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Malcolm Gladwell parle de la sauce pour spaghetti

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    Je crois que j’étais supposé parler de mon nouveau livre,
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    intitulé « Blink », qui parle des jugements instantanés
    et des premières impressions.
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    Il va paraître en janvier et j’espère que vous l’achèterez tous en trois exemplaires.
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    Mais en y réfléchissant,
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    je me suis rendu compte que même si mon nouveau livre me rendait heureux,
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    et 
je pense qu’il rendrait ma mère heureuse,
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    ce n’est pas vraiment un livre sur le bonheur.
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    Alors j’ai décidé de parler plutôt de quelqu’un qui,
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    je pense, a fait autant pour rendre les américains heureux
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    que n’importe qui d’autre ces 20 dernières années,
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    un homme qui est un de mes grands héros :
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    une personne nommée Howard Moskowitz,
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    qui est surtout connu pour avoir réinventé
    la sauce spaghetti.
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    Howard est à peu près grand comme ça et il est rond,
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    il a la soixantaine, d’énormes lunettes,
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    des cheveux gris clairsemés, une espèce d’exubérance
    et de vitalité magnifiques,
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    et il a un perroquet et il adore l’opéra,
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    et c’est un grand amateur d’histoire médiévale.
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    Et il était psychophysicien de métier.
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    Je dois vous dire que je n’ai aucune idée de
    ce qu’est la psychophysique,
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    même si, à un moment de ma vie, je suis sorti pendant deux ans avec une fille qui préparait
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    son doctorat en psychophysique.
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    Cela vous laisse imaginer comment était cette relation. (Rires)
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    À ma connaissance, la psychophysique consiste
    à mesurer des choses.
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    Et mesurer les choses intéresse beaucoup Howard.
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    Il a obtenu son doctorat à Harvard,
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    et monté une petite agence de conseil
    à White Plains, New York.
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    Un de ses premiers clients, ceci remonte à plusieurs années, au début des années 70,
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    un de ses premiers clients était Pepsi.
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    Les gens de Pepsi sont venus voir Howard et lui ont dit :
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    « Vous savez, il y a cette nouveauté appelée aspartame,
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    et nous voudrions faire du Pepsi diète.
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    Nous aimerions que vous trouviez la quantité d’aspartame que nous devrions mettre
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    dans chaque canette de Pepsi diète,
    pour avoir la boisson parfaite ».
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    Cette question semble appeler une réponse
    incroyablement simple,
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    et c’est ce que pensait Howard. Parce que Pepsi lui a dit :
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    « Ecoutez, nous travaillons sur un intervalle
    de 8 à 12%.
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    En dessous de 8 %,
    ce n’est pas assez sucré,
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    au dessus de 12 %, c’est trop sucré.
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    Nous voulons savoir quel est l’idéal entre 8 et 12? »
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    Si je vous donnais ce problème à résoudre,
    vous diriez tous, c’est très simple.
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    Ce qu’il faut faire, c’est réaliser toute une série
    de mélanges expérimentaux de Pepsi,
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    à chaque concentration d’édulcorant :
    8 %, 8,1, 8,2, 8,3,
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    jusqu’à 12, les essayer avec des milliers de personnes,
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    et mettre les résultats sur une courbe,
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    puis retenir la concentration la plus populaire.
    Très simple.
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    Howard fait l’expérience, obtient les données,
    les place sur une courbe,
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    et soudain se rend compte que ce n’est pas
    une jolie courbe en cloche.
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    En fait, les données n’ont aucun sens.
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    C’est un désordre total.
    Il y a des données partout.
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    La plupart des gens de cette industrie, dans le monde
    des essais sur les aliments
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    ne sont pas consternés lorsque les données
    n’ont pas de sens.
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    Ils se disent : « Deviner ce que les gens pensent des boissons gazeuses n’est pas facile.
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    Nous avons peut-être fait une erreur quelque part.
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    Faisons juste une estimation éclairée »,
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    et ils choisissent 10%, juste au milieu.
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    Howard n’est pas calmé aussi facilement.
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    Howard est un homme avec un certain niveau intellectuel.
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    Tout ceci n’était pas assez bien pour lui,
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    et cette question l’a hanté pendant des années.
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    Il y repensait et disait :
    « Qu’est-ce qui n’a pas marché? »
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    Pourquoi ne pouvait-on pas donner un sens à cette expérience avec Pepsi diète?
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    Un jour, alors qu’il était dans un café-restaurant
    à White Plains,
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    sur le point d’essayer d’inventer quelque chose
    pour Nescafé.
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    Et soudain, comme un éclair, la réponse lui est apparue.
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    C’est que, quand ils ont analysé les données
    sur le Pepsi diète,
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    ils posaient la mauvaise question.
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    Ils cherchaient le Pepsi parfait,
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    alors qu’ils auraient dû chercher les Pepsis parfaits.
    Croyez-moi.
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    Cela a été une énorme révélation.
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    C’était une des plus brillantes découvertes dans
    toute la science des aliments.
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    Howard s’est immédiatement mis en route,
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    et il allait dans des conférences dans tout le pays,
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    et il se levait et disait,
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    « Vous cherchiez le Pepsi parfait.
    Vous avez tort.
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    Vous devriez chercher les Pepsis parfaits. »
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    Et les gens lui jetaient un regard vide, et disaient,
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    « De quoi parlez-vous? C’est de la folie. »
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    Et ils disaient,
    « Dégagez! Au suivant! »
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    Il essayait de travailler, personne ne voulait l’engager,
    il était obsédé, cependant,
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    et il en parlait encore et encore.
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    Howard adore l’expression Yiddish
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    « Pour un ver dans une racine de raifort,
    le monde est du raifort. »
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    C’était son raifort. (Rires) Il en était obsédé!
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    Et finalement, il a pu percer. Les gens de Vlasic Pickles
    sont venus le voir,
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    et lui ont dit: « M. Moskowitz,
    Docteur Moskowitz,
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    nous voulons faire le cornichon mariné parfait. »
    Il a répondu :
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    « Le cornichon mariné parfait n’existe pas, il y a
    seulement des cornichons marinés parfaits. »
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    Il est revenu vers eux et leur a dit : « Non seulement vous devez améliorer votre cornichon normal,
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    mais vous devez aussi créer un cornichon épicé. »
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    Et c’est comme ça que nous avons eu les
    cornichons épicés.
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    Et puis la personne suivante est venue le trouver,
    et c’était les Soupes Campbell.
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    Et c’était encore plus important. En fait,
  • 4:59 - 5:03
    c’est avec les Soupes Campbell qu’Howard
    s’est fait une réputation.
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    Campbell a fait Prego ; et Prego, au début
    des années 80, voulait rivaliser avec Ragu,
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    qui était la sauce pour spaghetti dominante
    dans les années 70 et 80.
  • 5:11 - 5:14
    Dans ce secteur, je ne sais pas si ça vous intéresse,
  • 5:14 - 5:15
    ni combien de temps j’ai pour vous raconter ça.
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    Mais du point de vue technique, ceci est un aparté,
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    Prego est une meilleure sauce tomate que Ragu.
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    La qualité de la purée de tomate est bien meilleure ;
    le mélange d’épice est de loin supérieur ;
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    il adhère aux pâtes d’une façon bien plus plaisante.
    En fait,
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    on faisait le fameux test du bol dans les années 70,
    avec Ragu et Prego
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    On prenait une assiette de spaghetti,
    on versait la sauce dessus.
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    Et Ragu tombait au fond de l’assiette,
    et Prego restait sur le dessus.
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    C’est ce qu’on appelle l’adhérence.
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    Et donc, en dépit du fait qu’ils étaient bien meilleurs
    pour ce qui est de l’adhérence,
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    et la qualité de leur purée de tomate, Prego avait du mal.
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    Alors ils sont venus trouver Howard,
    et ils lui ont demandé, arrangez-nous ça.
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    Et Howard a regardé leur gamme de produits,
    et il a dit,
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    ce que vous avez là, c’est une société de tomates mortes.
  • 6:01 - 6:03
    Et il a dit, voilà ce que je veux faire.
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    Et il a rejoint les cuisines de Campbell,
  • 6:05 - 6:10
    et il a créé 45 variétés de sauce pour spaghetti.
    Et il les a diversifiées
  • 6:10 - 6:14
    de toutes les manières possibles de mofifier
    une sauce tomate :
  • 6:14 - 6:18
    par la douceur, la quantité d’ail, le piquant, l’acidité,
    la concentration de la tomate,
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    les morceaux visibles, c’est mon terme préféré dans
    le secteur des sauces pour spaghetti. (RIres)
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    Tout ce qu’on peut imaginer modifiable dans une sauce tomates, il l’a modifié dans la sauce pour spaghetti.
  • 6:30 - 6:35
    Et puis il a pris ses 45 sauces pour spaghetti,
    et il s’est mis en route
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    Il est allé à New York; il est allé à Chicago;
    il est allé à Jacksonville ;
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    il est allé à Los Angeles. Et il a amené des gens par
    camions entiers. Dans de grandes salles.
  • 6:43 - 6:45
    Et il les a fait asseoir pendant deux heures,
    et il leur a donné
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    10 bols au cours de ces deux heures.
  • 6:48 - 6:52
    10 petits bols de pâtes, avec différentes sauces
    pour spaghetti à chaque fois.
  • 6:52 - 6:56
    Et après avoir mangé chaque bol, ils devaient
    évaluer de 0 à 100,
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    à quel point ils avaient trouvé bonne la sauce à spaghetti.
  • 6:59 - 7:02
    À la fin du processus, après avoir fait ça
    pendant des mois et des mois,
  • 7:02 - 7:04
    il avait une montagne de données
  • 7:04 - 7:08
    sur la façon dont les américains percevaient
    la sauce pour spaghetti.
  • 7:08 - 7:10
    Et puis il a analysé les données.
  • 7:10 - 7:14
    Est-ce qu’il a cherché la variété la variété
    la plus populaire de sauce pour spaghetti? Non!
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    Howard ne croit pas qu’une chose pareille existe.
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    Au lieu de ça, il a observé les données et il a dit :
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    « Voyons si nous pouvons regrouper
    toutes ces différentes données.
  • 7:24 - 7:27
    Voyons si on peut les regrouper
    autour de certaines idées. »
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    Et bien sûr, si on s’assied et qu’on analyse toutes
    ces données sur la sauce pour spaghetti,
  • 7:33 - 7:36
    on se rend compte que tous les américains
    entrent dans l’une de ces trois catégories.
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    Il y a des gens qui aiment leur
    sauce pour spaghetti nature;
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    il y a des gens qui aiment leur sauce pour spaghetti épicée;
  • 7:42 - 7:45
    et il y a des gens qui l’aiment avec de gros morceaux.
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    Et de ces trois faits, le troisième
    est le plus significatif,
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    parce qu’à l’époque, au début des années 80,
  • 7:51 - 7:53
    si on allait au supermarché,
  • 7:53 - 7:57
    on ne trouvait pas de sauce pour spaghetti
    extra épaisse.
  • 7:57 - 7:59
    Et Prego s’est tourné vers Howard, et ils lui ont dit,
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    « Vous nous dites qu’un tiers des américains veulent vraiment de la sauce pour spaghetti extra épaisse
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    et que pourtant personne ne leur en offre? » et il a dit oui!
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    (Rires) Et Prego est ensuite retourné
  • 8:11 - 8:13
    revoir complètement la formule de sa sauce pour spaghetti,
  • 8:13 - 8:17
    et a sorti une game extra épaisse qui a dominé
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    immédiatement et totalement le secteur des sauces pour spaghetti dans ce pays.
  • 8:20 - 8:24
    Et au cours des 10 années qui ont suivi, il ont gagné
    600 millions de dollars
  • 8:24 - 8:28
    avec leur gamme de sauces extra épaisses.
  • 8:28 - 8:31
    Et tous les autres acteurs du secteur ont observé ce que
    Howard avait fait, et ils ont dit,
  • 8:31 - 8:34
    « Oh mon dieu! Nous avions tout faux! »
  • 8:34 - 8:37
    Et c’est alors qu’on a commencé à trouver
    différentes sortes de vinaigre,
  • 8:37 - 8:42
    et 14 variétés de moutarde, et 71 variétés d’huile d’olive,
  • 8:42 - 8:46
    et puis finalement même Ragu a embauché Howard
  • 8:46 - 8:49
    et Howard a fait pour Ragu exactement la même chose
    qu’il avait faite pour Prego.
  • 8:49 - 8:50
    Et aujourd’hui, si vous allez au supermarché,
    un supermarché vraiment bien,
  • 8:50 - 8:53
    et que vous regardez combien il y a de type de Ragu,
  • 8:53 - 8:56
    savez-vous combien il y en a? 36!
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    En 6 variétés : Fromage, Légère, Robusto,
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    Riche, Tradition du vieux continent,
    Jardin extra-consistante. (Rires)
  • 9:11 - 9:15
    C’est grâce à Howard. C’est le cadeau de Howard
    au peuple américain.
  • 9:15 - 9:19
    Et pourquoi est-ce important?
  • 9:19 - 9:23
    C’est en fait extrêmement important.
    Je vais vous expliquer pourquoi.
  • 9:23 - 9:26
    Ce qu’Howard a fait est essentiellement changer
    la façon de penser de l’industrie alimentaire
  • 9:26 - 9:29
    pour ce qui est de vous faire plaisir.
  • 9:29 - 9:32
    Le premier présupposé de l’industrie alimentaire était
  • 9:32 - 9:35
    que pour savoir ce que les gens veulent manger,
  • 9:35 - 9:38
    ce qui leur fait plaisir, on doit leur poser la question.
  • 9:38 - 9:40
    Et pendant des années et des années, Ragu et Prego
  • 9:40 - 9:44
    avaient des groupes de réflexion, et ils faisaient s’asseoir
    les gens et disaient,
  • 9:44 - 9:48
    « Que voulez-vous dans une sauce pour spaghetti? DItes-nous ce que vous voulez dans une sauce pour spaghetti ».
  • 9:48 - 9:51
    Et pendant toutes ces années, 20, 30 ans,
  • 9:51 - 9:53
    à travers toutes ces séances de groupes de réflexion,
  • 9:53 - 9:57
    personne n’a jamais dit qu’ils voulaient une sauce
    extra épaisse.
  • 9:57 - 10:00
    Même si au moins un tiers d’entre eux, tout au fond
    de leurs cœurs, le voulaient, en fait.
  • 10:00 - 10:03
    (Rires)
  • 10:03 - 10:05
    Les gens ne savent pas ce qu’ils veulent! Pas vrai?
  • 10:05 - 10:08
    Comme Howard aime le dire,
    « L’esprit ne sait pas ce que la langue veut. »
  • 10:08 - 10:11
    C’est un mystère!
  • 10:11 - 10:16
    Et l’étape critique pour comprendre nos désirs
  • 10:16 - 10:21
    et nos goûts est de se rendre compte que nous
    ne pouvons pas toujours expliquer ce que nous voulons
    au fond de nous.
  • 10:21 - 10:25
    Et si je vous demandais à tous, par exemple,
    dans cette salle, ce que vous recherchez dans un café,
  • 10:25 - 10:31
    vous savez ce que vous diriez? Chacun d’entre vous dirait,
    « Je veux un café grillé à cœur, riche et bien noir. »
  • 10:31 - 10:33
    C’est ce que les gens disent toujours quand on leur demande ce qu’ils recherchent dans un café.
  • 10:33 - 10:36
    Qu’est-ce que vous aimez? Un café grillé à cœur,
    riche et bien noir!
  • 10:36 - 10:40
    Quel pourcentage d’entre vous aiment vraiment
    un café grillé à cœur, riche et bien noir?
  • 10:40 - 10:43
    Selon Howard, entre 25 et 27 % d’entre vous.
  • 10:43 - 10:47
    La plupart d’entre vous aiment le café léger et avec du lait.
  • 10:47 - 10:50
    Mais vous ne direz jamais à quelqu’un
    qui vous demande ce que vous voulez
  • 10:50 - 10:52
    que « je veux un café léger et avec du lait; » (rires)
  • 10:52 - 10:57
    C’est la toute première chose qu’Howard a faite.
  • 10:57 - 11:00
    La deuxième chose que Howard a faite, est qu’il nous a fait prendre conscience,
  • 11:00 - 11:02
    c’est une autre étape très critique,
  • 11:02 - 11:08
    il nous a fait prendre conscience de l’importance de ce qu’il aime appeler la « segmentation horizontale ».
  • 11:08 - 11:10
    Pourquoi est-ce critique? C’est critique parce que
  • 11:10 - 11:12
    c’est comme ça que l’industrie alimentaire pensait
    avant Howard.
  • 11:12 - 11:17
    Qu’est-ce qui les obsédait au début des années 80 ?
    Ils étaient obsédés par la moutarde.
  • 11:17 - 11:20
    En particulier, ils étaient obsédés par l’histoire de
    Grey Poupon.
  • 11:20 - 11:23
    Avant, il y avait 2 moutardes : French et Gulden.
  • 11:23 - 11:25
    Qu’est-ce que c’était? De la moutarde jaune.
    Qu’y a-t-il dans la moutarde jaune?
  • 11:25 - 11:29
    Des graines de moutarde jaune, du curcuma et du paprika.
    C’était ça la moutarde.
  • 11:29 - 11:32
    Grey Poupon est arrivé, avec une moutarde de Dijon.
  • 11:32 - 11:38
    Des graines de moutarde brune bien plus volatile,
    du vin blanc, un parfum qui pique le nez,
  • 11:38 - 11:41
    des aromes bien plus délicats. Et que font-ils?
  • 11:41 - 11:46
    Ils la mettent dans de petits bocaux en verres,
    avec une merveilleuse étiquette de papier glacé,
  • 11:46 - 11:50
    lui donne un air français, même si elle est fabriquée
    à Oxnard, Californie.
  • 11:50 - 11:55
    Et au lieu de faire payer 1,50 dollar
    pour un pot de 225 grammes,
  • 11:55 - 11:58
    comme le faisaient French et Gulden,
    ils ont décidé de le faire payer 4 dollars.
  • 11:58 - 12:01
    Et puis ils ont sorti ces publicités.
    Avec le type en Rolls Royce,
  • 12:01 - 12:03
    et il mange de la Grey Poupon. L’autre Rolls Royce
    s’arrête à sa hauteur,
  • 12:03 - 12:05
    et il dit, avez-vous de la Grey Poupon?
  • 12:05 - 12:08
    Et après tout ça, Grey Poupon décolle!
  • 12:08 - 12:10
    Ils dominent le marché de la moutarde!
  • 12:10 - 12:13
    Et tout le monde retient la leçon,
  • 12:13 - 12:17
    que la façon de plaire aux gens
  • 12:17 - 12:22
    est de leur donner quelque chose qui est plus cher,
    quelque chose de désirable.
  • 12:22 - 12:27
    C’est pour les faire délaisser ce qu’ils
    pensent aimer maintenant,
  • 12:27 - 12:31
    et les faire aller vers quelque chose de plus haut dans
    la hiérarchie de la moutarde.
  • 12:31 - 12:33
    Une meilleure moutarde! Une moutarde plus chère!
  • 12:33 - 12:36
    Une moutarde avec plus de sophistication,
    de culture et de sens.
  • 12:36 - 12:39
    Et Howard a observé ça et a dit, c’est faux!
  • 12:39 - 12:42
    La moutarde n’a pas de hiérarchie.
  • 12:42 - 12:47
    La moutarde existe, tout comme la sauce tomate,
    sur un plan horizontal.
  • 12:47 - 12:50
    Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise moutarde.
  • 12:50 - 12:52
    Il n’y a pas de moutarde parfaite ou imparfaite.
  • 12:52 - 12:56
    Il n’y a que des sortes différentes de moutardes
    qui conviennent à différentes sortes de gens.
  • 12:56 - 13:01
    Il a fondamentalement démocratisé
    la façon de penser au goût.
  • 13:01 - 13:06
    Et pour ça, aussi, nous sommes extrêmement
    reconnaissants à Howard.
  • 13:06 - 13:10
    La troisième chose qu’Howard a faite,
    et peut-être la plus importante,
  • 13:10 - 13:13
    est qu’Howard a mis en question la notion
    du plat platonicien (rires).
  • 13:13 - 13:16
    Qu’est-ce que je veux dire par là?
  • 13:16 - 13:18
    Depuis une éternité dans l’industrie alimentaire,
  • 13:18 - 13:25
    on a l’impression qu’il y a une façon,
    une façon parfaite de préparer un plat.
  • 13:25 - 13:29
    Vous allez Chez Panisse, ils vous amènent le
    sashimi queue rouge,
  • 13:29 - 13:33
    avec des graines de courge grillées dans une
    sorte de sauce réduite.
  • 13:33 - 13:36
    Ils ne vous donnent pas 5 choix possibles de sauce,
    pas vrai?
  • 13:36 - 13:40
    Ils ne disent pas, voulez-vous une sauce avec
    de gros morceaux, ou voulez-vous le... non!
  • 13:40 - 13:43
    On vous sert la sauce. Pourquoi? Parce que
    la chef de Chez Panisse
  • 13:43 - 13:46
    a une notion platonicienne du sashimi queue rouge.
  • 13:46 - 13:49
    C’est comme ça que ce doit être.
  • 13:49 - 13:53
    Et elle le sert comme ça encore et encore
  • 13:53 - 13:55
    et si vous argumentez avec elle, elle dira
  • 13:55 - 14:00
    « Vous savez quoi? Vous avez tort! C’est la meilleure manière de le faire dans ce restaurant. »
  • 14:00 - 14:04
    C’est la même idée qui a dominé l’industrie alimentaire.
  • 14:04 - 14:07
    Ils avaient une notion, une notion platonicienne
    de ce qu’était la sauce tomate.
  • 14:07 - 14:10
    Et c’est venu d’Italie.
  • 14:10 - 14:14
    La sauce tomate italienne, c’est quoi?
    Elle est mixée, elle est liquide.
  • 14:14 - 14:17
    La culture de la sauce tomate était liquide.
  • 14:17 - 14:20
    Quand on parlait de sauce tomate authentique
    dans les années 1970,
  • 14:20 - 14:23
    on parlait de sauce tomate italienne.
    On parlait des toutes premières sauces Ragu
  • 14:23 - 14:26
    qui visiblement n’avaient rien de solide.
  • 14:26 - 14:28
    Qui étaient liquide, et on en versait juste un peu
  • 14:28 - 14:30
    et elle coulait au fond de l’assiette de pâtes.
  • 14:30 - 14:32
    C’était ça.
    Et pourquoi étions-nous attachés à ça?
  • 14:32 - 14:35
    Parce que nous pensions que ce qu’il fallait pour
    plaire aux gens
  • 14:35 - 14:41
    c'était leur fournir la sauce tomate la plus authentique
    du point de vue culturel.              point A
  • 14:41 - 14:45
    point B,            on pensait que si on leur donnait de la
    sauce tomate authentique du point de vue culturel,
  • 14:45 - 14:47
    ils l’adopteraient.
  • 14:47 - 14:50
    Et c’est ce qui plairait au maximum de gens.
  • 14:50 - 14:52
    ET la raison pour laquelle on pensait ça,
    en d 'autres termes,
  • 14:52 - 14:56
    les gens du monde de la cuisine cherchaient des
    valeurs culinaires universelles.
  • 14:56 - 14:59
    Ils cherchaient une façon unique de nous traiter tous.
  • 14:59 - 15:02
    Et ils ont une bonne raison d’être obsédés
    avec l’idée d’universalité,
  • 15:02 - 15:06
    parce que toute la science, dans tout le 19e siècle
    et la plus grande partie du 20e,
  • 15:06 - 15:08
    était obsédée par l’universalité.
  • 15:08 - 15:14
    Les psychologues, les chercheurs en médecine,
    les économistes tentaient tous de trouver
  • 15:14 - 15:17
    les règles qui gouvernent la façon dont
    nous nous comportons tous.
  • 15:17 - 15:19
    Mais ça a changé.
  • 15:19 - 15:22
    Quelle est la grande révolution de la science
    dans les 10, 15 dernières années?
  • 15:22 - 15:28
    C’est le passage de la recherche de l’universalité
    à la compréhension de la variabilité.
  • 15:28 - 15:32
    Aujourd’hui en médecine, nous ne voulons pas
    savoir forcément comment
  • 15:32 - 15:37
    le cancer fonctionne, nous voulons savoir comment
    votre cancer diffère du mien.
  • 15:37 - 15:40
    Je présume que mon cancer est différent du vôtre.
  • 15:40 - 15:44
    La génétique a ouvert la porte à l’étude de
    la variabilité humaine.
  • 15:44 - 15:47
    Ce qu’Howard Moskowitz faisait, disait,
    que cette même révolution
  • 15:47 - 15:51
    devait se produire dans le monde de la sauce tomate.
  • 15:51 - 15:55
    Et pour cela, nous lui devons une
    extrême reconnaissance.
  • 15:55 - 16:00
    Je vais vous donner une dernière illustration de variabilité,
    et c’est,        oh, désolé.
  • 16:00 - 16:03
    Howard non seulement y croyait, mais il l’a amené à un deuxième niveau,
  • 16:03 - 16:09
    il disait que quand nous poursuivons des
    principes universels pour ce qui est de la nourriture,
  • 16:09 - 16:14
    nous ne faisons pas seulement une erreur ;
    en fait, nous nous portons un énorme préjudice.
  • 16:14 - 16:16
    Et il a utilisé l’exemple du café.
  • 16:16 - 16:21
    Et le café est une chose sur laquelle il a beaucoup travaillé
    avec Nescafé.
  • 16:21 - 16:24
    Et si on devait vous demander à tous d’essayer
    d’inventer une marque de café,
  • 16:24 - 16:27
    un genre de café, qui vous plaise,
  • 16:27 - 16:29
    et puis qu’on vous demande d’évaluer ce café,
  • 16:29 - 16:34
    l’évaluation moyenne pour le café dans cette salle serait
    d’environ 60 sur une échelle de 0 à 100.
  • 16:34 - 16:37
    Si, par contre, vous me permettiez de vous
    répartir en groupes de cafés,
  • 16:37 - 16:39
    peut-être 3 ou 4 groupes de cafés,
  • 16:39 - 16:44
    et si je pouvais faire du café spécialement
    pour chacun de ces groupes,
  • 16:44 - 16:48
    vos évaluations iraient de 60 à 75, 78.
  • 16:48 - 16:53
    La différence entre un café à 60 et un café à 78
  • 16:53 - 16:56
    est la différence entre le café qui vous fait grimacer,
  • 16:56 - 17:00
    et le café qui vous plait jusqu’au délire.
  • 17:00 - 17:04
    C’est la leçon finale, et je pense la plus belle de
    Howard Moskowitz :
  • 17:04 - 17:08
    en adoptant la diversité des êtres humains,
  • 17:08 - 17:11
    nous irons plus sûrement vers le vrai bonheur.
  • 17:11 - 17:13
    Merci
Title:
Malcolm Gladwell parle de la sauce pour spaghetti
Speaker:
Malcolm Gladwell
Description:

Malcolm Gladwell, auteur de « Le Point de Bascule », examine la poursuite qu’a mené l’industrie alimentaire pour trouver la sauce pour spaghetti parfaite, et élargit son propos à la nature du choix et du bonheur.


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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
17:13

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