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Pour aider les jeunes que le système d'éducation ignore

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    Depuis plus d'une décennie,
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    j'étudie les jeunes
    qui ont été chassés de l'école,
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    qu'on appelle « décrocheurs ».
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    Comme ils ont été abandonnés
    par le système d'éducation,
  • 0:14 - 0:17
    ils sont dans la rue
    où ils sont vulnérables à la violence,
  • 0:17 - 0:19
    au harcèlement de la police,
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    à la brutalité policière
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    et à l'incarcération.
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    Je suis ces jeunes
    pendant des années
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    dans différents contextes institutionnels,
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    pour comprendre ce que certains appellent
    le « pipeline école-prison. »
  • 0:37 - 0:39
    Quand vous regardez cette photo,
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    où l'on voit des jeunes
    faisant l'objet de mon étude,
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    vous voyez peut-être des ennuis.
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    Eh oui, l'un des garçons
    a une bouteille d'alcool dans sa main,
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    il a 14 ans
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    et c'est une journée d'école.
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    D'autres gens, en voyant cette photo,
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    peuvent y voir des gangs,
  • 0:58 - 1:00
    des voyous, des délinquants --
  • 1:00 - 1:01
    des criminels.
  • 1:02 - 1:03
    Moi je vois cette photo autrement.
  • 1:04 - 1:07
    Je vois ces jeunes gens
    dans une perspective
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    qui prend en compte les atouts qu'ils
    peuvent apporter au système éducatif.
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    Vous joindrez-vous à moi pour changer
    notre perception de ces jeunes,
  • 1:17 - 1:21
    pour passer de « à risque »
    à « à potentiel » ?
  • 1:22 - 1:29
    (Applaudissements)
  • 1:30 - 1:32
    Comment puis-je savoir que ces jeunes
  • 1:32 - 1:35
    ont le potentiel
    et la promesse de changement ?
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    Je le sais parce que je suis
    l'un d'entre eux.
  • 1:39 - 1:43
    Voyez-vous, j'ai grandi
    dans une pauvreté extrême au centre-ville,
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    sans père --
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    il m'a abandonné avant ma naissance.
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    Nous recevions de l'aide sociale,
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    nous étions parfois sans-abri,
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    de nombreuses fois affamés.
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    Au moment d'atteindre mes 15 ans,
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    j'étais déjà allé trois fois à la prison
    pour mineurs, pour trois crimes.
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    Mon meilleur ami avait déjà été tué.
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    Et peu après,
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    alors que je me tenais debout
    à côté de mon oncle,
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    il s'est fait tirer dessus.
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    En attendant l'arrivée de l'ambulance,
  • 2:12 - 2:14
    pendant plus d'une heure,
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    Il est mort dans la rue,
    au bout de son sang.
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    J'avais perdu foi et espoir en le monde
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    et j'avais renoncé au système,
    car le système m'avait abandonné.
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    Je n'avais rien à offrir
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    et personne n'avait rien à m'offrir.
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    J'étais fataliste.
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    Je ne croyais même pas me rendre à 18 ans.
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    La raison pour laquelle je suis ici
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    c'est qu'une enseignante très attentive
    m'a tendu la main
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    et a réussi à toucher mon âme.
  • 2:51 - 2:52
    Cette enseignante,
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    madame Russ...
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    elle était du genre qui a toujours
    le nez dans tes affaires.
  • 3:00 - 3:02
    (Rires)
  • 3:02 - 3:04
    Elle était du genre à dire :
  • 3:04 - 3:08
    « Victor, je suis là pour toi,
    dès que tu seras prêt. »
  • 3:08 - 3:09
    (Rires)
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    Je n'étais pas prêt.
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    Mais elle a compris un principe de base
    quand on parle de jeunes comme moi :
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    on est comme des huîtres.
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    Nous nous ouvrirons seulement
    lorsque nous sommes prêts,
  • 3:21 - 3:23
    et si vous n'êtes pas là le bon moment,
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    nous allons nous refermer.
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    Madame Russ était là pour moi.
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    Elle était sensible aux aspects culturels,
  • 3:30 - 3:34
    elle respectait ma communauté,
    mon peuple et ma famille.
  • 3:34 - 3:38
    Je lui ai raconté l'histoire
    de mon oncle Ruben.
  • 3:38 - 3:41
    Je travaillais avec lui
    car j'étais sans le sou ;
  • 3:41 - 3:43
    il savait que j'avais besoin d'argent.
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    Nous récupérions les bouteilles de verre.
  • 3:47 - 3:48
    À 4 heures du matin les jours d'école,
  • 3:48 - 3:51
    nous jettions les bouteilles
    à l'arrière de sa fourgonnette,
  • 3:52 - 3:53
    et parfois elles se brisaient.
  • 3:54 - 3:56
    Mes mains et bras saignaient
  • 3:56 - 4:00
    et mon pantalon et chaussures de sport
    étaients couverts de sang.
  • 4:00 - 4:04
    J'étais terrifié et souffrant,
    et je voulais arrêter de travailler.
  • 4:05 - 4:08
    Alors mon oncle me regardait
    dans les yeux et me disait :
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    « Mijo,
  • 4:10 - 4:12
    estamos buscando vida. »
  • 4:13 - 4:16
    « Nous cherchons une vie meilleure,
  • 4:16 - 4:20
    nous essayons de bâtir
    quelque chose à partir de rien. »
  • 4:21 - 4:24
    Madame Russ a écouté mon histoire,
  • 4:24 - 4:26
    l'a introduite dans la classe et a dit :
  • 4:26 - 4:28
    « Victor, ceci est ta force.
  • 4:29 - 4:30
    Ceci est ton potentiel.
  • 4:31 - 4:36
    Ta famille, ta culture et ta communauté
    t'ont appris le travail assidu
  • 4:36 - 4:41
    et tu vas en profiter pour l'utiliser
    dans le milieu académique
  • 4:42 - 4:45
    afin de pouvoir contribuer
    à donner du pouvoir à ta communauté. »
  • 4:47 - 4:48
    Avec l'aide de madame Russ,
  • 4:48 - 4:50
    j'ai fini par retourner à l'école.
  • 4:51 - 4:54
    J'ai même fini mes crédits à temps
  • 4:55 - 4:58
    et obtenu mon diplôme.
  • 4:58 - 5:01
    (Applaudissements)
  • 5:06 - 5:08
    Mais madame Russ m'a dit,
    juste avant l'obtention du diplôme,
  • 5:08 - 5:11
    « Victor, je suis tellement fière de toi.
  • 5:12 - 5:14
    Je savais que tu pouvais le faire.
  • 5:14 - 5:17
    Maintenant il est temps
    de penser à l'université. »
  • 5:17 - 5:18
    (Rires)
  • 5:19 - 5:21
    Moi, à l'université ?
  • 5:21 - 5:24
    Mais cette prof doit être folle
    pour penser que j'irai à l'université ?
  • 5:24 - 5:28
    J'ai appliqué avec l'aide des mentors
    et l'appui qu'elle m'a fourni,
  • 5:29 - 5:31
    j'ai reçu une lettre d'acceptation,
  • 5:31 - 5:33
    et l'un des paragraphes disait :
  • 5:33 - 5:37
    « Vous avez été admis
    sous une période de probation. »
  • 5:37 - 5:40
    J'ai dit : « Probation ?
    Je suis déjà en probation,
  • 5:40 - 5:41
    ça ne compte pas ? »
  • 5:41 - 5:42
    (Rires)
  • 5:42 - 5:46
    C'était une probatoire académique,
    et non pas criminelle.
  • 5:47 - 5:51
    Mais que font les profs comme Mme Russ
    pour réussir avec des jeunes
  • 5:51 - 5:53
    comme ceux figurants dans mon étude ?
  • 5:53 - 5:55
    Je propose trois stratégies.
  • 5:55 - 5:56
    La première :
  • 5:57 - 6:01
    débarrassons-nous
    des attitudes négatives en éducation.
  • 6:01 - 6:04
    « Ces gens sont issus d'une culture
    de violence et de pauvreté.
  • 6:04 - 6:07
    Ils sont à risque ;
    ce sont des vagabonds.
  • 6:07 - 6:12
    Mais ce sont des récipients vides
    prêts à recevoir des connaissances.
  • 6:13 - 6:15
    Ils ont des problèmes,
  • 6:15 - 6:17
    nous avons les solutions. »
  • 6:18 - 6:20
    Numéro deux.
  • 6:20 - 6:25
    Valorisons les histoires que ces jeunes
    apportent à l'école.
  • 6:26 - 6:31
    Ces histoires, racontant comment surmonter
    des obstacles, sont si inspirantes !
  • 6:31 - 6:35
    Je sais que vous connaissez
    certaines de ces histoires.
  • 6:37 - 6:40
    Ces histoires et expériences
  • 6:40 - 6:45
    ont déjà de l'audace, du caractère
    et de la résilience en eux.
  • 6:46 - 6:49
    Aidons les jeunes à affiner ces histoires.
  • 6:49 - 6:51
    Aidons-les à être fiers de qui ils sont,
  • 6:51 - 6:55
    car l'école veut accueillir
    leurs familles, leur culture,
  • 6:55 - 6:56
    leurs communautés
  • 6:56 - 6:59
    et les compétences
    qu'ils ont acquises pour survivre.
  • 7:00 - 7:04
    Et bien sûr la troisième stratégie,
    qui est la plus importante :
  • 7:04 - 7:05
    les ressources.
  • 7:05 - 7:09
    Fournissons aux jeunes
    des ressources adéquates.
  • 7:10 - 7:13
    Simplement avoir du cran ne suffira pas.
  • 7:14 - 7:16
    Vous pouvez rester assis et me dire :
  • 7:16 - 7:19
    « Hé, ramasse-toi,
    retrousse-toi les manches. »
  • 7:19 - 7:22
    Mais si je suis né avec
    une chemise sans manches --
  • 7:23 - 7:24
    (Rires)
  • 7:24 - 7:26
    Comment suis-je
    sensé les retrousser ?
  • 7:26 - 7:29
    (Applaudissements)
  • 7:33 - 7:35
    La formation professionnelle,
  • 7:35 - 7:36
    le mentorat,
  • 7:36 - 7:38
    l'orientation...
  • 7:38 - 7:40
    Enseigner aux jeunes à
    apprendre de leurs erreurs
  • 7:40 - 7:42
    au lieu de les criminaliser,
  • 7:42 - 7:46
    et de les traîner en dehors
    de la classe comme des animaux.
  • 7:47 - 7:49
    Que diriez-vous de cette proposition ?
  • 7:49 - 7:54
    La justice réparatrice de l'éducation
    dans chaque école secondaire américaine.
  • 7:54 - 8:00
    (Applaudissements)
  • 8:01 - 8:07
    Nous avons testé l'idée dans la
    communauté de Watts, à Los Angeles,
  • 8:07 - 8:10
    avec 40 jeunes
    qui avaient été expulsés de l'école.
  • 8:10 - 8:13
    William était l'un d'eux.
  • 8:13 - 8:17
    William était un jeune homme qu'on
    avait « étiqueté » de toutes les manières.
  • 8:17 - 8:20
    Il avait décroché, puis était devenu
    membre d'un gang,
  • 8:20 - 8:22
    un criminel.
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    Quand nous l'avons rencontré
    il était très réticent.
  • 8:25 - 8:27
    Mais je me suis souvenu de
    ce que Mme Russ me disait :
  • 8:27 - 8:31
    « Hé, je suis là pour toi
    dès que tu seras prêt. »
  • 8:31 - 8:32
    (Rires)
  • 8:32 - 8:34
    Donc, au fil du temps -
  • 8:34 - 8:37
    il a commencé à s'ouvrir.
  • 8:37 - 8:40
    Et je me souviens du jour
    où il a changé.
  • 8:40 - 8:42
    Nous étions dans un grand groupe
  • 8:42 - 8:45
    et une jeune fille de notre
    programme pleurait
  • 8:45 - 8:49
    car elle nous a raconté
    la percutante histoire
  • 8:49 - 8:52
    de son père assassiné
  • 8:52 - 8:57
    et puis des photos de son cadavre
    apparues dans le journal du lendemain.
  • 9:00 - 9:02
    Et comme elle pleurait,
    je ne savais pas quoi faire,
  • 9:02 - 9:04
    alors je l'ai laissée tranquille,
  • 9:04 - 9:07
    et William en a eu assez.
  • 9:07 - 9:10
    Il claqua ses mains
    sur le bureau et il a dit :
  • 9:10 - 9:15
    « Hé, tout le monde !
    Câlin de groupe ! »
  • 9:16 - 9:23
    (Applaudissements)
  • 9:23 - 9:29
    Les larmes et la douleur de cette fille
    se sont transformés en joie et en rires,
  • 9:29 - 9:34
    car elle savait que sa communauté
    ne la laisserait pas tomber,
  • 9:34 - 9:39
    et William a alors compris
    qu'il avait un but dans la vie :
  • 9:39 - 9:45
    aider à guérir les âmes
    des gens de sa propre communauté.
  • 9:45 - 9:46
    Il nous a raconté son histoire.
  • 9:46 - 9:48
    Nous avons peaufiné son histoire
  • 9:48 - 9:53
    pour passer d'une histoire de victime
    à une histoire de survivant
  • 9:53 - 9:55
    qui a surmonté l'adversité.
  • 9:55 - 9:58
    Nous avons valorisé son histoire.
  • 9:58 - 10:02
    William a terminé ses études secondaires,
  • 10:02 - 10:07
    a obtenu son certificat de sécurité
    pour devenir un agent de sécurité,
  • 10:07 - 10:11
    et aujourd'hui il travaille
    dans un district scolaire local.
  • 10:11 - 10:18
    (Applaudissements)
  • 10:20 - 10:21
    Le mantra de Mme Russ --
  • 10:21 - 10:24
    son mantra était toujours :
  • 10:24 - 10:29
    « Quand vous abordez le coeur,
    l'esprit suivra. »
  • 10:31 - 10:35
    Le grand écrivain Khalil Gibran a dit :
  • 10:35 - 10:40
    « de la souffrance
    ont émergé les âmes les plus fortes.
  • 10:40 - 10:46
    Les caractères solides
    sont couturés de cicatrices. »
  • 10:46 - 10:52
    Je crois que dans la révolution
    de l'éducation dont nous parlons ici
  • 10:52 - 10:56
    nous avons besoin d'inviter les âmes
    des jeunes avec lesquels nous travaillons,
  • 10:57 - 10:59
    et dès qu'ils sont prêts à peaufiner --
  • 10:59 - 11:02
    identifier l'audace,
    la résilience et le caractère
  • 11:02 - 11:05
    qu'ils ont déjà développés --
  • 11:05 - 11:10
    leur rendement scolaire s'améliorera.
  • 11:11 - 11:14
    Croyons en nos jeunes.
  • 11:14 - 11:17
    Offrons-leur les bons types de ressources.
  • 11:17 - 11:20
    Laissez-moi vous dire ce que
    mon enseignante a fait pour moi.
  • 11:20 - 11:23
    Elle a tellement cru en moi
  • 11:23 - 11:27
    qu'elle a réussi à me faire
    croire en moi-même.
  • 11:27 - 11:28
    Je vous remercie.
  • 11:28 - 11:34
    (Applaudissements)
Title:
Pour aider les jeunes que le système d'éducation ignore
Speaker:
Victor Rios
Description:

Définir les jeunes par leurs contributions, et non pas par leurs manquements -- en particulier ceux qui ont vécu des expériences difficiles, dit l'éducateur Victor Rios. Tout en parlant de son expérience personnelle de persévérance en tant que jeune citadin au passé difficile, Rios identifie trois stratégies simples pour changer les attitudes dans le système éducatif. Il fait appel aux autres éducateurs en leur demandant de considérer les étudiants « à risque » comme étant des individus « à potentiel », débordant de résilience, de caractère et d'audace.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
11:53

French (Canada) subtitles

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