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Prévisiblement Irrationnel, les motivations humaines de base : Dan Ariely à TEDxMidwest

  • 0:12 - 0:17
    Alors, aujourd'hui je souhaite
    parler un peu de la motivation humaine.
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    Ce qui fait qu'on s'intéresse à quelque chose,
    qu'on agit, qu'on est actif.
  • 0:22 - 0:24
    Comme point de départ,
  • 0:24 - 0:26
    en particulier puisque nous sommes à Chicago,
    près de son université,
  • 0:26 - 0:29
    et du département d'économie de Chicago,
  • 0:29 - 0:34
    il me semble utile de voir que
    notre idée de base de la motivation humaine
  • 0:34 - 0:36
    est que nous voyons
    les individus comme des rats.
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    Les gens n'aiment pas travailler.
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    Si nous avions tout loisir de choisir
    ce que nous voulons faire,
  • 0:41 - 0:44
    nous serions quelque part sur une plage
    à siroter des mojitos.
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    Et la seule raison pour laquelle nous travaillons
    est que nous avons besoin d'argent,
  • 0:48 - 0:52
    afin de pouvoir un jour
    être sur une plage à siroter des mojitos.
  • 0:52 - 0:54
    (Rires)
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    Mais la motivation essentielle est
    de profiter de nos loisirs et de ne pas travailler,
  • 0:57 - 1:02
    tout le reste n'est
    qu'une distraction permettant d'y arriver.
  • 1:02 - 1:05
    Ce n'est pas un mauvais modèle,
    mais nous devons nous demander
  • 1:05 - 1:08
    si c'est une représentation correcte
    de la motivation humaine.
  • 1:08 - 1:12
    Est-ce bien cela qui nous fait agir
    et faire ce que nous faisons ?
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    Un défi auquel on peut réfléchir est l'alpinisme.
  • 1:16 - 1:19
    Si vous écoutez ces gens
    qui ont escaladé plusieurs sommets,
  • 1:19 - 1:22
    leurs descriptions, leurs histoires et leurs récits,
  • 1:22 - 1:26
    vous serez tenté de penser
    que c'est ce qu'il y a de plus pénible au monde.
  • 1:26 - 1:28
    Ces gens ont froid, souffrent de gelures,
  • 1:28 - 1:31
    ils ont du mal à respirer, c'est difficile.
  • 1:31 - 1:33
    J'ai escaladé un petit sommet
    dans l'Himalaya il y a plusieurs années
  • 1:33 - 1:35
    et on s'imagine qu'une fois au sommet,
  • 1:35 - 1:38
    on s'assiéra pour admirer la vue.
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    Non. Il fait froid, c'est pénible, on est épuisé.
  • 1:41 - 1:47
    Tout ce qu'on veut, c'est descendre de là
    le plus vite possible. (Rires)
  • 1:47 - 1:48
    Si on réfléchis à ce comportement,
  • 1:48 - 1:53
    on se dit : voilà quelque chose
    dont chaque instant semble être une souffrance,
  • 1:53 - 1:55
    qui ressemble à un châtiment,
  • 1:55 - 1:58
    or, les gens redescendent
    et tout ce qu'ils veulent, c'est remonter.
  • 1:58 - 2:01
    Ils veulent d'abord se remettre de l'expérience,
    mais ensuite ils veulent remonter.
  • 2:01 - 2:03
    Comment cette idée cadre-t-elle
    avec notre notion
  • 2:03 - 2:05
    de gens assis sur une plage à boire des mojitos ?
  • 2:05 - 2:08
    C'est à croire que les gens sont
    masochistes.
  • 2:08 - 2:10
    N'est-ce pas ? On veut se punir soi-même.
  • 2:10 - 2:14
    Ou alors, ce qui nous motive vraiment,
    ce n'est pas la relaxation,
  • 2:14 - 2:16
    ce n'est pas le confort, ce sont d'autres choses.
  • 2:16 - 2:19
    Il s'agit d'accomplissement,
    il s'agit de conquérir,
  • 2:19 - 2:24
    il s'agit de poursuivre un but,
    il s'agit d'atteindre un sommet.
  • 2:24 - 2:27
    Je me suis d'ailleurs intéressé à ce sujet
  • 2:27 - 2:31
    lorsqu'un de mes anciens étudiants
    est venu me voir.
  • 2:31 - 2:34
    Il s'appelait David, il avait quitté l'université
    quelques années auparavant
  • 2:34 - 2:38
    et était devenu consultant
    ou banquier à Wall Street.
  • 2:38 - 2:40
    Il travaillait pour une grosse banque
  • 2:40 - 2:43
    et il m'a dit qu'il avait travaillé plusieurs semaines
    sur une grosse présentation
  • 2:43 - 2:46
    pour une fusion qui allait avoir lieu.
  • 2:46 - 2:51
    Il avait travaillé le soir, fait des heures
    supplémentaires pour réaliser
    cette belle présentation
  • 2:51 - 2:52
    avec des statistiques,
    des graphiques et des descriptions.
  • 2:52 - 2:56
    Il était vraiment fier de son travail
    et ça lui avait vraiment plu.
  • 2:56 - 2:59
    Puis, il l'avait envoyée à son chef
    et son chef lui avait dit :
  • 2:59 - 3:01
    « David, excellent travail. La fusion est annulée. »
  • 3:01 - 3:05
    Il en était anéanti !
  • 3:05 - 3:08
    Ce qu'il y a d'intéressant là-dedans
  • 3:08 - 3:11
    c'est qu'il a dit que d'un point de vue fonctionnel,
    tout était très bien.
  • 3:11 - 3:15
    Il était là, il avait fait un bon travail,
    ça lui avait plu de le faire,
  • 3:15 - 3:19
    son chef avait apprécié et il était certain
  • 3:19 - 3:21
    d'obtenir une augmentation le moment venu.
  • 3:21 - 3:26
    Mais en même temps,
    il n'arrivait plus à y mettre du sien.
  • 3:26 - 3:31
    A ce moment-là, il travaillait sur un autre document
    et il n'arrivait à y mettre autant de lui-même.
  • 3:31 - 3:34
    Alors, la question est : que lui est-il arrivé ?
    Qu'est-ce que c'est ?
  • 3:34 - 3:39
    Tout le fonctionnel allait bien,
    mais il manquait quelque chose.
  • 3:39 - 3:42
    Alors, pour me pencher là-dessus, j'ai décidé de faire quelques petites expériences.
  • 3:42 - 3:46
    Dans les expériences avec lesquelles nous avons
    commencé, il s'agissait de construire des Bionicles.
  • 3:46 - 3:50
    Les Bionicles sont des petits robots
    en Légo d'environ quarante pièces
  • 3:50 - 3:52
    à construire.
  • 3:52 - 3:55
    Nous avons fait venir des gens
    au Centre universitaire
  • 3:55 - 3:58
    et nous leur avons dit : « Ça vous dirait
    d'être payé pour construire des Légos ? »
  • 3:58 - 4:02
    « Vous voulez construire le premier ?
    On vous en donne trois dollars. »
  • 4:02 - 4:05
    Quand ils ont eu fini le premier, nous leur avons
    demandé : « Vous voulez en construire un autre ? »
  • 4:05 - 4:08
    « Pour celui-ci, on vous donne 2,70 $. »
  • 4:08 - 4:11
    « Quand vous aurez fini,
    vous en voulez un autre pour 2,40 $ ? »
  • 4:11 - 4:12
    2,10 $
  • 4:12 - 4:13
    1,80 $
  • 4:13 - 4:15
    Et cetera, pour une rémunération dégressive.
  • 4:15 - 4:18
    Et les gens décidaient en gros
    quand ils voulaient arrêter.
  • 4:18 - 4:20
    A quel moment l'argent qu'ils gagnaient
  • 4:20 - 4:23
    en construisant des Légos ne valait pas
    le temps qu'ils y consacraient.
  • 4:23 - 4:25
    Et nous l'avons fait
    dans deux conditions distinctes.
  • 4:25 - 4:28
    La première était celle
    que je viens de vous décrire.
  • 4:28 - 4:32
    Les gens ont construit des Légos
    l'un après l'autre, encore et encore
  • 4:32 - 4:35
    et lorsqu'ils ont fini
    de construire tous ces Légos,
  • 4:35 - 4:36
    lorsqu'ils ont fini de construire chaque Légo,
  • 4:36 - 4:38
    on les prenait, on les mettait sous le bureau
  • 4:38 - 4:40
    et on leur disait que
    lorsqu'ils auraient l'expérience entière
  • 4:40 - 4:43
    on les prendrait, on les remettrait en pièces
  • 4:43 - 4:46
    et on les rangerait dans les boîtes
    pour le participant suivant.
  • 4:46 - 4:49
    C'est que nous appelons
    la condition « porteuse de sens. »
  • 4:49 - 4:56
    Pas un sens profond, nous sommes
    des universitaires, mais un léger sens. (Rires)
  • 4:56 - 5:02
    La deuxième expérience, nous l'avons appelée
    la condition « sisyphique. »
  • 5:02 - 5:05
    Dans cette expérience, les gens
    commençaient à construire un Légo
  • 5:05 - 5:07
    et lorsqu'ils avaient fini celui-ci,
    on les leur enlevait
  • 5:07 - 5:09
    et on leur disait :
    « Vous voulez en construire un autre ? »
  • 5:09 - 5:12
    Et s'ils voulaient en construire un autre,
    on leur donnait le deuxième,
  • 5:12 - 5:14
    mais alors qu'ils travaillaient sur le deuxième,
  • 5:14 - 5:17
    on défaisait le premier sous leurs yeux.
  • 5:17 - 5:22
    Et s'ils voulaient en construire un troisième,
    on leur redonnait celui-ci.
  • 5:22 - 5:26
    C'était donc un recyclage total.
  • 5:26 - 5:30
    Nous avons appelé cette condition
    « sisyphique » d'après Sisyphe
  • 5:30 - 5:33
    qui poussait un rocher vers le sommet
    de la même colline, encore et encore.
  • 5:34 - 5:36
    On peut se demander dans quelle mesure
  • 5:36 - 5:38
    Sisyphe était démotivé par le fait
  • 5:38 - 5:40
    de pousser le même rocher
    sur la même colline
  • 5:40 - 5:43
    par opposition à
    une colline différente à chaque fois.
  • 5:43 - 5:46
    Donc, construire quelque chose,
    le voir détruit
  • 5:46 - 5:48
    sous vos yeux et le reconstruire
  • 5:48 - 5:52
    semble un élément essentiel
    pour manquer de motivation.
  • 5:52 - 5:54
    Et voilà ce que nous avons trouvé :
  • 5:54 - 5:57
    en condition porteuse de sens,
    les gens ont construit environ onze robots
  • 5:57 - 6:00
    et en condition sisyphique,
    ils en ont construit sept.
  • 6:00 - 6:03
    Nous avons également demandé
    à des gens qui n'ont pas participé
  • 6:03 - 6:05
    à l'expérience de prédire
    ce que feraient les participants.
  • 6:05 - 6:09
    Combien de robots en plus seraient construits
    en condition porteuse de sens
    qu'en condition de Sisyphe.
  • 6:09 - 6:13
    Et les gens ont deviné juste mais
    en sous-estimant largement l'effet produit.
  • 6:13 - 6:15
    Les gens pensaient que la différence
    serait d'environ un robot
  • 6:15 - 6:19
    mais la différence était bien supérieure.
  • 6:19 - 6:22
    Donc, nous comprenons tous
    que le sens est important
  • 6:22 - 6:26
    mais nous en sous-estimons
    radicalement l'importance.
  • 6:26 - 6:29
    Je peux vous dire aussi que j'ai récemment fait
    une intervention dans une grosse boîte informatique.
  • 6:29 - 6:33
    Et dans cette boîte, un groupe de gens
  • 6:34 - 6:36
    travaillait depuis deux ans
    sur un produit précis
  • 6:36 - 6:39
    et ils trouvaient que c'était
    le meilleur produit pour cette entreprise.
  • 6:39 - 6:41
    Et après deux ans de travail dessus,
  • 6:41 - 6:45
    la semaine avant mon intervention,
    le directeur général a annulé le projet.
  • 6:45 - 6:50
    Je n'ai jamais vu un groupe de gens
    aussi démotivés de toute ma vie.
  • 6:50 - 6:54
    Et ils m'ont tous dit qu'ils avaient l'impression
    de faire partie de cette expérience de Légo.
  • 6:54 - 6:57
    Ils avaient travaillé longtemps et
    on avait détruit quelque chose sous leurs yeux.
  • 6:57 - 7:02
    Et je crois que leur chef a fait la même erreur
    que dans notre expérience de prédiction,
  • 7:02 - 7:05
    en cela qu'il a compris que le sens
    a probablement son importance
  • 7:05 - 7:06
    mais il n'en a pas saisi l'ampleur.
  • 7:06 - 7:11
    et on se retrouve avec un groupe de gens
    qui étaient complètement démotivés... et tout ça.
  • 7:13 - 7:18
    Il y avait un autre aspect intéressant
    dans cette expérience :
  • 7:18 - 7:20
    si on prend la corrélation entre la mesure
  • 7:20 - 7:23
    dans laquelle les gens aiment les Légos
    à la base et leur persévérance,
  • 7:23 - 7:26
    on pourrait s'attendre à ce que les gens
    qui aiment les Légos en construisent plein
  • 7:26 - 7:28
    et ceux qui n'aiment pas ça en construisent peu ;
  • 7:28 - 7:30
    il y aurait une certaine différence individuelle.
  • 7:30 - 7:32
    Et en effet, il y a eu des différences individuelles.
  • 7:32 - 7:35
    En condition porteuse de sens, les gens
    qui aimaient les Légos en ont construit plus
  • 7:35 - 7:37
    et les gens qui n'aimaient pas ça
    n'en ont pas construit autant.
  • 7:37 - 7:41
    En condition sisyphique,
    la corrélation était nulle.
  • 7:41 - 7:45
    Ce qui indique que nous avons en fait
    étouffé la moindre goutte de plaisir
  • 7:45 - 7:48
    que ces gens prenaient
    normalement avec les Légos.
  • 7:48 - 7:51
    Les gens viennent avec un goût
    pour les Légos, certains,
  • 7:51 - 7:53
    et nous avons réussi à réduire ça à néant...
  • 7:53 - 7:58
    (Rires)
  • 7:59 - 8:02
    Dans l'expérience suivante,
    nous voulions trouver
  • 8:02 - 8:06
    l'impact de différences encore plus légères.
  • 8:06 - 8:10
    Alors on a donné des pages avec des tas
    de lettres dessus et on a demandé :
  • 8:10 - 8:12
    « Trouvez deux lettres identiques consécutives. »
  • 8:12 - 8:15
    Les suites étaient aléatoires
    et nous avons fait la même chose :
  • 8:15 - 8:17
    on les a payés plus pour la première page,
    moins pour la suivante, etc.,
  • 8:18 - 8:21
    et ce dans trois conditions.
  • 8:21 - 8:25
    Dans la première condition, chaque fois qu'on me
    donnait une feuille, si je conduisais l'expérience,
  • 8:25 - 8:28
    je demandais à la personne d'écrire son nom
    en haut, je regardais la feuille comme ça,
  • 8:28 - 8:32
    je disais « Ah ! » et je la mettais sur la pile.
  • 8:32 - 8:35
    Dans la deuxième condition,
    on n'écrivait pas son nom sur la feuille.
  • 8:35 - 8:38
    Je prenais simplement la feuille et,
    sans la regarder,
  • 8:38 - 8:41
    je la mettais sur la grande pile :
  • 8:41 - 8:43
    pas de reconnaissance,
    je la posais, c'est tout.
  • 8:43 - 8:46
    Dans la troisième condition,
    quand on me donnait une feuille,
  • 8:46 - 8:51
    je la passais immédiatement
    à la déchiqueteuse. (Rires)
  • 8:51 - 8:58
    La question est donc dans quelle mesure
    les gens travailleraient dans ces trois conditions.
  • 8:58 - 9:00
    Ce que je vais vous montrer ici est la somme
  • 9:00 - 9:02
    minimum pour laquelle des gens sont prêts à travailler,
  • 9:02 - 9:07
    combien de temps ça a duré. Donc une petite somme
    indique que les gens ont plus apprécié.
  • 9:07 - 9:09
    Nous avons eu une reproduction
    du premier résultat.
  • 9:09 - 9:11
    En condition avec reconnaissance,
    si vous dites « Ah ! »,
  • 9:11 - 9:15
    les gens sont prêts à travailler
    jusqu'à 0,15 $ par page,
  • 9:15 - 9:16
    un tarif vraiment bas.
  • 9:16 - 9:20
    En condition avec déchiqueteuse,
    ils voulaient le double.
  • 9:20 - 9:23
    Et la question est : que se passe-t-il
    en condition avec ignorance ?
  • 9:23 - 9:25
    Est-ce que la condition avec ignorance
    est comme celle avec déchiqueteuse ?
  • 9:25 - 9:27
    Est-elle comme celle avec reconnaissance ?
    Est-elle quelque part au milieu ?
  • 9:28 - 9:31
    Il s'avère qu'elle était très similaire
    à celle avec déchiqueteuse.
  • 9:31 - 9:34
    Donc si vous voulez vraiment démotiver
    quelqu'un, déchiqueter son travail
  • 9:34 - 9:37
    est très efficace. (Rires)
  • 9:37 - 9:39
    Mais il s'avère que de simplement l'ignorer
  • 9:39 - 9:45
    donne déjà de très bons résultats.
    En fait, presque... (Rires)
  • 9:48 - 9:50
    Voilà donc une partie de la motivation :
  • 9:50 - 9:54
    trouver un sens à ce que l'on fait
  • 9:54 - 9:57
    et la reconnaissance, et tout ça.
    Et on a surtout fait ça
  • 9:57 - 9:59
    en détruisant la motivation des gens.
  • 10:00 - 10:02
    Réfléchissons un instant à l'autre partie,
  • 10:02 - 10:04
    c'est-à-dire comment
    on peut rendre les gens plus motivés.
  • 10:04 - 10:07
    Comment faire faire plus aux gens.
  • 10:07 - 10:12
    L'idée m'est venue après être allé chez Ikea.
  • 10:12 - 10:16
    Je ne sais pas vous, mais moi j'aime Ikea, mais
    à chaque fois que je prends un meuble chez eux,
  • 10:16 - 10:21
    je me retrouve à mettre bien plus de temps
    que je m'y attendais pour l'assembler
  • 10:21 - 10:24
    et le mode d'emploi n'est pas clair.
  • 10:24 - 10:27
    Souvent, j'assemble une partie et puis
    je dois défaire ce que j'ai fait.
  • 10:27 - 10:32
    Et quand je dois deviner quelque chose, je crois
    que je me trompe plus de la moitié du temps.
  • 10:32 - 10:34
    Et d'autres choses comme ça. L'idée c'est :
  • 10:34 - 10:41
    qu'est-ce qu'on obtient ? Est-ce que j'apprécie
    mon meuble davantage ?
  • 10:41 - 10:43
    Le fait que je doive l'assembler,
    que je le crée,
  • 10:43 - 10:49
    est-ce que ça crée un attachement particulier
    entre moi et mon meuble ?
  • 10:49 - 10:51
    J'appelle ça « l'effet Ikea. »
  • 10:51 - 10:56
    Les préparations pour gâteaux
    ont déjà montré ça.
  • 10:56 - 10:58
    Quand les préparations pour gâteaux
    sont apparues dans les années 50,
  • 10:58 - 11:01
    les gens qui avaient inventé
    ces préparations ont été surpris
  • 11:01 - 11:03
    de voir qu'ils ne se vendaient pas.
  • 11:03 - 11:04
    Et la question est : pourquoi ?
  • 11:04 - 11:08
    Les pâtes à tarte se vendaient,
    les cookies se vendaient,
  • 11:08 - 11:12
    tout un tas de préparations toutes prêtes
    se vendaient, mais pas les gâteaux.
  • 11:12 - 11:17
    Une des théories était que les gens n'avaient
    peut-être pas grand-chose à faire pour ces gâteaux.
  • 11:17 - 11:23
    Peut-être que si on prend une préparation
    et qu'on y ajoute de l'eau
  • 11:23 - 11:25
    et qu'on la met au four et c'est tout
  • 11:25 - 11:29
    et que quelqu'un dit : « Ça c'est un gâteau ! »,
    on ne peut pas en tirer de satisfaction.
  • 11:29 - 11:31
    Peut-être que c'était le fait
    que ça ne demandait pas
  • 11:31 - 11:34
    autant de travail qui rendait les préparations
    pour gâteaux si peu attrayantes.
  • 11:34 - 11:37
    C'est ce qu'on a appelé la « théorie de l'œuf. »
  • 11:37 - 11:40
    Pour tester ça, on a enlevé
    les œufs de la préparation.
  • 11:40 - 11:43
    Tout d'un coup la préparation était la même,
  • 11:43 - 11:45
    il fallait seulement ajouter des œufs et du lait.
  • 11:46 - 11:51
    Que s'est-il passé ? Les préparations
    pour gâteaux se sont beaucoup mieux vendues.
  • 11:51 - 11:56
    D'une certaine manière, devoir travailler
    à quelque chose rend cette chose plus attrayante.
  • 11:56 - 11:58
    Nous avons décidé d'essayer ça.
  • 11:58 - 12:00
    Nous avons donc donné à des gens
    des instructions pour faire de l'origami.
  • 12:00 - 12:04
    En haut, vous avez...
  • 12:04 - 12:07
    (Rires)
  • 12:07 - 12:09
    ...en haut, vous avez une liste
    de ce que les symboles signifient
  • 12:09 - 12:12
    puis vous avez une liste
    d'instructions pour faire de l'origami.
  • 12:12 - 12:14
    Ce n'est pas si facile.
  • 12:14 - 12:16
    Nous avons demandé à des gens de faire ça.
  • 12:16 - 12:19
    Et que s'est-il passé ?
    Les gens ont créé des trucs
  • 12:19 - 12:21
    qui ne ressemblaient pas vraiment
    à ce qu'ils étaient censés obtenir.
  • 12:21 - 12:25
    Ce n'étaient pas des experts de l'origami.
  • 12:25 - 12:29
    Mais si on regardait la valeur
    que les gens attribuaient aux origamis,
  • 12:29 - 12:31
    il y avait des sortes d'enchères
    et les gens pouvaient donner des prix, etc.,
  • 12:31 - 12:36
    il s'avère que les gens
    qui n'avaient pas réalisé d'origamis
  • 12:36 - 12:38
    trouvaient que l'origami présenté
    n'était pas génial
  • 12:38 - 12:41
    et ceux qui avaient réalisé les origamis
    les trouvaient fantastique.
  • 12:41 - 12:44
    Les gens qui avaient réalisé
    les objets les trouvaient formidables.
  • 12:44 - 12:46
    Mais, de plus, les gens
    qui avaient réalisé les origamis,
  • 12:46 - 12:51
    lorsqu'on leur demandait de prédire
    à combien les autres les estimeraient,
  • 12:51 - 12:55
    ils pensaient qu'ils les estimeraient
    autant qu'eux-mêmes.
  • 12:55 - 12:57
    Donc, ce qui s'est passé c'est que
    non seulement les gens qui ont réalisé des origamis
  • 12:57 - 13:00
    trouvaient qu'ils étaient excellents,
  • 13:00 - 13:04
    mais ils pensaient aussi
    que les autres les verraient d'un même œil.
  • 13:04 - 13:07
    Nous avions aussi une autre condition
    qui nous ramène à Ikea :
  • 13:07 - 13:10
    certaines personnes avaient
    des instructions faciles
  • 13:10 - 13:13
    et pour d'autres on a caché
    la partie supérieure
  • 13:13 - 13:18
    de sorte qu'ils n'avaient pas les règles
    expliquant le fonctionnement
  • 13:18 - 13:21
    et, sans surprise, leurs origamis
    étaient encore pire,
  • 13:21 - 13:23
    bien plus moches. (Rires)
  • 13:23 - 13:26
    Qu'en est-il des évaluations ?
  • 13:26 - 13:30
    Ceux qui les avaient réalisés trouvaient qu'ils étaient
    meilleurs que ceux qui ne faisaient que les évaluer.
  • 13:30 - 13:35
    Mais ceux qui avaient eu les instructions difficiles
    les aimaient encore plus.
  • 13:35 - 13:38
    Tout d'un coup, ils y avaient mis plus d'eux-mêmes,
    c'était plus difficile, plus stimulant,
  • 13:38 - 13:40
    ils avaient d'autant plus adoré.
  • 13:40 - 13:43
    Et les gens qui évaluaient ?
  • 13:43 - 13:48
    Ils les aimaient d'autant moins, parce qu'ils étaient
    objectivement plus moches. (Rires)
  • 13:51 - 13:53
    Je crois qu'on peut trouver une bonne métaphore
    en pensant aux enfants.
  • 13:53 - 13:58
    Voici d'ailleurs mes enfants.
  • 13:58 - 14:03
    Imaginez que je vous demande :
    « A quel prix me vendriez-vous vos enfants ? »
  • 14:03 - 14:05
    Imaginez que je puisse
    effacer vos souvenirs,
  • 14:05 - 14:07
    vos pensées et vos émotions
    au sujet de vos enfants.
  • 14:07 - 14:10
    Combien faudrait-il que
    je vous donne en compensation ?
  • 14:10 - 14:15
    La plupart des gens, dans un bon jour,
    demanderaient une somme énorme.
  • 14:15 - 14:20
    Ou imaginez que n'avez pas d'enfants
    et vous allez à une aire de jeux pour enfants
  • 14:20 - 14:22
    et vous rencontrez des enfants avec qui
    vous jouez pendant quelques heures
  • 14:22 - 14:25
    et après quelques heures,
    vous les connaissez bien
  • 14:25 - 14:27
    et au moment de dire au revoir,
    les parents de ces enfants vous disent :
  • 14:28 - 14:33
    « Au fait, ils sont à vendre, si ça vous dit. »
    (Rires)
  • 14:33 - 14:36
    Combien donneriez-vous ?
  • 14:36 - 14:39
    La plupart d'entre nous se dirait
    « pas tant que ça »
  • 14:39 - 14:43
    parce que le fait est... (Rires)
  • 14:47 - 14:51
    ...le fait est que nous apprécions nos enfants
    en grande partie parce que ce sont les nôtres.
  • 14:51 - 14:53
    Et un peu comme pour les meubles Ikea,
    c'est parce que
  • 14:53 - 14:56
    ce sont les nôtres et que
    nous avons tant fait pour eux
  • 14:56 - 14:58
    et parce que c'est dur,
    complexe et difficile,
  • 14:58 - 15:04
    le mode d'emploi n'est pas clair,
    et tout ça. (Rires)
  • 15:04 - 15:06
    Donc, ce que je souhaite proposer, c'est que
  • 15:06 - 15:10
    nous avons ce modèle de travail
    incroyablement simpliste :
  • 15:10 - 15:13
    la motivation c'est la rémunération,
    et c'est à peu près tout.
  • 15:13 - 15:15
    Si vous pensez à ce qui se passe
    sur le lieu de travail
  • 15:15 - 15:18
    c'est en gros le modèle qu'on utilise.
  • 15:18 - 15:20
    Mais ce n'est pas le bon modèle.
  • 15:20 - 15:23
    En fait, si vous pensez à quoi que ce soit
    que vous voyez dans le monde,
  • 15:23 - 15:27
    c'est très dur de se dire que ce modèle
    est une bonne description du comportement humain.
  • 15:27 - 15:31
    Ce n'est pas rien,
    mais ce n'est résolument pas
  • 15:31 - 15:32
    une bonne description de ce qui se passe.
  • 15:32 - 15:35
    En réalité, nous avons plein d'autres choses :
  • 15:35 - 15:40
    nous avons le sens,
    la sensation de création, les défis, etc.
  • 15:40 - 15:43
    Et à moins de comprendre
    ces différents éléments,
  • 15:43 - 15:47
    je ne crois pas qu'on puisse
    créer un bon environnement.
  • 15:47 - 15:51
    Maintenant, juste une remarque en passant.
    On peut utiliser l'argent
  • 15:51 - 15:54
    pour satisfaire d'autres motivations.
  • 15:54 - 15:57
    Par exemple, on peut utiliser
    la fierté et rendre les gens fiers
  • 15:57 - 15:59
    de la somme d'argent qu'ils gagnent.
  • 15:59 - 16:01
    On peut utiliser la réussite,
    on peut utiliser la compétition.
  • 16:01 - 16:04
    L'argent peut être un substitut
    à toutes ces autres motivations
  • 16:04 - 16:09
    mais ça ne signifie pas que le lien
    avec ces autres motivations est inhérent.
  • 16:09 - 16:12
    Les êtres humains sont complexes et il y a
    de nombreuses choses qui nous font avancer,
  • 16:12 - 16:14
    comme dans l'alpinisme.
  • 16:14 - 16:16
    Et réduire tout ça au simple salaire
    que l'on reçoit
  • 16:16 - 16:19
    n'est pas le bon modèle.
  • 16:19 - 16:21
    Pour finir, je voulais vous dire quelque chose
  • 16:21 - 16:24
    sur Adam Smith contre Karl Marx.
  • 16:24 - 16:29
    Adam Smith avance cette notion
    d'efficacité sur le lieu de travail.
  • 16:29 - 16:33
    Selon cette notion, si on prend
    l'exemple de la fabrication d'une épingle,
  • 16:33 - 16:38
    à l'époque, et qu'on demande : « Quelle est
    la manière efficace de fabriquer une épingle ? »
  • 16:38 - 16:42
    il dit que si une personne réalise toutes les étapes
    de la fabrication, c'est effroyablement inefficace.
  • 16:42 - 16:47
    Mais si on prend 12 personnes et
    que chacune réalise une étape de cette fabrication,
  • 16:47 - 16:51
    tout d'un coup, ensemble, l'efficacité
    dans la production est énorme.
  • 16:51 - 16:54
    Et la production de l'usine peut être
    radicalement supérieure.
  • 16:54 - 16:59
    C'était la notion d'efficacité et de productivité.
  • 16:59 - 17:02
    Karl Marx, à l'inverse, avançait la notion
    de l'aliénation du travail :
  • 17:02 - 17:05
    quelle connexion ressentez-vous
    avec votre travail ?
  • 17:05 - 17:07
    Si on prend la fabrication d'une épingle
  • 17:07 - 17:09
    et qu'on en fait douze étapes,
    une pour chaque personne,
  • 17:09 - 17:13
    quelle connexion ressentiront ces personnes,
    si elles font la même chose sans arrêt,
  • 17:13 - 17:15
    toute la journée, sans voir la progression
  • 17:15 - 17:18
    ou la création du produit fini
    résultant de leur travail.
  • 17:19 - 17:25
    Et il me semble qu'à l'ère pré-industrielle,
    Adam Smith voyait juste ;
  • 17:25 - 17:28
    on peut tirer plus de valeur d'une efficacité accrue
  • 17:28 - 17:30
    qu'on ne le peut de l'aliénation du travail.
  • 17:30 - 17:35
    Mais cette époque est révolue, nous sommes
    aujourd'hui à l'ère de l'économie de la connaissance
  • 17:35 - 17:37
    pour un tas de choses qui nous touchent.
  • 17:37 - 17:41
    Et je crois que dans une économie de
    la connaissance, les choses se sont inversées.
  • 17:41 - 17:44
    Si on dit : « Prenons une tâche,
    de la programmation, construire un ordinateur,
    quoi que ce soit,
  • 17:44 - 17:49
    et décomposons-la en plein de petites tâches
    pour rendre tout ça plus efficace. »
  • 17:49 - 17:53
    Peut-être qu'on aurait plus d'efficacité
    dans le monde selon Adam Smith
  • 17:53 - 17:59
    mais aurait-on le même progrès,
    le même intérêt, la même motivation, le même sens ?
  • 17:59 - 18:02
    Et peut-être que ce qu'on fait
    est simplement la mauvaise approche :
  • 18:02 - 18:04
    on prend de grandes tâches
    et on essaie de les diviser
  • 18:04 - 18:07
    en plein de choses ; on se fait du mal.
  • 18:07 - 18:11
    Donc, je pense que les choses
    sont aujourd'hui inversées.
  • 18:11 - 18:13
    Une dernière remarque.
  • 18:13 - 18:17
    Je crois que nous pouvons faire
    beaucoup de choses pour motiver les gens.
  • 18:17 - 18:20
    Je crois que nous pouvons faire des choses
    pour motiver les gens et pour faire bien plus
  • 18:20 - 18:23
    mais au moins, je pense, nous devrions
    essayer de ne pas reproduire
  • 18:23 - 18:25
    l'expérience des Légos
    dans la vie de tous les jours.
  • 18:25 - 18:28
    Au moins, nous devrions essayer
    de ne pas abaisser la motivation des gens
  • 18:28 - 18:31
    ce qui, me semble-t-il, est quelque chose
    que nous faisons bien trop souvent.
  • 18:31 - 18:32
    Merci beaucoup !
  • 18:32 - 18:34
    (Applaudissements)
Title:
Prévisiblement Irrationnel, les motivations humaines de base : Dan Ariely à TEDxMidwest
Description:

Auteur à succès et professeur d'économie comportementale, Dan Ariely plonge dans l'essence de la motivation humaine. Ses expériences aussi simples qu'ingénieuses dévoilent des vérités universelles sur l'irrationalité humaine et sur comment améliorer la motivation.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
18:44

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