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Le blob, une intelligence sans cervelle ? Fiction ou réalité : Audrey Dussutour à TEDxToulouse

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    Bonjour à tous! Aujourd'hui je vais vous parler
    d'un organisme vivant
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    sur lequel je travaille dans mon laboratoire
    de recherche au CNRS,
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    que l'on appelle plus tendrement, le blob.
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    Alors le blob, voici ce que c'est.
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    Vous en avez sûrement déjà vu.
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    Vous ne saviez pas que ça s'appelait
    un blob dans la nature
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    et ça vit souvent dans les sous-bois.
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    Donc c'est ces grosses masses jaunes
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    dans les arbres.
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    Un blob, ça peut prendre toutes les couleurs.
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    Ca peut être rose, ça peut être rouge,
    ça peut être bleu,
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    souvent être jaune, et aussi, blanc.
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    Mais surtout ce qui caractérise le blob,
    c'est que c'est immense. Grand comment?
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    Eh bien, un blob, c'est grand,
    ça fait dix mètres carrés au maximum,
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    parce qu'on n'a pas réussi vraiment
    à le faire grandir plus, mais ça pourrait faire plus.
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    Donc moi, imaginons, que je fais deux mètres carrés.
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    Dans mon corps, il y a approximativement cent milliards de cellules.
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    Elles font toutes dix micromètres.
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    Un blob, ici, vous voyez, vous savez
    combien de cellules? C'est une seule cellule.
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    Donc vous voyez que c'est
    une cellule de dix mètres carrés.
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    Donc en fait, si on compare une
    de mes petites cellules à la cellule du blob,
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    c'est comme si je compare
    le poing de ma main avec la Terre.
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    Donc vous voyez déjà l'ordre de grandeur.
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    Et ce qui encore plus effrayant
    chez le blob, c'est qu'il bouge.
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    Donc bien sûr, quand je vous ai dit
    que vous l'aviez déjà observé,
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    il faut sortir de Toulouse,
    il faut aller dans la forêt,
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    mais bien sûr ici, c'est une vidéo en accéléré.
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    Vous ne l'avez jamais vu traverser un chemin.
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    En fait un blob ça avance à peu près
    un centimètre à l'heure.
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    Quatre centimètres à l'heure,
    si c'est très affamé.
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    Gardez bien à l'idée que ce que vous voyez ici,
    c'est une seule cellule.
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    Donc une seule cellule, ça veut dire
    que cette cellule a toutes les fonctions :
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    la fonction de l’œil, la fonction du nez,
    la fonction de l'oreille, de l'estomac, du poumon, etc.
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    Donc, toujours, je vous ai toujours pas dit,
    mais qu'est-ce que c'est que le blob?
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    Figurez-vous qu'au Texas,
    il y a quelqu'un qui s'est posé
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    exactement la même question
    quand elle l'a trouvé dans son jardin.
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    Donc au Texas, il y a une dame qui a trouvé
    une masse jaune immense dans son jardin,
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    et elle s'est dit : « mais qu'est-ce que c'est ? »
    Elle a pensé tout de suite à un alien.
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    Donc elle a appelé les pompiers
    qui ont mis feu au blob,
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    aux policiers qui ont tiré sur le blob
    et le lendemain, quelle n'a pas été sa surprise quand
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    elle a vu qu'il faisait deux fois la taille.
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    Donc, c'est là qu'est venu, vous savez
    qu'il y a objet volant non-identifié, OVNI
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    et c'est là qu'est venu ORNI,
    objet rampant non-identifié.
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    Donc bien sûr ce genre d'histoires, ça nourrit
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    l'imaginaire des cinéastes,
    et je ne sais pas si vous avez déjà
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    entendu parler de ce film qui s'appelle
    "Le Blob" avec Steve McQueen.
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    Je vous en présente un extrait.
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    Dave, Doc Allen a été tué !
    Doc Allen ? Qu'est-ce qui est arrivé ?
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    Je ne sais pas ce que c'est,
    mais vous devez venir tout de suite !
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    Une minute Steve, dis-nous ce qui est arrivé !
    J'essaie de vous dire! Cette chose a tué le Doc !
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    Qu'est-ce que c'était ? Qu'est-ce que c'était ?
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    Une sorte de... masse
    qui devient de plus en plus grande !
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    Prenez garde
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    au BLOB !
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    Vous tous qui regardez cet écran, prenez garde,
    car bientôt, très bientôt,
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    la plus horrible menace monstrueuse
    jamais conçue
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    envahira ce cinéma !
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    Courez, ne marchez pas !
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    Fuyez le BLOB !
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    Il rampe !
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    Il dégouline !
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    Il vous dévore vivant !
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    Avec Steve Mc Queen et d'autres jeunes acteurs !
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    Préparez-vous, il arrive bientôt !
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    Le BLOB !
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    Alors, je vous rassure tout de suite,
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    le blob ne va pas vous manger aujourd'hui.
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    En fait le blob, on l'appelle d'un nom scientifique,
    un beaucoup moins joli nom,
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    un myxomycète. Ce qui veut dire,
    selon le grec, un champignon gluant.
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    Je vous arrête tout de suite.
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    Le blob n'est pas un champignon.
    Le blob n'est pas une plante,
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    le blob n'est pas un animal. En fait il a les caractéristiques des trois à la fois.
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    Un petit peu animal, un petit peu plante,
    un petit peu champignon.
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    On ne pouvait pas vraiment le classer.
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    Du coup, on l'a mis dans une famille,
    là où on met le fourre-tout en biologie,
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    quand on ne sait pas ce que c'est,
    on met dans une famille qui s'appelle les protistes.
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    Donc le blob, on l'a mis dans les protistes,
    et des blobs, il en existe
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    mille espèces différentes.
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    Si on regarde nous, notre espèce,
    homo sapiens sapiens,
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    il n'en existe qu'une.
    Il n'y a qu'une espèce d'hommes.
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    Toutes les autres ont disparu.
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    Chez les blobs, il existe encore
    mille espèces de blobs différents.
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    C'est pour ça, vous voyez,
    qu'ils varient en couleur, en forme, etc.
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    Donc en fait chez le blob il y a comme chez le papillon, l'effet Dr. Jekyll et Mr. Hyde.
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    Vous avez une chenille, souvent pas très jolie,
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    qui donne souvent un papillon extrêmement beau. Mais chez le blob, c'est un peu pareil.
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    Vous avez une masse peu ragoûtante,
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    c'est pas très joli à voir, un blob, et il donne
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    par contre, pendant la période de reproduction,
    ces magnifiques spores iridescentes.
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    que les gens collectionnent.
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    Donc la reproduction, tout le monde
    a entendu parler de la reproduction,
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    on est tous adultes, donc ça se fait
    entre un mâle et une femelle.
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    Ca c'est, dans les cas les plus simples,
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    Chez les plantes, les animaux, les champignons,
    il y a toujours un mâle et une femelle.
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    Bien sûr, il y a des animaux hermaphrodites,
    on ne rentrera pas dans ce genre de détails,
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    mais ça reste, mâle et femelle.
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    Chez le blob, on a 221 sexes différents.
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    Vous avez pas un mâle et une femelle,
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    donc vous, quand vous rentrez dans une salle,
    vous pouvez vous dire
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    que vous ayez 50% de chances de vous reproduire.
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    Le blob, lui, quand il rentre dans une pièce,
    il a 99.5% de chances de trouver
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    quelqu'un du sexe opposé.
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    Donc c'est plutôt pas mal!
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    En fait ce qu'on peut dire, c'est que
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    le blob c'est un petit peu
    l'adolescent du myxomycète.
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    C'est-à-dire qu'avant d'accéder à la reproduction,
    de faire des spores,
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    qu'est-ce qu'il doit faire,
    comme un adolescent?
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    Il doit manger, grossir pour pouvoir
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    produire le maximum de spores possibles.
    Vous allez me dire,
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    vu qu'il ne mange pas des humains,
    qu'est-ce qu'il mange, le blob?
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    En fait, il mange des champignons.
    Donc là aussi je vous rassure,
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    c'est en accéléré, il ne mange pas
    des champignons en une minute.
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    Il faut à peu près une heure pour manger
    un champignon, pour le blob.
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    Vous le voyez couvrir les champignons
    et carrément les engouffrer.
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    Il ne reste rien du champignon
    après le passage du blob.
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    En fait il absorbe les champignons à l’intérieur de son corps et c'est là qu'il le digère.
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    Et vous voyez ici le petit bolet qui disparaît.
    Très très vite,
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    un petit peu effrayant.
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    Bien sûr laboratoire, nous n'avons pas
    le luxe de pouvoir avoir
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    beaucoup de champignons.
    Et d'élever des champignons.
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    Donc, ce que nous donnons à notre blob,
    c'est un Japonais qui a découvert ça
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    dans les années soixante,
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    le blob raffole des flocons d'avoine.
    Il faut savoir qu'un blob de cette taille-là
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    mange à peu près un kilo
    de flocons d'avoine par semaine.
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    C'est quand même pas mal,
    ça nous coûte cher en flocons d'avoine
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    mais ça coûte toujours moins cher
    que de faire un élevage de champignons.
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    Donc, deuxième question: vu que
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    c'est un organisme vivant, on s'attend à ce que le blob, comme n'importe quel animal,
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    ou plante, ou champignon,
    meure à un point donné.
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    Le blob est immortel!
    En fait, le blob, il y a deux choses
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    qu'il n'aime pas : il n'aime pas la lumière,
    et il n'aime pas être affamé.
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    Donc quand il se retrouve dans ces situations qui sont dangereuses pour lui, qu'est-ce qu'il fait?
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    Il sèche. Il forme ce qu'on appelle une structure
    qui est toute sèche, qui s'appelle un sclérote.
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    Et ce sclérote peut rester comme ça
    pendant des années.
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    Donc si un jour, vous avez marre
    de nourrir votre blob au laboratoire,
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    que vous voulez partir en vacances,
    vous avez juste à le faire sécher.
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    Vous le mettez dans un placard,
    vous revenez deux semaines plus tard,
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    vous mettez un petit peu d'eau dessus et il repart.
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    Ce qui est fascinant aussi chez le blob,
    c'est qu'on peut le couper en morceaux,
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    en tout petit morceaux.
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    Et donc en fait il détient un record,
    c'est-à-dire que si vous coupez
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    n'importe quel organe en deux,
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    vous allez saigner,
    ça va mettre pas mal de temps à cicatriser.
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    Le blob a un temps de cicatrisation de deux minutes!
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    C'est-à-dire que si vous coupez un morceau de blob,
    vous le mettez à côté,
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    en deux minutes, il repart comme en l'an 40.
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    Et si, une fois que vous coupez le blob en morceaux,
  • 8:13 - 8:14
    vous remettez ces morceaux côte à côte,
  • 8:14 - 8:17
    qu'est-ce qu'ils vont faire?
    Ils vont reformer un nouveau blob.
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    Donc il faut savoir, quand vous élevez du blob
    dans un laboratoire, qu'il prend à peu près,
  • 8:22 - 8:24
    quand vous le voyez, par exemple, le soir
    et vous le revoyez le lendemain matin,
  • 8:24 - 8:29
    il grossit de deux fois.
    Il a une croissance exponentielle.
  • 8:29 - 8:32
    Tous les jours, vous avez deux fois
    plus de blob dans votre laboratoire.
  • 8:34 - 8:36
    Donc bien sûr la question maintenant,
  • 8:36 - 8:40
    on sait qu'il est immortel, 221 sexes, etc, c'est bien,
    mais est-ce qu'il est intelligent, ce blob ?
  • 8:40 - 8:43
    Est-ce qu'il y a un interêt de vraiment de l'étudier ?
  • 8:43 - 8:45
    Donc d'abord, qu'est-ce que l'intelligence ?
  • 8:45 - 8:47
    L'intelligence, c'est la capacité
    à résoudre des problèmes.
  • 8:47 - 8:51
    Donc, on va poser des problèmes au blob et on va
  • 8:51 - 8:55
    regarder s'il a des solutions à ces problèmes.
  • 8:55 - 8:59
    Le premier problème qu'on a posé au blob,
    c'était avec une équipe japonaise,
  • 8:59 - 9:01
    c'est le problème du labyrinthe.
  • 9:01 - 9:03
    Donc ce qu'on a fait, c'est qu'on a déposé
  • 9:03 - 9:06
    plein de petits bouts de blob dans un labyrinthe, et
  • 9:06 - 9:09
    là le blob devait sortir du labyrinthe.
  • 9:16 - 9:17
    Donc vous pouvez voir ici
  • 9:17 - 9:20
    que tous les petits blobs ont fusionné
    les uns avec les autres,
  • 9:20 - 9:23
    ont couvert le labyrinthe,
    et on voit très vite, en fait,
  • 9:23 - 9:28
    dans l’expérience, qu'il réussit à retrouver
    le chemin pour sortir du labyrinthe.
  • 9:30 - 9:34
    Ensuite, on lui a posé un problème plus humain,
    en fait. Et donc ce qu'on a fait,
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    on a créé des petites cartes du Japon miniatures, donc ici, c'est une carte du Japon.
  • 9:38 - 9:43
    Et ce que vous pouvez voir ici,
    c'est un petit blob qu'on a déposé à Tokyo.
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    Et tous les petits points, ici,
    c'est en fait des petits flocons d'avoine,
  • 9:48 - 9:51
    qui représentent l'emplacement des villes
    autour de Tokyo.
  • 9:51 - 9:56
    Donc on a demandé au blob de rejoindre
    toutes ces petites sources de nourriture,
  • 9:56 - 9:58
    pour qu'il puisse manger,
    de la manière la plus efficace possible.
  • 9:58 - 10:02
    On a regardé le réseau qu'il formait à la fin.
  • 10:02 - 10:05
    Là j'ai un petit film, vous allez voir.
  • 10:05 - 10:07
    Le blob croît, comme il fait toujours
    quand on le pose dans un endroit,
  • 10:07 - 10:10
    c'est la première chose qu'il fait,
    il cherche à s'échapper,
  • 10:10 - 10:12
    Donc vous voyez ici qu'il connecte
    les flocons d'avoine,
  • 10:12 - 10:14
    et dès qu'il a un contact avec un flocon d'avoine,
  • 10:14 - 10:18
    il émet une veine, pour pouvoir faire circuler
    les nutriments dans l'organisme.
  • 10:18 - 10:22
    Et donc il va connecter touts ces petits flocons.
    Et ensuite on analyse
  • 10:22 - 10:26
    ce réseau de veines formé par le blob,
    et on le compare au réseau ferroviaire,
  • 10:26 - 10:30
    qu'ont fait les Japonais. Ils ont mis cinquante ans
    à faire ce réseau ferroviaire.
  • 10:30 - 10:33
    Et on compare si le réseau produit par le blob
  • 10:33 - 10:36
    est plus efficace que le réseau ferroviaire
    produit par les hommes.
  • 10:36 - 10:39
    Et bien, figurez-vous qu'il est bien plus efficace
  • 10:39 - 10:41
    le réseau produit par le blob en 24 heures!
  • 10:41 - 10:45
    En fait, comment mesurer l'efficacité dans le réseau? Mais tout simplement, par exemple, pour
  • 10:45 - 10:48
    cette ville, qu'elle est le chemin le plus court?
    Ou bien, quand je coupe
  • 10:48 - 10:50
    un lien, est-ce que je peux faire un détour?
  • 10:50 - 10:52
    C'est comme ça qu'on mesure un reste.
    On a regardé
  • 10:52 - 10:55
    l'efficacité du réseau produit par le blob.
    Il était bien plus efficace que le réseau
  • 10:55 - 10:59
    ferroviaire construit par les Japonais.
  • 11:01 - 11:03
    Dans nos laboratoires,
    on s'est posé une autre question.
  • 11:03 - 11:07
    On travaille sur la nutrition, donc on se dit « ok, le blob est intelligent, il sait faire des réseaux,
  • 11:07 - 11:10
    etc, mais est-ce qu'il sait bien manger? »
  • 11:10 - 11:14
    On sait très bien que l'homme, quand on est face... quand on va au supermarché, on prend un peu
  • 11:14 - 11:18
    de la nourriture, un peu de protéines, un peu de sucre, et normalement on doit prendre
  • 11:18 - 11:21
    un régime qui est optimal
    pour notre survie et notre santé.
  • 11:21 - 11:25
    Or, on ne réussit pas très bien souvent.
    On s'aperçoit que chez beaucoup d'animaux
  • 11:25 - 11:28
    ces tendances, par exemple, à l'obésité,
    on les retrouve beaucoup.
  • 11:28 - 11:31
    Donc on s'est demandé si le blob était capable,
  • 11:31 - 11:34
    si on lui proposait des tas de régimes alimentaires
    qui lui plaisent au niveau du goût,
  • 11:34 - 11:36
    est-ce qu'il serait capable de choisir le meilleur
  • 11:36 - 11:38
    pour sa survie et pour sa santé ?
  • 11:38 - 11:43
    Donc ici vous voyez des pastilles de nourriture
    qui sont caractérisées par une certaine proportion
  • 11:43 - 11:45
    de sucre et de protéines. Et une seule de
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    ces pastille est bonne pour la santé
    et la survie du blob.
  • 11:48 - 11:53
    Et quand on dépose un blob au milieu
    de ce dispositif, on voit que dans
  • 11:53 - 11:56
    100% des cas, il choisit le régime adapté.
  • 11:56 - 11:58
    Il ne se trompe jamais.
  • 12:00 - 12:04
    Ensuite, souvent quand on parle d'intelligence,
    on veut aller un petit peu plus loin.
  • 12:04 - 12:08
    On parle souvent de mémoire, parce que l'intelligence est aussi la capacité à apprendre.
  • 12:08 - 12:13
    Bon le blob, lui, il a un petit souci.
    Il n'a pas de cerveau.
  • 12:13 - 12:15
    Souvent la mémoire, il faut un cerveau.
  • 12:15 - 12:20
    Ce que lui a trouvé comme solution,
    c'est d'avoir une mémoire pas interne mais externe.
  • 12:20 - 12:25
    Chaque fois que le blob se déplace, il laisse
    derrière lui, vous voyez, cette traînée de mucus.
  • 12:25 - 12:30
    En fait, c'est comme le fantôme du blob
    une heure avant.
  • 12:30 - 12:34
    Le blob a été ici, il n'a rien trouvé,
    il a rapatrié tout son matériel,
  • 12:34 - 12:37
    et puis, il a été explorer de l'autre côté de la boîte.
  • 12:37 - 12:41
    Ce mucus qu'il laisse derrière lui,
    c'est comme une mémoire.
  • 12:41 - 12:46
    Ça veut dire que le blob sait qu'il a déjà été ici et qu'il n'y a rien là. Il ne va pas repasser sur le mucus.
  • 12:46 - 12:50
    Ça c'est une technique assez extraordinaire,
    parce qu'imaginez-vous, vous n'avez pas d'yeux,
  • 12:50 - 12:54
    comme le blob, et pas d'oreilles,
    vous n'avez rien du tout, et vous êtes plongé
  • 12:54 - 12:56
    dans une salle noire, et vous devez trouver,
    par exemple, une boule rouge.
  • 12:56 - 13:01
    Imaginez combien de fois vous allez repasser
    au même endroit, si vous êtes plongé dans le noir.
  • 13:01 - 13:04
    Le blob, il n'a pas ce problème.
    Il a ce mucus derrière lui,
  • 13:04 - 13:06
    il ne repassera jamais
    deux fois au même endroit,
  • 13:06 - 13:10
    il retrouvera la balle sûrement
    beaucoup plus vite que vous.
  • 13:10 - 13:11
    Et donc on lui a fait... euh...
  • 13:11 - 13:15
    on l'a confronté à un problème
    qui est souvent rencontré en robotique,
  • 13:15 - 13:19
    qui est le piège en U. Donc, imaginez-vous dans
  • 13:19 - 13:23
    une situation : vous êtes dans une pièce noire
    et il y a une lumière blanche en face de vous,
  • 13:23 - 13:26
    et vous devez rejoindre la lumière.
    Mais vous êtes plongé dans le noir, et
  • 13:26 - 13:29
    en face de vous, il y a un obstacle,
    un mur que vous ne pouvez pas voir.
  • 13:29 - 13:33
    Donc, la première chose que vous allez faire,
    c'est aller tout droit, et tomber en fait, dans le piège,
  • 13:33 - 13:36
    ici, et vous allez devoir contourner le mur
    pour sortir et aller vers la lumière.
  • 13:36 - 13:40
    C'est pas quelque chose de très très facile,
    par exemple, à implémenter.
  • 13:40 - 13:43
    Donc on a demandé au blob
    de faire la même tâche.
  • 13:43 - 13:46
    Donc ici, vous avez son mur et ici
  • 13:46 - 13:50
    il n'y a pas de lumière, comme il n'y a pas d'yeux.
    Il fallait trouver autre chose. Donc on a
  • 13:50 - 13:53
    essayé de l'attirer par une gouttelette de sucre
    parce qu'il aime beaucoup le sucre.
  • 13:53 - 13:56
    Donc voici ce que ça a donné.
    Vous voyez ici que forcément
  • 13:56 - 14:00
    il se déplace assez vite, il explore
    son environnement, il tombe dans le piège.
  • 14:00 - 14:04
    Mais, vous allez voir qu'il va
    très vite sortir du piège
  • 14:04 - 14:08
    et pouvoir rejoindre en fait
    la gouttelette d'eau sucrée.
  • 14:08 - 14:12
    Donc on s'est dit que c'était vraiment cette mémoire
    qu'il utilisait, de l'environnement.
  • 14:12 - 14:16
    Pour tester ça, on a refait la même expérience,
    mais cette fois,
  • 14:16 - 14:20
    vous voyez ici, on a couvert en fait, entièrement
  • 14:20 - 14:23
    le sol, sur lequel il se déplace, de mucus,
    pour lui faire croire qu'il avait
  • 14:23 - 14:26
    exploré déjà tout l'environnement.
    Donc en fait il était
  • 14:26 - 14:29
    confus au niveau de sa mémoire, parce que pour lui,
    il avait exploré partout.
  • 14:29 - 14:34
    Donc voici ce qui se passe.
    Vous voyez que déjà il croît
  • 14:34 - 14:36
    beaucoup plus doucement. Il ne comprend pas,
    puis va un peu dans toutes les directions.
  • 14:36 - 14:39
    Il ne va pas vraiment vers le sucre,
    il tombe dans le piège,
  • 14:39 - 14:43
    et vous allez voir ici qu'il va rester en fait coincé
  • 14:43 - 14:46
    dans ce piège. Donc c'est bien
    l'utilisation de ce mucus
  • 14:46 - 14:52
    qui fait que le blob peut sortir du piège,
    et a une mémoire de son environnement.
  • 14:54 - 14:58
    La dernière chose à savoir sur les blobs,
    qui est assez extraordinaire,
  • 14:58 - 15:01
    c'est que vous avez toujours
    cette cellule unique, sans cervelle ;
  • 15:01 - 15:05
    et bien cette cellule unique sans cervelle
    a aussi une personnalité.
  • 15:05 - 15:09
    J'ai été chercher des blobs en Australie,
  • 15:09 - 15:13
    aux États-Unis, et au Japon, et je les ai comparés.
  • 15:13 - 15:15
    Ils sont de la même espèce,
    c'est le même animal,
  • 15:15 - 15:19
    mais il n'est pas un animal, même protiste.
  • 15:19 - 15:22
    Et on a comparé en fait,
    comment ils évoluaient dans
  • 15:22 - 15:26
    un environnement, vous voyez, c'est une boîte, on regarde comment ils explorent leur environnement.
  • 15:26 - 15:29
    Donc ici, vous avez l'Australien,
    l'Américain, et le Japonais.
  • 15:29 - 15:32
    Voyez que le Japonais est déjà parti
    à explorer son environnement,
  • 15:32 - 15:36
    l'Australien ne fait pas grand chose, et l'Américain, lui, il fait des petits doigts comme ça.
  • 15:36 - 15:40
    Il explore son environnement. Lui, il est très, très rapide pour explorer son environnement alors que
  • 15:40 - 15:44
    l'Australien est très, très lent,
    prend son temps, et l'Américain
  • 15:44 - 15:46
    a une nouvelle stratégie, qui est
    d'envoyer des bras un peu partout.
  • 15:46 - 15:51
    Et donc, on s'est dit, c'est marrant parce que bon, finalement, le Japonais est beaucoup
  • 15:51 - 15:54
    plus efficace, parce qu'il explore
    son environnement très rapidement.
  • 15:54 - 15:55
    Mais du coup, on leur a donné des tâches.
  • 15:56 - 15:59
    Ils avaient, par exemple, deux options à choisir.
  • 15:59 - 16:02
    L'option 1 est une bonne option,
    l'option 2 est une mauvaise option.
  • 16:02 - 16:04
    Par exemple ça peut être
    une source de nourriture qui est bonne
  • 16:04 - 16:07
    et une source de nourriture qui est mauvaise.
  • 16:07 - 16:09
    Le Japonais était vraiment pas doué
    dans ce genre de tâches
  • 16:09 - 16:13
    parce que lui, il allait à fond,
    donc une fois sur deux, il se trompait.
  • 16:13 - 16:17
    L'Australien, qui prenait son temps pour explorer
    son environnement, se trompait jamais
  • 16:17 - 16:20
    et allait toujours vers la meilleure option.
  • 16:20 - 16:24
    Donc bien sûr l’expérience que vous avez envie de faire, c'est de mélanger les blobs,
  • 16:24 - 16:27
    de les mettre les uns avec les autres. Qu'est-ce que ferait un Américain avec un Australien,
  • 16:27 - 16:32
    ou un Japonais? Bien sûr, on l'a fait.
    Mais d'abord on les a laissés
  • 16:32 - 16:36
    les uns avec les autres.
    On a mis deux Américains ensemble,
  • 16:36 - 16:40
    deux Australiens ensemble,
    deux Japonais ensemble,
  • 16:40 - 16:43
    et on leur a donné une source de nourriture.
    Et donc on a regardé ce qu'ils faisaient.
  • 16:43 - 16:47
    Donc en fait le blob, il a deux options.
    Soit il va voir son petit copain,
  • 16:47 - 16:50
    soit il va à la nourriture.
    Ce qu'on a vu chez l'Américain,
  • 16:50 - 16:52
    c'est qu'il y a un qui allait
    très vite à la nourriture
  • 16:52 - 16:54
    et l'autre qui l'évitait complètement du coup,
  • 16:54 - 16:57
    qui ne voulait surtout pas toucher l'autre blob.
  • 16:57 - 16:59
    L'Australien a un côté très bisounours, c'est :
  • 16:59 - 17:04
    « ah, moi, je vais voir mon copain d'abord,
    et ensuite ensemble on ira à la nourriture. »
  • 17:04 - 17:06
    Donc la première chose que font
    deux Australiens quand ils sont ensemble,
  • 17:06 - 17:09
    c'est de fusionner, de former un seul blob.
  • 17:09 - 17:13
    Les Japonais, c'est « on va à la nourriture d'abord, mais on partage. »
  • 17:13 - 17:18
    Donc, il est assez partageur.
    L'Américain, pas du tout partageur.
  • 17:18 - 17:20
    Donc bien sûr on a fait l'expérience
    où on a mélangé.
  • 17:20 - 17:23
    Il faut savoir que l'Australien,
    si on le met avec un Japonais ou un Américain,
  • 17:23 - 17:24
    il est toujours aussi bisounours.
  • 17:24 - 17:28
    Il leur court après pour essayer de former un blob. Les autres l'évitent.
  • 17:29 - 17:33
    Si vous mettez un Américain avec un Japonais, l'Américain tue le Japonais.
  • 17:34 - 17:37
    En fait, l'Américain, fusionne avec le Japonais
    et le tue et il prend tout ce qu'il y a
  • 17:37 - 17:41
    dans sa cellule, tous les nutriments, etc, et il laisse
  • 17:41 - 17:45
    derrière lui un blob tout mou.
    Comme quoi il n'est pas complètement immortel.
  • 17:45 - 17:52
    Donc, dernière chose, au niveau
    de leur personnalité, petite anecdote de laboratoire.
  • 17:52 - 17:54
    Le laboratoire achète les flocons d'avoine et souvent on les achète au supermarché. Et une fois,
  • 17:54 - 17:57
    je me suis dit, tiens, il y a des flocons d'avoine bio,
  • 17:57 - 17:59
    ça serait peut-être plus sympa
    pour la croissance du blob
  • 17:59 - 18:01
    donc j''achète des gros seaux
    de flocons d'avoine bio.
  • 18:01 - 18:06
    Et je nourris mes trois blobs
    avec les flocons d'avoine bio.
  • 18:06 - 18:11
    L'Australien se régale, le Japonais se régale,
    l'Américain, il n'a pas mangé du bio !
  • 18:13 - 18:15
    Il ne mangera que les flocons d'avoines achetés
  • 18:15 - 18:16
    au supermarché.
  • 18:18 - 18:23
    Donc, vous allez me dire mais est-ce qu'il va finir
    par envahir le monde, ce blob
  • 18:23 - 18:30
    qui est si intelligent ? Et bien, je vous répondrai qu'il l'a déjà fait. Et ceci depuis 500 millions d'années.
  • 18:30 - 18:32
    Merci beaucoup de votre attention.
  • 18:32 - 18:36
    (Applaudissements)
Title:
Le blob, une intelligence sans cervelle ? Fiction ou réalité : Audrey Dussutour à TEDxToulouse
Description:

Audrey Dussutour, chercheuse au CNRS, présente ses travaux sur les myxomycètes, plus communément appelés blobs. Les blobs sont-ils de simples champignons gaiement colorés ou de dangereux et intelligents aliens, prêts à tout dévorer sur leur passage?

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
18:40

French subtitles

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