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Les scientifiques doivent être libres d'apprendre, de parler et d'oser

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    Permettez-moi de vous parler
    de la morve des rochers.
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    Depuis 1992, le Dr Max Bothwell,
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    scientifique travaillant
    pour le gouvernement canadien,
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    étudie ce type d'algue
    qui pousse sur les rochers.
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    Le nom très peu scientifique
    de cette algue est la morve des rochers,
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    parce que, comme vous l'avez compris,
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    elle ressemble à de la morve.
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    Mais les scientifiques l'appellent aussi
    Didymosphenia geminata
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    et depuis des décennies, cette algue
    s'est propagée dans les rivières
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    du monde entier.
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    Le problème avec cette algue
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    est qu'elle menace
    les saumons, les truites
  • 0:50 - 0:53
    et tout l'écosystème des rivières.
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    Et, comme le Dr Bothwell
  • 0:57 - 1:01
    est un expert mondial sur le sujet,
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    il n'est pas surprenant qu'en 2014,
  • 1:05 - 1:09
    un reporter l'ait contacté
  • 1:09 - 1:11
    pour écrire un article sur cette algue.
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    Le problème était qu'il n'a pas été
    autorisé à parler au reporter
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    par le gouvernement canadien de l'époque.
  • 1:23 - 1:27
    Il y avait 110 pages de mails
  • 1:27 - 1:31
    et 16 experts gouvernementaux
    dans le domaine de la communication
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    entre le Dr Bothwell et le reporter.
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    Pourquoi le Dr Bothwell
    ne pouvait-il pas parler ?
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    Eh bien, on n'en sera jamais sûr,
  • 1:41 - 1:45
    mais les recherches
    du Dr Bothwell suggéraient
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    que le changement climatique
    pourrait être responsable
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    de la propagation agressive de l'algue.
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    Mais qui diable pourrait vouloir étouffer
    une telle information, bon sang ?
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    Oui, vous pouvez rire.
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    C'est une blague,
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    parce que c'est ridicule.
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    Nous savons que les informations
    sur le changement climatique
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    sont étouffées pour plein de raisons.
  • 2:13 - 2:17
    Je l'ai vu de près
    quand j'étais professeur d'université.
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    On l'a vu quand des pays se sont retirés
    des accords mondiaux sur le climat
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    tels le protocole de Kyoto
    et l'accord de Paris,
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    et on le voit encore quand l'industrie
    n'arrive pas à tenir ses engagements
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    de réduction d'émission
    de gaz à effet de serre.
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    Mais il n'y a pas que l'information
    sur le changement climatique
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    qui est étouffée.
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    Tant de questions scientifiques
    sont brouillées par les faits alternatifs,
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    les fake news et autres formes
    de manipulation de l'information.
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    On l'a vu au Royaume-Uni,
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    on l'a vu en Russie,
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    on l'a vu aux États-Unis
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    et, jusqu'en 2015,
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    ici même au Canada.
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    En cette époque technologique,
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    au moment où notre survie même
    dépend de la recherche,
  • 3:11 - 3:14
    de l'innovation et de la science,
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    il est crucial, absolument crucial,
  • 3:18 - 3:22
    que nos scientifiques
    soient libres de travailler,
  • 3:22 - 3:25
    libres de collaborer
    avec d'autres scientifiques,
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    libres de parler aux media
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    et libres de parler au grand public.
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    Parce qu'après tout,
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    la science est ce que l'humanité
    a de mieux pour découvrir la vérité
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    sur notre monde,
  • 3:40 - 3:43
    sur notre existence même.
  • 3:43 - 3:46
    Chaque nouvelle découverte
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    s'ajoute à la masse croissante
    de nos connaissances collectives.
  • 3:52 - 3:55
    Les scientifiques doivent
    être libres d'explorer
  • 3:55 - 4:00
    des sujets non conventionnels,
    voire controversés.
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    Ils doivent être libres de remettre
    en cause notre manière de penser actuelle
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    et ils doivent être libres
  • 4:05 - 4:11
    de présenter des vérités
    inconfortables ou dérangeantes,
  • 4:12 - 4:15
    car c'est ainsi que les scientifiques
    repoussent les limites.
  • 4:15 - 4:20
    Et les repousser, c'est, après tout,
    ce à quoi sert la science.
  • 4:20 - 4:22
    Et enfin,
  • 4:22 - 4:27
    les scientifiques doivent
    être libres de se tromper,
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    car même une hypothèse fausse
    nous apprend quelque chose.
  • 4:32 - 4:37
    La meilleure manière de l'expliquer est
    de raconter une de mes propres aventures.
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    Mais je dois d'abord
    vous faire remonter le temps.
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    Au début du XXe siècle,
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    Claire et Vera étaient colocataires
    dans le sud de l'Ontario.
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    Un soir, au plus fort
    de l'épidémie de grippe espagnole,
  • 4:53 - 4:55
    elles ont assisté à un cours ensemble.
  • 4:56 - 5:00
    A la fin de la soirée, elles sont rentrées
    à la maison et se sont couchées.
  • 5:00 - 5:04
    Le matin, Claire a appelé Vera
  • 5:04 - 5:06
    pour lui dire
    qu'elle sortait petit-déjeuner.
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    Quand elle est revenue un peu plus tard,
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    Vera ne s'était pas levée.
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    Elle a soulevé les couvertures
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    et a fait une horrible découverte.
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    Vera était morte.
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    Quand on parle de grippe espagnole,
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    ce type d'histoire est courant,
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    la mort survenait très rapidement.
  • 5:30 - 5:33
    La première fois que j'ai entendu
    ces faits choquants,
  • 5:34 - 5:37
    j'étais professeur
    et j'avais entre 20 et 30 ans,
  • 5:37 - 5:42
    et la scientifique en moi
    a voulu savoir pourquoi et comment.
  • 5:43 - 5:47
    Ma curiosité m'a menée
    dans des contrées gelées
  • 5:47 - 5:50
    à la tête d'une expédition,
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    voulant découvrir les causes
    de la grippe espagnole de 1918.
  • 5:54 - 5:57
    Je voulais tester nos médicaments modernes
  • 5:57 - 6:00
    sur l'une des maladies
    les plus mortelles de l'histoire.
  • 6:00 - 6:03
    J'espérais qu'on créerait un vaccin
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    qui serait efficace contre le virus
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    et toutes ses mutations,
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    si jamais il devait réapparaître.
  • 6:12 - 6:17
    J'ai dirigé donc une équipe de recherche
  • 6:17 - 6:20
    de 17 hommes,
  • 6:20 - 6:24
    venus du Canada,
    de Norvège, du Royaume-Uni
  • 6:24 - 6:25
    et des États-Unis,
  • 6:25 - 6:30
    dans l'archipel du Svalbard,
    dans l'océan Arctique.
  • 6:30 - 6:34
    Ces îles se trouvent
    entre la Norvège et le pôle Nord.
  • 6:34 - 6:36
    On a exhumé six corps
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    morts à cause de la grippe espagnole
    et enterrés dans le permafrost.
  • 6:41 - 6:47
    Nous espérions que le sol gelé
    aurait préservé les corps et le virus.
  • 6:48 - 6:50
    Je sais ce que vous attendez tous,
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    le super retour
    sur investissement scientifique.
  • 6:54 - 7:00
    Mais mon histoire n'a pas de dénouement
    heureux comme dans les films.
  • 7:01 - 7:03
    La plupart n'en ont pas.
  • 7:03 - 7:06
    La réalité est que
    nous n'avons pas trouvé le virus,
  • 7:06 - 7:10
    mais nous avons développé
    de nouvelles techniques
  • 7:10 - 7:12
    pour exhumer en toute sécurité des corps
  • 7:12 - 7:14
    qui pourraient contenir un virus.
  • 7:15 - 7:18
    Nous avons développé
    de nouvelles techniques
  • 7:18 - 7:20
    pour prélever en toute sécurité des tissus
  • 7:20 - 7:23
    qui pourraient contenir un virus.
  • 7:23 - 7:27
    Et nous avons développé
    de nouveaux protocoles de sécurité
  • 7:27 - 7:32
    pour protéger l'équipe de recherche
    et les gens autour.
  • 7:32 - 7:36
    Nous avons grandement
    contribué à la science,
  • 7:36 - 7:39
    même si nos contributions
  • 7:39 - 7:42
    n'étaient pas celles prévues initialement.
  • 7:43 - 7:46
    En science, des tentatives échouent,
  • 7:46 - 7:49
    des résultats sont peu concluants
  • 7:49 - 7:52
    et des théories ne donnent pas
    les résultats escomptés.
  • 7:52 - 7:54
    En science,
  • 7:55 - 7:59
    la recherche se construit à partir
    du travail et de la recherche des autres
  • 8:00 - 8:01
    ou en regardant plus loin,
  • 8:01 - 8:04
    en nous tenant sur les épaules des géants,
  • 8:04 - 8:07
    pour paraphraser Newton.
  • 8:07 - 8:10
    Ce que je veux dire, c'est que
    les scientifiques doivent être libres
  • 8:10 - 8:14
    de choisir ce qu'ils veulent explorer,
  • 8:15 - 8:17
    ce par quoi ils sont passionnés
  • 8:17 - 8:20
    et ils doivent être libres
    de publier leurs découvertes.
  • 8:21 - 8:22
    J'ai dit tout à l'heure
  • 8:22 - 8:29
    que le respect envers la science a
    commencé à s'améliorer au Canada en 2015.
  • 8:29 - 8:31
    Comment avons-nous fait ?
  • 8:31 - 8:34
    Quelles leçons pouvons-nous partager ?
  • 8:35 - 8:39
    Eh bien, cela remonte
    à l'époque où j'étais professeur.
  • 8:39 - 8:41
    J'ai observé comment les agences,
  • 8:41 - 8:45
    les gouvernements
    et les industries du monde entier
  • 8:45 - 8:49
    ont étouffé l'information
    sur le changement climatique.
  • 8:49 - 8:51
    Cela m'a mise en fureur.
  • 8:51 - 8:54
    Cela m'a empêchée de dormir.
  • 8:54 - 8:58
    Comment les politiciens pouvaient-ils
    tordre les faits scientifiques
  • 8:58 - 9:00
    à des fins partisanes ?
  • 9:02 - 9:06
    J'ai fait ce que quiconque de consterné
    par la politique aurait fait :
  • 9:06 - 9:10
    je me suis présentée
    aux élections et j'ai été élue.
  • 9:10 - 9:16
    (Applaudissements)
  • 9:16 - 9:19
    Je voulais utiliser
    cette nouvelle plateforme
  • 9:19 - 9:23
    pour évoquer l'importance de la science.
  • 9:23 - 9:28
    C'est rapidement devenu une bataille
    pour la liberté de la science.
  • 9:29 - 9:34
    Après tout, j'étais une scientifique,
    venant d'un monde qui était attaqué
  • 9:34 - 9:37
    et j'avais personnellement
    ressenti cette indignation.
  • 9:39 - 9:44
    Je pouvais être la voix de ceux
    qu'on réduisait au silence.
  • 9:44 - 9:48
    Mais j'ai vite compris
    que les scientifiques étaient nerveux,
  • 9:48 - 9:51
    même inquiets à l'idée de me parler.
  • 9:51 - 9:54
    Un scientifique travaillant
    pour le gouvernement, un ami --
  • 9:54 - 9:55
    appelons-le McPherson --
  • 9:57 - 10:00
    avait des inquiétudes quant à l'impact
  • 10:00 - 10:04
    que les politiques gouvernementales
    avaient sur ses recherches
  • 10:04 - 10:09
    et quant à la détérioration
    de l'état de la science au Canada.
  • 10:09 - 10:12
    Il était si inquiet qu'il m'a écrit
  • 10:12 - 10:15
    en utilisant l'adresse e-mail de sa femme
  • 10:15 - 10:18
    parce qu'il avait peur
    qu'un appel téléphonique soit tracé.
  • 10:18 - 10:23
    Il voulait que je l'appelle
    sur le numéro de sa femme,
  • 10:23 - 10:26
    pour que son appel ne soit pas tracé.
  • 10:26 - 10:28
    J'aimerais que ce soit une blague.
  • 10:29 - 10:35
    Cela m'a rapidement fait comprendre
    ce qu'il se passait au Canada.
  • 10:35 - 10:41
    Combien un ami de 20 ans pouvait
    être aussi effrayé de me parler ?
  • 10:41 - 10:44
    J'ai donc fait ce que
    je pouvais faire à l'époque.
  • 10:44 - 10:48
    Je l'ai écouté et j'ai partagé
    ce que j'avais appris
  • 10:50 - 10:52
    avec mon ami au parlement,
  • 10:52 - 10:56
    un homme qui s'intéressait à tout :
    l'environnement, la science,
  • 10:56 - 10:59
    la technologie, l'innovation.
  • 11:00 - 11:04
    Puis, en 2015, les élections ont eu lieu
  • 11:04 - 11:07
    et notre parti a gagné.
  • 11:07 - 11:10
    Nous avons formé un gouvernement.
  • 11:10 - 11:11
    Et cet ami au parlement
  • 11:13 - 11:17
    est désormais Premier ministre --
    c'est Justin Trudeau.
  • 11:17 - 11:22
    (Applaudissements)
  • 11:22 - 11:27
    Et il m'a demandé si je voulais devenir
    son ministre des Sciences.
  • 11:27 - 11:30
    Ensemble, avec tout le gouvernement,
  • 11:30 - 11:36
    nous travaillons dur pour redonner
    sa juste place à la science.
  • 11:36 - 11:41
    Je n'oublierai jamais ce jour
    de décembre 2015,
  • 11:41 - 11:44
    où j'ai parlé devant le parlement
  • 11:44 - 11:46
    et proclamé :
  • 11:46 - 11:50
    « La guerre contre la science
    est terminée ».
  • 11:51 - 11:56
    (Applaudissements)
  • 11:56 - 12:01
    Et j'ai travaillé dur pour que
    ces paroles soient suivies d'actes.
  • 12:01 - 12:03
    Nous avons connu de nombreuses réussites.
  • 12:03 - 12:05
    Il y a encore tant de travail,
  • 12:07 - 12:09
    nous construisons
    ce changement de mentalité.
  • 12:09 - 12:15
    Nous voulons que nos scientifiques
    parlent avec les media, avec le public.
  • 12:15 - 12:19
    Ça prendra du temps,
    mais nous sommes déterminés.
  • 12:19 - 12:23
    Après tout, le Canada est perçu
    comme un phare pour la science
  • 12:23 - 12:25
    dans le monde entier.
  • 12:25 - 12:27
    Nous voulons envoyer le message
  • 12:29 - 12:33
    qu'il ne faut pas interférer
    avec quelque chose d'aussi fondamental,
  • 12:33 - 12:36
    d'aussi précieux que la science.
  • 12:38 - 12:43
    Donc, pour le Dr Bothwell,
    pour Claire et Vera,
  • 12:43 - 12:46
    pour McPherson et tous les autres,
  • 12:46 - 12:52
    si vous voyez que la science est
    muselée, étouffée ou attaquée,
  • 12:52 - 12:54
    faites-le savoir.
  • 12:54 - 13:00
    Si vous voyez que des scientifiques
    sont réduits au silence, faites-le savoir.
  • 13:00 - 13:03
    Nous devons tenir nos leaders
    pour responsables.
  • 13:03 - 13:07
    Que ce soit en exerçant
    notre droit de vote,
  • 13:07 - 13:12
    en signant une tribune dans un journal
  • 13:12 - 13:16
    ou en lançant une conversation
    sur les réseaux sociaux,
  • 13:17 - 13:22
    seule notre voix collective
    garantira la liberté de la science.
  • 13:23 - 13:27
    Et après tout,
    la science appartient à tous,
  • 13:27 - 13:34
    elle nous mènera tous vers un avenir
    meilleur, plus éclatant, plus audacieux.
  • 13:34 - 13:35
    Merci.
  • 13:35 - 13:40
    (Applaudissements)
Title:
Les scientifiques doivent être libres d'apprendre, de parler et d'oser
Speaker:
Kirsty Duncan
Description:

« On ne plaisante pas avec quelque chose d'aussi fondamental et d'aussi précieux que la science », affirme Kirsty Duncan, première ministre des Sciences du Canada. Dans un discours sincère et inspirant sur la mission de la science de repousser les limites, elle affirme que les chercheurs doivent être libres de présenter des vérités dérangeantes et de remettre en question la pensée unique - et que nous devons tous réagir quand la science est muselée, étouffée ou attaquée.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
13:55

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