Leçons d'égalité venues de Mars | Michal Ziso | TEDxJaffaWomen

Nous sommes nés dans l'architecture. Peu importe s'il s'agit d'un hôpital urbain, un village ou un camp ; il a été conçu et construit par quelqu'un. Dans cette présentation, l'architecte Michal Ziso explore les effets de l'environnement bâti sur notre comportement et sur la façon dont nous pensons et ressentons. Elle pose une question cruciale : pourquoi vivons-nous notre vie sans remettre en question notre environnement bâti pour savoir s'il pourrait être mieux conçu pour nous et nos besoins personnels ? Nous acceptons nos environnements comme quelque chose de donné, alors qu'ils ont été créés à des époques avec des structures sociales complètement différentes.

Une compétition d'architecture internationale a amené Michal Ziso à concevoir une colonie sur Mars. Elle s'est rendue compte qu'en sortant de sa zone de confort, et parfois même en visant des planètes lointaines, comme Mars, nous pouvons remettre en question nos habitudes culturelles en expérimentant librement, et encourager des changements de façon innovante.

Pour plus d'informations sur le travail de Michal :
https://www.theziso.com
and https://www.marsismore.com

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

« Je veux que ce soit un club
pour gentlemen.

Ici, je veux un long bar en bois.

Là, je veux un endroit confortable
pour s'asseoir

et une petite cuisine.

En bas, je veux des salles de massage

et peut-être quelques geishas pour
le divertissement des gentlemen. »

Je réalise que mon client
est en train de me décrire

est un vestiaire chic
pour des hommes puissants.

Mon sang a commencé à bouillonner,
et je savais déjà

que je ne serais jamais l'architecte
de ce projet.

Je devais quand même
lui poser une question.

Nous sommes en 2017, au cœur de New York.

Pourquoi ne pas en faire plutôt
un club pour femmes ?

Sa réponse était courte et simple,
et elle m'a prise de court.

« C'est marrant, » a-t-il dit, « ma femme
m'a demandé la même chose.

Je n'ai rien contre,
mais je ne pense pas qu'une femme

aurait les moyens de payer
les cotisations élevées

que je prévois ici. »

C'était clairement faux,

puisque New York accueille sûrement le
plus de femmes qui réussissent au monde.

J'étais choquée que ces présupposés
biaisés existent encore

et que l'on veuille encore des espaces
qui encouragent l'inégalité de genre.

Ni moi ni mon entreprise n'avons accepté
ce projet, naturellement.

Mais il y a de fortes chances
qu'un autre architecte l'ait fait.

Et ces types de projets continueront
à être construits.

Être une femme dans une profession
très masculine

est un défi.

L'architecture est souvent appelée
le « club des garçons ».

Ça vous rappelle quelque chose ?

Souvent, je me retrouve à être
la seule femme à la table de réunion

et la seule femme sur un chantier.

À de nombreuses reprises,
j'ai exprimé mon point de vue

et on m'a dit de me taire d'un geste
de la main devant mon visage,

ou un homme a expliqué à toute l'assemblée

que j'étais butée, bornée et autoritaire.

« Autoritaire ». On ne peut
qu'aimer ce mot.

L'architecture est souvent associée
à l'action de construire,

ce qui est souvent lié aux hommes.

Pendant longtemps,

les femmes n'avaient même pas le droit
d'étudier l'architecture à l'université.

Aujourd'hui, 50% des étudiants
en architecture sont des femmes,

et pourtant, pouvez-vous deviner,

sur tous les chefs
de cabinets d'architecture au monde,

combien sont des femmes ?

Trois. Trois dans le top 100.

Cherchez « architectes reconnus »,

et vous verrez de quoi je parle.

On peut dire sans risque que,
dans le monde, les femmes architectes

n'ont pas de postes élevés.

Et elles sont peu nombreuses
dans des rôles de prise de décision,

dans des cabinets et dans les comités,
commissions et conseils.

Lorsque certaines sont reconnues,

on les honore comme
des « femmes architectes ».

Elles ne sont pas des architectes,
comme les hommes,

comme si nous étions un groupe à part,
et que nous ne faisons pas le poids.

Pourquoi s'intéresser au fait qu'il n'y a
pas beaucoup de femmes architectes ?

Car cela signifie

que la majorité de notre environnement
construit aujourd'hui dans le monde

a été conçu par les hommes,

en général des hommes blancs,
de 45 ans et plus.

Ils peuvent être doués,

mais des études montrent que c'est notre
nature de concevoir par l'expérience.

Quand un segment démographique
représente le principal concepteur,

cela touche chacun de nous

tous les jours.

Cela influence notre ressenti
dans nos foyers

quand nous marchons dans la rue,

ou même au travail.

Imaginez à quoi ressemblerait
notre environnement

s'il était conçu par des personnes âgées.

Nous aurions beaucoup plus d'endroits
où nous asseoir.

Et s'il était conçu par la Génération Y ?

On aurait des stations de recharge
et de selfies partout.

Et s'il était conçu par des parents,

qui auraient un rôle actif et égal
dans les tâches,

les trottoirs seraient
peut-être plus larges,

les maternelles, bureaux et lieux publics
comme les bureaux de poste

seraient plus proches les uns des autres

pour gérer un peu mieux les jours
trop chargés.

Quand notre environnement est bon
et qu'il correspond à nos besoins,

on n'en est pas conscient.

Comme quand on ne réfléchit pas
à notre corps quand il va bien.

Quand il y a des problèmes, on le sait.

On ne se sent pas en sécurité.
On est mal à l'aise. On est frustré.

Une bonne architecture est plus
que beauté et esthétique :

elle représente un environnement adapté à
nos rituels quotidiens et personnels,

mais elle doit venir
d'un point de vue différent,

ou plutôt, elle doit être
fondée sur l'égalité.

Je pense que quand plus de femmes
influenceront l'environnement bâti,

nous aurons moins de rues sombres
ou non éclairées.

Les tables à langer
des toilettes publiques

seront disponibles côté homme et femme.

Les souterrains...
(Rires)

(Applaudissements)

Les parkings souterrains seraient
bien différents,

car les concepteurs verraient la sécurité
comme la première priorité.

(Applaudissements)

Et les escaliers en verre transparent
dans les magasins chics n'existeraient pas

car les femmes portent des jupes.

(Applaudissements)

Quand des décisions de conception
sont prises par un groupe restreint,

Les gens sont traités
involontairement différemment.

Cela a un nom :

« Discrimination dès la conception »,

et elle touche de nombreux groupes
et minorités dans nos sociétés.

Les pauvres, les communautés ethniques,
les seniors, la communauté LGBTQ,

et les femmes.

Nous devons dire que la diversité chez les
architectes et concepteurs est importante.

Puis nous devons réaliser que les femmes
ne sont pas une minorité,

mais en réalité la moitié de la population

et que l'égalité de genre
est un bon point de départ.

(Applaudissements)

Imaginez à quel point notre monde
serait différent si ses concepteurs

représentaient la diversité des gens
pour lesquels ils le conçoivent.

(Applaudissements)

Tous ces exemples peuvent représenter
un changement remarquable,

mais restent toujours petits.

Je crois qu'en pensant large et loin,

nous pouvons vraiment
faire changer les choses.

Quand je suis rentrée de New York, j'ai
transformé « autoritaire » en « autorité »

et ouvert mon propre cabinet.

(Rires)
Merci.

(Applaudissements)

J'ai ouvert mon cabinet,

pensé pour lier architecture, innovation
et idées d'égalité de genre.

Ma mission n'est pas seulement
de devenir une architecte de renom,

mais d'y arriver en œuvrant
à une cause qui m'est chère,

qui est l'égalité de genre.

La seule chose qui me retenait

sera ce qui me poussera à avancer.

Au nom de l'ambition, je veux vous parler

d'une compétition internationale
d'architecture à laquelle j'ai participé,

et j'ai eu la possibilité
de concevoir une colonie...

sur Mars.

(Applaudissements)

Vous pensez sûrement :

« Quel est le lien entre Mars
et l'architecture égalitaire ? »

J'ai trouvé cette compétition fascinante

et j'ai décidé d'utiliser Mars
comme un terrain d'expérimentation

pour montrer à quoi l'architecture
égalitaire pourrait ressembler.

Et je vais vous montrer, mais avant,
je veux vous expliquer mes raisons.

Si je vous demandais

d'imaginer un monde et une société
aussi loin dans le futur que possible,

vous penseriez sûrement à des choses
que vous connaissez

ou des endroits où vous êtes allés,
qui existaient bien avant votre naissance

ou même des choses
que vous avez vues au cinéma.

Vous ferez cela car c'est dur
de se détacher de ce que l'on connaît.

Mais si vous deviez imaginer ce futur

sur une planète lointaine comme Mars

et que je vous demandais :
« Que prendriez-vous avec vous ? »

ou « Que laisseriez-vous derrière vous ? »

Vous ne trouveriez pas ces questions
aussi intimidantes,

mais plutôt excitantes,

et vous auriez même
de bonnes idées innovantes.

L'environnement sur Mars

est très dur et extrêmement
différent de la Terre,

ce qui m'a vraiment permis
de laisser libre court à mon imagination.

Pour ma colonie martienne,

j'ai décidé d'explorer
la forme géométrique pure du cercle.

J'ai découvert que les formes circulaires
des bâtiments

offrent une impression d'unité.

Pensez à la façon dont on s'assoit
autour d'un feu de camp

ou autour d'une table -
il n'y a pas de place

qui est au-dessus d'une autre,
n'est-ce pas ?

Dans ce sens, le cercle est
une magnifique façon structurelle

d'encourager l'égalité.

C'est également pratique pour se défendre
contre un danger,

comme les murs ou les cours d'eau
autour des cités médiévales,

comme Milan ou Paris.

C'était utilisé de différentes façons,

mais quand les systèmes de pouvoir, comme
la religion et la gouvernance, s'invitent,

tous deux désirant des bâtiments
symboles pour se démarquer des autres,

et aussi tous deux gérés
par un petit groupe démographique,

l'architecture circulaire a décliné.

Si vous marchez autour
de ces constructions circulaires,

qui ressemblent un peu à des donuts,

vous verrez que les fonctions publiques
sont toujours au centre,

entourées par les zones
privées et résidentielles.

Ainsi, le privé surplombe
toujours le public,

ce qui aide à éliminer des zones
sans surveillance et donc dangereuses.

Un autre aspect sécurité à étudier
du point de vue du genre

est la mobilité intérieure et extérieure.

La mobilité intérieure correspond
aux ascenseurs et aux escaliers,

qui sont souvent des espaces clos,

qui peuvent provoquer des rencontres
malaisées entre les genres.

La gravité faible de Mars m'a permis
d'éliminer les deux :

supprimer les espaces clos,

et gagner un plan de sol
plus compact et efficace.

En fondant mon architecture
sur la capacité humaine

de sauter grâce à des machines,
des « propulseurs à aspiration »,

installés au coin des plafonds,

les gens peuvent sauter d'étage en étage.

Les architectes terriens hésitent-ils
à placer des ascenseurs et escaliers ?

Voyons également
les transports extérieurs.

On peut complètement éviter
l'idée de parkings souterrains,

qui peuvent être dangereux,

éviter le trafic et la pollution, et aussi
éviter le contact physique non-sollicité,

comme dans les transports publics bondés.

On peut plutôt voyager dans
des tunnels souterrains électroniques,

et choisir avec qui voyager.

La colonie martienne,
qui permet de repartir à zéro,

nous aide à expérimenter librement

et comprendre les bienfaits du changement.

Je n'ai pas gagné la compétition...

(Rires)

(Applaudissements)

mais j'ai gagné cette nouvelle perspective

et ces trois leçons d'égalité
grâce à Mars.

Première leçon :
contourner les obsessions cognitives.

J'ai réalisé que je pouvais utiliser Mars
comme un moyen alternatif

pour penser et parler des choses

qui étaient autrement trop gênantes
ou compliquées à imaginer,

comme quand je vous ai demandé
d'imaginer l'avenir lointain.

Penser à notre vie sur une autre planète

peut nous aider à dépasser
nos obsessions cognitives,

c'est-à-dire agir selon ce qu'on connaît,

de façon inconsciente.

La prochaine fois que vous rencontrerez
ce genre d'obstacle,

cherchez un exemple qui est
hors de votre vie quotidienne.

Je peux vous prêter Mars si vous voulez.

Deuxième leçon :

l'architecture fondée sur l'égalité
existe vraiment.

Ma colonie martienne propose une option

de ce à quoi elle pourrait ressembler.

Ce n'est que l'une
des nombreuses possibilités

étudiant l'environnement bâti
d'un point de vue féminin

et ce qu'il se passe quand on sort
de sa zone de confort.

Mais quoi d'autre ?

Pour le savoir, nous devons d'abord
avoir une vraie diversité d'architectes.

Enfin, troisième leçon :

pourquoi attendre ?

Je crois personnellement
que nous arrivons au jour

où nous ferons face à
des questions sociologiques complexes

sur la vie sur Mars.

Quand ce jour viendra,
nous devrons être confiants

que cette réalité martienne est égalitaire

et que nous savons exactement
comment l'accomplir.

Si nous le savons,

qu'est-ce qui nous empêche
d'en faire une réalité sur Terre ?

Nous sommes nés dans l'architecture.

Peu importe si c'est un hôpital urbain,

un village ou un camp ;

il a été conçu et construit par quelqu'un.

Nous vivons en étant influencé
par notre environnement bâti

sans jamais nous demander :
« Est-ce assez bien pour moi ? »

En fin de compte,

nous sommes sur notre planète bleue
pendant un temps relativement court.

Pourquoi ne pas demander

que cette vie soit parfaitement
conçue pour vous ?

Cela ne se produira que quand
la diversité œuvrera pour la diversité.

Mars, la Planète Rouge,
n'est pas hors de portée.

Pourquoi attendre de l'atteindre

quand on peut commencer les changements
ici et maintenant ?

Merci.

(Applaudissements)