Une identité culturelle plurielle : Carpanin Marimoutou à TEDxRéunion
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0:10 - 0:14Moi, j'ai eu énormément de chance
dans ma vie. -
0:15 - 0:20La première chance, c'est d'être né,
et d'avoir grandi à La Réunion. -
0:21 - 0:27La seconde chance, c'est d'être né,
et d'avoir grandi à La Réunion, -
0:27 - 0:33à Saint-Benoit, cette petite commune de
l'est et en particulier Chemin Bras Canot -
0:34 - 0:37sur la terre de mon grand-père,
le terrain à part. -
0:37 - 0:44J'ai grandi dans un monde où j'entendais
des langues différentes tous les jours. -
0:44 - 0:48Tous les jours. Tous les jours,
j'entendais des gens qui parlaient tamoul, -
0:48 - 0:50Hardy Moulon, par exemple.
-
0:50 - 0:53J'entendais un vieux monsieur qui
s'appelait Killiman, -
0:53 - 0:55qui se faisait appeler Killiman,
-
0:55 - 0:58qui était l'un des derniers engagés
mozambicains de La Réunion. -
0:58 - 1:00Et il parlait une langue,
que je ne comprenais pas, -
1:00 - 1:03mais en même temps
que je comprenais. -
1:03 - 1:05Il y avait le vieux Tégor, qui parlait
malgache, -
1:05 - 1:08et autour de tout ça, il y avait
évidemment le créole. -
1:08 - 1:10Le créole que tout le monde parlait
à sa façon. -
1:10 - 1:14Le créole, cette langue que tout le monde
peut parler à sa façon. -
1:14 - 1:21Avec des accents à sa façon, avec ses
façons de changer le sens des mots, -
1:21 - 1:25de changer leur signification, mais aussi
leur son, leur phonétique, -
1:25 - 1:30et avec cette façon qui fait que l'on croit
comprendre, alors qu'on dit autre chose. -
1:30 - 1:32Et ça, c'est extraordinaire.
-
1:32 - 1:34Et ça a été un émerveillement
de tous les jours, -
1:34 - 1:37et cet émerveillement, il dure
encore aujourd'hui. -
1:37 - 1:42J'ai grandi là-dedans, j'ai grandi là et
donc je voyais, Hardy Moulon, par exemple, -
1:42 - 1:44cet homme boiteux qui
coupait la canne à sucre, -
1:45 - 1:50qui, le samedi soir, devenait une déesse,
une déesse dans les bals tamouls, -
1:50 - 1:54le narlgon, ces espèces de théâtres
chantés, dansés, -
1:54 - 1:58apportés par les travailleurs engagés,
non pas les grands brahmans, -
1:58 - 1:59qui ne sont jamais venus ici,
-
1:59 - 2:01mais les travailleurs engagés et
les parias du sud de l'Inde, -
2:01 - 2:07des gens des villages, et qui se mettaient
tous les samedis soirs à devenir une déesse. -
2:07 - 2:11Ou alors Tégor, ce vieux malgache
qui marchait sur le feu, -
2:11 - 2:14et qui m'entraînait dans les cérémonies
secrètes du culte aux ancêtres -
2:14 - 2:22où j'entendais ces sons,
ces sonorités-là : (chantant). -
2:22 - 2:27Ou alors Joseph Lacole. Joseph Lacole,
lui, il habitait plus haut, -
2:27 - 2:31il habitait à Cratère. Joseph Lacole,
c'était ce qu'on appelle ici un p'tit blanc -
2:31 - 2:34et Joseph Lacole, il descendait à Bras
Canot parce que son métier, -
2:34 - 2:38c'était de fabriquer des
balais nik, nik coco. -
2:38 - 2:43Et pendant qu'il fabriquait les balais nik,
Joseph Lacole, il me chantait des romances -
2:43 - 2:46en français :
(chantant) Marinella. -
2:46 - 2:48Voilà, j'ai grandi là-dedans.
-
2:48 - 2:54Entre le créole, le français, le tamoul,
le malgache, le makoa, le makondé, -
2:54 - 3:00mais aussi des sons de shingazidja, de
shimaore et de temps en temps, -
3:00 - 3:06la cloche, l'appel à la prière du muezzin
depuis la ville, ou la cloche de l'église. -
3:06 - 3:08Voilà. ça, c'est ma chance
extraordinaire. -
3:08 - 3:11Et ils me racontaient des histoires.
-
3:11 - 3:13Ma littérature commence là.
-
3:13 - 3:18Mon rapport à la littérature, au texte,
aux langues, commence là. -
3:18 - 3:20C'est pour ça que je suis devenu
professeur de littérature, -
3:20 - 3:22pas parce qu'on m'a enseigné Baudelaire.
-
3:22 - 3:25Parce que, à cause de ça.
-
3:25 - 3:27Baudelaire, ça viendra après.
-
3:27 - 3:30Et ils me racontaient des histoires,
des histoires de Grand-Mère Kalle. -
3:30 - 3:33Et soudain, je découvrais que Grand-Mère
Kalle, ce n'était pas tout à fait -
3:33 - 3:37ce que l'on m'apprenait à l'école primaire
à propos des sorcières. -
3:37 - 3:43Que c'était quelque chose qui avait
peut-être à voir avec la mauvaise sorcière -
3:43 - 3:46mais qui avait aussi à voir avec les
Grama Kalas, -
3:46 - 3:50ces déesses qui protègent les villages
dans le sud de l'Inde. -
3:50 - 3:54Ou qui avait à voir avec les fantômes
qui venaient de Madagascar. -
3:54 - 3:55On me racontait des histoires
de Grand Diable. -
3:55 - 3:57J'allais au catéchisme, évidemment,
-
3:57 - 3:58tout le monde allait au catéchisme,
-
3:58 - 4:01mais je me rendais compte que
ces histoires de Grand Diable, -
4:01 - 4:03ça n'avait rien à voir avec le diable
dont on me parlait le prêtre -
4:03 - 4:04ou la dame catéchiste.
-
4:04 - 4:06C'était des histoires de Grand Diable
qui renvoyaient -
4:06 - 4:09à ce que je voyais, justement,
dans les bals tamouls, -
4:09 - 4:10ces rakshasas, ces démons,
-
4:10 - 4:16ou alors qui renvoyaient à ces monstres
que me racontait Tégor -
4:16 - 4:20ou Pépé Mama, quand il racontait des
histoires qui venaient de son pays. -
4:20 - 4:23Ou alors, on me racontait des histoires
de gros louloup. -
4:23 - 4:25Mais le gros louloup, ce n'était pas
le petit loup du Chaperon Rouge, -
4:25 - 4:27c'était aussi le loup
du petit Chaperon Rouge, -
4:27 - 4:30mais c'était aussi les lolos
venus de Madagascar. -
4:30 - 4:31J'ai grandi là-dedans.
-
4:31 - 4:33Du coup, j'étais perdu pour l'école.
-
4:33 - 4:39Perdu, parce que pour moi,
la littérature, ça a toujours été -
4:39 - 4:40une histoire de mondes qui se mêlent,
-
4:40 - 4:42une histoire de langues qui se mélangent,
-
4:42 - 4:45une histoire d'imaginaires qui
s'entre-croisent, -
4:45 - 4:46qui se disputent parfois,
-
4:46 - 4:48qui se négocient,
-
4:48 - 4:49qui s'affrontent,
-
4:49 - 4:50mais qui sont là, présents,
-
4:50 - 4:55et que l'on croit lire d'une telle façon,
alors qu'ils racontent, en même temps, -
4:55 - 4:57une autre chose.
-
4:57 - 4:58Et puis il y avait l'école.
-
4:58 - 5:00Ça, c'est terrible l'école.
-
5:00 - 5:04L'école, parce que --- à l'école,
-
5:04 - 5:07pas tellement à l'école primaire, parce
qu'à l'école primaire de Saint-Benoit, -
5:07 - 5:10les instituteurs vivaient
un peu tout ça aussi, -
5:10 - 5:14et puis ils savaient très bien qu'il y
avait Saint-Benoit, -
5:14 - 5:15mais que si on allait un peu plus loin,
-
5:15 - 5:16il y avait un endroit qui s'appelait
Paniandy. -
5:16 - 5:19Paniandy, ça ne faisait pas
très très très très catholique. -
5:19 - 5:22Et puis un petit peu plus haut sur la
gauche, il y avait Bé Massoun, -
5:22 - 5:24ça faisait encore moins
catholique. -
5:24 - 5:26Donc ils savaient qu'il y avait tout ça,
et que tout ça c'était La Réunion, -
5:26 - 5:28et que tout ça c'était des histoires.
-
5:28 - 5:31Ils savaient que les montagnes,
ils savent, nous savons, -
5:31 - 5:34que les montagnes, les ravines,
gardent ces traces-là. -
5:34 - 5:37Et puis il y avait toutes ces âmes
qui erraient la nuit, -
5:37 - 5:39ces chiens, dont on savait qu'ils
n'étaient pas vraiment des chiens, -
5:40 - 5:42mais ils étaient noirs, et inquiétants.
-
5:42 - 5:48Ces papangues dont on savait vraiment,
pas vraiment en tout cas, -
5:48 - 5:50si c'était vraiment des papangues.
Le maloya de mon enfance qui disait : -
5:50 - 5:57(chantant).
C'était un papangue ça ou pas ? -
5:57 - 6:00Et puis --- Donc à l'école primaire,
ça allait encore. -
6:01 - 6:04Et puis, je suis arrivé au lycée,
et les bons élèves, -
6:04 - 6:06-- parce que j'étais bon élève --
(Rires) -
6:06 - 6:10allaient au lycée à l'époque.
-
6:10 - 6:13Et puis arrivé là-bas,
eh bien c'était terrible. -
6:13 - 6:15Parce que, arrivé là-bas,
-
6:15 - 6:19moi qui étais persuadé que je vivais
dans un monde très riche, -
6:19 - 6:21important, merveilleux,
-
6:21 - 6:26où les gens avaient en partage, en don,
en héritage et aussi en dette, -
6:26 - 6:29des cultures absolument
extraordinaires, -
6:29 - 6:32on me disait : « Non.
-
6:32 - 6:35Ta langue, ce que tu crois causer, là,
ce n'est pas une langue. -
6:35 - 6:38D'abord, c'est interdit
de parler ça ici, -
6:38 - 6:42ce que tu racontes là,
c'est pas des histoires, -
6:42 - 6:43c'est pas de la littérature,
-
6:43 - 6:44c'est pas des choses,
-
6:44 - 6:46c'est de la superstition,
-
6:46 - 6:47c'est du folklore,
-
6:47 - 6:49c'est des mensonges,
-
6:49 - 6:50ce n'est pas de la culture.
-
6:50 - 6:53La culture, c'est savoir dire « je »,
-
6:53 - 6:57la culture, c'est savoir qu'il n'y a
qu'une seule langue, -
6:57 - 7:02la culture, c'est de savoir qu'il n'y a
qu'un seul monde. » -
7:02 - 7:05On m'a dit, j'allais en latin,
évidemment, comme les bons élèves : -
7:05 - 7:08« île : insula, insulae, féminin,
-
7:08 - 7:10ça donne en français,
-
7:10 - 7:12« île », après toute une série
de transformations, -
7:12 - 7:14mais ça donne aussi
« isolement », -
7:14 - 7:16l'île, ça isole.
-
7:16 - 7:17Vous êtes coupés de tout,
-
7:17 - 7:19vous n'avez rien.
-
7:19 - 7:20Et heureusement que
nous sommes venus. » -
7:20 - 7:24Ça s'appelait à l'époque
la mission civilisatrice. (Rires) -
7:24 - 7:26Ça continue parfois.
-
7:26 - 7:27Donc nous n'étions rien.
-
7:27 - 7:28Nous étions étrangers à tout,
-
7:28 - 7:31et l'école, l'école française donc,
-
7:31 - 7:35avait pour mission de nous
installer dans le monde, -
7:35 - 7:37dans un monde.
-
7:37 - 7:38Par exemple, je vais vous raconter
une histoire : -
7:38 - 7:43on faisait des compositions.
-
7:43 - 7:44Compositions françaises.
-
7:44 - 7:49Et le professeur nous demande,
il nous donne comme sujet : -
7:49 - 7:51racontez votre soirée de Noël.
-
7:51 - 7:52Moi, je raconte ma soirée de Noël.
-
7:52 - 7:54Les soirées de Noël à Saint-Benoit,
-
7:54 - 7:57eh bien c'est les litchis,
les flamboyants, -
7:57 - 7:59c'est le soleil,
-
7:59 - 8:02et c'est la période de préparation
pour les malbars de la marche sur le feu, -
8:02 - 8:04c'est les services cabaret d'ici,
-
8:04 - 8:07et, c'est aussi le son du muezzin,
-
8:07 - 8:08c'est tout ça.
-
8:08 - 8:10Je rends ma copie,
-
8:10 - 8:12j'ai suivi les instructions :
racontez votre soirée de Noël. -
8:12 - 8:16« Hors sujet », me dit le professeur.
(Rires) -
8:16 - 8:18Hors sujet.
-
8:18 - 8:21Et, il fait le corrigé.
-
8:21 - 8:22Le corrigé est le suivant :
-
8:22 - 8:28Noël, le père Noël, la neige,
les marrons, la dinde, (Rires) -
8:28 - 8:30voilà ce qu'est Noël.
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8:30 - 8:32Il n'y a qu'un seul monde possible.
-
8:32 - 8:34Le mien n'existe pas.
-
8:34 - 8:36Les miens, ceux qui font les miens,
n'existent pas. -
8:36 - 8:39Et puis, je ne sais pas pourquoi,
-
8:39 - 8:40je décide de faire des études
de lettres -- -
8:40 - 8:41Enfin si, je sais pourquoi,
je vous ai dit pourquoi, -
8:41 - 8:42mais ça, je le saurai
beaucoup plus tard, -
8:42 - 8:44pourquoi j'ai décidé de faire des
études de lettres. -
8:44 - 8:46Je pensais faire des études de lettres,
-
8:46 - 8:48au départ, parce que... pff, après tout,
-
8:48 - 8:51fonctionnaire de l’État français
à La Réunion, c'est pas mal. -
8:51 - 8:55Mais, en fait, la réalité était beaucoup
plus complexe, -
8:55 - 8:57elle était justement liée
à toute cette histoire. -
8:57 - 9:00Et donc, je me mets à faire
des études de lettres, -
9:00 - 9:04et je me rends compte de choses qu'on
ne m'avait jamais vraiment enseignées. -
9:04 - 9:06Je relis, par exemple, l'histoire de la
littérature française, -
9:06 - 9:07puisque c'est ce qu'on m'enseigne,
-
9:07 - 9:12je découvre tout que quelqu'un comme
Parny, par exemple, -
9:12 - 9:15Évariste de Parny, poète réunionnais
du 18ème siècle, -
9:15 - 9:20anti-esclavagiste, abolitionniste,
élégiaque, -
9:20 - 9:23est celui qui invente
le poème en prose. -
9:23 - 9:26Au lycée, on m'avait dit que c'était
Aloysius Bertrand et Baudelaire. -
9:26 - 9:29Bref, je découvre que c'est Parny.
-
9:29 - 9:30Alors je vais jeter un coup d’œil,
-
9:30 - 9:31et je dis, tiens, Parny invente le
poème en prose, -
9:31 - 9:33quelle est la relation entre le poème
en prose et Parny ? -
9:33 - 9:36Et bien la voilà, la relation entre
le poème en prose et Parny : -
9:36 - 9:38c'est que Parny est le premier
-
9:38 - 9:43dans la littérature de langue française
à faire parler en français des malgaches ! -
9:43 - 9:44(Rires)
-
9:44 - 9:47Habitants du rivage, méfiez-vous
des blancs, -
9:47 - 9:51la voix des esclaves malgaches dans
le texte français de Parny -
9:51 - 9:57transforme à jamais la façon
d'écrire la poésie en France. -
9:57 - 9:59Voilà comment les mondes
transforment les mondes. -
9:59 - 10:03Voilà comment l'interaction des mondes
transforme la littérature. -
10:03 - 10:04Voilà...
-
10:04 - 10:10De la même façon, notre vieil ami
Ambroise Vollard, ami de Jarry, -
10:10 - 10:14je découvre qu'il a joué un grand rôle
dans l'invention du Père Ubu. -
10:15 - 10:20Le Père Ubu, l'horrible Père Ubu,
-
10:20 - 10:22le colonialisme dans toute sa splendeur,
-
10:22 - 10:25le Père Ubu, d'où vient-il ?
-
10:25 - 10:26Sinon justement de ce rapport,
-
10:26 - 10:30de ce que nous savons, nous, et que
les autres croient que nous ne savons pas. -
10:30 - 10:32J'ai appris ça, en
travaillant plus tard. -
10:32 - 10:36La force des dominés,
c'est qu'ils savent. -
10:36 - 10:37Ils savent toujours.
-
10:37 - 10:40Ils savent toujours beaucoup plus
que ceux qui croient les dominer. -
10:40 - 10:41Mais ils le cachent,
-
10:41 - 10:43ils ne le disent pas parce que...
les conditions d'un -
10:43 - 10:48échange égalitaire entre dominé
et dominant ne sont pas encore venues. -
10:48 - 10:51Nous en savons plus, nos mondes sont là,
nous montrent que si. -
10:51 - 10:55Et puis donc, ça avance,
ça avance, je travaille. -
10:55 - 10:57je deviens un intellectuel,
comme on dit, -
10:57 - 11:02et puis un jour, je rencontre le grand
Pierre Vidal-Naquet. -
11:02 - 11:04Nous parlons de colonialisme,
-
11:04 - 11:05de colonialité, de littérature coloniale,
-
11:05 - 11:07et il me dit :
-
11:08 - 11:11« Beh, tu peux pas parler de colonie
pour La Réunion. » -
11:11 - 11:12Et je dis : « Pourquoi ? »
-
11:12 - 11:15Il me dit : « Une colonie, c'est
l'Algérie. C'est l'Indochine. » -
11:15 - 11:17Et je dis : « Pourquoi La Réunion, ça
serait pas une colonie ? » -
11:17 - 11:20Et il dit : « Parce que : on parle de
colonie lorsqu'une puissance étrangère -
11:20 - 11:23vient conquérir une puissance
qui était déjà là, -
11:23 - 11:26un peuple, une nation, etc.
Et vous non. » -
11:26 - 11:29Donc, qu'est-ce que je me mets
à comprendre ? -
11:29 - 11:31Qu'un grand, un immense intellectuel
-
11:31 - 11:34progressiste, émancipateur, comme
Vidal-Naquet -
11:34 - 11:38ne conçoit de mouvement
anti-colonial et d'émancipation -
11:38 - 11:44que dans l'affrontement face-à-face
de deux nations homogènes. -
11:44 - 11:48Qu'il était donc difficile pour les
intellectuels français de l'époque, -
11:48 - 11:49et peut-être encore aujourd'hui,
-
11:49 - 11:51d'imaginer qu'on peut se
libérer autrement, -
11:51 - 11:53en dehors d'une pensée de la nation,
-
11:53 - 11:55en dehors d'une pensée
de l'affrontement, -
11:55 - 11:59mais justement en inscrivant
l'affrontement à l'intérieur -
11:59 - 12:02de quelque chose de beaucoup plus vaste,
qui est l'échange, -
12:02 - 12:04la négociation,
-
12:04 - 12:05le conflit, bien sûr,
-
12:05 - 12:07l'affrontement, mais l'intégration
des mondes, -
12:07 - 12:09des mondes partout,
-
12:09 - 12:13là où tout le monde est obligé
d'abandonner quelque chose, -
12:13 - 12:15de prendre quelque chose de l'autre,
-
12:15 - 12:19d'être en dette par rapport
à l'autre à jamais, -
12:19 - 12:22d'être en héritage aussi,
et oublier ça. -
12:22 - 12:26Et je comprends tout d'un coup que
pour Pierre Vidal-Naquet, -
12:26 - 12:34l'idée qu'une nation blanche puisse
coloniser aussi des gens blancs, -
12:34 - 12:36vivants dans un pays du sud,
-
12:36 - 12:38c'est impensable.
-
12:38 - 12:43Nous étions tous mélangés, tous colonisés,
et tous, tous nous partagions tout ça. -
12:43 - 12:46Voilà ce dont parle la littérature.
-
12:46 - 12:48Voilà ce dont parlent nos littératures.
-
12:48 - 12:51Qu'il s'agisse des histoires,
-
12:51 - 12:53des chansons,
-
12:53 - 12:54du maloya,
-
12:54 - 12:55du bal tamoul,
-
12:55 - 12:59des devinettes ou du grand roman,
le roman colonial des Leblond par exemple, -
12:59 - 13:02où Leblond essaye de mettre en scène
la vision civilisatrice, -
13:02 - 13:06la mission civilisatrice, et
tout d'un coup, son roman est mangé -
13:06 - 13:09par les discours des gens
venus d'Afrique, -
13:09 - 13:12par les rites des gens venus de
Madagascar, -
13:12 - 13:16par les mythes et les légendes des gens
venus de l'Inde et de partout. -
13:16 - 13:17Voilà.
-
13:17 - 13:18Et la littérature réunionnaise,
-
13:18 - 13:22quelle que soit sa langue aujourd'hui,
quelles que soient ses langues, -
13:22 - 13:26quelles que soient ses formes,
quelque soit ce qu'elle raconte, -
13:26 - 13:29interroge cela, dit cela.
-
13:29 - 13:32Elle dit la rencontre des mondes.
-
13:32 - 13:34Elle dit l'imaginaire des mondes,
-
13:34 - 13:36elle dit la transformation
des mondes, -
13:36 - 13:40elle dit la connexion violente et
apaisée des mondes, -
13:40 - 13:45et c'est pour ça que là où mes profs
de collège et de lycée -
13:45 - 13:49disaient que j'étais dans la tradition, et
eux m'apportaient le modernisme, -
13:49 - 13:52je me rends compte qu'il n'y a pas de
littérature plus moderne que ça. -
13:52 - 13:55Que cette littérature qui pense
l'interaction des mondes, -
13:55 - 13:59et qui du coup est obligée d'être toujours
en défaut de représentation, -
13:59 - 14:01et donc de questionner
les représentations, -
14:01 - 14:03est toujours en défaut de nation,
-
14:03 - 14:08et qui donc au lieu de figer
des identités, des homogénéités, -
14:08 - 14:13se construit à jamais dans une infinité
de questionnements et d'ouverture. -
14:13 - 14:15Je vous remercie.
-
14:15 - 14:18(Applaudissements)
- Title:
- Une identité culturelle plurielle : Carpanin Marimoutou à TEDxRéunion
- Description:
-
Carpanin Marimoutou, professeur de littérature à l'université de la Réunion, poète écrivain universitaire, analyse la relation d'une île avec le monde dans la littérature. À travers un questionnement incessant du rapport entre le lieu et le lien, Carpanin explore la question fondamentale de « l'habiter » et de « l'habiter ensemble ».
- Video Language:
- French
- Team:
closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 14:19
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