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Dan Barber : Comment je suis tombé amoureux d'un poisson

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    J'ai connu de nombreux poissons, dans ma vie.
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    Il n'y en a que deux que j'ai aimés.
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    Avec le premier,
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    c'était plutôt une relation passionnée.
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    C'était un beau poisson,
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    savoureux, texturé, charnu,
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    un best-seller sur le menu.
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    Quel poisson !
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    (Rires)
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    Mieux encore,
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    il était supposé être élevé selon
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    les plus hautes normes de la durabilité.
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    Ce qui fait qu'en le vendant, on se sentait bien.
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    J'ai été en relation avec cette beauté
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    pendant plusieurs mois.
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    Un jour, le patron de la société m'a appelé
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    et m'a demandé si je voulais bien prendre la parole à une conférence
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    sur l'aspect durable de son élevage.
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    «Absolument», lui ai-je répondu.
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    On avait là une entreprise qui essayait de résoudre
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    ce qui est devenu un problème inimaginable pour nos chefs :
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    Comment garder du poisson sur nos menus?
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    Au cours des 50 dernières années,
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    nous avons pêché dans les mers
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    comme nous avons déboisé les forêts.
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    Il est difficile d'exagérer la destruction.
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    90 % des grands poissons, ceux que nous aimons,
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    les thons, le flétan, le saumon, l'espadon,
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    ont vu leurs stocks s'effondrer.
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    Il n'y a presque plus rien.
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    Alors, pour le meilleur ou pour le pire,
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    l'aquaculture, l'élevage de poissons , fera partie de notre avenir.
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    Il y a beaucoup d'arguments contre cette pratique.
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    Les fermes d'aquaculture polluent, du moins la plupart d'entre elles,
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    et elles sont inefficaces, prenez par exemple le thon.
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    Un échec majeur.
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    Il a un ratio de conversion alimentaire
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    de 15 pour 1.
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    Cela signifie qu'il faudra quinze kilos de poisson sauvage
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    pour obtenir un kilo de thon d'élevage.
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    Pas très durable.
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    Pas très bon goût non plus.
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    Voici donc, enfin,
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    une entreprise qui essaie de faire correctement les choses.
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    Je voulais les soutenir.
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    La veille de l'événement,
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    J'ai appelé le directeur des relations publiques de l'entreprise.
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    Appelons-le Don.
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    « Don », lui ai-je dit « Juste pour bien comprendre, vous êtes réputés
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    pour élever vos poissons si loin en mer, que vous ne polluez pas. »
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    « C'est vrai » a-t-il répondu « On est installé tellement loin,
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    que les déchets de nos poisson sont dispersés,
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    pas concentrés. »
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    Et puis il a ajouté :
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    «Nous sommes fondamentalement un monde autonome.
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    Le ratio de conversion alimentaire ? 2,5 pour 1 » a-t-il dit,
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    « Le meilleur dans le business. »
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    2,5 pour 1, pas mal...
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    « 2.5 pour 1 quoi ? Vous les nourrissez avec quoi ? »
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    « Des protéines durables. » m' a-t-il dit.
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    « Super », j'ai répondu. J'ai raccroché le téléphone.
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    Et cette nuit-là, j'étais dans mon lit, et je pensais:
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    « Mais qu'est-ce que ça peut bien être, une protéine durable? »
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    (Rires)
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    Alors le lendemain, juste avant l'événement, j'ai appelé Don.
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    Je lui ai dit: «Don, tu peux me donner quelques exemples de protéines durables? »
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    Il a dit qu'il ne savait pas. Il faudrait qu'il demande autour de lui.
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    Alors, j'ai eu quelques personnes de l'entreprise au téléphone.
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    Personne ne pouvait me donner une réponse claire.
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    Jusqu'à ce que finalement, j'aie au téléphone
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    le biologiste en chef.
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    Appelons-le Don aussi.
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    (Rires)
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    « Don », lui dis-je
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    « peux-tu me donner quelques exemples de protéines durables? »
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    Eh bien, il a mentionné certaines algues
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    et certaines nourritures pour poissons,
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    et puis il a dit « des granulés de poulet ».
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    J'ai dit: «Des granulés de poulet? »
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    Il a dit: « Ouais, les plumes, la peau,
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    la farine d'os, les restes,
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    séchés et transformés en aliments pour animaux. »
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    J'ai dit: « Quel est le pourcentage
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    de poulet dans la nourriture ? »
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    Je pensais, vous voyez, à quelque chose comme 2 %.
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    « Eh bien, environ 30 % », a-t-il répondu.
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    Je lui ai demandé : «Don, qu'y a-t-il de durable
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    à nourrir des poissons avec du poulet ? »
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    (Rires)
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    Il y a eu un long silence en ligne, et il a dit,
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    « C'est juste qu'il y a trop de poulets dans le monde. »
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    (Rires)
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    Mon amour pour ce poisson s'est éteint.
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    (Rires)
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    Non, ce n'est pas parce que je suis un fana de cuisine
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    intransigeant et rigoriste.
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    Ce que je suis, en fait.
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    (Rires)
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    Non, mon amour pour ce poisson s'est éteint parce que, je le jure devant Dieu,
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    après cette conversation, le poisson avait un goût de poulet.
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    (Rires)
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    Le second poisson,
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    c'est un autre genre d'histoire d'amour.
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    C'est le genre romantique,
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    le genre où plus vous apprenez à connaître votre poisson,
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    plus vous aimez le poisson.
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    J'en ai d'abord mangé dans un restaurant
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    dans le sud de l'Espagne.
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    Une amie journaliste me parlait de ce poisson depuis longtemps.
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    Elle nous a en quelque sorte arrangé un rencart.
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    (Rires)
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    Il est arrivé sur la table avec
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    Une couleur blanche brillante, presque chatoyante.
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    Le chef l'avait trop cuit.
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    Quelque chose comme deux fois trop longtemps.
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    Étonnamment, il était toujours délicieux.
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    Qui peut faire en sorte qu'un poisson ait bon goût
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    après avoir été trop cuit?
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    Pas moi,
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    mais ce gars-là y arrivait.
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    Appelons-le Miguel.
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    En fait il s'appelle Miguel.
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    (Rires)
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    Et non, il n'avait pas cuit le poisson, et ce n'était pas un chef cuisinier.
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    Du moins pas au sens où vous et moi l'entendons.
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    C'est un biologiste
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    de Veta La Palma.
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    C'est un élevage de poissons dans le sud-ouest de l'Espagne.
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    C'est à l'embouchure de la rivière Guadalquivir.
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    Jusqu'aux années 1980,
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    la ferme était aux mains des Argentins.
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    Ils élevaient des bovins de boucherie
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    sur ce qui était essentiellement des marécages.
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    Ils l'ont fait en drainant les terres.
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    Ils ont construit cette série complexe de canaux,
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    ils ont drainé l'eau de la terre et l'ont envoyée dans la rivière.
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    Finalement, ça ne marchait pas,
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    économiquement.
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    Et écologiquement, c'était un désastre.
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    Ça a tué près de 90 % des oiseaux,
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    ce qui, pour l'endroit, représente beaucoup d'oiseaux.
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    Et en 1982,
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    une entreprise espagnole avec une conscience environnementale
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    a racheté le terrain.
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    Qu'ont-ils fait?
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    Ils ont inversé l'écoulement de l'eau.
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    Ils ont littéralement tiré l'interrupteur.
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    Au lieu d'extraire l'eau,
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    ils ont utilisé les canaux pour ramener de l'eau.
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    Ils ont inondé les canaux.
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    Ils ont créé une ferme piscicole de 110 km²
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    perche, mulet,
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    crevette, anguille
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    et dans ce processus, Miguel et cette entreprise
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    ont complètement inversé la destruction écologique.
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    La ferme est incroyable.
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    Je veux dire, vous n'avez jamais rien vu de tel.
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    Vous posez les yeux sur un horizon
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    qui est à des millions de kilomètres,
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    et tout ce que vous voyez, ce sont des canaux inondées
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    et cette épaisse et riche terre de marais.
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    J'étais là-bas il y a peu de temps avec Miguel.
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    C'est un gars incroyable,
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    trois quarts Charles Darwin et un quart Crocodile Dundee.
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    (Rires)
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    OK ? Là, on est en train de marcher difficilement dans les zones humides,
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    et je suis haletant et en sueur, de la boue jusqu'aux genoux,
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    et Miguel donne tranquillement une leçon de biologie.
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    Il montre un rare Elanion blanc. (NdT : oiseau rapace)
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    Et puis, il parle des besoins en minéraux du phytoplancton.
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    Et ici, ici, il voit un modèle de regroupement
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    qui lui rappelle la girafe de Tanzanie.
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    Il s'avère que Miguel a passé la plus grande partie de sa carrière
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    dans le Parc National Mikumi en Afrique.
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    Je lui ai demandé comment il était devenu
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    un tel expert en poissons.
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    Il a dit: « En poisson ? Je ne connaissais rien des poissons.
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    Je suis expert en relations. »
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    Et puis, il repart dans sa conversation
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    à propos des oiseaux rares et des algues
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    et d'étranges plantes aquatiques.
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    Et ne vous méprenez pas, c'était vraiment fascinant, vous savez,
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    quelque chose comme « La communauté biotique en direct ».
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    C'était super, mais j'étais amoureux.
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    Et je me pâmais encore au souvenir ce ce morceau trop cuit
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    de délicieux poisson que j'avais eu la nuit précédente.
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    Alors je l'ai interrompu. Je lui ai dit:
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    « Miguel, qu'est-ce qui donne si bon goût à votre poisson ?
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    Il me montra les algues.
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    «Je sais, mec, les algues, le phytoplancton,
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    les relations, c'est super...
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    Mais qu'est-ce que mangent vos poissons ?
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    Quel est le ratio de conversion alimentaire ?
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    Là, il continue à m'expliquer
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    c'est un système tellement riche,
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    que les poissons mangent ce qu'ils mangeraient dans la nature.
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    La biomasse des plantes, le phytoplancton,
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    le zooplancton, c'est ça qui nourrit les poissons.
  • 9:04 - 9:06
    Le système est tellement sain,
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    qu'il s'auto-renouvelle totalement.
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    On ne les nourrit pas.
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    Avez-vous déjà entendu parler d'une ferme qui ne nourrit pas ses animaux?
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    Plus tard ce jour-là, je faisais un tour sur la propriété propriété avec Miguel,
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    et je lui ai demandé : « Pour un lieu qui semble si naturel,
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    contrairement à toutes les fermes piscicoles que j'aie jamais vues,
  • 9:29 - 9:32
    comment mesurez-vous le succès? »
  • 9:32 - 9:35
    A ce moment-là, ça a été comme si
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    un metteur en scène avait soudainement changé le décor.
  • 9:37 - 9:39
    On a pris un tournant, et là on a vu
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    un spectacle absolument étonnant,
  • 9:41 - 9:44
    des milliers et des milliers de flamants roses,
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    un véritable tapis rose, s'étalant aussi loin que porte la vue.
  • 9:48 - 9:50
    « Ça, c'est le succès », a-t-il dit.
  • 9:51 - 9:53
    « Regardez leurs ventres, [tout ce] rose.
  • 9:53 - 9:55
    Ils sont en train de festoyer. »
  • 9:55 - 9:57
    De festoyer ? J'étais complètement perdu.
  • 9:57 - 9:59
    J'ai dit: « Miguel, est-ce qu'ils ne seraient pas en train de se régaler avec vos poissons?"
  • 9:59 - 10:01
    (Rires)
  • 10:01 - 10:03
    « Oui », a-t-il dit,
  • 10:03 - 10:09
    (Rires)
  • 10:09 - 10:11
    « On perd 20 % de nos poissons
  • 10:11 - 10:14
    et des œufs des poissons à cause des oiseaux.
  • 10:15 - 10:17
    Eh bien, l'année dernière, sur cette propriété
  • 10:17 - 10:19
    il y avait 600 000 oiseaux,
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    de plus de 250 espèces différentes.
  • 10:21 - 10:24
    C'est devenu, aujourd'hui, le plus grand
  • 10:24 - 10:27
    et l'un des plus importants
  • 10:27 - 10:31
    sanctuaires d'oiseaux privés de toute l'Europe. »
  • 10:31 - 10:34
    J'ai dit: « Miguel, une population d'oiseaux en plein essor n'est-elle pas
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    la dernière chose qu'on voudrait sur un élevage de poissons? »
  • 10:36 - 10:38
    (Rires)
  • 10:38 - 10:40
    Il secoua la tête, « Non ».
  • 10:40 - 10:43
    Il a dit: «Nous avons un élevage extensif,
  • 10:43 - 10:46
    pas intensif.
  • 10:46 - 10:49
    C'est un réseau écologique.
  • 10:49 - 10:51
    Les flamants mangent les crevettes.
  • 10:51 - 10:53
    Les crevettes mangent le phytoplancton.
  • 10:53 - 10:55
    Ainsi, plus le ventre est rose,
  • 10:55 - 10:58
    mieux se porte le système. »
  • 10:58 - 11:00
    OK, maintenant résumons.
  • 11:00 - 11:03
    Une ferme qui ne nourrit pas ses animaux,
  • 11:03 - 11:06
    est une ferme qui mesure son succès
  • 11:06 - 11:08
    à la santé de ses prédateurs.
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    Une ferme piscicole, mais aussi un sanctuaire d'oiseaux.
  • 11:11 - 11:13
    Oh, et en passant, ces flamants,
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    d'abord, ils ne devraient même pas être là.
  • 11:15 - 11:17
    Ils nichent dans une ville
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    à 250 kilomètres de là,
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    où le sol est plus propice
  • 11:21 - 11:23
    pour construire leurs nids.
  • 11:23 - 11:25
    Chaque matin, ils volent
  • 11:25 - 11:27
    sur 250 km pour arriver à la ferme.
  • 11:29 - 11:32
    Et chaque soir, ils refont 250 km pour le retour.
  • 11:32 - 11:37
    (Rires)
  • 11:39 - 11:42
    Ils font cela ça parce qu'ils arrivent à suivre
  • 11:42 - 11:44
    la ligne blanche
  • 11:44 - 11:46
    de l'autoroute A92.
  • 11:46 - 11:48
    (Rires)
  • 11:48 - 11:50
    Sans blague.
  • 11:50 - 11:53
    J'imaginais un truc dans le genre de la marche des pingouins,
  • 11:53 - 11:55
    alors j'ai regardé Miguel.
  • 11:55 - 11:57
    J'ai dit: « Miguel, ils font vraiment
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    250 km pour venir à la ferme,
  • 11:59 - 12:01
    et le soir, ils refont
  • 12:01 - 12:03
    250 km dans l'autre sens ?
  • 12:03 - 12:06
    Est-ce qu'ils font ça pour les petits ? »
  • 12:06 - 12:09
    Il m'a regardé comme si je venais de citer une chanson de Whitney Houston.
  • 12:09 - 12:13
    (Rires)
  • 12:13 - 12:16
    Il a dit: «Non, ils le font parce que la nourriture est meilleure."
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    (Rires)
  • 12:18 - 12:22
    Je n'ai pas parlé de la peau de mon poisson bien-aimé,
  • 12:26 - 12:28
    qui était délicieuse, et je n'aime pas la peau de poisson.
  • 12:28 - 12:31
    Je ne l'aime pas grillée. Je ne l'aime pas croustillante.
  • 12:31 - 12:34
    C'est tellement âcre, ça a la saveur du goudron.
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    Je ne la garde presque jamais en cuisine.
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    Pourtant, quand je l'ai goûtée dans ce restaurant du sud de l'Espagne,
  • 12:41 - 12:44
    elle n'avait pas du tout le goût de peau de poisson.
  • 12:44 - 12:47
    Elle avait un goût doux et propre
  • 12:47 - 12:50
    comme si vous goûtiez une bouchée d'océan.
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    J'ai dit ça à Miguel, et il a acquiesçé.
  • 12:52 - 12:54
    Il a dit : «La peau agit comme une éponge.
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    C'est le dernier rempart de défense avant que quelque chose ne pénètre dans l'organisme.
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    Elle a évolué pour absorber les impuretés. »
  • 12:59 - 13:01
    Et puis il a ajouté :
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    «Mais notre eau n'a pas d'impuretés."
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    OK. Une ferme qui ne nourrit pas ses poissons.
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    Une ferme qui mesure son succès
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    par le succès de ses prédateurs.
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    Et puis j'ai compris que quand il disait
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    « Une ferme qui n'a pas d'impuretés »,
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    c'était une sacrée litote,
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    parce que l'eau qui coule dans cette exploitation
  • 13:25 - 13:28
    vient de la rivière Guadalquivir.
  • 13:28 - 13:30
    C'est la rivière qui transporte avec elle
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    toutes les choses que les rivières ont tendance à porter de nos jours,
  • 13:33 - 13:35
    contaminants chimiques,
  • 13:35 - 13:37
    ruissellement de pesticides.
  • 13:37 - 13:40
    Et quand elle fait son chemin à travers le système
  • 13:40 - 13:42
    et repart,
  • 13:42 - 13:44
    l'eau est plus propre que lorsqu'elle est entrée.
  • 13:44 - 13:47
    Le système est si sain qu'il purifie l'eau.
  • 13:48 - 13:50
    Donc, pas seulement une ferme qui ne nourrit pas ses animaux,
  • 13:50 - 13:53
    pas seulement une ferme qui mesure son succès
  • 13:53 - 13:55
    à la santé de ses prédateurs,
  • 13:55 - 13:58
    mais une ferme qui est littéralement une usine de purification d'eau,
  • 14:01 - 14:04
    et pas seulement pour ces poissons,
  • 14:04 - 14:06
    mais pour vous et moi aussi.
  • 14:06 - 14:09
    Parce que quand l'eau ressort, elle se déverse dans l'Atlantique.
  • 14:11 - 14:13
    Une goutte dans l'océan, je sais bien,
  • 14:13 - 14:16
    mais je vais la prendre, et vous devriez faire pareil,
  • 14:16 - 14:19
    parce que cette histoire d'amour,
  • 14:20 - 14:22
    même si elle est romantique,
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    est également instructive.
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    Vous pourriez dire que c'est une recette
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    pour l'avenir de la bonne nourriture,
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    qu'on parle de bars, ou de bœufs de boucherie.
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    Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est
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    d'une conception radicalement nouvelle de l'agriculture,
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    dans laquelle la nourriture ait vraiment bon goût.
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    (Rires)
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    (Applaudissements)
  • 14:47 - 14:49
    Mais pour beaucoup de gens
  • 14:49 - 14:52
    c'est un peu trop radical.
  • 14:52 - 14:54
    Nous ne sommes pas réalistes, nous autres, fans de gastronomie.
  • 14:54 - 14:56
    On est des amateurs.
  • 14:56 - 14:58
    On adore les marchés de producteurs.
  • 14:58 - 15:01
    On aime les petites exploitations familiales.
  • 15:01 - 15:03
    On parle d’alimentation locale.
  • 15:03 - 15:06
    On mange bio.
  • 15:06 - 15:08
    Et quand on suggère que c'est tout cela
  • 15:08 - 15:12
    qui assurera l'avenir de la bonne nourriture,
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    quelqu'un, quelque part, se lève et dit
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    « Hé mec, j'adore les flamants roses,
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    mais comment allez-vous faire pour nourrir le monde?
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    Comment allez-vous faire pour nourrir le monde? »
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    Puis-je être honnête?
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    Je n'aime pas cette question.
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    Non, ce n'est pas parce que nous produisons déjà
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    plus qu'assez de calories pour nourrir le monde.
  • 15:34 - 15:37
    Un milliard de personnes auront faim aujourd'hui.
  • 15:37 - 15:40
    Un milliard -- plus que jamais auparavant --
  • 15:41 - 15:44
    à cause des inégalités flagrantes dans la distribution,
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    et pas du tonnage.
  • 15:47 - 15:49
    Je n'aime pas cette question parce qu’elle a déterminé la logique
  • 15:49 - 15:52
    de notre système alimentaire ces 50 dernières années.
  • 15:52 - 15:55
    Des céréales fourragères pour les herbivores,
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    des pesticides pour les monocultures, des produits chimiques pour le sol,
  • 15:57 - 16:00
    du poulet pour le poisson,
  • 16:00 - 16:03
    et tout du long, l'agro-industrie
  • 16:03 - 16:05
    s'est juste demandé :
  • 16:05 - 16:07
    «Si on nourrit plus de monde pour moins cher,
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    est-ce que c'est si grave ? »
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    Cela a été notre motivation.
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    Ça a été la justification.
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    Ça a été le plan prévisionnel
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    de l'agriculture américaine.
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    Il faut regarder les choses en face. C'est
  • 16:21 - 16:24
    un secteur d'activité en dépôt de bilan,
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    une activité qui grignote rapidement
  • 16:27 - 16:30
    le capital écologique qui rend sa propre production possible.
  • 16:30 - 16:32
    Ce n'est ni une entreprise,
  • 16:32 - 16:34
    ni de l'agriculture.
  • 16:34 - 16:37
    Notre panier à pain est menacé aujourd'hui,
  • 16:37 - 16:39
    pas à cause de la diminution de l'offre,
  • 16:39 - 16:42
    mais à cause de la raréfaction des ressources,
  • 16:42 - 16:45
    non par les dernières inventions pour moissonneuses et tracteurs,
  • 16:45 - 16:47
    mais à cause des terres fertiles,
  • 16:47 - 16:50
    pas par les pompes, mais à cause de l'eau fraîche,
  • 16:50 - 16:53
    pas par les tronçonneuses, mais à cause de les forêts,
  • 16:53 - 16:56
    ni par les bateaux de pêche et leurs filets, mais par les poissons dans la mer.
  • 16:56 - 16:58
    Vous voulez nourrir le monde?
  • 16:58 - 17:01
    Commençons par nous demander: Comment allons-nous nous nourrir nous-mêmes?
  • 17:02 - 17:05
    Ou mieux, comment pouvons-nous créer les conditions
  • 17:05 - 17:08
    qui permettent à chaque collectivité
  • 17:08 - 17:10
    de se nourrir elle-même ?
  • 17:10 - 17:17
    (Applaudissements)
  • 17:17 - 17:19
    Pour ce faire,
  • 17:19 - 17:22
    ne prenez pas le modèle de l'agrobusiness pour votre avenir.
  • 17:22 - 17:24
    Il est vraiment vieux, et il est usé.
  • 17:24 - 17:28
    Il coûte cher en capital, en chimie et en machines,
  • 17:28 - 17:31
    et il n'a jamais rien produit de vraiment bon à manger.
  • 17:33 - 17:37
    Au contraire, inspirons-nous du modèle écologique.
  • 17:37 - 17:40
    C'est celui qui se fonde sur deux milliards d'années
  • 17:40 - 17:43
    d'expérience sur le tas.
  • 17:43 - 17:45
    Regardez Miguel,
  • 17:45 - 17:47
    les agriculteurs comme Miguel,
  • 17:47 - 17:50
    des exploitations agricoles qui ne soient pas renfermées sur elles-mêmes,
  • 17:50 - 17:55
    des fermes qui restaurent au lieu d'appauvrir,
  • 17:55 - 17:57
    des fermes qui travaillent de manière extensive,
  • 17:57 - 17:59
    et pas simplement de manière intensive,
  • 17:59 - 18:02
    des agriculteurs qui ne soient pas seulement des producteurs,
  • 18:02 - 18:04
    mais aussi des experts en relations,
  • 18:04 - 18:06
    parce que ce sont également ceux
  • 18:06 - 18:09
    qui sont experts en goût.
  • 18:09 - 18:11
    Et, pour être totalement honnête,
  • 18:11 - 18:14
    ils font un meilleur chef que je ne le serai jamais.
  • 18:14 - 18:17
    Vous savez, ça ne me gêne pas, parce que
  • 18:17 - 18:20
    si c'est ça, l'avenir de la bonne nourriture, ça va être délicieux.
  • 18:20 - 18:22
    Merci.
  • 18:22 - 18:39
    (Applaudissements)
Title:
Dan Barber : Comment je suis tombé amoureux d'un poisson
Speaker:
Dan Barber
Description:

Le chef Dan Barber est confronté à un dilemme, comme beaucoup de chefs aujourd'hui : Comment garder du poisson au menu.Avec un travail de recherche impeccable et un humour glacé, il nous narre sa quête d'un poisson respectueux de l'environnement dont il puisse tomber amoureux, et la lune de miel de gastronome qu'il vit depuis qu'il a découvert in poisson incroyablement délicieux, élevé en Espagne selon des méthodes révolutionnaires.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
18:41
Pascal DELAMAIRE added a translation

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