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Joseph Nye à propos des fluctuations du pouvoir dans le monde

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    Je vais vous parler
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    du pouvoir en ce 21e siècle.
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    Et fondamentalement, ce que je souhaite vous dire,
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    c'est que le pouvoir est en train de changer,
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    et qu'il y a deux types de changement
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    que je souhaite aborder.
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    L'un est la transition des pouvoirs,
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    qui est le déplacement du pouvoir d'un état à l'autre.
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    Et la version simplifiée du message
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    est que c'est une transition d'Ouest en Est.
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    L'autre est la diffusion du pouvoir,
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    la manière dont le pouvoir s'éloigne
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    de tous les états, qu'ils soient occidentaux ou orientaux,
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    vers des acteurs non gouvernementaux.
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    Ces deux choses
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    constituent les gigantesques changements de pouvoir
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    de notre siècle.
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    Et je souhaite vous en dire plus sur chacune d'elles séparément,
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    puis sur leur façon d'interagir,
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    et enfin sur quelques raisons possibles de se réjouir.
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    Lorsque nous parlons de transition des pouvoirs,
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    nous parlons souvent de l'essor de l'Asie.
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    En réalité, nous devrions parler
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    de la renaissance, ou du retour, de l'Asie.
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    Si nous regardions le monde
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    en 1800,
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    vous remarqueriez que plus de la moitié des habitants de la Terre
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    vivaient en Asie
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    et qu'ils créaient plus de la moitié du produit mondial.
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    Maintenant, faisons un saut jusqu'en 1900 :
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    la moitié des habitants -- plus de la moitié -- vit encore en Asie,
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    mais ils créent seulement
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    un cinquième du produit mondial.
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    Que s'est-il passé ? La révolution industrielle,
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    qui a fait que d'un coup,
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    l'Europe et l'Amérique
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    sont devenus le centre prédominant du monde.
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    Ce que nous allons observer durant le 21e siècle
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    est l'Asie redevenant progressivement
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    plus de la moitié de la population mondiale
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    et plus de la moitié de la production mondiale.
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    C'est crucial, et c'est un changement important.
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    Mais permettez-moi de vous dire deux ou trois choses
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    de l'autre changement dont je parle,
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    qui est la diffusion du pouvoir.
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    Pour comprendre la diffusion du pouvoir
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    gardez ceci en tête :
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    les coûts informatiques et de communication
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    ont été divisés par mille
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    entre 1970
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    et le début de ce siècle.
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    Évidemment, c'est un nombre énorme et abstrait,
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    mais, afin de le rendre plus concret,
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    si le prix d'une automobile
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    avait diminué aussi rapidement
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    que le prix de l'informatique,
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    vous pourriez acheter aujourd'hui une voiture
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    pour cinq dollars.
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    Alors, lorsque le prix de n'importe quelle technologie
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    baisse si drastiquement,
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    les barrières à l'entrée s’effondrent ;
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    n'importe qui peut participer à la compétition.
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    En 1970,
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    si vous souhaitiez communiquer
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    d'Oxford à Johannesbourg
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    à New Delhi
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    à Brasilia
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    et partout à la fois,
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    vous pouviez le faire,
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    la technologie existait.
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    Mais pour pouvoir le faire,
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    vous deviez être très riche --
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    un gouvernement, une multinationale,
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    ou peut-être l’Église catholique --
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    mais vous deviez être très riche.
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    Maintenant, tout le monde a cette capacité,
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    qui était auparavant réservée, du fait de son coût
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    à quelques acteurs seulement,
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    si vous avez de quoi payer l'entrée d'un cybercafé --
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    la dernière fois que j'ai regardé, ça devait être un euro de l'heure --
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    et si vous avez Skype, c'est gratuit.
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    Donc, les capacités
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    qui étaient autrefois réservées
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    sont désormais accessibles à tout le monde.
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    Et ce que cela signifie,
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    ce n'est pas que l'âge d'or de l’État est terminé.
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    L’État est toujours important.
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    Mais la scène est surpeuplée.
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    L’État n'est plus seul. Il y a de très, très nombreux acteurs.
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    Cela est en partie bénéfique.
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    Oxfam,
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    un grand acteur non-gouvernemental.
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    Mais c'est parfois néfaste.
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    Al Qaeda, un autre acteur non-gouvernemental.
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    Mais pensez aux conséquences
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    sur la façon dont nous réfléchissons avec des termes et des concepts traditionnels.
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    Nous pensons en termes de guerre,
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    et de guerre entre états.
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    Et vous pouvez repenser à 1941,
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    lorsque le gouvernement du Japon
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    attaqua les États-Unis à Pearl Harbor.
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    Il est intéressant de remarquer
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    qu'un acteur non-gouvernemental,
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    en attaquant les États-Unis en 2001,
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    a tué plus d'américains
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    que le gouvernement du Japon en 1941.
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    Vous devriez penser cela
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    comme une privatisation de la guerre.
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    Ainsi nous observons un grand changement
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    en termes de diffusion de pouvoir.
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    Le problème, c'est
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    que nous n'y réfléchissons pas d'une manière novatrice.
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    Permettez-moi donc de prendre un peu de recul
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    et de demander : Qu'est-ce que le pouvoir ?
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    Le pouvoir est simplement la capacité
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    d'influer sur les autres
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    afin d'obtenir les résultats que vous souhaitez,
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    et vous pouvez le faire de trois manières différentes.
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    Vous pouvez le faire par la menace
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    de coercition -- le bâton ;
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    vous pouvez le faire par la rémunération --
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    la carotte ;
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    ou vous pouvez le faire en poussant les autres
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    à vouloir ce que vous voulez.
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    Et cette capacité d'obtenir que les autres veuillent ce que vous voulez,
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    d'obtenir les résultats que vous souhaitez,
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    sans coercition ni rémunération,
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    est ce que j'appelle la puissance douce.
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    Cette puissance douce a été très négligée
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    et largement incomprise.
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    Et pourtant elle est extrêmement importante.
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    En effet, si vous apprenez
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    à employer davantage la puissance douce,
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    vous pouvez économiser énormément
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    de carottes et de bâtons.
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    Traditionnellement, la manière dont les gens envisageaient le pouvoir
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    était à l'origine en termes de pouvoir militaire.
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    Par exemple, le grand historien d'Oxford,
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    qui enseigna dans cette université même, A.J.P. Taylor,
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    a défini une grande puissance
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    comme un pays capable de gagner la guerre.
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    Mais il nous faut une nouvelle définition
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    si nous voulons comprendre le pouvoir au 21e siècle.
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    Ce n'est pas juste de gagner la guerre,
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    même si la guerre persiste.
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    Ce n'est pas quelle armée triomphe ;
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    c'est également quelle histoire triomphe.
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    Et nous devons réfléchir bien plus en termes de narration,
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    et sur quel récit sera le plus efficace.
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    Maintenant, permettez-moi de revenir
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    à la question
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    de la transition des pouvoirs
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    entre les états
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    et de ce qui se passe là.
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    Les récits que nous utilisons aujourd'hui
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    sont généralement la croissance et le déclin
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    des grandes puissances.
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    Et le récit actuel ne parle
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    que de l'essor de la Chine
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    et du déclin des États-Unis.
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    Assurément, avec la crise financière de 2008,
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    beaucoup de gens ont dit que ce serait
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    la début de la fin pour la puissance américaine.
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    Les plaques tectoniques
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    de la politique mondiale se déplaçaient.
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    Et le président Medvedev de Russie, par exemple,
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    déclara en 2008
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    que c'était le début de la fin
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    de la puissance américaine.
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    Mais en fait,
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    cette métaphore du déclin
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    est souvent très trompeuse.
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    Si vous observez l'histoire récente,
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    vous noterez que les cycles de croyance
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    envers le déclin américain
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    vont et viennent tous les 10 ou 15 ans.
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    En 1958,
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    après que les Soviétiques aient mis le Spoutnik en orbite,
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    c'était « C'est la fin de l'Amérique. ».
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    En 1973, avec l'embargo pétrolier,
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    et la fin des trente glorieuses,
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    c'était la fin de l'Amérique.
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    Dans les années 1980,
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    alors que l'Amérique connaissait une transition, sous Reagan,
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    entre l'industrie lourde du centre-ouest
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    et l'économie de la Silicon Valley en Californie,
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    c'était la fin de l'Amérique.
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    Mais en fait, ce que nous avons vu,
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    c'est que rien de tout cela n'était vrai.
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    Bien sûr, les gens était exagérément enthousiastes
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    dans les années 2000,
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    lorsqu'ils pensaient que l'Amérique était capable de tout,
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    ce qui nous a conduit à quelques désastreuses
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    aventures en politique étrangère,
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    et aujourd'hui, nous en revenons de nouveau au déclin.
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    La morale de cette histoire,
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    c'est que toutes ces histoires d'essor, de chute et de déclin
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    nous révèlent plus de choses sur la psychologie
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    que sur la réalité.
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    Si nous essayons de nous concentrer sur la réalité,
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    alors nous devons nous concentrer
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    sur ce qui se passe réellement
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    au sujet de la Chine et des États-Unis.
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    Goldman Sachs a prévu
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    que la Chine, l'économie chinoise,
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    dépassera celle des États-Unis
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    en 2027.
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    Nous avons donc, quoi,
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    17 années à peu près
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    avant que la Chine ne nous surpasse.
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    Un jour,
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    avec 1,3 milliard de gens qui s'enrichissent,
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    ils vont devenir plus gros que les États-Unis.
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    Mais ne soyez pas confiants envers de telles prévisions,
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    comme celle de Goldman Sachs,
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    comme si elles nous donnaient une idée exacte
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    des transitions des pouvoirs de ce siècle.
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    Permettez-moi d'évoquer trois raisons pour lesquelles c'est beaucoup trop simple.
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    Premièrement, c'est une projection linéaire.
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    Vous savez, tout le dit,
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    voici la croissance de la Chine, voici la croissance des États-Unis,
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    et voilà -- une simple ligne droite entre deux points.
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    L'histoire n'est pas linéaire.
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    Il y a souvent des accidents de parcours sur le chemin.
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    La seconde chose est
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    que l'économie chinoise
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    dépasse l'économie des États-Unis, disons, en 2030,
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    ce qui sera peut être le cas,
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    ce sera néanmoins une mesure de la taille globale de l'économie,
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    mais pas du revenu par habitant --
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    ça ne vous détaillera pas la composition de l'économie.
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    La Chine possède encore de larges régions
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    sous-développées.
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    Et le revenu par habitant est une mesure plus pertinente
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    de la sophistication de l'économie.
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    Et sur ce plan, les chinois ne dépasseront les américains
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    que bien que plus tard, dans la deuxième moitié
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    de ce siècle, après 2050.
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    L'autre élément qui vaut la peine d'être noté
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    est la nature uni-dimensionnelle
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    de cette projection.
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    Vous savez, cela ressemble à la puissance économique
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    mesurée selon le PIB.
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    Cela ne vous dit rien sur le pouvoir militaire,
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    ni sur la puissance douce.
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    Tout est uni-dimensionnel
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    Et aussi, lorsque nous réfléchissons à l'essor de l'Asie,
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    ou au retour de l'Asie,
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    comme je l'ai appelé un peu plus tôt,
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    il est utile de rappeler que l'Asie n'est pas une seule entité.
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    Si vous vous trouvez au Japon
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    ou à New Delhi,
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    ou à Hanoi,
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    votre vision de l'essor de l'Asie
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    est légèrement différente de celle que vous avez à Beijing.
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    Et en effet, l'un des avantages
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    que les Américains auront
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    concernant leur puissance en Asie,
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    c'est que tous ces pays
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    veulent une police d'assurance Américaine
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    contre la croissance de la Chine.
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    C'est comme si le Mexique et le Canada
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    étaient des voisins ennemis des États-Unis,
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    ce qu'ils ne sont pas.
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    Alors ces projections simples
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    du genre Goldman Sachs
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    ne nous disent rien de ce que nous devrions savoir
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    sur la transition des pouvoirs.
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    Mais vous vous dites peut être : Et alors, de toute façon ?
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    Pourquoi est-ce important ? Qui s'en soucie ?
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    Est-ce uniquement un jeu
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    pour les diplomates et les universitaires ?
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    La réponse est que cela importe énormément.
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    Parce que, si vous croyez au déclin,
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    et que vous avez les mauvaises réponses à ces questions,
  • 10:59 - 11:01
    les faits, pas les mythes,
  • 11:01 - 11:04
    vous pourriez avoir des politiques très dangereuses.
  • 11:04 - 11:07
    Permettez-moi de vous donner un exemple historique.
  • 11:07 - 11:09
    La guerre du Péloponnèse
  • 11:09 - 11:11
    a été le grand conflit
  • 11:11 - 11:13
    durant lequel le système des cités grecques
  • 11:13 - 11:16
    s'est effondré
  • 11:16 - 11:19
    il y a deux millénaires et demi.
  • 11:19 - 11:21
    Quelle en a été la cause ?
  • 11:21 - 11:24
    Thucydide, le grand historien de la guerre du Péloponnèse,
  • 11:24 - 11:27
    a dit que c'était l'essor du pouvoir d'Athènes
  • 11:27 - 11:30
    et la peur que cela a provoqué à Sparte.
  • 11:30 - 11:33
    Notez les deux parties de cette explication.
  • 11:33 - 11:35
    Beaucoup de gens prétendent
  • 11:35 - 11:37
    que le 21e siècle
  • 11:37 - 11:39
    répétera le 20e siècle,
  • 11:39 - 11:42
    dans lequel la première guerre mondiale,
  • 11:42 - 11:44
    la grande conflagration
  • 11:44 - 11:46
    dans laquelle le système des états Européen
  • 11:46 - 11:48
    s'est effondré
  • 11:48 - 11:50
    et a perdu sa place centrale dans le monde,
  • 11:50 - 11:52
    et que tout cela a été causé par
  • 11:52 - 11:54
    l'essor de la puissance allemande
  • 11:54 - 11:57
    et par la peur que cela a provoqué en Grande-Bretagne.
  • 11:57 - 11:59
    Il y a des gens qui nous disent
  • 11:59 - 12:01
    que cela va se reproduire aujourd'hui,
  • 12:01 - 12:03
    et que nous allons voir arriver
  • 12:03 - 12:06
    la même chose dans ce siècle.
  • 12:06 - 12:08
    Non. Je pense que c'est faux.
  • 12:08 - 12:10
    C'est une mauvaise interprétation de l'histoire.
  • 12:10 - 12:12
    Premièrement, l'Allemagne avait déjà dépassé la Grande-Bretagne
  • 12:12 - 12:14
    en puissance industrielle dès 1900.
  • 12:14 - 12:16
    Et, comme je l'ai dit tout à l'heure,
  • 12:16 - 12:19
    la Chine n'a pas encore dépassé les États-Unis.
  • 12:19 - 12:21
    De plus, si vous avez cette croyance,
  • 12:21 - 12:24
    cela crée un sentiment de peur,
  • 12:24 - 12:26
    qui vous amène à sur-réagir.
  • 12:26 - 12:28
    Le plus grand danger qui nous menace
  • 12:28 - 12:31
    dans la gestion de cette transition des pouvoirs,
  • 12:31 - 12:34
    dans ce basculement vers l'Est, c'est la peur.
  • 12:34 - 12:36
    Pour paraphraser Franklin Roosevelt,
  • 12:36 - 12:38
    dans un contexte différent,
  • 12:38 - 12:41
    ce dont nous devons avoir le plus peur est la peur elle-même.
  • 12:41 - 12:44
    Nous n'avons pas à craindre l'ascension de la Chine
  • 12:44 - 12:46
    ou le retour de l'Asie.
  • 12:46 - 12:48
    Et si vous avons des politiques
  • 12:48 - 12:50
    dans lesquelles
  • 12:50 - 12:52
    nous prenons en compte la perspective globale historique,
  • 12:52 - 12:54
    nous serons en mesure
  • 12:54 - 12:56
    de gérer cette transformation.
  • 12:56 - 12:58
    Laissez-moi maintenant vous dire un mot
  • 12:58 - 13:00
    sur la distribution du pouvoir
  • 13:00 - 13:03
    et sur la façon dont elle est liée à la diffusion du pouvoir,
  • 13:03 - 13:05
    puis je ferai le lien entre ces deux types de pouvoir.
  • 13:05 - 13:08
    Si vous vous interrogez sur la manière dont le pouvoir est distribué dans le monde aujourd'hui,
  • 13:08 - 13:11
    il est tout à fait distribué à la façon
  • 13:11 - 13:14
    d'un jeu d'échec tri-dimensionnel.
  • 13:14 - 13:16
    Plateau supérieur :
  • 13:16 - 13:18
    le pouvoir militaire entre les états.
  • 13:18 - 13:21
    Les États-Unis sont l'unique super-puissance,
  • 13:21 - 13:23
    et il y a de fortes chances que cela demeure ainsi
  • 13:23 - 13:25
    pour les deux ou trois décennies à venir.
  • 13:25 - 13:28
    La Chine ne remplacera pas les États-Unis sur ce plateau militaire.
  • 13:28 - 13:31
    Le plateau du milieu dans ce jeu d'échec tri-dimensionnel :
  • 13:31 - 13:33
    le pouvoir économique entre les états.
  • 13:33 - 13:36
    Le pouvoir est multi-polaire.
  • 13:36 - 13:38
    Il y a des contre-poids.
  • 13:38 - 13:40
    Les États-Unis, l'Europe,
  • 13:40 - 13:42
    la Chine, le Japon
  • 13:42 - 13:44
    peuvent s'équilibrer les uns les autres.
  • 13:44 - 13:47
    Le plateau du bas de ce jeu tri-dimensionnel :
  • 13:47 - 13:49
    le plateau des relations internationales,
  • 13:49 - 13:52
    ce qui traverse les frontières en dehors du contrôle des gouvernements,
  • 13:53 - 13:56
    des choses comme les changements climatiques, le trafic de drogue,
  • 13:56 - 13:58
    les flux financiers,
  • 13:58 - 14:00
    les pandémies,
  • 14:00 - 14:02
    toutes ces choses qui traversent les frontières
  • 14:02 - 14:04
    en dehors du contrôle des gouvernements,
  • 14:04 - 14:06
    il n'y a personne de responsable.
  • 14:06 - 14:08
    Cela n'a pas de sens de dire que c'est uni-polaire,
  • 14:08 - 14:10
    ou multi-polaire.
  • 14:10 - 14:12
    Le pouvoir est distribué de manière chaotique.
  • 14:12 - 14:14
    Le seul moyen de résoudre ces problèmes --
  • 14:14 - 14:16
    et c'est de là que viendront les plus grands défis
  • 14:16 - 14:18
    de notre siècle --
  • 14:18 - 14:20
    est par la coopération,
  • 14:20 - 14:22
    en travaillant ensemble,
  • 14:22 - 14:25
    ce qui signifie que la puissance douce devient plus importante,
  • 14:25 - 14:27
    cette capacité à organiser des réseaux
  • 14:27 - 14:29
    pour régler ce genre de problèmes
  • 14:29 - 14:32
    et d'être capable d'obtenir de la coopération.
  • 14:32 - 14:34
    Autrement dit,
  • 14:34 - 14:37
    lorsque nous réfléchissons à la question du pouvoir au 21e siècle,
  • 14:37 - 14:39
    il faut s'écarter de cette idée
  • 14:39 - 14:41
    que le pouvoir est toujours un jeu à somme nulle --
  • 14:41 - 14:44
    mon profit est ta perte, et vice versa.
  • 14:44 - 14:47
    Le pouvoir peut également être une somme positive,
  • 14:47 - 14:50
    où ton profit peut être mon profit.
  • 14:50 - 14:53
    Si la Chine développe une sécurité énergétique plus importante
  • 14:53 - 14:55
    et une capacité plus grande
  • 14:55 - 14:57
    à régler ses problèmes d'émissions de carbone,
  • 14:57 - 14:59
    c'est bon pour nous
  • 14:59 - 15:01
    comme pour la Chine
  • 15:01 - 15:03
    et pour tous les autres.
  • 15:03 - 15:05
    De ce fait, donner les moyens à la Chine
  • 15:05 - 15:08
    de régler ses propres problèmes de carbone
  • 15:08 - 15:11
    est bon pour tout le monde,
  • 15:11 - 15:14
    et ce n'est pas un jeu à somme nulle, je gagne, tu perds.
  • 15:14 - 15:16
    C'est un jeu où nous gagnons tous.
  • 15:16 - 15:18
    Par conséquent, lorsque nous pensons au pouvoir
  • 15:18 - 15:20
    dans notre siècle,
  • 15:20 - 15:22
    il faut s'écarter de l'idée
  • 15:22 - 15:25
    que tout n'est que "je gagne, tu perds".
  • 15:25 - 15:28
    Ceci dit, je ne veux pas être trop bisounours à ce sujet.
  • 15:28 - 15:30
    Les guerres persistent. Le pouvoir persiste.
  • 15:30 - 15:32
    La puissance militaire est importante.
  • 15:32 - 15:34
    Préserver les équilibres est important.
  • 15:34 - 15:36
    Tout cela persiste encore.
  • 15:36 - 15:38
    La force brute existe,
  • 15:38 - 15:40
    et existera toujours.
  • 15:40 - 15:42
    Cependant, à moins d'apprendre à conjuguer
  • 15:42 - 15:44
    la force brute avec la puissance douce
  • 15:44 - 15:47
    pour concevoir une stratégie que j'appelle la puissance intelligente,
  • 15:47 - 15:49
    vous n'arriverez pas à affronter le nouveau genre de problèmes
  • 15:49 - 15:52
    que nous rencontrons.
  • 15:52 - 15:55
    La question clé qui se pose, lorsque nous considérons tout cela,
  • 15:55 - 15:57
    est de savoir comment travailler ensemble
  • 15:57 - 16:00
    à produire des biens publics mondiaux,
  • 16:00 - 16:03
    dont tout le monde pourra bénéficier ?
  • 16:03 - 16:05
    Comment définissons-nous nos intérêts nationaux
  • 16:05 - 16:07
    de façon à ce que cela ne soit pas un jeu à somme nulle,
  • 16:07 - 16:09
    mais à somme positive.
  • 16:09 - 16:11
    Ainsi, si nous définissons nos intérêts,
  • 16:11 - 16:13
    par exemple, pour les États-Unis,
  • 16:13 - 16:16
    la manière dont la Grande-Bretagne a défini ses intérêts durant le 19e siècle,
  • 16:16 - 16:19
    en conservant un système commercial ouvert,
  • 16:19 - 16:22
    une stabilité monétaire, et une liberté sur les mers --
  • 16:22 - 16:24
    tous cela était bon pour la Grande-Bretagne,
  • 16:24 - 16:26
    et bon pour les autres également.
  • 16:26 - 16:29
    Au 21e siècle, nous devons procéder de manière analogue.
  • 16:29 - 16:32
    Comment pouvons-nous produire des biens public mondiaux,
  • 16:32 - 16:34
    qui sont bons pour nous,
  • 16:34 - 16:36
    tout en étant bons pour tout le monde ?
  • 16:36 - 16:38
    Et ce sera ça le bon côté des choses
  • 16:38 - 16:40
    dans nos sujets de réflexion
  • 16:40 - 16:43
    sur le pouvoir au 21e siècle.
  • 16:43 - 16:46
    Il y a des moyens de définir nos intérêts
  • 16:46 - 16:49
    de façon à ce que, tout en nous protégeant par la force brute,
  • 16:49 - 16:52
    nous puissions nous organiser en réseaux avec d'autres
  • 16:52 - 16:55
    pour produire non seulement des biens publics,
  • 16:55 - 16:58
    mais des moyens d'améliorer notre puissance douce.
  • 16:58 - 17:01
    En regardant les commentaires
  • 17:01 - 17:03
    émis à ce sujet,
  • 17:03 - 17:05
    je suis impressionné par le fait que lorsque Hillary Clinton
  • 17:05 - 17:07
    a décrit la politique étrangère
  • 17:07 - 17:09
    de l'administration Obama,
  • 17:09 - 17:12
    elle a dit que la politique étrangère de l'administration Obama
  • 17:12 - 17:15
    serait un pouvoir intelligent,
  • 17:15 - 17:17
    selon ses mots, « utilisant tous les outils
  • 17:17 - 17:20
    de notre boîte à outils de politique étrangère.»
  • 17:21 - 17:23
    Et si nous devons surmonter
  • 17:23 - 17:26
    ces deux grands changements de pouvoir que j'ai décrits,
  • 17:26 - 17:29
    le changement de pouvoir représenté par la transition entre les états,
  • 17:29 - 17:31
    et le changement de pouvoir représenté
  • 17:31 - 17:34
    par la diffusion du pouvoir hors des états,
  • 17:34 - 17:37
    nous allons devoir développer une nouvelle façon de nous représenter le pouvoir
  • 17:37 - 17:40
    dans laquelle nous conjuguons la force brute avec la puissance douce,
  • 17:40 - 17:43
    afin de mener une stratégie de puissance intelligente.
  • 17:43 - 17:46
    Et c'est la bonne nouvelle que j'apporte. Nous pouvons le faire.
  • 17:46 - 17:48
    Merci beaucoup.
  • 17:48 - 17:54
    (Applaudissements)
Title:
Joseph Nye à propos des fluctuations du pouvoir dans le monde
Speaker:
Joseph Nye
Description:

L'historien et diplomate Joseph Nye nous dresse un tableau très large des fluctuations de pouvoir entre la Chine et les États-Unis., et des conséquences globales des changements économiques, politiques, et de "pouvoir doux" à travers le globe.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
17:55
Patrick Brault added a translation

French subtitles

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