fils, qui es-tu ?
-
9:43 - 9:44Je ne te connais pas.
-
9:44 - 9:48Tu n'es pas mon fils, ce n'est pas
possible, je ne t'ai pas élevé comme ça. » -
9:48 - 9:50Je suis dans un fourgon,
je fais 60 kilomètres, -
9:50 - 9:54je me retrouve à la maison d'arrêt
d'Arras, je suis transféré disciplinaire -
9:54 - 9:56car considéré capable
d'inciter à l'émeute. -
9:57 - 10:01Je m'étonne de cette logique,
et avec le recul, je comprends : -
10:01 - 10:05c'est que, effectivement, étant
mineur dans une cour de grands, -
10:05 - 10:08on m'accueille, on me met au milieu ;
nécessairement, je deviens une mascotte. -
10:08 - 10:11On sait ce qui peut arriver
quand on s'en prend à une mascotte. -
10:11 - 10:15Donc on me met dans une maison d'arrêt
avec une population qui m'échappe, -
10:15 - 10:18puisque la maison d'arrêt,
où j'étais, était plutôt « globaliste » - -
10:18 - 10:22on retrouve de tout, des grands criminels,
des violeurs, des vendeurs de drogue, -
10:22 - 10:24des braqueurs.
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10:24 - 10:28Là, je me retrouve dans une maison d'arrêt
entouré de gens qui sont toxicomanes. -
10:28 - 10:31Pour la plupart, incarcérés
pour des faits de stupéfiants. -
10:31 - 10:33Et tout d'un coup,
on m'enferme pendant un mois. -
10:34 - 10:36Un mois, je me retrouve en isolement.
-
10:36 - 10:38Dans ce qu'on appelle
une « promenade camembert ». -
10:38 - 10:41Alors, on va ensemble
faire un petit truc sympa : -
10:41 - 10:42je vais vous apprendre
-
10:42 - 10:45comment on peut d'un coup
comprendre ce qu'est le mot « liberté ». -
10:45 - 10:48Je vais rejoindre un de mes protagonistes
-
10:48 - 10:50et on se retrouve lui et moi.
-
10:50 - 10:52Je vais vous inviter
à fermer les yeux, un instant ; -
10:52 - 10:54tous, fermez les yeux, véritablement.
-
10:54 - 10:57Jouez le jeu, je joue le jeu avec vous
et je continue les yeux fermés. -
10:57 - 11:00Imaginez-vous, maintenant,
là où vous souhaiteriez être -
11:00 - 11:01depuis si longtemps
-
11:01 - 11:04et où, malheureusement,
vous ne pouvez pas aller -
11:04 - 11:06pour toutes les raisons
qui vous concernent. -
11:06 - 11:08Imaginez juste.
-
11:14 - 11:16Ouvrez les yeux.
-
11:16 - 11:19Vous venez de comprendre
ce qu'est c'est la liberté. -
11:19 - 11:22Quand j'ai pris conscience
de ça, au bout d'un mois, -
11:22 - 11:25j'ai demandé à voir
le responsable pénitentiaire : -
11:25 - 11:26« Ècoutez, je suis prêt, réintégrez-moi,
-
11:26 - 11:30mettez-moi en cellule avec quelqu'un,
j'ai besoin de discuter, d'échanger, -
11:30 - 11:32je n'ai plus envie d'être enfermé. »
-
11:32 - 11:34On m'a proposé d'intégrer une cellule.
-
11:34 - 11:36Et là, je rencontre Christophe.
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11:37 - 11:41Christophe est un ancien toxicomane,
arrêté dans une affaire de stupéfiants -
11:41 - 11:42et qui a raccroché.
-
11:42 - 11:45Moi, je viens d'un quartier
où la drogue est arrivée en 78 -
11:45 - 11:49et où la plupart des aînés
ont sombré véritablement dedans, -
11:49 - 11:52certains morts d'overdose,
d'autres sont tombés dans le deal, etc. -
11:52 - 11:57Et moi, j'avais une véritable, mais
véritable, haine envers le toxicomane. -
11:57 - 12:01Pour moi, le toxicomane c'est
quelqu'un qui ne mérite, en aucun cas, -
12:01 - 12:04qu'on s’apitoie sur son sort
ou qu'on s'inquiète pour lui. -
12:04 - 12:08Mais finalité, avec lui, j'ai appris
tout autrement les choses -
12:08 - 12:11et j'ai une première fois pu comprendre
-
12:11 - 12:14qu'il était important d'apprendre
à connaître les autres. -
12:14 - 12:18Ce qui est étrange, puisqu'au fond
ma mère m'avait inculqué cette valeur. -
12:18 - 12:22Maintenant, ce qui ce passe,
on est un an plus tard, -
12:23 - 12:26je recroise le bricard,
ce responsable pénitentiaire, -
12:26 - 12:28et du fait de mon parcours,
-
12:28 - 12:31puisqu'il faut le savoir, j'ai passé
un CAP de tourneur fraiseur, -
12:31 - 12:33j'ai passé un diplôme de secourisme
-
12:33 - 12:35et j'ai organisé
des ateliers d'écriture, etc. -
12:35 - 12:37J'animais la cour de promenade.
-
12:37 - 12:38À partir de là, il me dit :
-
12:38 - 12:41« Écoute. Un jeune comme toi,
ça n'a pas sa place en prison. -
12:41 - 12:44Moi, je pense que tu
es fait pour l'extérieur. -
12:44 - 12:46Pose une conditionnelle. »
-
12:46 - 12:47Un mot qui m'échappe.
-
12:48 - 12:50La conditionnelle, c'est
la possibilité donnée à un détenu -
12:50 - 12:53qui montre un comportement
sincère, engagé, -
12:53 - 12:54de sortir plus tôt.
-
12:54 - 12:56Très bien, je sors plus tôt.
-
12:56 - 12:57À partir de là, pour moi,
-
12:57 - 13:00la possibilité m'est donnée
de me saisir d'une liberté nouvelle : -
13:00 - 13:02écrire à nouveau une vie.
-
13:02 - 13:05Difficile, on est jugé très vite.
-
13:05 - 13:07Je décide de m'échapper,
je dis à ma mère : -
13:07 - 13:09« Maman, donne-moi
400 francs, je disparais. » -
13:09 - 13:11Et je suis parti pendant un an.
-
13:11 - 13:15Pendant un an, j'ai vagué,
été de pays en pays en Europe. -
13:15 - 13:17Revenu chez moi,
j'ai compris une chose : -
13:17 - 13:20ceux avec qui j'avais grandi n'étaient
plus capables de me comprendre. -
13:20 - 13:23Et moi, je n'avais plus rien
à partager avec eux. -
13:23 - 13:26Du coup, je décide d'accepter au fond
-
13:26 - 13:28d'aller au devant de ce
qui me faisait le plus peur : -
13:28 - 13:30l'inconnu.
-
13:30 - 13:32Je décide à partir de là,
-
13:32 - 13:35de suivre le cheminement de ma vie
au travers des rencontres. -
13:35 - 13:39J'accepte ce que ma mère m'avait
présenté comme étant une vérité. -
13:39 - 13:41Et je me retrouve à Bordeaux,
-
13:42 - 13:43aux Aubiers.
-
13:44 - 13:47Finalité : installé aux Aubiers,
je rencontre Alfa, -
13:47 - 13:49Alfa, jeune Sénégalais-Guinéen,
-
13:49 - 13:52et on a pour dénominateur
commun la musique. -
13:52 - 13:56Ensemble, on a une envie,
c'est d'animer notre quartier : -
13:56 - 13:57les Aubiers.
-
13:57 - 14:00Certains peut-être, levez la main,
connaissent les Aubiers ? -
14:00 - 14:01Ouais.
-
14:02 - 14:04Qui a une bonne image des Aubiers ?
-
14:04 - 14:06Soyez sincères, levez la main ?
-
14:06 - 14:07Merci.
-
14:09 - 14:12Je suis là aussi pour vous
permettre de changer d'idée. -
14:12 - 14:13Non, sincèrement.
-
14:13 - 14:16Donc, Alfa et moi on décide de s'engager
sur ce processus d'animation -
14:16 - 14:19et ensemble on monte un collectif
-
14:19 - 14:21qui s'appelle « Urban Vibration School ».
-
14:21 - 14:23Il y a un petit raccourci facile.
-
14:23 - 14:27Urbain, qu'on s'entende, ce n'est pas
pour faire du break, de la street, du rap, -
14:27 - 14:29c'est Urbain au sens
géographique du terme, -
14:29 - 14:32parce qu'effectivement,
il émane du contexte urbain -
14:32 - 14:34ce que j'appelle moi des vibrations
-
14:34 - 14:39et qu'à partir du moment où
on sait sentir, ressentir ces vibrations, -
14:39 - 14:41on se sent tout d'un coup exister.
-
14:41 - 14:44Les Aubiers, c'est 54 nationalités,
-
14:44 - 14:464 000 habitants
-
14:46 - 14:47et on vit ensemble.
-
14:47 - 14:50Avec Alfa, on est à Barbey,
on organise des concerts, des soirées, -
14:50 - 14:53on amène les quartiers,
tout le monde. -
14:53 - 14:56Et puis, un jour, LA Crew
et Chabby décident de me dire : -
14:56 - 14:59« Les gars, vous savez quoi,
si vous voulez aller plus loin, -
14:59 - 15:01demain créez une association. »
-
15:01 - 15:03Pourquoi pas ? Au fond.
-
15:04 - 15:07On décide de la créer, cette association.
-
15:07 - 15:11En 2007, on déclenche les choses,
on monte les statuts -
15:11 - 15:13et pendant deux ans,
je m'investis à plein pot -
15:13 - 15:17à tel point que je quitte mon boulot :
à l'époque, j'étais responsable technique -
15:17 - 15:18dans un centre d'appel.
-
15:18 - 15:21Il m'aura fallu deux ans,
j'ai commencé conseiller client, -
15:21 - 15:24j'ai atteint le poste que je souhaitais
obtenir, mais ça ne me convient plus. -
15:24 - 15:28Je pars en voyage professionnel au Maroc,
je découvre la vérité des centres d'appel. -
15:28 - 15:32Je vois les écarts, ça ne me
plaît pas, je ne suis pas d'accord. -
15:32 - 15:35Je n'abandonne pas mon poste,
mais je pars, pour moi la tête haute, -
15:35 - 15:37et je décide de m'investir
dans l'association UVS. -
15:37 - 15:40À tel point que, en 2009,
-
15:40 - 15:44je croise le chemin de ce qui
allait devenir ma seconde maman : -
15:44 - 15:45(Rires)
-
15:45 - 15:46Catherine.
-
15:46 - 15:47Quelqu'un d'exceptionnel,
-
15:47 - 15:49ni plus ni moins
que la déléguée au préfet. -
15:49 - 15:53Et là, tout d'un coup, je me dis :
« Tu es en train d'ouvrir une boucle. » -
15:53 - 15:54Bah, oui.
-
15:54 - 15:57La dernière fois que j'avais eu
une relation avec la préfecture, -
15:57 - 16:00de police ou en général,
elle n'était pas bonne. -
16:00 - 16:02Mais là, je découvre
quelqu'un d'incroyable, -
16:02 - 16:05quelqu'un d'ouvert, sincère,
volontaire, dévoué, -
16:05 - 16:08soucieux du devenir
d'un quartier, les Aubiers. -
16:08 - 16:11Je me dis : « Mais en fait,
je m'étais trompé ! » -
16:12 - 16:14Donc, avec elle je décide de m'engager
-
16:14 - 16:17puisqu'elle me propose de créer
mon poste au sein de cette association -
16:17 - 16:18que j'ai créée.
-
16:18 - 16:22Ironie étant, le poste qu'elle me propose
de créer est un poste de médiateur. -
16:23 - 16:26Moi, ce jeune qui au préalable
m'amusais à emmener les gens -
16:26 - 16:27dans le pire du pire,
-
16:27 - 16:30je deviens celui qui nécessairement
capable de fonder un empire -
16:30 - 16:32entend leur transmettre des valeurs.
-
16:34 - 16:35Très bien.
-
16:35 - 16:36Je joue le jeu.
-
16:36 - 16:37Avec Alfa, on s'engage.
-
16:37 - 16:40Et au bout d'un temps,
il s'avère qu'effectivement, -
16:40 - 16:42au sein des Aubiers,
on parvient à exister. -
16:42 - 16:45L'association Urbain Vibration School
parvient à rayonner. -
16:46 - 16:49Et ce qui est tout autant étrange,
-
16:49 - 16:52c'est qu'il est difficile
pour beaucoup d'accepter -
16:52 - 16:55qu'au fond des jeunes puissent réussir,
-
16:55 - 16:58indépendamment d'études
ou de cursus habituels. -
16:58 - 17:01Du coup, le défi pour moi
était de convaincre. -
17:01 - 17:04Convaincre et, à partir de là,
de reprendre les racines -
17:04 - 17:07qui étaient celles que ma mère
m'avait laissées : aller vers l'autre. -
17:07 - 17:10Non plus aller vers l'autre
comme tout à l'heure -
17:10 - 17:12pour lui paraître méchant,
vindicatif, dangereux, -
17:12 - 17:15mais pour lui expliquer
qu'il est bon d'aimer, -
17:15 - 17:18qu'il est bon de donner,
que les rencontres sont essentielles, -
17:18 - 17:21que nécessairement, ce qui nous constitue,
ce sont les rencontres, effectivement. -
17:21 - 17:25Et que la première des rencontres,
c'est celle avec soi-même. -
17:26 - 17:29S'en est suivi des rencontres
et des rencontres -
17:29 - 17:33qui m'ont amené aujourd'hui
à être là avec vous, au TEDx. -
17:33 - 17:34Je suis Eddy Durteste,
-
17:34 - 17:37directeur et fondateur
de l'association Urban Vibration School -
17:37 - 17:40et vous êtes ma rencontre du jour,
on se rencontrera aux Aubiers. -
17:40 - 17:42J'en suis sûr. Merci.
-
17:42 - 17:44(Applaudissements)
- Title:
- Les rencontres construisent le chemin qui dessine nos vies | Eddy Durteste | TEDxBordeaux
- Description:
-
Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.
Écouter, apprendre, changer... « Je suis les rencontres que je fais »
Eddy Durteste, Directeur de l’association Urban Vibrations School. Originaire de Lille, Eddy Durteste est un artiste aujourd’hui engagé dans la vie associative de son quartier, les Aubiers et expert dans les domaines de la jeunesse, des quartiers prioritaires et de la délinquance. En 2007, il décide de créer l’association Urban Vibrations School avec Alpha Diallo et de participer de manière active à la vie de son quartier les Aubiers. Malgré un parcours difficile, il a su faire de ses faiblesses une force, riche d’une vie ponctuée d’expériences et de rencontres incroyables.
- Video Language:
- French
- Team:
closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 17:47