Dépasser la binarité du sexe et du genre | Ugla Stefanía | TEDxReykjavik

Dans son intervention, Ugla pointe du doigt les catégories binaires de grene et de sexe et parle de son expérience personnelle en tant que personne transsexuelle d'une société binaire, en deux dimensions. Elle partage aussi des histoires personnes ainsi que des idées et des informations radicales sur le genre, le sexe et la sexualité. Son intervention veut bousculer vos idées sur le sujet, et vous donner la possibilité de vous améliorer, d'être plus critique et de contribuer davantage et d'apprendre à être un meilleur allié pour les personnes trans et queer.

Ugla Stefanía Kristjönudóttir Jónsdóttir est une activiste trans et queer venue d'Islande. Elle mène ce combat depuis plus de huit ans, et fait partie de nombreuses ONG, dont Samtökin 78 – l'Organisation Nationale, Trans Iceland et IGLYO – l'Organisation Internationale des jeunes et étudiants Gay, Lesbiennes, Bisexuel(le)s, Transgenres et Intersexuées. Elle poursuit actuellement un Master sur les études de genre à l'université d'Islande.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus: http: //ted. com/tedx

« Quels organes génitaux as-tu ? »

« Est-ce que je peux les voir ? »

« Quel type de sous-vêtements
portes-tu ? »

« Quelles toilettes utilises-tu ? »

« Es-tu un garçon ou une fille ? »

« Attends, c'est quoi ton vrai prénom ? »

Imaginez qu'on vous pose ces questions
au moins une fois par semaine en moyenne,

pendant toute votre vie.

Ca paraît assez intrusif, impoli
et tout à fait grossier, n'est-ce pas ?

Et bien, pour moi, c'est une réalité.

« Pourquoi diable poser ces questions ? »

vous demandez-vous peut-être.

Avant de vous en parler, je vais passer
en revue quelques concepts de base

pour qu'on soit sur
la même longueur d'onde.

Premièrement, je veux parler de sexe.

Et non, pas dans le sens de faire l'amour,
mais dans le sens sexe biologique.

Le sexe est une combinaison
de nos caractéristiques physiques,

comme les chromosomes, la production
hormonale, la distribution de graisse,

les parties génitales, la pilosité, etc.,

que l'on appelle aussi caractères sexuels.

Quand une personne naît, on lui attribue
le genre masculin ou féminin

sur base de ces caractères sexuels,
parce que c'est si simple, n'est-ce pas ?

Et bien, ce n'est pas si simple que ça.

En fait, les caractères sexuels varient
tellement entre les individus

qu'on reconnaît au moins
quarante variantes du sexe.

D'habitude, lorsqu'une personne sort
de cette dualité masculin ou féminin,

nous parlons d'eux comme des
personnes intersexuées.

Lorsqu'un enfant intersexué,

dont les parties génitales n'appartiennent
pas au genre masculin ou féminin, naît,

les chirurgiens font parfois
des interventions médicales

pour modifier chirurgicalement les corps
pour les normaliser,

parfois sans le consentement des parents,
et certainement pas sans le leur.

Je ne sais pas pour vous, mais moi,

je vois ça comme une violation claire et
nette des droits humains d'une personne.

Deuxièmement, je veux parler de genre.

Lorsque nous pensons aux hommes
et aux femmes, aux garçons et aux filles,

nous avons une certaine idée en tête.

Nous associons les femmes à la féminité,
les hommes à la masculinité.

Nous attendons que les hommes
et les femmes s'habillent différemment,

fassent des choses différentes, et aient
des rôles différents dans la société.

C'est en partie ce qu'est le genre,

cette idée socialement construite de ce
que les hommes et les femmes sont

et ce que nous attendons
d'eux qu'il soient,

parce que c'est « si simple »,
n'est-ce pas ?

En fait, pas vraiment.

Le genre est bien plus compliqué
que deux catégories binaires

d'homme et de femme.

En fait, le genre varie selon
les sociétés et les cultures

et évolue avec le temps.

Donc le genre et la façon dont
les gens l'identifient

sont souvent bien plus complexes,
et la réalité est bien plus diversifiée.

Maintenant, c'est le moment où j'arrive
et où je vous parle un peu de moi,

et pourquoi on me pose toujours
ces questions.

Lorsque je suis née,
on a dit que j'étais un garçon,

en se basant sur mes organes génitaux.

Malgré ça, je ne suis certainement pas
un homme, et ne l'ai jamais été.

C'est choquant pour certains
d'entre vous, j'en suis sûre.

D'habitude, lorsqu'un personne naît,
on leur assigne, comme je le disais,

un certain genre basé
sur leurs organes génitaux,

et souvent c'est correct, ça correspond,
mais parfois ce n'est pas le cas,

et je suis l'exemple d'une personne
pour laquelle ça n'a pas fonctionné.

Et je ne suis pas non plus un homme gay
qui serait « allé un peu trop loin »,

avant que quelqu'un ne le dise,

(Rires)

car pour être un homme gay, vous devez
d'abord être un homme,

et je viens d'établir que
je n'en étais pas un,

et que vous devez être attiré
par les autres hommes.

Être gay est lié à
votre orientation sexuelle,

tandis qu'être trans, comme moi,
est lié à votre genre identitaire.

Dès mes 14 ans, j'ai commencé à jouer
à un jeu en ligne, « World of Warcraft ».

Dans ce jeu, vous créez un personnage

et vous jouez avec des gens
du monde entier grâce à Internet.

Dans ce jeu, je me présentais comme une
fille aux personnes que je rencontrais.

Je ne sais pas vraiment pourquoi
j'avais fait ça à l'époque,

ou ce qu'il se passait dans ma tête,

mais ça m'a aidée à comprendre une chose

sur laquelle je bloquais
depuis des années.

C'était une chose que je n'avais
jamais dite à voix haute,

ou que je ne m'étais jamais
admise à moi-même :

le fait que je n'étais pas un garçon.

Avec le temps, j'ai appris à mieux
connaître les personnes dans ce jeu,

et finalement, ils ont voulu
qu'on se rencontre dans la vraie vie

C'est le moment où les choses sont
devenues un peu compliquées pour moi.

J'avais 17 ans et je n'avais dit
à personne que j'étais trans,

et je n'avais en fait pas eu l'opportunité
d'explorer mon identité jusqu'alors.

Alors je me suis confiée
à ma meilleure amie

et je l'ai convaincue de voyager avec moi
pour rencontrer ces personnes.

Cela signifiait que je devais aller
acheter de nouveaux vêtements,

apprendre les bases
et astuces du maquillage,

et apprendre à « être une fille ».

Maintenant, si ceci ne montre pas ce
qu'est vraiment une performance de genre,

alors je ne sais pas
ce qui peut le montrer,

mais comme personne n'était au courant,

nous étions assez discrètes
dans tout ce que nous faisions.

Nous passions nos après-midis
dans les magasins

prétendant acheter des vêtements
pour elle,

alors qu'ils étaient en réalité pour moi.

Je suis sûre que vous pouvez imaginer
le regard des vendeurs

lorsque nous achetions des vêtements
qui n'allaient pas vraiment à mon amie.

(Rires)

On lui posait souvent
des questions comme :

« Mademoiselle, vous êtes sûre
que cette robe vous va ? »

Lorsque nous avons finalement voyagé
pour rencontrer ces gens,

ce fut une montagne russe émotionnelle
pour moi.

Je me souviens être descendue du train
à la gare,

et nous avons monté quelques marches.

À la fin du couloir, j'ai vu le groupe de
personnes que nous devions rencontrer.

À ce moment-là, je me suis
complètement figée.

Je me suis tournée vers mon amie et
lui ai dit : « Je ne peux pas. »

Elle a pris une grande inspiration,
m'a regardée et m'a dit :

« Je n'ai pas fait tout ce chemin
et fait tout ça

pour que tu recules maintenant.

Donc tu vas prendre une
grande inspiration, te ressaisir,

et on va aller rencontrer
ces personnes. »

Et puis elle a attrapé ma main et
m'a tirée vers le groupe de personnes.

Ce voyage ne pouvait pas
aller mieux pour moi,

je m'amusais vraiment,

parce qu'à ce moment-là,
je vivais enfin.

Sur le chemin du retour,

nous avons rencontré deux Islandaises
qui allaient aussi à l'aéroport.

et comme tous bons Islandais
qui se rencontrent à l'étranger,

nous les avons saluées
et nous sommes présentées,

parce que les Islandais sont
peu farouches.

(Rires)

Dès que nous sommes arrivées
à l'aéroport,

je suis allée mettre
des vêtements plus neutres

car j'avais toujours mon ancien nom
et genre sur mon passeport.

Dès que je suis montée dans l'avion, ces
deux femmes que nous avions rencontrées

étaient en fait hôtesses de l'air
sur ce vol.

Je suis sûre que vous pouvez imaginer
leurs têtes

parce qu'elles étaient aussi confuses
et surprise que moi

mais pour moi, ce moment représentait
quelque chose.

Il représentait deux mondes
qui se rencontraient,

le monde que j'avais créé pour moi
avec Internet,

et la réalité de retour à la maison.

Donc pour moi, ce moment a été un pivot.

De retour à la maison, j'ai commencé
à dire à plus de gens que j'étais trans,

et lorsque j'ai eu 18 ans,
j'ai fait mon grand « coming-out ».

J'ai annoncé à tout le monde que j'étais
une fille et,

je me suis complètement conformée
aux normes socialement construites

qui disent ce que nous attendons que les
femmes aiment, ce qu'elles doivent faire

comment elles doivent s'habiller etc.

J'ai dit à tout le monde combien j'aimais
mettre des robes tout le temps,

j'ai dit à tout le monde que
j'avais toujours su que j'étais une fille,

et que j'avais toujours adoré
le maquillage.

J'ai aussi dit que j'adorais
jouer avec des poupées,

que mes films préférés étaient les films
de filles comme « Lolita malgré moi »

qui, d'ailleurs, est le meilleur film
que j'ai jamais vu,

soyons clair.

Mais j'ai toujours eu ce sentiment
qui me hantait,

que je remplissais juste un stéréotype.

Vous voyez, je voulais prouver à tout
le monde que j'étais en fait une fille,

et j'ai même dû le prouver
à des professionnels de santé

pour obtenir les soins
dont j'avais besoin.

Alors j'ai joué le jeu,

et je l'ai si bien joué que j'ai réussi à
me convaincre moi-même

que c'était qui j'étais réellement.

À la fin, j'ai réalisé que tout
ce que je faisais,

je n'avais pas toujours envie de le faire.

C'était principalement
parce que la société

et les messages que je recevais
des personnes de mon entourage.

Enfin, quand j'ai compris ça,

j'ai commencé à vivre
mon moi plus authentique,

j'ai arrêté de me soucier
de la pression à se conformer,

de ce que je devrais aimer,
de ce que je devrais faire.

Je me suis fait plaisir,

et je me suis permise de refaire
les choses que j'aimais vraiment.

Je me suis permise d'être moi.

Et si vous pensez que vous avez eu
du mal dans votre vie

à vivre selon les standards genrés,

vous n'avez encore rien vu.

C'est tellement démultiplié
lorsqu'on parle des personnes trans

que nous devons accepter avoir
« une maladie mentale »,

et nous devons répondre à des exigences
des professionnels de santé,

qui sont de parfaits inconnus,

pendant qu'ils évaluent, jugent et
décident s'ils sont ou non convaincus

que vous êtes la personne
que vous savez être.

J'ai donc bien sûr joué le jeu

et leur ai dit tout ce
qu'ils voulaient entendre.

Honnêtement, c'était très facile,

parce que c'est tristement stéréotypé.

J'avais parfois véritablement l'impression
d'être dans une usine,

et ils s'assuraient qu'ils avaient fait
l'homme parfait

et la femme parfaite,

qui se conformaient et qui ne faisaient
pas trop pencher la balance.

Aujourd'hui, je m'identifie plus comme
genderqueer, ou non-binaire.

Ça signifie que je ne m'identifie
aux catégories d'homme et de femme.

C'est parce que je ne me sens pas à l'aise

à être placée dans ces cases
car je les trouve oppressantes.

J'ai l'impression que les gens attendent
que je me conforme à certaines choses

alors que je n'ai pas d'intérêt
à m'y conformer.

Ainsi, pour moi, c'est personnel,
c'est aussi politique,

mais c'est parce que la vie est politique.

Comme vous pouvez le voir, mon expression
est principalement féminine,

et je ne suis pas complètement à l'aise
à l'idée d'être catégorisée comme fille,

mais je n'ai pas l'impression de rentrer
vraiment dans cette case.

Je rejette aussi l'idée que je suis
un homme par nature

à cause de mon matériel génétique.

Vous voyez, le sexe est aussi une
construction sociale, tout comme le genre.

La signification que nous plaçons dans ces
catégories n'est pas faite par la nature.

Elle est faite par les humains,
à travers l'interaction sociale.

Moi seule ait le pouvoir de me définir
et de définir mon corps, personne d'autre.

Parfois, vous aurez des gens
qui vous diront :

« Tu n'es pas ci, » ou « Tu es ça, »

ou « Tu n'es pas ci, » et
« Tu n'es pas ça. »

C'est un message que je veux transmettre
à tout le monde :

personne n'a le pouvoir
de définir quiconque,

si ce n'est eux-mêmes,

et c'est une des choses
les plus importantes.

Imaginez être constamment remise
en question sur tout ce que vous faites,

constamment harcelée par des gens
qui critiquent qui vous êtes.

Non seulement les personnes
trans affrontent ça,

mais nous affrontons aussi
une menace sérieuse

pour notre sécurité mentale et physique.

Nous sommes sujets à développer
de l'anxiété,

une dépression ou
d'autres problèmes mentaux,

et une écrasante majorité
de personnes trans

essayent, ou se suicident.

L'accès aux soins est parfois
sévèrement limité

pour les personnes trans
à travers le monde, voire est inexistant.

De plus, les personnes trans,

et davantage quand elles sont issues
de classes plus basses de la société

n'ont aucune chance ou opportunité de
vivre leurs vraies et authentiques vies.

Et ce n'est qu'une façon dont les idées
actuelles sur le sexe et le genre

affectent les personnes
de façon vraiment sérieuse.

Et c'est une chose avec laquelle
je veux que vous repartiez tous :

la façon dont nous pensons le sexe
et le genre aujourd'hui

est néfaste, oppressante et irréaliste,

et ça doit changer.

Ce n'est pas juste néfaste pour
les personnes trans comme moi,

ou les personnes intersexuées, ou
celles qui ne sont pas conformes.

C'est néfaste pour nous tous
en tant que société,

parce que cela nous affecte tous
de différentes façons.

Et lorsque les choses commencent à faire
du mal aux gens juste en existant,

nous devons nous arrêter et nous dire :
« Comment changeons-nous ça ? »

parce que nous pouvons le changer,
mais cela va demander un peu plus

que simplement aller à la Pride Parade
une fois par an pour y agiter un drapeau.

Vous devez vous élever contre l'injustice,

et vous devez confronter le préjudice
de façon active.

Vous devez nous aider
à déconstruire l'idée

que le sexe et le genre sont
des catégories binaires

et qu'elles sont inconditionnellement
liées,

parce que c'est ce qui cause le mal.

Avant de partir, j'aimerai saisir
cette chance pour rendre hommage

à toutes les personnes trans
qui se sont battues avant moi,

toutes les personnes trans qui n'ont pas
le même statut et privilège

que moi dans la société.

Je veux saisir cette chance
pour rendre hommage

à toutes les personnes trans
qui ont perdu la vie

à cause des préjudices,
de la discrimination et de la violence

que ces catégories binaires produisent.

Comme nous le disons dans la communauté
trans : « Reposez tous en pouvoir ».

(Applaudissements)