Treize gorilles morts : les maladies émergentes et la prochaine pandémie humaine | David Quammen | TEDxBozeman

David Quammen nous parle des maladies émergentes telles qu'Ebola, le SRAS, la grippe aviaire, le sida et d'où elles apparaissent - la faune. Les virus causent la plupart de ces maladies. Le phénomène de la transmission d'un virus des animaux sauvages aux êtres humains s'appelle la contagion. Deux facteurs expliquent le risque croissant de la contagion qui pourra mener à des pandémies : la perturbation des divers écosystèmes et l'interdépendance de la population humaine globale.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment par une communauté locale. En savoir plus : http://ted.com/tedx

Il y a 12 ans, j'ai entendu une phrase
qui a changé ma vie.

J'étais assis devant un feu de camp
en Afrique centrale,

et la phrase était la suivante :

« Treize gorilles morts ».

Je ne l'ai pas compris à l'époque,

mais cette phrase m'a lancé
sur une longue quête

destinée à saisir la biologie écologique
et évolutive des virus effrayants.

Un virus a-t-il même une écologie ?
Absolument.

Est-ce qu'il peut évoluer ? Oui.

Pourquoi s'en inquiéter ?

Parce que ces sujets portent
sur la question

de la possibilité de la mort
des dizaines de millions de gens

pendant la prochaine pandémie.

Cette quête m'a sorti
de ma zone de confort.

Jusque-là, ma zone de confort
consistait de grandes bêtes,

de parler des bêtes qu'on peut voir.

C'est alors que je me suis trouvé
à ce feu de camp.

Nous étions au milieu d'une forêt
dans le nord-est du Gabon,

et deux types du coin
parlaient du virus Ebola.

Ils parlaient du moment où le virus
a frappé leur village,

qui se trouvait à quelques kilomètres
d'où nous étions assis.

C'était une flambée terrible,

qui a tué des dizaines de leurs
proches de façon horrible.

Ils semblaient traumatisés
par leurs souvenirs,

mais j'essayais de tirer d'eux
des renseignements.

C'est alors que l'un d'entre eux
a déclaré : « Vous savez,

à part la mort et la souffrance
dans le village, il y avait autre chose,

une chose étrange à ce moment-là

que nous avons vue.

C'était 13 gorilles morts empilés
à proximité dans la forêt. »

Treize gorilles morts posés en tas.

Je suis resté bouche bée.

J'ai écrit la phrase dans mon carnet.

Je savais quelques trucs sur Ebola,

qu'elle tue non seulement les humains
mais aussi les gorilles et les chimpanzés,

mais le fait d'entendre cette phrase
au cœur de l'habitat d'Ebola

a rendu l'affaire plus immédiate.

Ça a lancé ma quête pour
comprendre la « zoonose ».

La zoonose - un terme technique,
mais facile à définir.

Une zoonose est une infection animale
transmissible aux êtres humains :

ça peut être un virus comme
Ebola ou le virus de Marburg,

ou une bactérie issue d'un insecte
comme celle qui cause la maladie de Lyme.

Dès que ça touche les êtres humains,

si ça s'y implante et les rend malade,
on l'appelle une zoonose.

Ce n'est pas un sujet insignifiant
en marge de la médecine.

C'est primordial.

60% des maladies infectieuses
chez les êtres humains sont zoonotiques.

La peste bubonique en est une :
elle passe des rongeurs aux gens.

Le SIDA est d'origine zoonotique,

causé par un virus

transmis à une personne d'un chimpanzé

vers 1908, plus ou moins,
selon la marge d'erreur.

La zoonose Hendra passe
des chauves-souris aux chevaux,

les tue,

puis passe des chevaux
aux êtres humains, les tuant aussi.

Ces zoonoses, lorsqu'on considère
leurs effets néfastes,

servent quand même à quelque chose :

elles nous rappellent l'interdépendance

des êtres humains et d'autres espèces.

Et une forme de cette interdépendance

est la maladie partagée.

La maladie animale, la maladie humaine -

la même maladie.

Rien que d'y penser tend
à réaffirmer la vérité darwinienne,

et elle est probablement
la plus sombre de ces vérités,

c'est que nous sommes des animaux,

nous faisons partie de la nature,

nous n'en sommes pas dissociés
ni n'en sommes supérieurs.

Il y a beaucoup de nouvelles entrées
dans la liste lugubre des zoonoses.

La plupart sont des virus.

Ils se sont manifestés et
ont causé des épidémies,

l'une après l'autre,

depuis cinquante ou soixante ans :

Machupo en Bolivie en 1961 ;

Marburg, lié au virus Ebola en 1967 ;

Ebola lui-même a apparu
sur les radars en 1976 ;

le SIDA, d'abord reconnu en 1981 ;

le virus Hanta en Amérique en 1993 ;

le virus Hendra en Australie en 1994 ;

la grippe aviaire à Hong Kong en 1997 ;

le virus Nipah en Malaysie en 1998 ;

le virus du Nil occidental en1999 ;

et le SRAS, sorti en Chine du Sud en 2003.

Vous avez compris.

Les nouveaux virus sortent régulièrement

ces dernières années.

D'où viennent-ils ?

Chaque nouvelle maladie zoonotique
est au début un mystère :

on imagine que l'infection est transmise
aux humains par un autre animal,

mais quel animal ?

Un autre terme technique ici :

toute espèce chez qui réside un agent
zoonotique de façon permanente

et imperceptible,

sans causer des symptômes,

est connu sous le nom
d'« hôte réservoir ».

Les chauves-souris sont les hôtes
du virus de Hendra.

On ne sait toujours pas l'origine
du virus Ebola,

mais les chauves-souris sont le réservoir
du Marburg, le cousin d'Ebola,

et les hantavirus nous sont transmis
par les rongeurs.

Bon, un dernier terme spécifique :

lorsqu'un agent zoonotique
passe de son hôte réservoir

à sa première victime humaine,

cet événement s'appelle « une contagion ».

Geoffrey Platt dans une salle d'isolement.

Une contagion, bon.

Voilà alors les notions élémentaires,
les idées capitales et les termes clés :

la zoonose, l'hôte réservoir
et la contagion.

Avec cela, vous savez plus de
l'avenir des maladies infectieuses

que 99% de la population humaine.

Félicitez-vous et faites-vous vacciner
contre la grippe en novembre.

(Rires)

Pourquoi ces contagions
se produisent-elles ?

Pourquoi certaines d'entre elles
font vite le tour du globe ?

Ma réponse consiste de deux mots :
perturbation et interdépendance.

De plus en plus, nous, les êtres humains,
perturbons les divers écosystèmes sauvages

qui abritent des créatures
de toutes sortes.

Et chez chacune de ces espèces
animales ou végétales dans ces lieux,

existe probablement au moins
un virus unique.

Raser et brûler les forêts,
construire des routes, s'établir,

tuer et manger la viande de brousse,

toutes ces actions tendent à libérer de
nouveaux virus de leurs hôtes réservoirs

en leur donnant l'occasion d'infecter
les êtres humains - la perturbation.

Une fois qu'ils nous ont infectés,

une fois qu'ils ont pénétré,
se sont répliqués, se sont adaptés,

et ont trouvé les moyens de se
transmettre de personne à personne,

ils peuvent voyager à la vitesse
d'un avion,

en tuant des millions de gens
en cours de route.

Il y a sept ans, le National Geographic
m'a demandé d'écrire sur le sujet.

Ils m'ont renvoyé en Afrique
centrale et à divers endroits.

Cette mission de magazine
s'est transformée en livre.

Le livre a finalement été publié
à l'automne 2012.

C'est un recueil d'histoires d'horreur
et d'idées scientifiques,

mais c'est aussi le récit de cette quête,

ma quête de comprendre la dynamique
et la réalité humaine

des maladies zoonotiques.

Du feu de camp en Afrique centrale
jusqu'à cet après-midi,

cette quête m'a occupé pendant 12 ans,
8 mois et 11 jours -

je n'ai pas encore calculé les kilomètres.

Mais le véritable effort vient
juste de commencer.

Il consiste à vous sensibiliser
et à sensibiliser les autres

à la signification plus profonde
des maladies zoonotiques.

Cela implique plus qu'empêcher
les maladies humaines ;

cela nous fait revenir à la vérité
darwinienne fondamentale.

L'essentiel, c'est que

les êtres humains et les gorilles,
les chimpanzés, les singes et les chevaux,

les rongeurs, les chauves-souris
et les virus -

nous sommes tous dans le même bateau.

Merci.

(Applaudissements)