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Nous étions des soldats pour la libération nationale des Pays Catalans, point.
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Terra Lliure a marqué une étape, a éveillé les consciences de beaucoup de gens...
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C'était un sujet qui préoccupait les gens...
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Il ne devait pas y avoir de lutte armée. Ils ont donc fait leur possible pour empêcher cela.
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Terra Lliure est l'organisation qui a ouvert la voie à l'indépendantisme actuel.
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L'indépendantisme n'existerait pas si Terra Lliure n'avait pas existé.
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Ce matin, deux jeunes ont fait plusieurs graffitis
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aux sièges de Barcelone de la chaîne COPE et du journal "El País".
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La Garde urbaine les a arrêtés. Il s'agit de deux mineurs de 16 et 17 ans...
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qui ont écrit sur la façade de la COPE, dans la rue Diputació de Barcelone...
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"Terra Lliure reviendra"
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ainsi que "fascistes" et "nazis".
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Les jeunes, qui ont été...
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Ce graffiti a été fait à la fin de l'année 2005.
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Dix ans après la dissolution définitive de l'organisation armée.
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Quel sens a Terra Lliure pour ces deux jeunes et pourquoi
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revendiquent-ils son nom aujourd'hui encore ?
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Terra Lliure est née en 1979 et a été officiellement dissoute en 1995.
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Au cours de ces 16 années, l'organisation a commis plus de 200 actions armées.
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Des actions qui ont fait des dizaines de blessés
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et un mort.
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Les nombreuses opérations de police réalisées contre l'organisation
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se sont soldées par plus de 300 arrestations
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et un activiste a été tué par la police.
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Trois autres activistes ont été tués par leurs propres engins explosifs.
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Tout s'est terminé par l’auto-dissolution en 1995.
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Le gouvernement espagnol l'a confirmé un an plus tard, le 8 mars 1996.
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Ce jour-là, le dernier conseil des ministres présidé par Felipe González
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a gracié tous les indépendantistes
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emprisonnés ou condamnés pour avoir fait partie de Tierra Lliure.
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C'était le point final à seize années d'un indépendantisme armé
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qui est aujourd'hui encore revendiqué comme un symbole par certains secteurs.
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Mais qu'était réellement Terra Lliure ?
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Le contexte de base est la transition politique
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qui a lieu après la mort de Franco.
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Le dictateur est mort en disant qu'il laissait tout "ficelé et bien ficelé".
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Il s'agissait de barrer le chemin à cette transition,
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d'essayer de lui mettre des bâtons dans les roues
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et, d'autre part, de bâtir une alternative réellement indépendantiste
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avec des gens qui s'opposent à cela.
En gros, c'est comme ça que ça a commencé.
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Parallèlement, des gens ont créé
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une structure, petite au début,
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de combat plus direct. Et c'est de là qu'est née Terra Lliure.
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C'est à la fin du franquisme que commence à apparaître l'idée
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qu'une organisation armée est nécessaire ici.
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Je crois que la décision a proprement parler vient
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de quelque chose que nous avons appelé, un peu de façon humoristique,
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"Les révolutions de Fontpedrosa",
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parce qu'elle a été prise ici, à Fontpedrosa.
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Et cela a donné lieu à un petit livre
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intitulé "Qu'est-ce que le PSAN provisoire".
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C'était après la scission du PSAN.
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C'est donc là qu'elle se définit d'une certaine façon
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en disant qu'une lutte nationale a toujours une composante armée.
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Le PSAN-P était le Parti socialiste de Libération nationale
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branche provisoire.
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L'une des deux branches issues de la division du PSAN en 1976.
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À la fin des années 70 il sortirait du PSAN-P
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la formation politique : Independentistes dels Països Catalans, IPC,
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ainsi que les fondateurs de l'organisation armée Terra Lliure.
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C'était les années de la réforme politique.
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Il faut être présent dans les grandes décisions.
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Si tu votes aujourd'hui, tu pourras décider demain.
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C'est le moment où le référendum sur la réforme politique a été approuvé,
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où ont eu lieu les premières élections,
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et le nouveau régime a voté une loi d'amnistie
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qui ne s'appliquait pas aux indépendantistes catalans.
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Elle ne s'appliquait pas aux indépendantistes, ce qui signifie que l'indépendatisme
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sera un des éléments qui subira le plus la répression à cette époque.
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Nous sommes les perdants de la transition.
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Oui, nous sommes les perdants de la transition parce que nous, nous voulions
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qu'il y ait une rupture avec le franquisme.
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Et ceux qui ont gagné, ce sont ceux qui voulaient qu'il y ait une continuité
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de l'appareil d'État, une continuité d'absolument tout.
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La volonté d'action qui était importante en Catalogne,
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pas seulement chez les forces politiques catalanes,
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ne passait pas par la violence.
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Elle ne passait pas par la violence.
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C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec cet argument selon lequel ils ont été
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disons cohérents. Tous les partisans de la violence
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ont été isolés, très minoritaires.
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¡Viva Cataluña! ¡Viva!
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La naissance de Terra Lliure a lieu
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au moment où s'achève la Transition,
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et il y a des groupes qui restent hors de cette Transition.
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À ce moment-là, il y a une situation curieuse où
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tout le mouvement anti-système de l'extrême gauche disparaît
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la mobilisation disparaît, le désenchantement arrive,
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et le seul mouvement extrême ou d'agitation radicale en Catalogne
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qui se maintient mais qui, en plus, se développe est l'indépendantisme radical.
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Terra Lliure est le résultat d'une tradition ancienne
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au sein de notre lutte politique
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qui est qu'à partir d'une idée nationale,
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les gens la poussent jusqu'à ses dernières conséquences.
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D'une certaine façon, Terra Lliure nous rappelle constamment que
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le peuple de Catalogne a le droit de se prononcer,
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non seulement parce qu'il n'a pas renoncé à l'autodétermination,
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mais essentiellement parce que les problèmes qui découlent du statut d'autonomie
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nous les voyons au quotidien.
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Il est vrai qu'une partie des indépendantistes, surtout
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la faction la plus radicale, n'apprécie pas la Transition.
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Ils rêvaient d'une transition différente, c'est pourquoi ils dérivent vers...
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Du fait que l'État les maintienne isolés,
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ils dérivent vers des positions plus radicales.
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Avec une certaine fascination pour le Pays Basque.
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Le choix du PSAN-P en faveur de la lutte armée était clair,
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mais pour passer de la théorie à la pratique, il fallait trouver
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des indépendantistes prêts à militer dans une organisation armée.
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Quand nous avons commencé, nous venions d'un petit groupe que nous avions créé
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disons de "kale borroka". Et le PSAN provisoire
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souhaitait faire quelque chose de plus sérieux avec la Charte de Brest.
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Nous avons essayé d'entamer des négociations avec l'ETA militaire,
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nous l'avions bien planifié avec la Charte de Brest.
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La Charte de Brest est une déclaration commune de plusieurs organisations
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indépendantistes de toute l'Europe, qui a permis de renforcer
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les contacts entre le PSAN-P et l'ETA.
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Des contacts qui serviraient à structurer la future Terra Lliure.
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Les premières discussions que nous avons eues avec l'ETA militaire pour qu'ils nous donnent
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des notions ont eu lieu avec "Argala".
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Nous l'avons rencontré deux fois à Lourdes.
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La troisième rencontre n'a pas été possible parce qu'il avait été tué.
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Mais c'était fait...
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C'était fait.
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Puis nous sommes partis à Noël 1978,
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tout était prêt pour aller en Euskadi.
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Nous sommes allés en Euskadi où nous attendaient Yoyes et Txomin,
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ce sont eux qui nous ont accueillis.
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Txomin a prononcé ces paroles sacrées que je n'oublierai jamais de ma vie.
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Il a tout de suite dit : "Bonjour"
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puis : "Un commando armé a une espérance de vie de trois mois".
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"Avec de la chance. D'ici trois mois, un ou deux de vous seront morts,
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un en exil et l'autre en tôle.
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Vous êtes prêts à continuer ?"
Ça, ça a été la douche froide
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à laquelle nous avons eu droit d'entrée.
À cette époque,
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nous avions 18, 19, 20 ans, nous étions ambitieux.
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Au cours de ces premiers contacts, les membres de la future Terra Lliure
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ont reçu les premiers cours de formation militaire,
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ainsi que les premières armes et les premiers explosifs.
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Ces cours et ces échanges d'armes
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ont eu lieu au Pays Basque français,
appelé Iparralde.
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C'est plus une relation politique
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qu'une relation strictement militaire, même s'il y a eu
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des échanges de matériel.
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Nous leur donnions des détonateurs et eux nous donnaient des armes,
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c'est en tout cas ce que j'ai vécu.
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On parle de l'analyse de la situation politique
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et du fait que plus il y a de points de conflit
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plus le post-franquisme espagnoliste
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va s'affaiblir.
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Tous les fondateurs de Terra Lliure sont d'accord pour affirmer
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qu'à part ces rencontres dans les années 70, il n'y a jamais eu d'autre collaboration avec l'ETA.
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Une fois les cours de formation militaire terminés
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au Pays Basque français, au début de 1979,
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le premier commando de ce qui deviendrait
Terra Lliure entrait en action.
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Mais ses premières actions se terminèrent tragiquement.
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À ses débuts, Terra Lliure a enrôlé énormément de jeunes.
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Bien sûr, une organisation jeune qui vient de naître et qui, à la première occasion,
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perd ses principaux leaders... Martí Marcó, mitraillé par la police,
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Fèlix Goñi, tué par l'explosion de sa bombe.
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Ceux qui restaient, en prison...
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Ça a été un coup très dur.
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Et ça a profondément marqué les consciences.
Nous avons dit : "On ne joue pas."
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Le 26 janvier 1979, alors que le commando s'apprêtait à commettre un braquage,
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Martí Marcó était abattu par la police.
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Cette mort obligea l'embryon de Terra Lliure à suspendre tous ses plans.
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De plus, le fait que Marcó soit un militant
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des Jeunesses d'Esquerra Republicana, déconcerta
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la police comme les partis politiques.
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Le premier mort de Terra Lliure était justement un militant des JERC,
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et pourtant Esquerra Republicana n'a pas voulu le revendiquer
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comme un combattant.
Ils ont essayé d'attribuer sa mort
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à des manœuvres étranges, un enlèvement par l'extrême droite, rien à voir.
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Quatre mois plus tard, le 2 juin 1979,
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le groupe reprenait ses activités et Fèlix Goñi perdait la vie
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dans l'explosion de l'engin explosif qu'il s'apprêtait à poser.
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Nous étions des soldats pour la libération nationale des Pays Catalans, point.
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Et nous obéissions aux ordres, c'est tout.
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Nous ne nous disions pas : "Merde, tu vas blesser quelqu'un". Nous étions des soldats.
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Nous recevions des ordres et nous obéissions
ou nous pouvions les discuter.
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C'était comme une armée plus démocratique dans laquelle on discute les ordres.
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"Écoute, on ne peut pas faire ça".
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Mais cette idée de... non, nous ne l'avions pas.
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S'il faut faire ça on le fait, c'est tout.
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Je crois que les militants de Terra Lliure
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avaient un raisonnement politique excessivement primaire.
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Il y avait beaucoup de volonté
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mais pratiquement aucune élaboration politique.
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Deux jours après la mort de Fèlix Goñi, la police
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arrêtait les autres membres de ce premier commando,
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qui était totalement démantelé.
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Mais ni les deux morts, ni les opérations de police
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qui suivirent ne freinèrent le processus de gestation de l'organisation armée.
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Je suis entré dans l'organisation armée
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alors que je n'avais pas encore, pour dire les choses comme ça, précisément de nom.
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Et à la fin de 1979, début 1980,
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motivé par des sensations qui m'avaient conduit à m'engager politiquement
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dans les années 70.
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Cette entrée de nouveaux militants coïncida avec l'apparition
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d'une nouvelle organisation politique de soutien :
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les Comités de Solidarité avec les Patriotes catalans.
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"Liberté, patriotes catalans !"
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"Liberté, patriotes catalans !
Liberté, patriotes catalans !"
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Il faut voir les Comités comme une relation essentiellement politique
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mais aussi humaine entre
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les personnes poursuivies, les détenus, les familles,
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les avocats, qui sont une pièce maîtresse dans ce type de processus,
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et le mouvement.
Dans ce cas, le mouvement politique.
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Si tu parviens à ce que des familles, des personnes poursuivies, des avocats
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et un mouvement politique avancent ensemble, comme ce fut notre cas
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(évidemment, nous avions un environnement qui nous était très favorable)
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ça représente un saut qualitatif important.
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Et c'est ce qui est arrivé à cette époque.
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"Les forces d'occupation dehors !"
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"Les forces d'occupation dehors !"
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Au moment où naît le Comité de Solidarité avec les Patriotes catalans,
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Terra Lliure se renforce.
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Et tandis que les Comités de Solidarité avec les Patriotes catalans
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travaillent à l'unification de l'environnement politique de la naissante Terra Lliure,
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les fondateurs du groupe armé accéléraient les contacts avec Època,
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une organisation armée, alors inactive,
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mais qui avait commis des dizaines d'attentats dans les années 70.
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Època signifiait Exèrcit Popular Català.
(Armée populaire catalane)
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Un groupe qui n'avait jamais revendiqué ses actions
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même si la police lui attribuait entre autres la mort
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du chef d'entreprise José María Bultó, en mai 1977,
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et celle de l'ancien maire franquiste de Barcelone,
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Joaquín Viola, en janvier 1978.
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Les opérations de police qui firent suite à ces deux assassinats
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permirent de démanteler une bonne partie de l'organisation.
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Dans les années 80, Època connaît des difficultés humaines.
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Il y a alors des gens qui partagent nos idées
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et nous partageons les leurs.
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Et nous décidons qu'il est mieux pour tous de faire une seule organisation,
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de mettre en commun notre expérience, nos outils, notre logistique, nos infrastructures,
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tout ensemble, et à Època
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nous décidons de continuer avec une autre organisation
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qui prendra ensuite le nom de Terra Lliure.
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C'est la confluence de deux lignes au sein de l'indépendantisme
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qui semblaient ne jamais pouvoir s'unir et qui
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le font, disons par le biais de l'action.
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C'est un peu la ligne du Front Nacional,
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puisqu'une bonne partie des gens d'Època, et surtout ceux qui rejoignent
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Terra Lliure, viennent du Font Nacional.
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Et de gens qui viennent du dynamisme plus de gauche,
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ou du socialisme, plus comme ceux qui venaient du PSAN provisoire.
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Ce que les gens d'Època qui ont atterri à Terra Lliure
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ont essayé de faire, de mon point de vue,
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c'est de faire un travail plus sérieux formellement,
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ce qui n'était pas le style de Terra Lliure à ses débuts.
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Je pense qu'à Època, il y a eu un mouvement de
60 à 100 personnes.
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Il était peut-être considéré comme le groupe armé de l'État espagnol
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le mieux armé, avec la meilleure logistique.
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Peut-être même plus que les Basques à cette époque.
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L'expérience militaire d'Època était très supérieure à celle de Terra Lliure.
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Cela s'explique par les origines d'Època.
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Une organisation clandestine qui, sans aucun mouvement politique
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qui la soutienne, s'était articulée autour de
Jaume Martínez Vendrell,
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dirigeant du Front Nacional de Catalunya et
ancien militaire.
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Jaume Martínez Vendrell avait fait partie de gens qui avaient affronté
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l'État les armes à la main,
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qui avaient résisté, qui avaient participé
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à la lutte contre le franquisme avec les forces alliées
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pour récupérer les libertés nationales de la Catalogne.
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Il y avait beaucoup de gens du Front qui n'étaient pas partisans de la lutte armée.
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Martínez Vendrell était un homme qui était apprécié
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pour ses caractéristiques personnelles.
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Même par ceux qui étaient totalement contre ses idées.
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C'était un homme apprécié.
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La police repéra les contacts entre Època
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le noyau fondateur de Terra Lliure.
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Et, entre la fin de 1979 et le début de 1980,
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elle arrêta trente indépendantistes accusés d'appartenance à bande armée.
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Mais, malgré ces arrestations, l'organisation consolida
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sa structure et, à la fin de 1980,
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prit officiellement le nom de Terra Lliure.
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Le nom de Terra Lliure est proposé
à un moment donné
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pour donner une identité à cette organisation qui se construisait.
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"Visca la terra, lliure!"
(Vive la terre, libre)
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"Visca la terra, lliure!"
"Vive, vive, vive Terra Lliure !"
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Elle utilise le mot "terre" comme patrie,
comme un endroit où
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les gens agissent.
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C'est un mot du XVII°,
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du XVI° siècle, je veux dire que dans ce cas
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c'est un lien historique.
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Et l'idée de liberté, qui est une idée
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très globale.
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Terra Lliure commença à revendiquer ses actions à la fin de 1980.
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Mais ce ne fut que le 21 mai 1981,
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avec sa neuvième action, que l'organisation armée bouleversa tout l'échiquier politique.
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Ce jour-là, Terra Lliure enleva
Federico Giménez Losantos,
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un des principaux initiateurs du Manifeste des 2300,
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un document qui dénonçait une prétendue persécution du castillan en Catalogne.
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Après des semaines de préparation et de surveillance, un commando
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de Terra Lliure composé de six militants reçut l'ordre de passer à l'action.
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Ils commencèrent à le suivre à Santa Coloma de Gramanet,
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où Losantos enseignait dans un collège,
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jusqu'à Barcelone.
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À un stop de la place Molina, deux activistes entrèrent
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dans la Simca 1000 de Losantos, le braquèrent avec leurs pistolets
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et prirent l'avenue Diagonal pour conduire sa voiture jusqu'à ce qui était alors
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un terrain vague à l'entrée d'Esplugues de Llobregat.
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Là, ils l'attachèrent à un arbre, lui tirèrent une balle dans la jambe droite
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et le menacèrent de mort s'il ne quittait pas le pays.
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Le contexte est le manifeste contre le catalan,
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les espagnolistes se sentent forts,
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Pour arrêter ces gens il fallait leur dire :
"Vous n'avez pas tous les droits."
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À un moment donné, il faut arrêter les choses.
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Et par conséquent, disons qu'un certain niveau de violence
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envers ces gens est nécessaire.
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Parce qu'ils ne comprennent que ce langage.
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Des gens comme Giménez Losantos ou d'autres personnes ingrates
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envers les Països Catalans, ce qu'il faut faire c'est les attraper
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et les sortir du pays.
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Cette action a fait l'objet d'une condamnation unanime
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en plus de dire : "Cela ne mène nulle part.
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Et, en plus, ça ne peut que nous porter préjudice."
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Je crois que l'action contre Losantos a été absolument négative,
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nous en avons la preuve chaque jour à la radio.
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Il est plus qu'évident que quand tu génères
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de la colère, des haines, il est ensuite très difficile d'arranger cela.
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Peu après l'attentat, Losantos écrivit une lettre au précédent Président
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de la Generalitat, Josep Tarradellas,
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pour lui faire part de son départ du pays
et de son renoncement
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diriger une candidature espagnoliste au
Parlement de Catalogne.
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Un mois seulement après cette action
le mouvement catalaniste
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Crida a la Solidaritat remplit le Camp Nou
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avec sa première grande manifestation publique,
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le concert géant "Som una Nació"
(Nous sommes une nation)
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initié par Lluís Llach.
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Terra Lliure en profita pour se présenter publiquement
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pour la première fois en lançant des milliers de tracts dans le public.
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"Avec cette fête, au milieu des chants et des danses,
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nous voulons réaffirmer aux quatre vents
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que nous sommes une nation."
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L'appel qui a été fait dans la stade du Barça
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se résume en quatre points faciles à comprendre
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et à reproduire, pour que les gens se les passent, etc.
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C'était ce que voulait cette organisation.
Et c'est ce qui a été fait.
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L'enlèvement de Losantos mobilisa la police.
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Le 3 décembre 1981, elle arrêtait 23 indépendantistes
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accusés de faire partie de Terra Lliure.
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C'était la première grande opération de police dirigée exclusivement contre
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cette nouvelle organisation
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qui devint alors un des objectifs prioritaires
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des forces de l'ordre de l'État en Catalogne.
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C'était un sujet de préoccupation.
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Mais surtout pour ceux qui avaient des responsabilités
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liées au gouvernement central, ici en Catalogne.
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Les nombreuses opérations de police du début des années 80
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permirent de démanteler une partie de l'infrastructure de Terra Lliure
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et provoquèrent les premières tensions internes lorsqu'il fallut redéfinir
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la stratégie de l'organisation.
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Dans ce contexte, la première assemblée de Terra Lliure se conclut par
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l'expulsion du secteur dirigé par Josep Serra Calasanz, alias "Cala"
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qui n'était pas d'accord avec la nouvelle direction de l'organisation.
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Ils l'ont expulsé de Terra Lliure
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parce qu'il y a, je crois, deux positions.
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Il y a une position qui définit la lutte armée comme moyen.
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Et il y a une autre position où la lutte armée finit par
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devenir l'objectif en soi.
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Il y a eu des pertes. J'ai dit : "Eh, du calme !"
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Il faut prendre contact avec le monde politique et leur dire :
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"Bon, voilà la situation.
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Vous devez agir pour que la situation puisse s'améliorer."
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Et d'autres qui ont dit : "Non, ça c'est une vision défaitiste de la situation.
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En réalité, ce que tu veux c'est te retirer, etc.,
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et t'en sortir sans dommages."
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La nouvelle direction de Terra Lliure décida de ne plus commettre d'enlèvements
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comme celui de Losantos et de se concentrer sur des attaques de commissariats,
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de casernes de la garde civile et d'organismes liés
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à l'État, du Trésor public au ministère de l'Emploi,
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en passant par les relais de la télévision espagnole.
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"Nous revendiquons ces actions comme faisant partie de la lutte du peuple
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travailleur catalan pour défendre sa terre.
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Les endroits où les bombes ont été posées sont :
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les bureaux de l'INEM, les équipements de la télévision espagnole,
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devant le bureau du centre des impôts,
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le centre de la compagnie électrique Fecsa,
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la succursale de la banque Hispano Americano,
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le centre des impôts à Valence, le consulat des États-Unis,
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devant le commissariat de...
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au commissariat de la police nationale...
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du monolithe dédié à Juan Carlos Ier...
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le siège de la compagnie d'assurances "La estrella"...
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une vieille caserne de la garde civile...
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une succursale de Banesto...
près du concessionnaire Citroën...
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près d'une résidence militaire..."
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D'abord tu crées une série de flashs, d'images.
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L'image que tu soutiens le mouvement antinucléaire,
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une autre que tu es contre les agences pour l'emploi par solidarité
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avec les gens au chômage, etc.
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Et tu touches différents secteurs sociaux.
À partir de là
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ce qu'il faut c'est donner de la cohérence et du corps à tout ça.
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Ce n'est pas par hasard, ce n'est pas parce que tu ne sais pas quoi faire les week-ends.
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Il y a vraiment un combat qui t'oppose à l'État
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et qui se manifeste par toutes ces actions.
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En 1984, bien que plus de 70 personnes aient été arrêtées
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pour appartenance à Terra Lliure,
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l'organisation parvint à reformer les commandos
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et réalisa un saut quantitatif avec 40 actions en une seule année.
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Ce fut alors que, pour la première, il fut décidé
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de réaliser également un saut qualitatif.
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Le débat portait sur le fait de passer de cette phase
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de propagande armée à la phase de lutte armée.
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Ce sont donc des idées de risques plus importants.
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Ces plans furent exposés au cours de la deuxième assemblée de Terra Lliure
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en janvier 1984.
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Cette assemblée permit d'approuver la déclaration de principes
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de l'organisation tout en créant "Alerta",
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le bulletin interne de Terra Lliure.
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C'est dans ce contexte qu'en juillet 1984 naissait le Mouvement de Défense de la Terre (MDT)
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l'organisation politique qui regroupait le PSAN et l'IPC.
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C'est le groupe qui unifie pendant deux ans, presque pour la première fois,
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ce secteur de l'indépendantisme radical
d'extrême gauche
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qui, curieusement, était le seul indépendantisme à cette époque.
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Il n'y avait pas de lien organique entre le MDT et Terra Lliure,
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et l'un n'était pas le bras armé de l'autre,
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ni le contraire, mais il y avait des objectifs communs
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et la conscience de faire partie d'un même mouvement.
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Et ça a été facile parce que Terra Lliure a justement
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été conçue comme une organisation, un instrument destiné à développer
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un mouvement politique. Et le fait que le MDT apparaisse
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a été positif pour Terra Lliure.
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Ça a été assumé comme le résultat obtenu par le succès d'une incidence
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durant quelques années.
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En 1984, l'indépendantisme radical se développa politiquement
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et il se développa par sa présence, dans la rue.
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"Fascistes, c'est vous les terroristes !"
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Mais le saut qualitatif prévu par la direction de
Terra Lliure
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ne put être mis en pratique car, en janvier 1985,
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la police arrêtait les principaux dirigeants de l'organisation.
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"Ces arrestations ont eu lieu suite à une opération
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de la police de Barcelone et de la police française
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qui a commencé le 19 avec l'arrestation à Puigcerdà de Carles Sastre,
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Montserrat Tarragó et Jaume Fernández Calvet."
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Dans notre cas, toute arrestation nous portait un coup parce que
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depuis que j'avais fui en 1981 alors qu'on essayait de m'arrêter
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jusqu'à ce moment, nous avions fonctionné sur la base que toute la coordination
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se faisait à travers nous, les militants de l'extérieur,
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et ça a fonctionné ainsi jusqu'à ce moment.
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Ceux qui faisaient cette coordination tombaient tous ensemble.
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Dans la pratique, l'organisation se retrouvait totalement démantelée.
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À partir de 1985 l'organisation connaît de plus en plus de difficultés.
-
Plus de difficultés au niveau organisationnel mais d'un autre côté
-
ça coïncide aussi avec un mouvement politique important
-
pour l'indépendantisme des Països Catalans.
-
Au moment où Terra Lliure commence à connaître des difficultés,
-
le mouvement politique se développe et il se produit un certain décalage
-
dans ce que seraient les courbes.
-
Il y a eu des pertes ou des arrestations d'indépendantistes
-
liés à l'organisation.
-
C'est-à-dire que les gens étaient descendus dans la rue.
-
À partir de 1985, il y a un saut qualitatif de la mobilisation dans la rue.
-
La radicalisation, on pourrait même dire l'esthétique,
-
le laisse pas indifférent en général.
-
Elle fait qu'un petit secteur social s'identifie à elle.
-
Ce qui est intéressant surtout, c'est la diffusion du drapeau étoilé, des graffitis...
-
Il apparaissait spontanément dans les lycées de toute la Catalogne
-
et de tous les Països Catalans des graffitis avec le nom de Terra Lliure.
-
Ce développement de l'indépendantisme combatif
-
fit que Terra Lliure cessa d'être un problème strictement policier
-
et devint aussi une préoccupation politique.
-
Le fait qu'il se développe politiquement comme cela s'était passé au Pays Basque
-
était moins préoccupant. Mais c'était quelque chose qu'il fallait observer,
-
obtenir des informations, savoir comment il évoluait.
-
C'était un sujet qui ne laissait pas indifférent le gouvernement
-
de la Generalitat. Je me souviens de conversations
-
avec les différents conseillers
-
et avec le président de la Generalitat lui-même,
Jordi Pujol.
-
J'ai toujours manifesté mon accusation et mon rejet
-
de Terra Lliure.
-
Terra Lliure aurait pu créer un problème à un moment donné,
-
un problème dans le sens où elle aurait pu être utilisée contre nous.
-
Pas un problème dans le sens où elle aurait fini
-
par avoir suffisamment de poids
-
pour parvenir à créer
-
une situation de violence ou d'affrontement,
-
de confrontation, de fracture du pays.
-
Dans ce sens, non.
-
Au milieu des années 80, les manifestations indépendantistes
-
rassemblent de plus en plus de gens.
-
Elles se terminent souvent en affrontements
avec la police.
-
Paradoxalement, ces démonstrations de force du MDT
-
avaient lieu juste au moment où Terra Lliure était structurellement plus faible.
-
Joaquim Sánchez Núñez, 21 ans, est mort dans l'explosion
-
d'une bombe dans la cabine téléphonique qui se trouve devant le n° 2
-
de la rue Aldana à Barcelone.
-
Joaquim Sánchez Núñez se trouvait dans la cabine et, selon la police,
-
c'est probablement lui qui avait placé l'engin explosif
-
car un pistolet a été retrouvé à proximité.
-
Quim Sánchez était le troisième activiste qui mourait en manipulant la bombe
-
qu'il voulait placer.
-
Un accident qui se produisait la même année que la mort du militant de Valence
-
Toni Villaescusa, après qu'un engin explosif lui explosa dans les mains.
-
Malgré les morts et les arrestations, l'organisation continua ses activités
-
et revendiqua une vingtaine d'actions en 1985,
-
principalement contre des agences pour l'emploi, des centres des impôts, des bureaux de Fecsa
-
ainsi que contre des commissariats et des casernes de la garde civile.
-
Entre 1985 et 1986, en plus de l'opération contre la direction
-
de Terra Lliure, la police arrêta 15 autres indépendantistes
-
accusés d'appartenir à l'organisation.
-
Au cours de ces années, le MDT et Crida a la Solidaritat
-
subissaient pour la première fois des attentats contre leurs sièges.
-
À 9 h 15 ce matin une bombe placée sur la porte
-
du siège du MDT dans la rue Fontanella à Barcelone a explosé.
-
La majorité de ces actions furent revendiquées par le groupe
-
d'extrême droite Milicia Catalana.
-
J'ai toujours perçu la répression comme
-
quelque chose de politique.
-
C'est-à-dire que le cadre légal essaie de dire que ce qu'il poursuit
-
est une activité illicite,
-
que c'est la lutte armée. Mais ce n'était pas
-
contre la lutte armée que s'exerçait le plus de pression.
-
Il le faisait aussi, mais je veux dire
-
qu'il cherchait plus intensément l'entourage politique
-
de l'indépendantisme.
-
Bonsoir. Une quinzaine de personnes sont mortes cette après-midi dans l'attentat
-
commis vers 16 h 10 dans l'hypermarché Hipercor
-
de l'avenue Meridiana de Barcelone.
-
28 autres personnes ont été admises dans différents hôpitaux,
-
dont 19 dans un état très grave.
-
Une personne a appelé le journal "Avui" au nom de l'ETA
-
pour prévenir qu'une bombe avait été placée à Hipercor
-
une quarantaine de minutes avant l'explosion.
-
L'attentat d'Hipercor a profondément bouleversé le mouvement.
-
Il a rendu la compréhension de ces formes de lutte beaucoup plus difficile
-
et a représenté un obstacle important.
-
L'ETA ne devait pas agir dans les Països Catalans.
-
Et il aurait dû être clair pour eux que ce n'est pas l'Espagne.
-
Et que s'ils voulaient agir ils auraient dû le faire contre les intérêts des Espagnols,
-
pas dans notre pays.
-
Deux mois plus tard seulement, dans la nuit du 11 septembre,
-
Terra Lliure faisait sa première et unique victime mortelle
-
au tribunal de Borges Blanques.
-
Emilia Aldomà, 62 ans, est morte alors qu'elle dormait lorsque le mur
-
qui séparait sa chambre du tribunal de Borges Blanques lui est tombé dessus.
-
Deux personnes sont entrées, ont placé une bombe sur le bureau du juge,
-
pour que ce soit plus symbolique,
-
et sont parties.
-
Malheureusement,
-
l'explosion a provoqué
-
l'effondrement d'un mur du tribunal qui était mitoyen
-
d'un logement
-
où dormait une dame. Le mur lui est tombé dessus et l'a tuée.
-
Il faut rejeter le terrorisme importé, qui vient d'ailleurs,
-
et celui qui peut naître entre nous.
-
Celui qui cherche à tuer des gens et celui qui, bien qu'il ne le veuille pas, tue aussi.
-
Comme c'est arrivé dans ce cas, qui a aussi tué.
-
Dans ce contexte, la "Diada" de 1987 fut très dense.
-
En quelques mois il y avait eu l'attentat d'Hipercor, celui de Borges Blanques
-
et dans le milieu politique, la division du Mouvement de Défense de la Terre.
-
C'est un ensemble de facteurs qui a fait que l'immaturité du MDT
-
ne parviendrait pas à surmonter concrètement les contradictions de cette époque.
-
Et il y avait des contradictions importantes, on débattait du fait
-
d'avancer vers une unité populaire, une ligne appelée Unité populaire,
-
ou vers une ligne de Front patriotique.
-
Trois ans après sa création, le MDT se divisait
-
suite à l'affrontement entre le secteur qui venait du PSAN
-
et celui qui venait de l'IPC.
-
Le MDT voulait jouer le rôle que joue Batasuna en Euskadi
-
mais à cause de la scission,
-
et à cause aussi de la fragmentation
-
et de son manque de structure,
-
il s'est divisé en deux et n'est pas parvenu
-
à se consolider politiquement.
-
Dans ce contexte de crise ouverte,
en septembre 1988
-
la police arrêtait Núria Cadenes et trois autres activistes.
-
Dans mon cas ils ont toujours su que
je n'étais pas lié
-
à des expériences concrètes de lutte armée.
-
Et c'était ça qu'ils demandaient, ils voulaient mieux connaître
-
me fonctionnement interne des organisations.
-
Dans certains cas, ils n'avaient pas une connaissance très précise,
-
la connaissance qu'ils avaient était très livresque.
-
Je voulais rappeler alors que je sors
-
qu'il reste encore beaucoup de camarades en prison
-
et que c'est une lutte qui durera longtemps et que les gens qui y participent,
-
au niveau politique, le font pour libérer leur nation,
-
et il faut prendre en compte que c'est une lutte politique.
-
Au total, la police arrêta 11 membres présumés de Terra Lliure.
-
10 autres personnes furent arrêtées au début de 1980
-
parmi lesquelles se trouvait Pere Bascompte de la Catalogne Nord
-
ainsi que Carles Benítez, à qui la police attribuait la direction de l'organisation
-
même après son arrestation et son incarcération.
-
Diriger l'organisation depuis la prison ? C'est un peu machiavélique, non ?
-
Personne ne peut croire qu'en étant en prison,
-
et surtout vu comme on est contrôlé dans l'État espagnol,
-
on puisse diriger une organisation.
-
"L'engin, de faible puissance..."
"Seul le détonateur a explosé..."
-
"Peu de dégâts matériels..."
"L'explosif est resté intact..."
-
"Les dégâts ne sont pas graves..."
-
"Mais il a explosé..."
-
"Les dégâts matériels ne sont pas très importants..."
-
"La bombe de faible puissance..."
"Un engin de faible puissance..."
-
"Trois engins de faible puissance..."
"La bombe de faible puissance..."
-
Nous allons faire exploser un engin explosif, à vous.
-
Après les arrestations de la fin 1988
-
la capacité opérationnelle de l'organisation chuta considérablement
-
et de 80 actions revendiquées entre 1987 et 1988
-
on passa à seulement à en 1989.
-
La police affirmait que les dernières actions
-
avaient à nouveau permis de démanteler l'organisation.
-
Mais Terra Lliure essayait de se restructurer
-
avec l'incorporation de nouveaux activistes.
-
Je suis entré en mai 1988
-
à Terra Lliure.
-
Jusqu'à présent, j'avais milité dans des mouvements indépendantistes,
-
le mouvement indépendantiste de Bages, le MDT.
-
Je suis entré en 1989-1990
-
à cause de la répression de l'État.
-
Des militants indépendantistes avaient été arrêtés
-
comme Beni, Sebastià Datzira
-
et Marcel·lí Canet.
-
À ce moment j'ai compris que je devais quitter le Mouvement
-
de Défense de la Terre et rejoindre Terra Lliure.
-
Une Terra Lliure qui, comme le reconnaissent ses militants de l'époque,
-
commençait à avoir de graves problèmes structurels.
-
Depuis 1979, la police avait arrêté près de 140 personnes
-
accusés de faire partie de l'organisation.
-
Jusqu'à présent, Terra Lliure s'était constamment reconstituée.
-
Mais à la fin des années 80, avec un entourage politique divisé et opposé,
-
la situation avait changé.
-
Il y a des gens qui entrent en étant déjà suffisamment formés,
-
qui entrent en ayant un certain âge, mais il y a des gens qui entrent très jeunes
-
et avec peu de formation politique.
-
Il y a des gens qui agissent avec plus de légèreté.
-
Et il y a même des gens qui font ça par jeu,
-
ce qui rompt avec ce que devrait être une organisation.
-
18 personnes souffrant de diverses blessures : c'est le bilan
-
des deux explosions qui se sont produites
ce matin à Barcelone
-
devant la succursale de la Banque centrale, au numéro 393 de la rue de Sants.
-
C'est le premier attentat de Terra Lliure dans lequel
-
cette organisation utilise un deuxième engin avec des clous
-
pour qu'il explose à quelques mètres du premier
-
dans le but de blesser des gens.
-
La division du MDT fut définitive quand,
-
en 1989, la branche venant du PSAN
-
créa une nouvelle organisation : Catalunya Lliure.
-
À partir de ce moment, les formations politiques
-
s'autoproclamant le bras politique de Terra Lliure étaient deux.
-
Catalunya Lliure a raison d'exister pour les raisons que j'ai expliquées avant.
-
C'est la seule organisation politique d'envergure nationale catalane.
-
Et la seule qui est indépendantiste statutairement.
-
Au début on a essayé
-
de faire abstraction de ces divisions politiques
-
et de rester unis.
-
Même s'il y avait dans l'organisation des gens qui
-
venaient d'un secteur et des gens qui venaient de l'autre.
-
Les deux secteurs politiques finirent par diviser l'organisation
-
quand les dirigeants de Terra Lliure proches du PSAN
-
convoquèrent la quatrième assemblée
-
tandis que les dirigeants proches de l'IPC ratifiaient les accords pris
-
lors de la troisième assemblée.
-
Cet affrontement politique provoqua la rupture de l'organisation
-
qui se divisa en Terra Lliure Troisième Assemblée
-
et Terra Lliure Quatrième Assemblée.
-
À ce moment l'organisation de Terra Lliure
-
est réduite en miettes, il y a des gens qui veulent
-
avoir une influence directe,
-
et une influence directe dans la manière d'agir.
-
Ils n'y parviennent pas à travers l'organisation existante,
-
ils créent donc
-
une organisation parallèle.
-
Paradoxalement, ce fut entre 1988 et 1989, en pleine division interne,
-
que Terra Lliure essaya de renforcer médiatiquement son rôle
-
de référent de l'indépendantisme.
-
Elle le fit au moyen de différentes interviews écrite
-
et surtout par le biais d'une seule interview télévisée
-
accordée à Euskal Telebista en mai 1989.
-
Notre stratégie actuelle est de développer un mouvement politique unitaire
-
autour de notre organisation
-
qui, avec ses actions symboliques, est en train de devenir
-
la seule référence de la légitimité catalane face à l'occupation espagnole.
-
Dans le futur, au fur et à mesure que ce regroupement
-
de forces indépendantistes se fera,
-
l'action de Terra Lliure sera une action militaire de plus en plus offensive.
-
Toute cette image, la cagoule noire, le visage caché,
-
qu'est-ce que ça génère chez ceux qui le voient ?
Chez un petit secteur,
-
idéologiquement très proche, essentiellement jeune,
-
d'un romantisme combatif, cela génère une identification, un signe de cohésion.
-
Mais ça provoque le rejet chez une grande majorité de personnes.
-
Les actions de Terra Lliure sont uniquement et exclusivement adaptées
-
à la réalité de notre peuple et leur unique fonction
-
est de faire avancer notre propre mouvement de libération nationale.
-
Malgré ces apparitions médiatiques, Terra Lliure ne pouvait occulter
-
la division interne qui devenait fortement évidente dans tout son entourage politique.
-
Depuis la branche de Terra Lliure fidèle au PSAN
-
qui naquit de la quatrième assemblée de l'organisation, on commençait
-
à parler d'échec stratégique juste au moment où une nouvelle option indépendantiste
-
commençait à prendre de la force.
-
L'ancien dirigeant de l'organisation Crida a la Solidaritat, Àngel Colom,
-
est depuis ce matin le nouveau secrétaire général
-
d'Esquerra Republicana de Catalunya.
-
L'ancien dirigeant qui veut faire de l'ERC un parti
-
clairement indépendantiste, écologiste et antimilitariste,
-
l'emporte de 34 voix.
-
Colom, qui vit aujourd'hui à Casablanca, rappelle ce moment comme
-
un des plus importants de l'histoire récente de la Catalogne.
-
Pour la direction d'ERC, il était très clair
-
à cette époque
-
qu'on allait vers un processus de rupture, démocratiquement,
-
avec l'Espagne et par conséquent vers l'indépendance.
-
Nous sommes dans les années 90-91
-
et plusieurs pays européens deviennent indépendants.
-
La rupture avec le Royaume d'Espagne, nous ne voulons rien savoir des Espagnols.
-
Ce virage indépendantiste d'ERC accéléra les débats internes
-
de Terra Lliure Quatrième Assemblée, celle qui était fidèle à Catalunya Lliure.
-
À cette époque le débat tournait autour de
-
l'obsolescence d'une voie armée dans le mouvement indépendantiste,
-
à son manque de sens, et à
-
la réalité irréfutable de processus de libération nationale
-
en Europe, qui avançaient et réussissaient même dans certains cas,
-
démocratiquement et pacifiquement, et à partir du débat politique.
-
Nous savions que c'était dans cette direction qu'il fallait aller,
-
qu'il y aurait des gens qui rejoindraient ERC, qu'il y avait des gens qui en avaient assez
-
et qui quitteraient l'organisation.
-
Et ce fut justement ce qui se passa en 1991 quand la Quatrième Assemblée
-
de Terra Lliure ouvrit les contacts avec Esquerra Republicana.
-
Jaume Renyer est venu et m'a dit :
"Écoute, je sais
-
que Terra Lliure réfléchit sérieusement,
-
que c'est sérieux,
-
et qu'ils se posent la question de passer à l'action politique
-
et par conséquent d'abandonner la lutte armée
-
qu'ils ont menée jusqu'à présent.
Est-ce que tu veux que nous leur parlions ?"
-
J'ai répondu : "Oui, parlons-leur."
Nous avons passé la frontière
-
et nous avons discuté avec les personnes qui nous ont été présentées
-
comme des responsables de Terra Lliure.
-
C'est une première réunion de prise de contact.
-
Une première réunion où ils veulent avoir la garantie
-
qu'ERC a définitivement et sérieusement opté
-
pour un processus dirigé vers l'obtention de la souveraineté
-
et de l'indépendance du pays. Ils demandent à Esquerra Republicana
-
d'être le pont vers Madrid pour ouvrir le dialogue politique et juridique
-
afin de résoudre la situation.
-
Chercher une solution spécifique, ensemble,
-
une issue légale spécifique.
-
Et une issue, une situation globale, pour fermer
-
le dossier, mettre fin aux procédures.
-
Ce n'était pas un processus de négociation,
parce qu'il n'y avait rien à négocier.
-
Il s'agissait d'une décision unilatérale de dissolution, qui comprenait
-
la fin d'une étape politique de la Catalogne et qui demandait la grâce
-
pour tous ceux qui étaient encore
-
en prison ou en exil.
-
Le questionneur devait être l'État
-
et le représentant de l'État en Catalogne
-
était le délégué du gouvernement, Martí i Jusmet.
-
Il n'y a pas eu une table formelle de négociations, avec des contreparties,
-
ni des documents ni quoi que ce soit. Il y a eu des contacts successifs
-
et des approches successives du cadre auquel nous voulions arriver.
-
Les premières discussions furent menées par Pere Bascompte.
-
Bascompte était un des dirigeants historiques de Terra Lliure
-
même si à cette époque il représentait seulement la branche de l'organisation
-
née de la Quatrième Assemblée, celle qui était la plus proche du PSAN.
-
L'autre branche de Terra Lliure, celle qui était fidèle à la Troisième Assemblée et proche
-
du MDT et à l'IPC, refusa le processes de dissolution.
-
Nous avons insisté sur le témoignage, parce que
-
nous voyions que l'opération de Colom
-
était très obscure et qu'en plus
-
son objectif était de dynamiter la gauche indépendantiste.
-
La vérité c'est que d'une certaine façon elle y est parvenue.
-
Il y a eu des secousses, il y a même eu des gens, surtout ceux de la Catalogne Nord,
-
qui ont décidé de rejoindre Esquerra ou de préciser
-
que Terra Lliure était terminée, tandis que nous, nous étions encore dans une situation
-
de militantisme actif dans l'organisation.
-
Pere Bascompte, Josep Aixalà et les militants indépendantistes
-
Jaume Renyer, Xavier Vendrell, Jordi Vera et David Ricart
-
ont annoncé leur intention de demander leur entrée à l'ERC.
-
L'organisation armée se positionne pour l'option démocratique
-
pour l'indépendance.
-
Ce processus de Terra Lliure
-
s'est fait uniquement et strictement dans un intérêt politique :
-
obtenir une République catalane indépendante en Europe
-
et que la génération actuelle puisse la voir.
-
Je crois qu'il y a un sentiment aigre-doux,
-
tu as laissé des camarades en route.
-
Mais en même temps, il y a a la satisfaction d'être convaincu d'aider,
-
d'apporter ton grain de sable à un processus historique,
-
très important.
-
Au total, une centaine de militants indépendantistes
-
de Terra Lliure et de Catalunya Lliure
-
annoncèrent publiquement qu'ils rejoignaient Esquerra Republicana.
-
La moitié de Terra Lliure entrait dans la légalité.
-
L'autre moitié, en revanche, restait active.
-
Deux mois après la conférence de presse de Perpignan, durant la Diada
-
du 11 septembre, la branche active de Terra Lliure
-
lut le communiqué suivant :
-
Terra Lliure ne baissera pas la garde tant que des patriotes catalans
-
resteront en prison.
-
Il y avait d'autres gens dans l'organisation,
-
et je dirais que la majorité de ceux que je connaissais
-
n'étaient pas pour l’auto-dissolution.
-
Au contraire, ils voulaient continuer pour au moins laisser
-
un nouveau témoignage.
-
La branche de Terra Lliure fidèle à la Troisième Assemblée
-
repris ses activités avec six actions à la fin 1991
-
et six autres début 1992.
-
Un engin explosif fut placé dans une agence pour l'emploi
-
du quartier de Horta à Barcelone.
-
15 personnes ont été blessées.
-
Des employés et des gens au chômage
-
qui étaient là, comme moi, ça a été très dur.
-
J'avais l'impression que ma tête allait éclater.
-
Et j'ai eu l'impression que quelque chose me propulsait en l'air
-
et me jetait par terre.
-
Cette action de Terra Lliure eut lieu le 25 mai 1992,
-
quelques jours après le début des Jeux Olympiques de Barcelone.
-
Et l'un des objectifs principaux du gouvernement espagnol
-
était d'éviter que Terra Lliure n'agisse pendant les Jeux.
-
À Banyoles, une centaine d'indépendantistes
-
se sont rassemblés devant la caserne de la garde civile.
-
Ils ont lancé des œufs et des pierres, ce à quoi la garde civile
-
a répondu par différentes charges.
-
D'après les curieux qui ont observé la scène,
-
les policiers ont agi avec une violence excessive.
-
La tension autour des préparatifs olympiques atteignit un tel point
-
que la flamme olympique fut escortée par des chars de la garde civile
-
à Banyoles, Vic et Montserrat.
-
Le roi a été sifflé.
-
Il y a eu diverses mobilisations très importantes dans les Països Catalans.
-
Et je crois que ça a été l'excuse pour faire éclater tout le mouvement,
-
pas uniquement Terra Lliure,
-
mais aussi le MDT
-
et tout ce qui sentait l'indépendantisme, disons.
-
En pleine tension pré-olympique, le 29 juin 1992,
-
Terra Lliure posa deux bombes à Girona et une à Barcelone.
-
Quelques heures plus tard, la garde civile lançait une opération
-
qui durerait 15 jours et qui se terminerait par l'arrestation de plus de
-
50 indépendantistes, accusés d'appartenance à Terra Lliure.
-
C'était la plus importante opération de police
-
réalisée dans l'État espagnol à l'époque.
-
Une opération ordonnée et dirigée par le juge de l'Audience nationale,
-
Baltasar Garzón, à qui elle doit son nom.
-
Le juge Garzón a ouvert une instruction
-
contre des personnes qui étaient actives,
-
contre des personnes qui avaient quitté l'organisation depuis des années,
-
contre des personnes qui avaient quelque chose à voir, qui connaissaient de près ou de loin
-
un activiste de Terra Lliure.
-
En plus des activistes de Terra Lliure,
l'"Opération Garzón" toucha
-
des militants du MDT, d'ERC, des journalistes du journal "El Punt"
-
et de la revue "El Temps", dans une dynamique
-
qui provoqua une vague de protestations au-delà
-
du milieu strictement indépendantiste.
-
Cette situation ne nous a pas plus.
-
Je me rappelle une réunion à laquelle participait le maire de Barcelone,
-
il y avait Martí i Jusmet, je ne me rappelle pas tout le monde, mais j'y étais moi aussi.
-
Il y avait des gens du gouvernement de Madrid.
-
"Comme est-ce que nous faisons pour que ça ne s'envenime pas ?"
-
De mon point de vue, à cette époque, je pensais que c'était un élément
-
qui pouvait dénaturer la fin.
-
Dénaturer la fin et nous valoir quelques conflits.
-
Le fait est que les arrestations de l'été 1992
-
mirent fin aux discussions entre l'État et les militants de Terra Lliure
-
qui avaient abandonné les armes en juillet 1994.
-
Je crois qu'on ne pourra comprendre cela
-
que le jour où on arrivera à connaître la psychologie de Garzón.
-
On ne comprend pas les raisons de cet excès.
-
Il y a eu une répression et une série d'arrestations
-
absolument démesurées.
-
L'opération rendit le climat politique encore plus compliqué en Catalogne
-
quand, les uns après les autres, la plupart des détenus auxquels
-
avait été appliquée la loi antiterroriste commencèrent à dénoncer
-
avoir été torturés dans les locaux de la garde civile.
-
Ils donnaient des coups de poing et de pied dans le ventre,
-
ils m'ont sauté dessus,
-
ils m'ont écrasé les doigts et le plus grave et le plus sérieux
-
c'est qu'ils m'ont mis un sac plastique sur la tête
-
pour que j'avoue toutes sortes de délits.
C'était horrible.
-
Ils te mettent une sorte de plastique sur les yeux,
-
et aussi un sac plastique sur la tête,
-
et ils t'emmènent dans d'autres locaux
-
où il y a 6 ou 7 fonctionnaires ou membres de la garde civile,
-
je ne saurais pas dire,
-
qui te frappent et serrent le sac pour que tu manques d'air,
-
que tu ne puisses plus respirer,
-
pour te faire dire ce qu'ils veulent que tu dises.
-
Cette année-là, nous avons eu contre nous les meilleures équipes
-
antiterroristes de la garde civile.
-
En plus, pendant qu'ils nous torturaient et qu'ils nous maltraitaient,
-
ils nous racontaient leur participation à
-
des arrestations et des fusillades en Euskadi.
-
J'ai assisté aux déclarations de différents accusés devant le juge Garzón.
-
Ils n'ont pas besoin de me dire quoi que ce soit. J'ai vu leurs visages, leurs yeux et leur allure.
-
Ces gens avaient subi des mauvais traitements, c'était évident.
-
Malgré tout, les plaignants recueillirent toutes les preuves médicales
-
et plusieurs procédures furent ouvertes contre l'État.
-
Et après plusieurs non-lieux en première instance, le 3 novembre 2004,
-
douze ans après les arrestations,
-
la Cour européenne des Droits de l'Homme
-
condamna l'État espagnol pour ne pas avoir enquêté sur les tortures
-
dénoncées en 1992.
-
Le verdict, insolite dans l'histoire européenne récente, fut prononcé
-
à l'unanimité par le tribunal de Strasbourg.
-
C'est très important. C'était le premier verdict,
la première fois
-
qu'on mettait en cause le fonctionnement
-
de l'Audience nationale elle-même.
-
Trois ans après les arrestations de 1992,
le 3 avril 1995,
-
le procès commençait à l'Audience nationale.
-
Sur les 50 personnes arrêtées initialement, seules 25 restaient poursuivies
-
pour appartenance ou collaboration à Terra Lliure.
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Finalement, le procès de 1995 se conclut par un verdit paradoxal.
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D'un côté il condamnait 18 des 25 accusés à un total
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de 119 de prison.
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Et, de l'autre, il demandait au gouvernement espagnol une grâce générale
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pour tous les condamnés.
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Quelques mois plus tard, le 11 septembre 1995,
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la branche de Terra Lliure qui avait refusé l'auto-dissolution de 1991
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annonçait finalement la dissolution définitive.
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L'organisation armée affirmait littéralement
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que les raisons de cette dissolution étaient l'épuisement de la propagande armée
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et des moyens humains.
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Je crois que la décision de Terra Lliure d'abandonner la lutte armée
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est due au fait que la répression a créé un état de peur
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dans tout le mouvement. Il n'y a plus eu d'actions.
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Ce qui a fait envisager à nouveau que c'était peut-être le moment d'arrêter
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et de continuer la lutte indépendantiste par des moyens exclusivement politiques et pacifiques.
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Un an et demi plus tard, le 8 mars 1996,
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le gouvernement espagnol appliquait la grâce demandée par le tribunal
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lors du procès de 1995.
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Avec cette grâce, l'État considérait que c'était la fin
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des 16 années d'indépendantisme armé
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qui avaient commencé en 1979.
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C'était le point final de Terra Lliure.