Les conspirateurs positifs | Mathieu Baudin | TEDxParis 2012

Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.

Filmé à TEDxParis le 6 octobre 2012 à l'Olympia. Plus d'interventions sur http://tedxparis.com/

Historien et prospectiviste de formation, Mathieu Baudin est Directeur de l'Institut des Futurs souhaitables (IFs), un Think and Do Tank dont la vocation est de réhabiliter le temps long dans les décisions présentes et d'inspirer le débat public de futurs souhaitables. Entouré d'une équipe d'une centaine d'experts et d'artistes, il organise et anime des explorations intellectuelles ou Lab Sessions pour mieux se repérer et se projeter dans le monde de demain.

Qu'on y croit ou pas,

qu'on y aspire ou non,

le XXIème siècle balbutiant
vit une révolution.

Non pas celle sanglante, des siècles
passés, libératrice ou oppressive

mais celle d'un système, qui incapable
de continuer à se projeter vers l'avenir

a fait un tour sur lui-même.

Qu'on y croit ou pas,

qu'on le craigne ou non,

en 2030, on aura franchi
un certain nombre de tipping points,

ces seuils critiques au-delà desquels
l'irréversibilité est engendrée.

En 2030, on sera 8 milliards, il n'y aura
pas assez de lithium pour nos portables,

pas assez de pétrole pour nos voitures et
il n'y aura plus le gaz à tous les étages.

Alors face à cela, on peut se cacher
les yeux, on peut ériger des murs,

ou alors on peut en profiter
pour réinventer sa vie.

On se trouve ainsi à la jonction
entre deux mondes.

Un monde ancien qui montre partout
les signes de son obsolescence,

pétri par une croyance dépassée,

celle d'une croissance infinie
dans un monde fini.

Et un monde d'après, affleurant
et pluriel, émergeant de toutes parts

mais qui peine encore
à trouver sa cohérence.

Un monde ancien se meurt,
un nouveau monde tarde à apparaître.

Et si, comme le dit le poète,

« dans ce clair-obscur
apparaissent des monstres »,

force est de constater également
que des explorateurs y prennent le large.

Les créatifs culturels, pour sûr.

Ces créateurs de culture,
que Paul Ray et Sherry Anderson ont révélé

et qui pourraient représenter 25 à 30%
de la population des pays industrialisés.

Des acteurs du changement, ouverts
à l'écologie, aux valeurs féminines,

à la solidarité, au partage,
au développement intérieur,

et surtout qui n'acceptent plus d'être
en contradiction avec eux-mêmes.

Des amateurs de TED aussi, sans doute,
empreints de culture Y,

ces valeurs de connectivité, d'inventivité
et d'impatience aussi, parfois.

Mais des pionniers,
ouverts et bienveillants,

désireux de réhabiliter demain,

parce qu'ils savent que
la dernière terre vierge qu'il nous reste

ici et maintenant à explorer,
c'est le futur.

Il en est ainsi des rêveurs de possibles,

prospectivistes, militants du temps long
dans les décisions présentes,

ils veulent dépasser l'anxiété généralisée
et travaillent à côté d'artistes

pour donner à voir demain à l'aune
de ce qu'il pourrait être de mieux,

bien convaincus, comme le dit le penseur,

que « l'avenir ne se prévoit pas
mais bien qu'il se prépare ».

Il en est ainsi
des conteurs d'immatériels.

Comptables de leur état,

ils créent de nouveaux indicateurs
pour de nouvelles réalités

et ils essaient de monétariser
les services rendus par la nature.

Ils savent dire combien il faut
d'êtres humains avec une pipette

pour polliniser chaque fleur une à une
à la place des abeilles

qui le faisaient naguère
et qui auront disparu.

Mais ils savent vous dire aussi,
en calculant le capital immatériel

de l'entreprise, quelle est
la vraie valeur des entreprises...

et ça change pas mal le regard.

Il en est ainsi des artisans du libre.
Accros à l'économie du don et du partage,

grands amateurs de bidouille camps,
ils croient en une intelligence collective

globale qui pourrait dépasser
le système pyramidal de nos sociétés

si inadapté aux enjeux du siècle.

Ils montrent, par une pratique régulière
et quotidienne, qu'un modèle agile,

avec une collaboration qui dépasse
la concurrence, peut créer de la valeur.

Il en est ainsi des transitionneurs, qui,

s'inspirant des techniques pour lutter
contre la dépendance toxicologique,

sèvrent actuellement
des centaines de villes dans le monde

de leur dépendance au pétrole et
montrent chaque jour que, sans le pétrole,

on peut inventer une vie heureuse
d'être ensemble.

Il en est ainsi encore du détour-opérator.

Accompagnateur de chemins de traverse,
nouveau pédagogue, comme à TED,

il croit que l'expérience de la
connaissance est plus importante

que la somme des connaissances elle-même.

Et il propose à des voyageurs volontaires
du siècle qui vient,

d'aller explorer les souhaitables,
jalonnant le parcours d'inspirations

pour faire d'une formation
une transformation.

Sans le savoir, ces détours-opérators,
ces transitionneurs, ces artisans du libre

ils forment une confrérie.
Une confrérie de conspirateurs positifs.

Chaque jour, ils ont le courage
d'aller expérimenter au-delà des cadres,

au-delà des disciplines,
au-delà des corporations.

Comme au temps des découvertes,
ils affrètent des caravelles

pour aller dépasser l'existant.

Et comme au temps des découvertes,
ils galèrent,

à trouver un Laurent Le Magnifique,
à convaincre une Isabelle de Castille,

à montrer aux mécènes potentiels, que
peut-être ils sont la réalité de demain.

Mais ils partent, ils voyagent,

ils essaient et ils reviennent,
les cales pleines de curiosités.

Et ils partagent,
que ce soit un échec ou un succès.

Optimistes offensifs, ils luttent
contre la sinistrose par l'exemple,

et ont décidé de passer
de l'incantation à l'incarnation.

Du « je veux que ça change » à
« je suis porteur du changement »,

avec une philosophie qui déstresse
tout le monde : « Au pire, ça marche ».

Il y a 10 ans, on les dégageait du sérieux
des mondanités et des discussions

en les qualifiant d'utopistes.

Aujourd'hui, on les convoque
pour les mêmes qualités

devant de nobles assemblées
et on les reconnaît porteurs d'innovation.

La première des bonnes nouvelles,
c'est que le regard du monde a changé.

La deuxième des bonnes nouvelles,
c'est vous qui allez l'annoncer.

Imaginez, imaginez dans votre réalité,
dans votre quotidien,

dans votre expérience du temps présent :

est-ce que vous vous sentez de partager
votre voiture, votre canapé et vos idées ?

Est-ce que vous vous sentez tous les jours
un peu plus profondément

réinventer votre métier ?

Est-ce que vous vous sentez capable
de vivre mieux avec moins ?

Si vous sentez une de ces 3 réalités,

je vais vous demander de vous lever,
et de rester debout.

(Applaudissements)

La bonne nouvelle, c'est vous,
la bonne nouvelle,

c'est que ceci n'est pas une fable :
c'est une nouvelle révolution.

Et que, bien loin d'être esseulés, vous
êtes la preuve que nous sommes légion.

Merci à vous.

(Applaudissements)