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Mieux armer les enfants contre le harcèlement scolaire : Emmanuelle Piquet à TEDxParis

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    Il est un pli du monde singulier,
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    un pli du monde difficilement observable
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    par les adultes que nous sommes devenus,
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    et qui donc nous fait très très peur.
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    Je veux parler de la cour de récréation.
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    Notre cœur de parents se serre en effet
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    aux souvenirs des cruautés qu'elle recèle
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    et dont nos enfants
    pourraient être les victimes.
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    Or, si nous nous souvenons en effet
    que cet endroit
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    est un lieu particulièrement
    dangereux relationnellement,
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    nous en avons évidemment oublié les codes.
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    Nous sommes trop vieux.
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    Mais, nos angoisses,
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    quant aux attitudes relationnelles
    de nos enfants
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    nous poussent pourtant
    à nous mettre maladroitement,
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    parfois, entre eux
    et ce monde qui leur est propre,
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    et ainsi de transformer
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    de simples difficultés relationnelles
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    en problèmes récurrents.
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    Depuis une petite dizaine d'années,
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    je reçois, dans un centre dédié, le CRISS,
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    un certain nombre de jeunes patients
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    et leurs parents confrontés
    à ces souffrances.
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    Et l'autre jour, je reçois
    la maman d'Augustin
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    qui me dit :
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    « Augustin n'a pas été invité
    à l'anniversaire de Lou. »
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    Je lui dis : « Mince, mais alors,
    qu'est-ce que vous avez fait ? »
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    « Pas grand chose,
    je suis allé le voir, je lui ai dit,
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    Augustin, comment se fait-il
    que tu n'aies pas été invité,
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    alors que tous tes copains
    ont été invités, j'ai vérifié. »
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    Il m'a répondu :
    « Ce n'est pas ma copine. »
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    Je lui ai dit : « Augustin,
    ce n'est pas le problème.
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    L'amitié, c'est important.
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    Je vais te demander
    de te remettre un peu en cause,
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    et de réfléchir à la façon
    dont tu vas t'y prendre
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    pour être invité aux plus
    d'anniversaires possibles. »
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    Je lui dis : « Ah bon, et ça a marché ? »
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    Elle me dit : « Non, pas du tout.
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    Il est de plus en plus stressé,
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    de moins en moins invité,
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    et chaque fois qu'on en parle, il pleure.
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    Je suis un peu inquiète. »
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    Moi aussi, je suis un petit peu inquiète,
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    parce qu'en effet, vous l'avez compris,
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    le risque, c'est que cette inquiétude,
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    nous la diffusions
    auprès de nos enfants, précisément,
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    et que nous finissions par provoquer
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    exactement l'inverse
    de ce que nous souhaitons,
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    c'est-à-dire un mal-être relationnel,
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    une sorte d'inaptitude, même,
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    et surtout la volonté d'y réfléchir,
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    ce qui est très mauvais,
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    l'amitié c'est comme l'amour,
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    on n'y réfléchit pas,
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    on la ressent.
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    C'est l'histoire du mille-pattes
    qui se promène dans la forêt,
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    et qui un jour rencontre
    un escargot qui lui dit :
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    « Je suis trop content
    de te rencontrer parce que
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    ça fait hyper longtemps que je
    me demande comment tu fais pour marcher,
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    mettre une patte, deux pattes,
    trois pattes,
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    quatre pattes, cinq pattes, jusqu'à mille,
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    sans jamais trébucher ? »
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    Et le mille-pattes réfléchit
    et dit :
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    « Je ne sais pas,
    je n'en ai pas la moindre idée. »
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    Alors l'escargot, un peu dépité, repart.
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    Et là, le mille-pattes,
    qui veut repartir également,
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    se met à réfléchir à la façon
    dont il s'y prend pour marcher
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    et évidemment il n'y parvient pas.
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    Cette histoire est dramatique
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    parce que, à cet instant précis,
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    un oiseau qui tournoie dans le ciel
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    voit ce petit mille-pattes figé,
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    tétanisé, plaqué au sol,
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    il se jette sur lui et l'avale.
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    Et ce que je crois,
    c'est que sans le vouloir,
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    nous envoyons tous les jours
    dans la cour de l'école
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    des centaines de petits
    mille-pattes tétanisés.
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    Des petits mille-pattes tétanisés
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    dont la vulnérabilité, visible à l’œil nu,
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    attire immanquablement
    des oiseaux de proie plus populaires.
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    Ça donne quoi, un enfant tétanisé
    dans la cour de l'école ?
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    Ça donne Bastien, 18 ans.
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    Sa classe a créé un groupe Facebook
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    anti-lui.
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    Et tous les soirs,
    Bastien enrage et pleure
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    en lisant les insultes et les injures
    dont il est l'objet sur la toile.
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    Lorsqu'il vient me voir, ça fait 15 jours
    qu'il n'est pas retourné au lycée,
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    mais, me dit-il : « Je n'ai pas dit
    à la CPE, ni aux parents pourquoi,
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    parce que sinon la situation va empirer. »
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    Les enfants sont lucides.
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    Ça donne Julie, 15 ans,
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    qui s'est entichée d'un groupe
    plus populaire qu'elle,
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    dont la plus populaire
    d'entre elles, Candice,
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    la jette, la prend,
  • 4:01 - 4:04
    la jette, la prend, et la rejette.
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    [Julie] est très mal,
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    totalement angoissée, lorsqu'elle
    est à l'intérieur du groupe
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    d'en être exclue,
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    elle déprime lorsqu'elle n'y est pas.
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    Sa maman est en larmes
    lorsqu'elle nous l'amène
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    un mercredi après-midi.
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    Ça donne Gabriel, 3 ans et demi,
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    dont les joues rebondies
    et lisses comme des pêches
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    attirent immanquablement la petite Salomé,
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    3 ans et demi également,
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    qui, quatre à cinq fois par jour
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    se jette sur lui et le mord avec délice.
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    Le personnel de la crèche
    a bien entendu tancé Salomé,
  • 4:31 - 4:32
    qui n'en a cure,
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    et s'est débrouillée
    pour le mordre de façon subreptice,
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    dès que le personnel
    a le dos tourné.
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    Ça donne Lily-Rose, six ans,
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    qui arrive au CRISS et me dit :
  • 4:43 - 4:45
    « Je te demande une seule chose,
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    dis à maman de me changer d'école,
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    parce que depuis la rentrée,
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    Kévin n'arrête pas de me taper, il me donne
    des coups de pieds et des coups de poings,
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    il me fait des béquilles et hier
    il m'a mis de la colle dans les cheveux.
  • 4:56 - 4:57
    Je t'en supplie,
  • 4:57 - 4:59
    dis à maman de me changer d'école. »
  • 4:59 - 5:03
    Ce que nous avons constaté
    au CRISS, souvent,
  • 5:03 - 5:06
    c'est que lorsqu'un adulte,
    aussi intelligent et bienveillant,
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    délicat soit-il,
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    intervient entre deux enfants
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    pour tenter de régler à leur place
    une relation conflictuelle ou difficile,
  • 5:13 - 5:17
    au mieux il cristallise la situation,
    au pire il l'amplifie.
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    C'est que, en intervenant,
    il envoie deux messages implicites.
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    Le premier, à l'enfant agressé, qui est :
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    « Tu es vraiment nul relationnellement.
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    Tu n'as aucune compétence sociale,
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    la preuve, je suis obligé
    d'intervenir à ta place. »
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    Le deuxième, à l'enfant agresseur,
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    et qui est :
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    « Tu as vraiment trouvé une cible de choix
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    tout à fait incapable
    de se défendre, bravo.
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    Bonus : tu es en plus
    une vraie star du rock,
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    puisque tu réussis à mobiliser les adultes
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    avec ta méchanceté et tes bêtises. »
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    N'oublions pas qu'au collège,
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    mobiliser les adultes
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    avec sa méchanceté et ses bêtises
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    est un gage de popularité.
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    Nous faisons donc autrement.
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    Ce que nous faisons,
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    c'est que nous aidons les enfants
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    à construire, fourbir,
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    puis décocher tout seul
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    des flèches verbales,
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    des flèches de résistance,
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    des flèches de défense,
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    des flèches d'arrêt,
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    mais qui font que, subitement,
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    l'oiseau de proie populaire
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    n'a plus envie de se frotter
    à ce petit mille-pattes
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    parce qu'il prend un risque énorme
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    pour sa propre popularité.
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    Parce que contrairement
    à ce que nous enseignent
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    nos pensées psychologisantes
    qui datent un peu,
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    mais qu'on entend
    encore ici et là sur les ondes,
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    nos enfants ne se font pas harceler
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    parce qu'ils sont roux, gros,
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    ou mal habillés.
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    Nos enfants se font harceler
    parce qu'ils sont vulnérables
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    et que cela se voit.
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    A Bastien, nous avons dit :
  • 6:41 - 6:43
    « Ce qui serait peut-être intéressant,
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    c'est que tu laisses un message
    sur le mur du groupe Facebook
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    en disant : « Je suis quand même
    le mieux placé pour savoir
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    à quel point je suis un pathétique
    et triste crétin.
  • 6:51 - 6:53
    Je me propose donc
    d'en prendre la présidence,
  • 6:53 - 6:55
    et je me permettrais également d'évaluer
  • 6:55 - 6:57
    les meilleurs postes d'entre vous. »
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    Tu pourrais terminer en disant :
  • 6:59 - 7:01
    « Je vous remercie infiniment
  • 7:01 - 7:02
    de tout mettre en œuvre
  • 7:02 - 7:06
    pour que je sois à la fois
    votre président et votre idole. »
  • 7:06 - 7:08
    Le groupe, faute d'intérêt,
    s'est évidemment dissous
  • 7:08 - 7:09
    48 heures après.
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    Mais bien plus que ça, lorsque Bastien
  • 7:11 - 7:14
    s'est retrouvé dans la cour du lycée,
  • 7:14 - 7:15
    plus personne ne l'a agressé,
  • 7:15 - 7:18
    parce qu'on embête pas un enfant
    qui sait aussi bien se défendre.
  • 7:18 - 7:21
    A Julie, nous avons dit :
    « Tu vois, le problème c'est que,
  • 7:21 - 7:24
    lorsque Candice te prend
    puis te jette, puis te reprend,
  • 7:24 - 7:27
    eh bien, tu dis oui, et elle le sait,
  • 7:27 - 7:30
    et en disant oui,
    tu attestes devant le groupe
  • 7:30 - 7:31
    du pouvoir énorme qu'elle a.
  • 7:31 - 7:33
    Pourquoi veux-tu qu'elle arrête ?
  • 7:33 - 7:35
    Ce qui serait peut-être intéressant,
  • 7:35 - 7:38
    c'est que la prochaine fois
    qu'elle te jette et vient te reprendre,
  • 7:38 - 7:40
    tu lui dises :
    « J'ai bien réfléchi Candice,
  • 7:40 - 7:43
    je trouve que c'est vraiment
    important pour toi visiblement,
  • 7:43 - 7:45
    donc je veux bien qu'on soit copine, okay,
  • 7:45 - 7:48
    mais amies, je crois pas.
  • 7:48 - 7:50
    Parce qu'on n'est pas compatibles. »
  • 7:50 - 7:51
    Julie a souri.
  • 7:51 - 7:53
    Un mois plus tard,
    lorsqu'elle est revenue,
  • 7:53 - 7:54
    elle nous a expliqué
  • 7:54 - 7:56
    que depuis qu'elle avait dit ça à Candice,
  • 7:56 - 7:58
    celle-ci n'avait de cesse
    de la solliciter.
  • 7:58 - 8:00
    Au personnel de la crèche,
    nous avons dit :
  • 8:00 - 8:02
    « Voilà, il serait intéressant
    de dire à Gabriel
  • 8:02 - 8:05
    qu'il a le choix entre rester
    une grosse fraise Haribo qui pleure
  • 8:05 - 8:08
    ou alors de choisir le tigre rugissant.
  • 8:08 - 8:10
    S'il choisit la grosse fraise Haribo,
  • 8:10 - 8:12
    alors il continuera à se faire
    mordre par Salomé,
  • 8:12 - 8:14
    et vous n'y pourrez évidemment rien.
  • 8:14 - 8:16
    En revanche,
    s'il choisit le tigre rugissant,
  • 8:16 - 8:18
    peut-être pourriez-vous
    l'entraîner un peu.
  • 8:18 - 8:19
    Ce qu'elles ont fait, bien évidemment,
  • 8:19 - 8:22
    puisque vous imaginez que Gabriel
    n'avait pas de grandes aptitudes
  • 8:22 - 8:24
    au rugissement au départ.
  • 8:24 - 8:26
    Le lendemain, elles se sont cachées
    derrière le petit fauteuil
  • 8:26 - 8:28
    dans lequel il s'asseyait habituellement,
  • 8:28 - 8:30
    et lorsque Salomé est arrivée,
  • 8:30 - 8:32
    elles ont surgi brutalement,
  • 8:32 - 8:35
    et tous les trois ont poussé
    un tonitruant rugissement.
  • 8:35 - 8:37
    Salomé a fait un bond.
  • 8:37 - 8:40
    Depuis elle a arrêté la morsure.
  • 8:40 - 8:43
    Pour Lily-Rose, ça a été plus compliqué.
  • 8:43 - 8:46
    Nous lui avons dit : « Tu vois,
    le problème, c'est que si par hasard
  • 8:46 - 8:49
    nous arrivions à convaincre maman
    de te changer d'école,
  • 8:49 - 8:51
    le risque, ce serait que,
    dans cette nouvelle école,
  • 8:51 - 8:53
    il y ait d'autres Kévin,
  • 8:53 - 8:56
    peut-être ils seront un peu plus pénibles,
    ou un peu moins pénibles,
  • 8:56 - 8:59
    on ne saurait le prévoir,
    mais ce qui est bien, c'est que toi,
  • 8:59 - 9:01
    tu as Kévin 1er sous la main
    pour t'entraîner.
  • 9:01 - 9:05
    Alors, on a une flèche à te proposer,
    mais comme elle est très compliquée
  • 9:05 - 9:09
    et qu'il faut être une guerrière
    extrêmement courageuse pour la lancer,
  • 9:09 - 9:10
    peut-être tu n'en seras pas capable.
  • 9:10 - 9:15
    Comme c'était une enfant rebelle,
    elle nous dit : « Dites toujours. »
  • 9:15 - 9:17
    Nous lui avons dit :
    « Ce qui serait peut-être intéressant,
  • 9:17 - 9:19
    c'est que tu ailles voir Kévin
    et que tu lui dises :
  • 9:19 - 9:22
    « Dis donc, les grands ils disent
    un truc super bizarre.
  • 9:22 - 9:25
    Ils disent que,
    lorsqu'un garçon tape une fille,
  • 9:25 - 9:28
    c'est parce qu'il l'aime et qu'il
    n'arrive pas à lui dire. Tu m'aimes ? »
  • 9:28 - 9:30
    Lily-Rose a dit : « Je peux pas dire ça
  • 9:30 - 9:32
    à mon pire ennemi de tout l'univers
  • 9:32 - 9:34
    que je voudrais qu'il m'aime ou
    qu'il se pourrait qu'il m'aime
  • 9:34 - 9:35
    parce que je le déteste. »
  • 9:35 - 9:37
    « On comprend très bien chérie,
  • 9:37 - 9:40
    mais si tu continues comme ça,
    c'est clair qu'il va continuer.
  • 9:40 - 9:41
    Mais maintenant tu as le choix
  • 9:41 - 9:44
    de faire exactement
    comme tu le souhaites. »
  • 9:44 - 9:46
    Sa maman nous a raconté que Lily-Rose s'est entraînée,
  • 9:46 - 9:49
    régulièrement devant sa glace
    le soir même,
  • 9:49 - 9:51
    et également avec sa grande sœur,
  • 9:51 - 9:54
    qui a pris un grand plaisir
    à jouer le rôle de Kévin.
  • 9:54 - 9:57
    Lorsqu'elle arrive 15 jours plus tard,
    en deuxième séance, je lui dis :
  • 9:57 - 10:00
    « Comment ça va, chérie ? »
    Elle me dit : « Pas du tout bien. »
  • 10:00 - 10:04
    - « Pourquoi ça ne va pas du tout bien ? »
    - « Parce que j'ai pas pu dire ma flèche. »
  • 10:04 - 10:06
    « Pourquoi t'as pas pu dire
    ta flèche, chérie ? »
  • 10:06 - 10:08
    « Parce qu'il m'a plus tapée,
  • 10:08 - 10:10
    il m'a offert une grosse
    bague rose en plastique. »
  • 10:10 - 10:13
    Je lui dis : « Ah, c'est pas facile. »
  • 10:13 - 10:16
    Notre hypothèse était sans doute la bonne,
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    ce qui se passe en réalité,
  • 10:17 - 10:19
    et c'est 50% des cas,
  • 10:19 - 10:22
    c'est que Lily-Rose est arrivée
    dans la cour de l'école
  • 10:22 - 10:25
    non pas en tentant d'éviter
    Kévin et son regard,
  • 10:25 - 10:27
    ou en tentant de se fondre dans le décor
  • 10:27 - 10:28
    comme font plein d'enfants harcelés,
  • 10:28 - 10:30
    elle est arrivée dans la cour en disant :
  • 10:30 - 10:32
    « Viens », en le cherchant des yeux,
  • 10:32 - 10:34
    et il n'est pas venu.
  • 10:34 - 10:38
    Parce que contrairement à ce que pensent
    certaines d'entre nous,
  • 10:38 - 10:41
    les hommes sont parfois intuitifs.
  • 10:41 - 10:44
    Alors, on parle souvent
    de souffrance scolaire,
  • 10:44 - 10:45
    surtout en ce moment,
  • 10:45 - 10:46
    on en parle dans la presse,
  • 10:46 - 10:47
    on en parle au rectorat,
  • 10:47 - 10:50
    on en parle jusque sur les bancs
    de l'Assemblée Nationale,
  • 10:50 - 10:53
    mais toujours, pour trouver
    des solutions extérieures
  • 10:53 - 10:54
    à l'enfant qui souffre.
  • 10:54 - 10:57
    Toujours pour moraliser,
  • 10:57 - 10:58
    sanctionner l'enfant qui agresse,
  • 10:58 - 11:01
    ça ne marche pas mais on continue.
  • 11:01 - 11:04
    C'est qu'on n'a pas foi dans les capacités
  • 11:04 - 11:06
    des enfants vulnérables à se déplier
  • 11:06 - 11:08
    pour enrayer les cercles vicieux
  • 11:08 - 11:10
    dont ils sont les victimes.
  • 11:10 - 11:13
    Quand j'étais petite,
    je voulais être avocate pour enfant,
  • 11:13 - 11:14
    mais ce n'existe pas comme métier,
  • 11:14 - 11:18
    j'ai donc décidé de construire avec,
    et pour eux, des flèches sur mesure.
  • 11:18 - 11:20
    Ce que je voulais vous dire ce soir,
  • 11:20 - 11:22
    c'est que ce serait peut-être intéressant
  • 11:22 - 11:25
    qu'on soit plus nombreux
    à regarder ce sujet
  • 11:25 - 11:26
    de cette façon-là,
  • 11:26 - 11:29
    pour qu'il y ait de moins en moins
    d'enfants repliés sur eux-mêmes
  • 11:29 - 11:30
    dans la cour de l'école.
  • 11:30 - 11:32
    Merci beaucoup.
  • 11:32 - 11:33
    (Applaudissements)
Title:
Mieux armer les enfants contre le harcèlement scolaire : Emmanuelle Piquet à TEDxParis
Description:

Filmé à TEDxParis le 28 novembre 2013 à la Gaîté Lyrique. Plus d'interventions sur http://tedxparis.com/

Issue du monde de l'entreprise où elle fut DRH pendant quinze ans, Emmanuelle Piquet, psycho-praticienne et formatrice, exerce la thérapie brève et intervient majoritairement auprès d'enfants et d'adolescents. Elle est la cofondatrice du CRISS, le Centre de Recherche sur l'Interaction et la Souffrance Scolaire. À la fois centre de consultation, de recherche et de formation, ce lieu reçoit enfants, adolescents, parents et enseignants pour apaiser les souffrances et forme des professionnels de l'enfance à une meilleure gestion des interactions.

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
11:37

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