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Pour être en sécurité, ouvrons nos frontières | Andrew Solomon | TEDxExeter

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    Le grand naturaliste du 19ème siècle,
    Alexander von Humboldt a dit :
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    « La vision du monde la plus dangereuse
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    est celle de ceux
    qui n'ont jamais vu le monde. »
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    Je pense que le voyage est
    un impératif moral
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    pour ceux qui peuvent se le permettre,
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    que nous devons au monde
    de nous y engager.
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    Tout le monde doit, à un certain point,
    être exposé au monde au sens plus large,
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    et je pense que si tout le monde passait
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    deux semaines dans un pays étranger
    avant ses 30 ans,
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    où que ce soit,
    peu importe ce qu'on y fasse,
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    la moitié des problèmes diplomatiques
    du monde seraient résolus.
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    Je pense que si le gouvernement comprenait
    cette fonction sociale du voyage,
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    il y aurait des politiques publiques
    pour financer les voyages
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    tout comme nous avons des politiques
    pour financer la santé et l'éducation.
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    Le voyage est à la fois
    une fenêtre et un miroir.
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    C'est une fenêtre
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    car il permet d'observer
    une autre société, une autre culture.
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    Mais c'est un miroir
    car lorsque vous allez à l'étranger,
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    vous êtes dépouillé
    jusqu'à votre moi profond,
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    et vous voyez ce qu'est ce moi profond
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    avec une clarté que vous n'auriez
    pas pu atteindre autrement.
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    Nous avons tous besoin
    de nos compatriotes.
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    Si l'on n'a pas de chez-soi,
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    savoir qui on est devient
    presque impossible.
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    Mais sans personnes différentes,
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    vous devenez une caricature de vous-même.
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    Aucun modèle ne doit
    nécessairement gagner.
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    Aucun des deux ne remet en cause l'autre.
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    J'ai la double nationalité
    américaine et britannique.
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    Au cours de l'année passée, j'ai voté
    contre le Brexit et contre Trump,
  • 2:07 - 2:09
    et j'ai perdu à chaque fois.
  • 2:09 - 2:10
    (Rires)
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    Les résultats de ces votes,
  • 2:14 - 2:17
    tout comme l'élection
    de gouvernements nationalistes
  • 2:17 - 2:21
    en Polande, en Hongrie,
    en Turquie et en Russie
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    représente un rejet de la diversité
    et de l'ouverture des frontières
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    qui ont défini l'ordre du monde.
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    À la Conférence d'octobre
    du Parti conservateur,
  • 2:33 - 2:36
    Theresa May a déclaré :
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    « Il n'existe pas de citoyens du monde.
  • 2:40 - 2:45
    Si vous estimez être un citoyen du monde,
    vous n'êtes citoyen de nulle part.
  • 2:45 - 2:50
    Vous ne comprenez pas
    le sens du mot ' citoyenneté '. »
  • 2:51 - 2:53
    Theresa May a tort.
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    Le patriotisme n'est pas du nationalisme,
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    et vous pouvez aimer votre propre pays
    et aimer d'autres pays aussi.
  • 3:04 - 3:06
    Ce n'est pas binaire.
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    Si les politiques identitaires
    des 20 dernières années
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    nous ont donné ne serait-ce qu'une chose,
  • 3:11 - 3:14
    c'est le vocabulaire
    de l'intersectionnalité,
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    la compréhension que nous avons tous
    des identités multiples tout le temps,
  • 3:19 - 3:24
    et que vous pouvez être vieux et
    conservateur et britannique et gay,
  • 3:25 - 3:29
    ou jeune et sourd et radical et français,
  • 3:29 - 3:35
    ou anglo-américain et européen
    et citoyen du monde.
  • 3:36 - 3:38
    C'est une marque de sophistication
  • 3:38 - 3:42
    de tolérer et de célébrer
    les identités qui coexistent,
  • 3:42 - 3:48
    l'absence de cette capacité est une marque
    d'aliénation et d'aversion.
  • 3:49 - 3:53
    Mais nous faisons erreur en supposant que
    comme nous partageons les mêmes problèmes,
  • 3:53 - 3:56
    nous avons tous besoin
    des mêmes solutions.
  • 3:57 - 4:02
    Quand je travaillais au Cambodge,
    j'ai rencontré une femme, Phaly Nuon,
  • 4:02 - 4:04
    qui avait traversé
    des horreurs inimaginables
  • 4:04 - 4:07
    pendant le génocide.
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    Elle avait dû regarder, forcée,
    le viol de sa fille
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    puis son meurtre sous ses yeux.
  • 4:14 - 4:16
    Son bébé était mort
  • 4:16 - 4:19
    car elle était trop malnutrie
    pour produire du lait.
  • 4:20 - 4:23
    À la fin de la guerre,
    elle s'est retrouvée dans un camp
  • 4:23 - 4:26
    à la frontière avec la Thaïlande,
  • 4:26 - 4:28
    et elle remarqua, dans ce camp,
  • 4:28 - 4:30
    qu'il y avait beaucoup
    de femmes, en particulier,
  • 4:30 - 4:35
    qui étaient parvenues à survivre
    aux terribles humiliations et atrocités,
  • 4:35 - 4:38
    mais qui étaient juste assises
    devant leurs tentes dans le camp,
  • 4:38 - 4:42
    à regarder dans le vide, sans prendre soin
    de leurs enfants, ne faisant plus rien.
  • 4:43 - 4:46
    Elle alla voir les responsables des camps.
  • 4:46 - 4:49
    Ils lui dirent : « Nous sommes débordés
    à cause des maladies infectieuses.
  • 4:49 - 4:51
    Nous ne pouvons rien y faire. »
  • 4:52 - 4:55
    Elle décida qu'elle devait
    faire quelque chose.
  • 4:55 - 4:58
    Et elle eut l'idée de ce qu'elle appela,
  • 4:58 - 5:00
    son « programme en trois points ».
  • 5:01 - 5:03
    Elle dit : « Premièrement,
    je suis allée voir ces femmes,
  • 5:04 - 5:06
    et je leur ai appris à oublier,
  • 5:07 - 5:09
    non pas qu'elles oublieront jamais
    les choses terribles
  • 5:09 - 5:11
    qui leur sont arrivées,
  • 5:11 - 5:14
    mais je leur donnais d'autres choses
    auxquelles penser
  • 5:14 - 5:16
    et remplissais leur esprit
    avec d'autres choses
  • 5:16 - 5:19
    et c'était le début d'une forme d'oubli.
  • 5:20 - 5:24
    Après leur avoir appris à oublier,
    je leur ai appris à travailler.
  • 5:24 - 5:27
    Certaines ne pouvaient rien faire
    de plus que le ménage,
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    certaines savaient faire de l'artisanat,
  • 5:29 - 5:32
    d'autres pouvaient faire
    des choses plus complexes,
  • 5:32 - 5:36
    mais toutes avaient besoin de voir
    qu'elles savaient faire quelque chose. »
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    Elle dit : « Une fois que je leur avais
    appris à oublier et à travailler,
  • 5:42 - 5:45
    je leur ai appris à faire
    des manucures et pédicures. »
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    Et je dis : « Je vous demande pardon ? »
  • 5:48 - 5:49
    (Rires)
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    Elle dit : « Ce que
    les gens avaient le plus perdu
  • 5:52 - 5:54
    durant le régime des Khmers rouges
  • 5:54 - 5:56
    était la capacité à se faire confiance
    les uns les autres.
  • 5:56 - 6:01
    Ces femmes avaient passé tant d'années
    sans avoir l'occasion de se sentir belles.
  • 6:01 - 6:04
    Je les invitais dans la tente,
    et la remplissais de vapeur,
  • 6:04 - 6:06
    et en quelques minutes,
  • 6:06 - 6:08
    elles confiaient
    leurs mains et leurs pieds
  • 6:08 - 6:11
    à des étrangères équipées
    d'instruments tranchants.
  • 6:11 - 6:11
    (Rires)
  • 6:12 - 6:13
    Après plusieurs minutes,
  • 6:13 - 6:16
    elles commencèrent
    à se raconter leurs histoires. »
  • 6:16 - 6:19
    Elle dit : « Ensuite j'ai essayé
    de leur apprendre
  • 6:19 - 6:22
    que ces trois compétences
    n'étaient pas cloisonnées,
  • 6:22 - 6:24
    mais faisaient partie d'une seule
    et même façon d'être.
  • 6:25 - 6:28
    Et quand elles comprirent cela, eh bien,
  • 6:28 - 6:31
    elles étaient prêtes à reprendre
    le cours de leur vie.
  • 6:32 - 6:33
    Les gouvernements démocratiques
  • 6:33 - 6:36
    doivent être ancrés
    dans une vision du futur,
  • 6:36 - 6:38
    et cela implique d'oublier.
  • 6:39 - 6:44
    Mais nous devons aussi aspirer
    à travailler et à nous faire confiance.
  • 6:44 - 6:47
    En ce moment, nous oublions
    trop facilement,
  • 6:47 - 6:51
    et nous travaillons
    et faisons confiance trop difficilement.
  • 6:51 - 6:53
    Durant sa campagne,
    Donald Trump a déclaré :
  • 6:53 - 6:55
    « Je n'ai pas le temps de voyager.
  • 6:55 - 6:58
    L'Amérique requiert mon attention
    en ce moment. »
  • 6:58 - 7:03
    Pouvez-vous voir l'Amérique si vous
    ne l'observez pas parfois de l'extérieur ?
  • 7:04 - 7:08
    Il y a un sentiment dans tous
    ces mouvements nationalistes
  • 7:08 - 7:11
    que la différence est menaçante
    plus qu'elle n'est belle.
  • 7:11 - 7:16
    Et une partie de leur fonction commune est
    de renier notre humanité.
  • 7:17 - 7:19
    C'est pour cela qu'il n'est pas surprenant
  • 7:19 - 7:21
    qu'au cours des mois
    qui ont suivi le Brexit,
  • 7:21 - 7:23
    le Directeur de la police
    métropolitaine de Londres
  • 7:23 - 7:27
    ait évoqué une terrible augmentation
    des crimes haineux
  • 7:27 - 7:31
    alors que le Southern Poverty Law Center
    aux USA a enregistré
  • 7:31 - 7:33
    plus de 1 000 incidents
    alimentés par la haine
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    dans les trois semaines
    qui ont suivi l'élection.
  • 7:37 - 7:39
    Lorsque nous ne nous connaissons pas,
  • 7:39 - 7:42
    il nous est plus facile de nous entretuer.
  • 7:43 - 7:47
    Quand j'avais environ six ans,
    j'étais en voiture avec mon père.
  • 7:47 - 7:49
    Nous conduisions à travers la campagne.
  • 7:50 - 7:51
    Il me raconta une histoire
  • 7:51 - 7:54
    qui contenait une allusion à l'Holocauste.
  • 7:54 - 7:58
    Il pensait que je savais ce que c'était,
    ce n'était pas le cas.
  • 7:58 - 8:02
    Je lui demandai de m'expliquer,
    il m'expliqua.
  • 8:02 - 8:04
    Cela n'avait aucun sens pour moi,
  • 8:04 - 8:06
    et je lui demandai
    de m'expliquer à nouveau.
  • 8:06 - 8:09
    Il expliqua à nouveau,
    et quand je demandai une troisième fois,
  • 8:09 - 8:12
    il me dit :
    « C'était le mal à l'état pur. »
  • 8:12 - 8:16
    Il le dit sur un ton qui marquait
    la fin de la conversation.
  • 8:16 - 8:18
    Mais j'avais encore une question :
  • 8:19 - 8:23
    « Pourquoi les Juifs ne sont-ils pas
    simplement partis
  • 8:23 - 8:25
    quand les choses ont mal tourné ? »
  • 8:26 - 8:31
    Mon père dit :
    « Ils n'avaient nulle part où aller. »
  • 8:32 - 8:36
    Je me souviens avoir pensé,
    même à ce moment, même à six ans,
  • 8:36 - 8:39
    que je ne serais jamais
    une de ces personnes,
  • 8:40 - 8:43
    que j'aurais toujours
    quelque part où aller,
  • 8:43 - 8:45
    que j'aurais des gens prêts à m'accueillir
  • 8:45 - 8:49
    à bras ouverts sur
    tous les continents habités.
  • 8:49 - 8:52
    Et c'est devenu
    une partie intégrante de ma vie.
  • 8:53 - 8:57
    Nous sommes dans une ère d'isolationnisme,
    où les gens ont oublié
  • 8:57 - 9:02
    que la base de la sécurité est
    d'avoir beaucoup d'endroits où aller.
  • 9:03 - 9:05
    J'étais à Moscou l'année dernière,
  • 9:05 - 9:09
    lorsque Poutine a fait passer
    certaines de ses mesures autocratiques.
  • 9:09 - 9:13
    J'étais avec André Reuter, quelqu'un que
    je connais depuis de nombreuses années,
  • 9:13 - 9:15
    qui était engagé dans
    la résistance contre le Putsch,
  • 9:15 - 9:17
    lorsque l'URSS s'est dissoute
  • 9:17 - 9:21
    et qui avait lutté avec ses idéaux
    pour la liberté et la justice.
  • 9:21 - 9:24
    Je lui ai demandé :
    « Est-ce que tu regrettes ?
  • 9:24 - 9:26
    Est-ce que tu regrettes
    d'avoir consacré tant d'énergie
  • 9:26 - 9:29
    pour ces espoirs qui
    ne se sont jamais concrétisés ? »
  • 9:29 - 9:33
    Il m'a regardé et m'a dit :
    « Est-ce que je regrette ?
  • 9:33 - 9:34
    Non, je ne regrette pas.
  • 9:34 - 9:38
    C'est le moteur de tout
    ce que j'ai fait ou pensé depuis lors. »
  • 9:39 - 9:44
    Il m'a dit : « Ce moment d'idéalisme
    était comme une enfance heureuse.
  • 9:44 - 9:47
    C'est quelque chose sur quoi tu peux bâtir
  • 9:47 - 9:50
    pour affronter tout
    ce qui advient par la suite. »
  • 9:50 - 9:52
    Et j'ai réalisé à ce moment,
  • 9:53 - 9:56
    qu'un espoir brisé
    est empreint d'une noblesse
  • 9:56 - 9:59
    que le simple désespoir
    ne peut pas connaitre,
  • 9:59 - 10:03
    et que le moment où les choses basculent
    peut avoir de la valeur dans le présent,
  • 10:03 - 10:06
    peu importe où ce basculement mène en soi,
  • 10:06 - 10:12
    et que le changement ne s'opère qu'après
    les nombreuses genèses de l'espoir.
  • 10:13 - 10:17
    En février 2002, juste après l'invasion,
  • 10:18 - 10:19
    je suis allé en Afghanistan.
  • 10:19 - 10:23
    J'y suis allé surtout car je pensais
    que cela ne pouvait pas être un pays
  • 10:23 - 10:27
    entièrement peuplé de paysans guerriers
    et de bureaucrates corrompus,
  • 10:27 - 10:29
    ce qui était l'image du pays
  • 10:29 - 10:32
    dans la plupart
    de la presse occidentale de l'époque.
  • 10:32 - 10:35
    J'avais quelqu'un là-bas qui était
    mon traducteur et mon guide,
  • 10:35 - 10:38
    et qui est encore un grand ami : Farouq.
  • 10:38 - 10:41
    Je lui avais dit que je voulais
    un de ces chapeaux en fourrure,
  • 10:41 - 10:43
    comme ceux que Karzai portait.
  • 10:44 - 10:45
    Farouq dit : « Si tu en veux un,
  • 10:45 - 10:48
    on devra aller dans la rue des fabricants
    de chapeaux en commander un.
  • 10:48 - 10:50
    Donc nous avons commandé un chapeau,
  • 10:50 - 10:53
    et le jour suivant,
    nous sommes retournés le chercher.
  • 10:53 - 10:56
    Et il dit : « Notre prochain rendez-vous
    n'est qu'à cinq minutes d'ici.
  • 10:56 - 10:59
    Nous pouvons traverser ce marché. »
  • 10:59 - 11:02
    Je dis : « Ok ! » Et à cette époque,
  • 11:02 - 11:07
    la plupart des Occidentaux en Afghanistan
    étaient soit de l'ONU soit de l'Armée,
  • 11:07 - 11:11
    et ils n'étaient pas autorisés à traverser
    des lieux comme ce marché plein de monde.
  • 11:11 - 11:13
    Donc nous marchions et Farouq me dit :
  • 11:13 - 11:15
    « Mets ton chapeau. »
  • 11:15 - 11:19
    Je dis : « Farouq, les étrangers qui
    s'habillent en locaux sont ridicules.
  • 11:19 - 11:20
    (Rires)
  • 11:20 - 11:22
    Je ne vais pas mettre mon chapeau. »
  • 11:22 - 11:23
    Il dit : « Oh allez ! »
  • 11:23 - 11:26
    Je dis : « Vraiment, Farouq,
    je ne préfère pas. »
  • 11:26 - 11:28
    Et il dit : « S'il te plait,
    mets ton chapeau. »
  • 11:28 - 11:30
    Je dis : « Ok, je vais
    mettre mon chapeau. »
  • 11:31 - 11:32
    Donc je mis mon chapeau,
  • 11:32 - 11:36
    et soudain, tout le monde
    autour de moi se mit à applaudir.
  • 11:36 - 11:37
    (Rires)
  • 11:37 - 11:40
    Et un vieil homme vint vers moi
    et m'embrassa.
  • 11:41 - 11:45
    Il dit : « Vous êtes un étranger,
    mais vous êtes venu dans notre pays,
  • 11:45 - 11:47
    vous êtes ici au marché avec nous,
  • 11:47 - 11:51
    vous portez un vrai chapeau afghan,
    à l'afghane,
  • 11:51 - 11:55
    et nous voulons que vous sachiez
    que vous êtes le bienvenu ici. »
  • 11:57 - 12:02
    Une semaine plus tard,
    j'interviewais trois femmes activistes,
  • 12:02 - 12:06
    elle arrivèrent en burqas,
  • 12:06 - 12:09
    elles retirèrent leurs burqas aussitôt
    pour qu'on puisse s'assoir et discuter.
  • 12:09 - 12:13
    Mais je leur dis :
    « Vous n'êtes plus sous le régime taliban.
  • 12:13 - 12:15
    Vous n'êtes plus obligées
    de porter ces choses.
  • 12:15 - 12:18
    Pourquoi est-ce que
    vous les portez toujours ? »
  • 12:18 - 12:22
    La première femme dit : « Si je sors
    sans burqa et que je me fais violer,
  • 12:22 - 12:24
    tout le monde dira
    que c'était de ma faute. »
  • 12:25 - 12:29
    La deuxième dit : « Si je sors
    sans burqa
  • 12:29 - 12:32
    et que les Talibans reviennent au pouvoir,
  • 12:32 - 12:35
    ils puniront peut-être toutes celles
    qui sont sorties sans burqa. »
  • 12:36 - 12:41
    Mais la troisième me dit : « J'ai juré que
    lorsque les Talibans seraient déchus,
  • 12:41 - 12:45
    je brûlerais ce vêtement et ne reverrais
    plus jamais rien de la sorte.
  • 12:47 - 12:52
    Mais après cinq ans,
    vous vous habituez à devenir invisible,
  • 12:53 - 12:57
    et l'idée de redevenir visible
    est très stressante. »
  • 12:58 - 13:01
    J'ai compris que, pour cette femme,
  • 13:01 - 13:05
    son invisibilité lui donnait
    une forme de liberté.
  • 13:05 - 13:11
    Mais j'ai aussi dû reconnaître que
    cette liberté est elle-même une prison,
  • 13:11 - 13:15
    et que ce sont souvent
    les personnes les moins libres,
  • 13:16 - 13:18
    qui comprennent plus
    profondément la liberté.
  • 13:19 - 13:20
    Comme Tony Morrison a dit :
  • 13:20 - 13:25
    « Une fois que vous êtes libre,
    vous devez revendiquer cet être libéré. »
  • 13:26 - 13:30
    Dans une société libre, vous avez
    une chance de réaliser vos ambitions.
  • 13:31 - 13:33
    Dans une société non-libre,
    vous n'avez pas ce choix,
  • 13:34 - 13:37
    ce qui génère souvent des ambitions
    plus visionnaires.
  • 13:38 - 13:42
    Les personnes réprimées utilisent souvent
    leurs mots avec plus de force,
  • 13:42 - 13:46
    mais le mot « liberté » est une action.
  • 13:46 - 13:50
    Vous devez la revivre
    et l'atteindre chaque jour.
  • 13:50 - 13:52
    Elle n'est pas figée.
  • 13:52 - 13:56
    Ce n'est pas un état
    que nous devons supposer continu.
  • 13:56 - 14:00
    Et cela prend tellement de temps
    et tellement d'engagement
  • 14:01 - 14:02
    de construire la liberté.
  • 14:03 - 14:05
    Et pourtant, des libertés durement gagnées
  • 14:05 - 14:09
    peuvent se retrouver anéanties
    avec une rapidité alarmante.
  • 14:09 - 14:14
    Le Nazisme, l'Apartheid,
    le Hutu Power, la Grande Serbie,
  • 14:14 - 14:18
    tous ont balayé
    la justice qui les avait précédés.
  • 14:20 - 14:24
    Lorsque j'étais en Chine,
    j'ai passé du temps avec Zhang Peili,
  • 14:24 - 14:27
    un artiste qui a participé
    à la révolte étudiante
  • 14:27 - 14:30
    de la Place Tian'anmen en 1989.
  • 14:30 - 14:33
    Il y était, il s'est échappé,
  • 14:33 - 14:37
    il a fait un tableau de ce qu'il a vu
    et l'a suspendu à un pont à Hangzhou,
  • 14:37 - 14:40
    puis a dû se cacher
    car il était recherché.
  • 14:41 - 14:46
    Il m'a dit : « Tu sais, ce qui s'est passé
    est peut-être une bonne chose,
  • 14:46 - 14:50
    car si cela ne s'était pas produit,
    il y aurait eu une révolution,
  • 14:50 - 14:54
    des centaines et des centaines de milliers
    de personnes auraient pu mourir. »
  • 14:54 - 14:58
    J'ai répondu : « Mais Peili,
    comment peux-tu dire cela ?
  • 14:58 - 15:01
    Tu a presque donné ta vie pour cela.
    Tu as dû te cacher pour cela.
  • 15:01 - 15:04
    Tu croyais si fermement
    en cette révolte étudiante. »
  • 15:05 - 15:07
    Et il a répondu : « Je suis un artiste,
  • 15:07 - 15:10
    et l'idéalisme est mon droit
    en tant qu'artiste.
  • 15:10 - 15:16
    Mais l'idéalisme dans les mains
    d'un leader est une terrible chose. »
  • 15:18 - 15:20
    Mon mari et moi, notre famille,
  • 15:20 - 15:25
    avons récemment accueilli
    un réfugié libyen, Hassan.
  • 15:25 - 15:30
    Nous l'avons fait en partie car notre vie
    en tant qu'américains gays
  • 15:31 - 15:36
    est un privilège si abstrait pour les gays
    de sa région du monde,
  • 15:36 - 15:38
    et pour tellement de gays dans le monde,
  • 15:38 - 15:42
    et en partie car nous sentions que
    nous avons tous une obligation morale
  • 15:42 - 15:44
    d'aider en ce moment les réfugiés,
  • 15:44 - 15:47
    et en partie car nous voulions
    envoyer un message,
  • 15:48 - 15:54
    à nos enfants, à nos amis,
    et aussi à nous-mêmes,
  • 15:54 - 15:58
    que cet « autre » diabolisé
    peut être une personne
  • 15:58 - 16:02
    qui est non seulement familière,
    mais aussi aimée.
  • 16:03 - 16:07
    C'est politique pour nous d'avoir Hassan
    en tant que membre de notre foyer,
  • 16:08 - 16:12
    même s'il entraine notre fils au foot,
    travaille dans un hôpital,
  • 16:12 - 16:17
    fait des gâteaux incroyables,
    et nous fait tous rire.
  • 16:18 - 16:23
    J'avais espéré que le temps aurait ôté
    l'aspect politique de sa présence,
  • 16:23 - 16:28
    mais cette éventualité nous a échappé
    le soir de l'élection américaine.
  • 16:29 - 16:34
    Le théoricien politique italien
    Antonio Gramsci a dit une fois
  • 16:34 - 16:37
    que la révolution requiert
    le pessimisme de l'intellect
  • 16:37 - 16:40
    et l'optimisme de la volonté.
  • 16:40 - 16:43
    Je pense que tout changement social
  • 16:43 - 16:48
    requiert le pessimisme de l'intellect
    et l'optimisme de la volonté.
  • 16:48 - 16:51
    À l'époque où l'Apartheid déclinait,
  • 16:51 - 16:54
    Je suis allé faire un reportage
    en Afrique du Sud.
  • 16:54 - 16:58
    Je pensais que je venais d'une société
    où la démocratie fonctionnait
  • 16:58 - 17:02
    et que j'allais dans une autre
    où ce n'était qu'un espoir distant.
  • 17:02 - 17:05
    Mais ces choses peuvent se renverser.
  • 17:05 - 17:07
    Juste après l'élection en novembre,
  • 17:07 - 17:09
    l'artiste sud-africain, William Kentridge,
  • 17:09 - 17:12
    avec qui j'avais passé beaucoup de temps,
    vint à New York,
  • 17:12 - 17:15
    et nous avons parlé
    de ce qu'il s'était passé.
  • 17:15 - 17:18
    Il a dit : « Ce qu'il y a
    de plus choquant n'est pas
  • 17:18 - 17:20
    à quel point tu es choqué maintenant,
  • 17:20 - 17:24
    mais à quel point tu seras
    peu choqué d'ici six mois. »
  • 17:25 - 17:29
    Je l'ai pris comme une invitation
    à rester choqué.
  • 17:29 - 17:32
    (Rires) (Applaudissements)
  • 17:36 - 17:37
    Merci.
  • 17:37 - 17:40
    Rester choqué est un jeu
    de longue haleine.
  • 17:40 - 17:45
    Cela implique de résister au fait que
    la répétition nous désensibilise,
  • 17:46 - 17:49
    et de reconnaitre
    qu'en tant que société,
  • 17:49 - 17:53
    nous sommes en ce moment même
    sur le point de devenir cruels,
  • 17:53 - 17:56
    et nous devons résister à cette tendance.
  • 17:56 - 17:58
    Le voyage est l'opposé du chauvinisme.
  • 17:59 - 18:01
    Le chauvinisme est un repli sur soi.
  • 18:01 - 18:04
    Le voyage est une ouverture
    sur l'extérieur.
  • 18:04 - 18:06
    Et voir le monde dans sa globalité
  • 18:07 - 18:10
    est l'une des meilleures façons
    de construire un monde global.
  • 18:11 - 18:13
    Le poète américain Robert Frost a écrit :
  • 18:14 - 18:17
    « Avant de construire un mur,
  • 18:17 - 18:22
    j'aimerais savoir ce que je dois garder
    dehors ou bien dedans,
  • 18:22 - 18:24
    Et à qui je risquerais
    de porter préjudice.
  • 18:25 - 18:28
    Il y a quelque chose
    qui n'aime pas les murs,
  • 18:29 - 18:31
    Qui voudrait les abattre. »
  • 18:31 - 18:34
    Ce à quoi le voisin dans le poème répond :
  • 18:34 - 18:36
    « Les bons murs font les bons voisins. »
  • 18:36 - 18:39
    Mais l'histoire nous montre
    que les bons murs
  • 18:39 - 18:42
    font principalement de vrais ennemis.
  • 18:42 - 18:45
    Donald Trump parle de ce grand projet
  • 18:45 - 18:48
    de construire un mur
    entre les États-Unis et le Mexique.
  • 18:48 - 18:52
    La Grande-Bretagne travaille
    sur le grand mur de Calais,
  • 18:52 - 18:56
    censé empêcher l'immigration illégale
    provenant du continent.
  • 18:56 - 18:58
    Les murs de la paix en Irlande du Nord
  • 18:58 - 19:01
    vont maintenant être conservés
    dans certains endroits.
  • 19:01 - 19:03
    La Hongrie s'est engagée à constuire
  • 19:03 - 19:07
    une gigantesque clôture frontalière
    tout autour du pays.
  • 19:07 - 19:11
    Et Israël est en bonne route
    pour devenir une nation emmurée.
  • 19:11 - 19:15
    Les murs sont des symboles
    concrets d'exclusion,
  • 19:15 - 19:19
    et l'exclusion blesse souvent
    ceux qui excluent
  • 19:19 - 19:23
    autant qu'elle blesse
    ceux qui sont exclus.
  • 19:23 - 19:26
    Et ce processus implique d'observer
  • 19:26 - 19:28
    comment l'ordre mondial libéral
  • 19:28 - 19:30
    bénéficie aux nations,
  • 19:30 - 19:34
    il montre une indifférence naïve
    à la propagation des guerres,
  • 19:35 - 19:37
    à la prolifération nucléaire.
  • 19:37 - 19:40
    Ça ne rendra pas
    l'Amérique « great again »,
  • 19:41 - 19:43
    ni la Grande-Bretagne.
  • 19:43 - 19:47
    C'est une banalisation de la paix fragile
    forgée après deux guerres mondiales,
  • 19:47 - 19:49
    qui n'est jamais acquise.
  • 19:50 - 19:53
    Car les murs sont nos burqas,
  • 19:54 - 19:59
    ils sont un symbole de sécurité
    qui nous oppresse terriblement,
  • 19:59 - 20:01
    et nous en souffrons derrière eux.
  • 20:02 - 20:05
    Ceux parmi nous
    qui prônent l'internationalisme
  • 20:05 - 20:08
    doivent reconnaître que
    cela peut être déconcertant
  • 20:08 - 20:09
    et difficile à aborder.
  • 20:10 - 20:12
    La main d’œuvre bon marché supprime
    des emplois en Occident
  • 20:12 - 20:16
    alors que l'Occident exploite les pauvres
    aux quatre coins du monde.
  • 20:17 - 20:18
    Nous devons nous rappeler
  • 20:18 - 20:21
    que les fossés linguistiques mènent
    à des incompréhensions,
  • 20:21 - 20:23
    et que les valeurs sont
    souvent contestées.
  • 20:24 - 20:30
    Mais tant que le monde sera contaminé
    par la guerre, la famine et la pauvreté,
  • 20:30 - 20:35
    il y aura des personnes luttant pour fuir
    des endroits instables et appauvris
  • 20:35 - 20:39
    vers d'autres endroits en apparence
    moins instables et plus prospères.
  • 20:40 - 20:43
    Ils ne partent pas parce que
    l'émigration, c'est amusant.
  • 20:44 - 20:46
    Ils ne partent pas pour exploiter
    d'autres endroits.
  • 20:47 - 20:49
    Ils ne partent pas sans regrets.
  • 20:49 - 20:54
    Ils sont bouleversés
    qu'ils le veuillent ou non.
  • 20:55 - 20:59
    En reportage à Tripoli
    à la fin du régime Kadhafi,
  • 20:59 - 21:04
    j'ai interviewé tous les ministres
    de son gouvernement.
  • 21:04 - 21:07
    J'étais frappé de voir
    que tous ceux que je rencontrais
  • 21:07 - 21:09
    et qui voulaient un rapprochement
    avec l'Occident
  • 21:09 - 21:14
    avaient vécu ou étudié aux États-Unis,
    au Royaume-Uni ou en Europe de l'Ouest.
  • 21:14 - 21:18
    Et tous ceux qui voulaient que la Libye
    demeure un État voyou et terroriste
  • 21:18 - 21:20
    n'avaient jamais voyagé.
  • 21:21 - 21:24
    Isoler ce qui est autre,
    empêcher les gens d'entrer
  • 21:25 - 21:28
    nourrit une ignorance de nous-mêmes
    qui engendre la haine.
  • 21:29 - 21:32
    C'est l'ouverture
    qui assure notre sécurité.
  • 21:32 - 21:35
    C'est frappant de voir
    que New-York et Londres,
  • 21:35 - 21:40
    les villes avec le plus d'immigrés,
    ont beaucoup moins peur de l'immigration
  • 21:40 - 21:43
    que les personnes de zones périphériques.
  • 21:43 - 21:47
    Les personnes les plus effrayées
    des immigrants n'en ont jamais rencontré.
  • 21:48 - 21:50
    Construire des murs ne résout
    pas leurs problèmes.
  • 21:51 - 21:54
    C'est une faiblesse
    déguisée en rempart.
  • 21:55 - 21:59
    S'engager est la seule façon
    d'aller de l'avant.
  • 22:00 - 22:03
    Theresa May a pris les choses à l'envers.
  • 22:04 - 22:08
    Nous devons agir en tant que
    citoyens de nos pays,
  • 22:08 - 22:10
    tout en restant ouverts
    au plus vaste ensemble.
  • 22:11 - 22:14
    Croire que nous ne pouvons pas être
    des citoyens du monde
  • 22:14 - 22:17
    nous fera perdre le monde
  • 22:17 - 22:19
    dans lequel nous aurions pu être citoyens.
  • 22:19 - 22:20
    Merci.
  • 22:20 - 22:23
    (Applaudissements)
  • 22:24 - 22:25
    Merci.
  • 22:27 - 22:28
    Merci.
  • 22:28 - 22:31
    (Applaudissements)
  • 22:31 - 22:35
    Merci, merci.
Title:
Pour être en sécurité, ouvrons nos frontières | Andrew Solomon | TEDxExeter
Description:

En identifiant une dangereuse tendance isolationniste à travers l'élection du président Donald Trump aux États-Unis et du Brexit au Royaume-Uni, l'auteur renommé et conférencier TED, Andrew Solomon, partage un argumentaire passionné sur les avantages personnels et politiques du voyage. Il affirme que la découverte d'autres pays est la meilleure façon de se retrouver, alors que l'ignorance des autres cultures engendre la peur, la méfiance et la guerre.

Ce discours a été donné lors d'un événement TEDx en utilisant le format de conférence TED mais organisé de manière indépendante par une communauté locale. Pour en savoir plus : https://www.ted.com/tedx

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English
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
22:36

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