Être gay, ce cadeau : Karen McCrocklin à TEDxTurtleCreekWomen

Karen McCrocklin a une mission : célébrer le cadeau de l'homosexualité. En tant que conteuse, écrivaine et animatrice radio, elle s'est engagée à changer la narrative afin d'y inclure l'idée que les personnes de la communauté LGBT sont là pour élever la conscience collective et nous enseigner que nous sommes plus semblables que différents. Karen pense aussi qu'être née lesbienne est la meilleure chose qui ait jamais pu lui arriver.

Quand je dis aux gens qu'être lesbienne

est la meilleure chose
qui me soit arrivée,

je ne suis jamais sure de
comment ils vont réagir.

Parfois, sans problèmes.

D'autres fois, on dirait
un geste révolutionnaire.

J'ai une amie, qui s'appelle Tina,

et on se connaît depuis qu'on est petites.

C'est une personne qui parle beaucoup,

avec beaucoup de cheveux,
un grand cœur,

et beaucoup de maquillages...
Une femme du Texas, donc!

Je l'adore.

Elle et son mari sont mariés

depuis plus de vingt ans.

Et ils ont des enfants formidables,

et une vie formidable.

Mais une vie très différente de la mienne.

Mais la chose, et la meilleure chose,

que nous avons en commun

est que nous sommes
toutes les deux très heureuses.

Bon, je suis sure
qu'elle m'en veut toujours

du jour où, en primaire,

j'ai coupé les cheveux de sa Barbie

et l'ai habillée en G.I. Joe...
(Rires)

On est des amies vraiment improbables,

mais je l'adore.

L'été dernier, elle m'a invitée

à ce séminaire.

C'était un de ses trucs de Marketing
pour ninjas de l'informatique

qui veulent dominer le monde.

Et tout le monde y allait pour

évidemment tout réussir dans leur vie,

comme ces gens qui vendent
leur start-up à Google

et qui s'entraînent maintenant
pour les jeux olympiques.

Donc... (Rires) Oui, oui!

Donc, on est dans la voiture,
en chemin et elle me dit :

« Si on te demande ce que tu fais
dans la vie, tu vas dire quoi ? »

et je réponds : « La vérité, je suppose.

Que j'écris et que je parle aux gens

sur le fait qu'être lesbienne est
la meilleure chose qui me soit arrivée. »

Et elle me dit : « Ah que non ! »

Je lui réponds : « Quoi ? »

Elle me dit :
« Je ne comprends vraiment pas

pourquoi tu penses

que tu doives toujours dire ça aux gens.

Les choses vont mieux pour vous.

Et je ne comprends pas

pourquoi tu penses
que tu dois même dire aux gens

que tu es lesbienne. »

Et je lui réponds :
« Comment ça ? »

Et elle dit : « Ben, par exemple,
tes cheveux. » (Rires)

« Tes gilets, tes jeans, tes baskets.

Et tes vestons, tous tes vestons. »

(Rires)

J'aime croire que...

(Rires)

... je fais partie d'une grande tradition,

et que ce sont mes insignes tribaux.

(Rires)

Et si quelqu'un préfère supposer

que je suis lesbienne,
à un kilomètre de moi,

avant même de m'avoir rencontrée,

ça ne me dérange absolument pas,

parce que, pour moi,
être lesbienne, gay, bisexuel,

transgenre,
LGBT, c'est vraiment un cadeau.

Et je pense que c'est une idée
qui mérite d'être répandue.

C'est de ça que j'aimerais
parler aujourd'hui.

D'abord, pourquoi
qui que ce soit penserait

que quelque chose
qui est tellement perçu

comme un défi à relever,

ou comme une raison de se sentir exclu

ou en colère, serait un cadeau ?

Ensuite, pourquoi devons-nous
continuer d'en parler ?

Si vous deviez regarder

une ligne du temps,

à travers toutes les époques,

et prendre n'importe
quel point sur cette ligne,

vous trouverez un groupe, une race,

vous trouverez une ethnie, une religion,

vous trouverez toujours un groupe

qui a été au premier rang

de nombreux changements sociétaux.

De mon vivant,

c'est nous.

Bien sûr, on ne peut pas
comparer les chemins

de tous ces groupes différents.

Chacun vit ses propres défis,

fait face à ses propres
barrières culturelles,

à des choses très complexes.

Mais la chose qui est vraie pour tous

est qu'à chaque fois nous avons eu

un dialogue en tant que société
à propos de ces groupes

et déroulé ce processus,

ça a élevé la conscience collective.

Nous avons appris sur la tolérance,

sur l'acceptation,

sur l'interdépendance

et sur les façons dont

on se ressemble plus qu'on est différent.

Je suis très fière et reconnaissante

d'être en vie à cette époque

où mon groupe est le groupe choisi.

Très fière, très reconnaissante,

parce que nous sommes
l’événement du moment

sur ce que Dr. King
appelait l'arc de l'univers moral,

qui se plie vers la justice.

Donc, non seulement
je pense que c'est un cadeau,

je pense que c'est un but,

ça fait partie de quelque chose
de bien plus grand.

Et une autre chose que
nous avons appris de l'histoire

est que, une fois que notre société
a changé son niveau d'acceptation,

elle ne revient plus jamais en arrière.

Personne ne dit : « On n'aurait jamais dû
donner le droit de vote aux femmes. »

Bon, si peut-être ! (Rires)

Personne ne dit : « On devrait ravoir
des fontaines séparées pour les noirs. »

Ou : « Pourquoi ne jetons-nous plus

les Chrétiens aux lions comme avant ? »

Ça n'arrive pas.

Maintenant, si vous êtes accro
aux présentations TED, comme moi,

vous en avez vu quelques-unes
sur la compassion,

sur l'authenticité ou la vulnérabilité.

On en a vu aujourd'hui d'ailleurs.

Ça fait partie de
notre dialogue contemporain,

qui nous pousse à vivre mieux
et à chercher

pour ce moment « aha ».

C'est partout.

On partage des citations
intelligentes et pertinentes

comme des bonbons
sur les médias sociaux.

Je suis allée
dans une grande quincaillerie

pour acheter une tondeuse,

et il y avait des rideaux
de citations positives,

à coté des détergents pour lessives.

(Rires)

C'est partout.

Et ce qui est important pour moi,

et ce que j'ai commencé à savoir,

est que, en tant que
lesbienne, gay, bisexuel,

transgenre, personne LGBT,

on fait face à ces sujets tôt et souvent.

Vous vous souvenez,
en classe de littérature,

lire sur l'inhumanité
de l'homme envers l'homme,

ou de l'individu contre la société ?

On fait face
à ces choses-là tous les jours.

Et donc, d'une façon, ça nous amène
à une plus haute conscience,

à une façon différente de voir le monde.

Il y a une femme ici aujourd'hui,

certains d'entre vous
l'avez rencontrée en haut.

Elle s'appelle Shery.

Les parents de Shery ne lui parlent plus

depuis 32 ans,

depuis, qu'à 17 ans,

elle leur a dit qu'elle était lesbienne,

et qu'ils l'ont jetée à la rue.

Vous vous rendez compte !

Et ce qui est étonnant,

c'est ce que Shery raconte.

Elle dit :
« C'est une expérience très difficile. »

Mais elle ne changerait rien
pour rien au monde,

parce que ça lui a appris

qu'elle n'avait pas
à changer qui elle est.

Elle n'a pas à faire des compromis

pour rendre les autres heureux.

Le seul bonheur dont
elle est responsable,

c'est le sien.

Elle est l'exemple parfait
de comment faire face à l'adversité

pour en faire une meilleure
version de soi-même.

On sait tous ce qu'est

la peur du rejet, de l'abandon.
Tout le monde connaît ça.

Tina a 14 ans,

elle s'enferme dans sa chambre,

pleure pendant des jours,

parce que des personnes ont été
méchantes avec elle sur Facebook,

et l'ont enlevée de leur liste d'amis.

On a tous déjà ressenti ça,
quand quelqu'un dit :

« Euh ! Tu as quelque chose
de bizarre quand même ! »

On sait ce que ça fait.

Mais maintenant, on peut choisir

ce qui est OK et ce qui ne l'est pas.

A l'époque où j'ai commencé
à dire que j'étais lesbienne,

je vous aurais dit

qu'être lesbienne est la pire chose

qui me soit jamais arrivée.

Avoir une conscience plus élevée
ne m'intéressait pas trop.

Je m'intéressait plutôt à savoir
où je pourrais trouver

d'autres gays et d'autres filles
qui voudraient bien sortir avec moi.

(Rires)

Mais alors que je commençais
à rencontrer des gens,

à voir du monde,

j'ai rencontré des gens
qui ont décidé et fait le choix

de mentir, et de se cacher

derrière un mur de honte
qu'ils ont eux-mêmes créé,

en croyant que ça les garderait
en sécurité,

parce que ça fait peur.

Et moi aussi j'avais peur,

mais j'ai fait ce que font
beaucoup de gens quand ils ont peur :

je me suis énervée,

et ça, ça vous amène
un petit peu de pouvoir !

J'ai manifesté, j'ai protesté,...

Je ne me suis jamais arrêtée.

J'étais vraiment très, très en colère,

parce que tout ça était vrai,

et certaines le sont encore.

Je me souviens d'un jour, où j'ai crié

sur un homme tellement fort

que j'avais l'impression
que mes poumons étaient en sang,

parce qu'il tenait
une pancarte qui disait :

« Dieu déteste les pédés. »

Je suis rentrée chez moi après

et je me suis rendue compte
que je n'avais sans doute

rien fait pour changer
l'opinion de cet homme.

(Rires)

Et c'est ce que la colère faisait.

Elle m’empêchait de montrer
qui j'étais vraiment,

une personne qui croit vraiment
que l'amour devrait gagner.

Toutes ces raisons
qui me mettaient en colère sont vraies

et sans aucun doute, protester
et être en désaccord

face à l'injustice est très important.

Mais l'amour aussi. Et il faut trouver
l'équilibre entre les deux.

Une de mes citations préférées
est du Dr. Wayne Dyre.

Il a dit : « Quand vous changez la façon
dont vous regardez les choses,

les choses que vous regardez changent. »

Et c'est vrai.

Quoi que ce soit que je cherche

dans ce monde,

sera toujours
la première chose que je vois.

Sauf mes clés de voiture !

(Rires)

Mais ce que je choisis,
cette personne que je veux être,

ce que je choisis aujourd'hui,
c'est de voir

que ma vie en tant que lesbienne

m'a appris à aller au fond
des choses et à voir plus grand

que je n'aurais jamais pu le faire.

Faire partie d'un groupe marginalisé

m'a donné une sensibilité

envers l'oppression

et envers les gens en général.

Ça a changé la façon
dont je vois toutes ces choses.

Et ça m'a appris à chercher
les similarités entre les gens

avant de chercher les différences.

C'est une chose incroyable à comprendre.

Une autre chose
que j'ai apprise de ma communauté

est qu'on est déjà tous égaux.

Et qu'on travaille
pour que les lois reflètent cela.

Et une autre chose est que

la seule chose que
j'ai vraiment à perdre, c'est moi-même.

Ceci nous amène à la deuxième question,

qui est : « Pourquoi devons-nous
continuer à parler de ça ? »

Tous ces groupes dont j'ai parlé avant,

la différence entre nous et eux,

entre les personnes LGBT et eux,

est que, pour la plupart,

ils ont tous reçu un soutien

ou au moins ils ont eu
une expérience commune

avec leur famille.

J'ai entendu la comédienne
Wanda Sykes résumer ça très bien.

Elle a dit que pour elle

la différence entre être noire et être gay

est qu'elle n'avait pas
à dire à ses parents

qu'elle était noire.

(Rires)

Et c'est vrai.

Personne ne sait tant qu'on ne dit rien.

Et on fait ça encore et encore et encore.

Et ce qui est bien avec ça --

et ce qu'ont révélé

toutes ces recherches --

est que la chose qui fait que les gens

changent leurs opinions
négatives à notre propos

est le fait de nous connaître !
De rencontrer des gens comme nous !

Donc, nous devons en parler,

C'est ça qui crée le changement.

Il y a tout un cycle qui existe pour nous.

Quand on fait des choses
comme par exemple,

« Salut ! Je m'appelle Karen
et je suis lesbienne »,

ça change la société.

J'ai entendu un type l'autre jour,

et il était gay,

et il faisait cette chose,

comme une sorte de vœu, il disait :

« Oh... Ça serait quand même génial, non ?

J'ai hâte de voir venir ce jour

où on ne doive plus
faire toutes ces choses,

quand les gens arrêteront de faire
des suppositions les uns sur les autres. »

Et je me suis dit :
« J'ai vraiment hâte aussi ! »

Mais au lien de rester assise
et d'espérer,

ce que je veux faire,
c'est continuer à en parler,

jusqu'à ce que ce jour arrive.

J'ai des amis
qui viennent de l'autre extrême

et qui étudient les théories
homosexuelles et l'identité sexuelle,

et qui écrivent des thèses de doctorat

sur le rejet du paradigme normatif hétéro,

ou sur la dissolution
de la dichotomie du genre.

Et je trouve tout ça fascinant.

C'est un sujet vraiment fascinant.

C'est vraiment à la pointe.

Mais quand on parle,
je dois toujours leur rappeler

que je suis ici avec des cousins

qui m'écrivent des lettres
me disant : « Tu vas aller en enfer ! »

Et ils parlent de ma compagne

en tant que « cette femme »,
même après 12 ans ensemble.

Ces académiciens sont ici,

et mes cousins sont ici,

(Rires)

et c'est une conversation très longue.

Donc, quand j'ai appris
que j'allais faire cette présentation,

j'ai appelé Tina.

« Salut ! Je vais faire
une présentation TEDx !

Je suis super contente,
j'ai vraiment hâte. »

Et elle a dit : « Mais c'est génial !

De quoi vas-tu parler ? »

(Rires)

Et j'ai dit : « Ben euh,
du fait qu'être lesbienne

est la meilleure chose
qui me soit arrivée. »

Et elle m'a dit : « Bien.
Tu sais pourquoi au moins ?

Parce que la semaine dernière,
je parlais avec cette femme à l'église

et elle était très bouleversée,

parce qu'elle pense
que son fils est gay,

et elle ne sait pas comment lui en parler.

Elle ne sait pas quoi lui dire. »

Et elle m'a dit :
« Et parce que j'ai traîné avec toi,

je t'ai écoutée,
et j'ai l'impression de savoir

quoi dire pour la soutenir. »

Et je lui ai demandé :
« Et tu dirais quoi ? »

Elle me répond :
« Eh bien, je lui dirais

qu'elle ne devrait pas s’inquiéter
de ce qu'elle va lui dire,

ou de dire ce qu'il ne faut pas.

Elle devrait simplement parler.

Et elle devrait s'assurer

qu'il sait qu'elle l'aime.

Et je lui dirais qu'être gay,
c'est un cadeau. »

Et je suis à l'autre bout du fil
comme ça... [Ouais !]

(Rires)

Mais après, je suis allée trop loin,

et je lui ai dit : « Mais lui as-tu dit

qu'être gay pouvait être
la meilleure chose

qui lui soit jamais arrivée ? »

Et là, elle m'a raccroché au nez !

(Rires)

Mais je pense à cette femme et à son fils

et en tout cas je suis sure de ceci :

peu importe ce qu'il arrivera,

le soutien parental,
les avancées légales,

l'acceptation de la société,

la chose qui ne changera jamais

est ce moment
- et c'est un moment de solitude extrême -

quand vous vous regardez dans le miroir

et que vous vous dites :
« Il y a quelque chose

en moi qui est différent

et il n'y a que moi qui le sait.

Et maintenant,
il faut que je trouve le courage

pour le dire à tout le monde. »

Et ça, ce n'est pas très gay,

et ce n'est pas très facile non plus.
C'est simplement humain.

Voici ce que j'aimerais
que vous vous souveniez :

quand vous parlerez à des gens,

dans une semaine, un mois ou un an

-- et ça va arriver --

de ce sujet-là,
avec quelqu'un qui a du mal,

ou qui cherche ses mots,

vous avez le choix
sur qui vous voulez être.

Vous pouvez rester là

avec toute l'empathie, la compassion
et l'humanité que vous avez,

et faire l'effort de trouver

un point de connexion,

parce que c'est là que commencent
toutes les belles choses.

En fait, je dirais

que la capacité de trouver
ce point de connexion

dans chaque interaction de votre vie

est un don.

Je m'appelle Karen

et être lesbienne est la meilleure chose

qui me soit jamais arrivée.

Merci.

(Applaudissement)