65 000 ans : la formidable histoire de l'astronomie des Aborigènes d'Australie | Kirsten Banks | TEDxYouth@Sydney

L'émeu ne peut pas voler, mais il y a un émeu dans le ciel. Les gens regardent les étoiles depuis longtemps, mais depuis combien de temps ? Découvrez une autre perspective du ciel nocturne et plongez-vous dans la formidable histoire de l'astronomie des Aborigènes d'Australie.

Kirsten Banks est une fière Wiradjuri et une astrophysicienne avec une passion indéniable pour l'espace et l'astronomie.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

Repensez à la dernière fois où vous avez
levé les yeux vers le ciel nocturne.

Où vous l'avez vraiment regardé.

C'était hier soir ?

Ou peut-être le mois dernier.

Le ciel nocturne est plein d'étoiles
scintillantes et des galaxies étincelantes

qui peuvent sembler proches,

mais en réalité,

elles sont à des distances insondables

et je trouve ça incroyablement beau.

Du plus loin que je me souvienne,
j'ai aimé regarder les étoiles.

Elles me donnent un sens et une place
dans l'univers éternel.

Et je pourrais passer
la pire journée de ma vie,

mais quand je regarde l'univers
au-dessus de moi,

tous ces problèmes disparaissent
pendant un petit moment.

Mais nous perdons très vite la possibilité
de profiter des étoiles dans le ciel.

Nous sommes en train de perdre l'obscurité

au profit des lumières
aveuglantes de la ville.

Mais imaginez, si au lieu d'éteindre
toutes les lumières de la ville

pour que vous puissiez
vraiment voir les étoiles,

nous ouvrions plutôt
nos yeux sur leur beauté.

Je veux vous inciter à prendre le temps
de comprendre le ciel nocturne

et la longue histoire de l'astronomie
indigène dans ce domaine.

Pour prendre le temps
de lever les yeux vers le ciel.

Je regarde les étoiles
depuis que je suis petite fille.

Mes professeurs de sciences ont
emmené notre classe en excursion

pour voir le documentaire « Hubble »
sur un gigantesque écran de cinéma,

et j'étais assise là

avec des lunettes 3D taille unique
qui me glissaient sur le visage,

à regarder avec émerveillement
ces magnifiques photos,

prises par ce télescope phénoménal.

Et depuis lors, je suis devenue
passionnée par l'espace et l'astronomie.

Je suis maintenant en
« Honours Degree » à l'université

où j'étudie les grands amas de galaxies
dans l'univers proche.

J'ai passé près de quatre ans
à travailler à l'Observatoire de Sydney.

On peut dire que j'ai passé une bonne part
de mon temps la tête dans les étoiles.

Je veux vous emmener
dans un voyage dans le temps,

à une époque où les mots « pollution
lumineuse » étaient une langue étrangère.

Je veux que vous vous imaginiez
sur les rives du port de Sydney

avant la colonisation britannique.

Par une nuit sans lune,

vous ressentez le froid
de l'hiver fouetter l'eau,

alors que les derniers rayons de soleil
atteignent la cime des arbres.

Lorsque le soleil se couche,
sa lumière se diffuse de plus en plus

par chacune des particules
de l'atmosphère,

transformant l'horizon
d'un bleu ciel brillant

en de magnifiques roses, oranges et rouges

avant de s'estomper
en un bleu royal profond

lorsque l'ombre de la Terre
domine le ciel.

Chaque minute, des lumières scintillantes
apparaissent au-dessus de vous.

Certaines sont vives, d'autres plus
sombres, mais toutes sont magnifiques.

Une fois que le soleil s'est complètement
retiré du ciel, on peut toutes les voir.

À l'air pur,

ces lumières scintillantes brillent
dans des couleurs différentes.

La plupart sont de couleur blanche, mais
d'autres ont des notes de bleu ou de rouge

révélant un peu plus
leurs flammes nucléaires.

Une étoile filante, aussi appelée météore,
traverse un éblouissant tapis d'étoiles

qui s'étend dans tout le ciel nocturne.

Il a l'air laiteux, comme un ruisseau,

mais il ressemble aussi étrangement
à des nuages étincelants.

C'est la Voie lactée.

Au sud, vous pouvez voir
deux autres nuages tachetés distincts,

l'un plus grand que l'autre.

Ce sont le Petit Nuage
et le Grand Nuage de Magellan,

deux galaxies naines qui gravitent autour
de la Voie lactée, beaucoup plus grande,

dans une danse romantique éternelle
rythmée par la gravité.

Je me souviens très clairement
de la première fois

où j'ai vu la Voie lactée
dans toute sa splendeur.

Mes parents et moi faisions un voyage
en voiture dans le sud de l'Australie

pour jouer au golf

sur le plus long terrain de golf
au monde, Nullarbor Links.

Ce terrain de golf débute
à Ceduna, en Australie-Méridionale,

et se termine à Kalgoorlie
en Australie-Occidentale.

Dans presque chaque petit
village-étape tout du long,

il y a au moins un trou de golf.

Le cinquième trou est situé
à ce qui s'appelle la Nullarbor Roadhouse.

Il y a cinq choses à cet endroit :

un servomoteur, un petit pub
– c'est très important –

un motel, un emplacement de caravanes
et un trou de golf.

La nuit où nous y avons dormi,

après une longue journée de conduite
sous le puissant soleil australien –

nous avions décidé de rester –

pour une raison inconnue, le générateur
principal est tombé en panne

et toutes les lumières
de ce petit « village » se sont éteintes,

à l'exception d'un seul lampadaire.

La vue du ciel nocturne
était si pure et si fantastique

que j'avais l'impression
de nager dans l'espace

ou peut-être que je nageais dans ma sueur.

Croyez-moi, il fait chaud
dans le centre de l'Australie,

mais il y avait tellement d'étoiles et
tant de couleurs dansaient autour d'elles.

C'était si beau

que ça m'a fait pleurer.

Sans lumière artificielle,
nous pourrions voir

jusqu'à 2 500 étoiles.

Mais à Sydney aujourd'hui,

vous pouvez voir au mieux
seulement 125 étoiles à l'œil nu,

à peine 5 % de ce que vous pourriez voir

sans pollution lumineuse.

Beaucoup de gens dans le monde
ne connaissent pas la véritable beauté

du ciel nocturne naturel.

Les gens passent leur vie entière
à croire que le ciel nocturne

n'est rempli que de quelques
centaines d'étoiles.

Des données recueillies
par le centre Helmholtz de Potsdam,

révèlent que la Voie lactée est cachée
à un tiers de la population mondiale

et que 80 % de la population mondiale
vit sous un ciel pollué par la lumière.

Non seulement nous perdons l'occasion

d'apprécier et d'examiner
ce magnifique ciel nocturne,

mais nous perdons aussi
la richesse de l'histoire culturelle

dissimulée derrière chaque étoile.

Je m'intéresse à l'astronomie aborigène
depuis ma première année d'université.

Au même moment, j'ai commencé
à travailler à l'Observatoire de Sydney.

J'ai appris à connaître les grands corps
célestes grâce à mon héritage Wiradjuri

et j'ai découvert une nouvelle
perspective de l'univers.

Pour ceux qui ne le savent pas,
la terre des Wiradjuri est située

dans ce qu'on appelle aujourd'hui
le centre de la Nouvelle-Galles du Sud.

Dès que j'ai ouvert les yeux sur
cette nouvelle perspective de l'univers,

j'ai cherché à en apprendre plus.

Il y a des centaines, voire des milliers
de cultures dispersées à travers le monde

et chacune a une riche histoire
avec les étoiles.

Rien qu'en Australie,
plus de 250 groupes indigènes

utilisent les étoiles depuis 65 000 ans

et leur savoir est encore
appliqué de nos jours.

En regardant de plus près la Voie lactée

et en observant tous les petits détails,

vous verrez que ce n'est pas
juste un tapis d'étoiles homogène.

Il y a de la lumière et de l'obscurité
dans la Voie lactée,

et cette obscurité,

cette poussière et ce gaz qui bloquent
la lumière des étoiles lointaines

forment l'une de mes constellations
préférées dans mon héritage Wiradjuri :

Gugurmin, l'émeu céleste.

Après l'avoir vu, impossible de l'oublier.

Il est extraordinaire.

Sa tête commence ici,
sous la Croix du Sud.

Cette tache sombre, une nébuleuse obscure
appelée en Occident le Sac de charbon,

est reliée à un cou,
qui s'abaisse vers l'est.

Ce renflement situé ici,
c'est le corps de Gugurmin

et le centre de la Voie lactée.

Dans la culture Wiradjuri et dans celle de
beaucoup d'autres nations indigènes aussi,

la position de l'émeu
dans le ciel nocturne

indique à quel moment de l'année
il faut aller chercher des œufs d'émeu.

Quand Gugurmin est à l'est de l'horizon,

on dirait qu'il court
le long de l'horizon.

Cela nous indique que les émeus
sont en train de courir partout,

à la recherche d'un partenaire.

Plus tard dans l'année, quand la Terre
s'éloigne un peu plus du soleil,

le corps de Gugurmin s'élève

jusqu'à se situer à la verticale dans le
ciel nocturne après le coucher du soleil.

À présent, nous ne le voyons plus
comme le corps d'un émeu,

mais plutôt comme
un œuf d'émeu dans un nid,

ce qui nous indique que le moment est venu
de partir à la recherche d'œufs d'émeu.

Quand vous savez que c'est le moment
d'aller chercher des œufs d'émeu,

vous et un ami allez dans le bush
avec quelque chose comme ça,

une corne à émeu,

et vous trouvez un émeu assis sur un nid.

Ce sont généralement les mâles
qui s'assoient sur le nid.

Donc pour attirer un mâle,

votre ami se cache derrière un buisson
et imite le bruit d'un émeu mâle.

(Son d'écho grave)

Quand l'émeu entend ce son,

il devient très attaché à son territoire
et va chercher l'imposteur.

Ainsi, pendant que votre ami
est poursuivi par l'émeu,

vous pouvez vous rendre au nid sans risque
et prendre un ou deux œufs d'émeu.

J'ai une question cruciale
pour vous tous à ce moment :

prenez-vous tous les œufs d'émeu ?

Public : Non.

Bien sûr que non, nous laissons
des œufs derrière nous

pour que plus d'émeus naissent afin
d'avoir plus d'œufs la saison prochaine.

C'est cette chose fantastique
appelée le développement durable.

(Rires)

Cette technique qui utilise les étoiles
pour trouver des œufs d'émeu

fonctionne depuis plus de 65 000 ans.

Les étoiles n'orientent pas que
le menu de la saison,

elles peuvent aussi servir d'outil
pour donner de nombreuses leçons.

On en apprend beaucoup
sur ce qu'il se passe sur Terre

juste en regardant les étoiles.

Dans de nombreuses cultures indigènes,
le ciel nocturne sert de carte

ou d'outil pour prévoir
les changements de la météo.

Vous pouvez aussi
apprendre le droit autochtone

pour vous familiariser avec
les rouages fondamentaux de l'univers.

Mais nous perdons ce savoir
à mesure que nous perdons l'obscurité.

Le programme scolaire australien intègre
désormais l'astronomie autochtone

et d'autres sciences indigènes.

C'est un grand pas en avant pour
notre nation, afin de combler le fossé

et parvenir à une compréhension entre
les Australiens indigènes et les autres.

Mais il reste un problème :

plein d'Australiens ne voient
toujours pas la Voie lactée

ou ces sombres constellations
qui la composent.

Alors, la prochaine fois
que vous regarderez le ciel nocturne,

songez à tout le savoir à peine voilé

derrière chaque étoile

et pensez à ce que vous pouvez faire

pour aider à préserver et à apprécier
notre merveilleux ciel nocturne.

Visitez un observatoire

ou prenez un peu de temps
sur votre journée

pour découvrir l'astronomie
indigène chez vous.

Et si vous vous retrouvez
dans l'Outback australien,

prenez un moment pour lever le regard
et trouver cet émeu céleste.

(Son d'écho grave)

Merci.

(Applaudissements)