Techniques de mémorisation : votre arme secrète à l'ère de l'information | Simon Reinhard | TEDxTUM

L'athlète de la mémoire et recordman Simon Reinhard le sait mieux que quiconque : notre mémoire est un outil puissant mais pourtant très limité. Après une démonstration spectaculaire de mémorisation de chiffres, il explique pourquoi on parvient à se rappeler plus facilement des choses si on les met en contexte et nous enseigne une technique pour aller au-delà des capacités actuelles de notre mémoire. Avec des histoires personnelles, il montre comment cela peut nous aider en cours, au travail ou même lorsqu'on souhaite faire une remarque pertinente lors d'une discussion.

Simon Reinhard est né à Munich et y a fait des études de droit terminant dans les premiers 7,5 % de sa promotion. Lors de ses études supérieures, il a découvert les techniques de mémorisation et les « sports de mémoire », les compétitions au cours desquelles il faut mémoriser tout type d'information (nombres, noms, mots, cartes) lors de tournois en plusieurs sets. Il a commencé les compétitions sur-le-champ et a trouvé complètement fascinant le fait de mémoriser toujours plus d'informations à l'aide de techniques qui utilisent des listes de lieux et d'images. Après avoir travaillé comme avocat dans des cabinets juridiques internationaux pendant des années, Simon a décidé de commencer une autre carrière : utiliser ses compétences qu'il a acquises en étant l'un des meilleurs experts en mémorisation au monde afin d'aider les autres à mieux apprendre et à améliorer leur mémoire en leur offrant des course d'amélioration de la mémoire. Il est également un intervenant principal sur la mémorisation.

Cette conférence a été donnée lors d'un évènement TEDx en utilisant le format de conférence TED mais a été organisée de manière indépendance par une communauté locale. Pour plus d'information, veuillez consulter http://ted.com/tedx

Bonjour à tous !

C'était censé être projeté
sur grand écran.

Mon objectif est de mémoriser
24 chiffres au début de mon discours.

On va lancer le générateur
de nombres aléatoires.

Quand je dis « Start ! », il s'enclenche.

Et « Stop ! »

Ok !

Je viens de faire quoi ?

Ce petit ordinateur portable
a affiché 24 chiffres

et je viens de les mémoriser.

Vous devez juste me croire,
il y avait 24 chiffres

et je les ai mémorisés.

(Rires)

Désolé. Maintenant, je vais
me tourner vers le public

et je vais annoncer les chiffres un à un,

et j'espère qu'ils apparaîtront à l'écran.

Je vais commencer maintenant avec :

cinq, un, neuf, huit,

quatre, neuf, neuf, six,

six, huit, sept, deux,

deux, huit, cinq, sept,

deux, quatre, sept, cinq,

deux, un, zéro, trois.

(Applaudissements)

Merci !

Waouh, ok !

Merci !

La mémoire est au cœur de l'Homme,
mais peu importe ce que je viens de faire,

notre mémoire reste très limitée.

Je veux aussi vous faire passer un test.

Je vais vous montrer 15 mots,
et vous devrez les retenir en 20 secondes.

S'il vous plaît, dépassez-vous,
comme si vous passiez un examen.

Après ces 20 secondes, on verra.

Ça commence maintenant.

Faites tout votre possible.

Il vous reste 10 secondes.

Regardez tous les mots,
dans l'ordre que vous voulez.

Cinq secondes.

Trois.

Et... le temps est écoulé.

Voyons combien vous en avez retenu.

Essayez vraiment de trouver
tous les mots dans votre tête.

Passez de l'un à l'autre.

Je peux vous assurer que plusieurs
vous viendront facilement,

d'autres mettrons plus de temps,
et vous aurez peut-être oublié le reste.

Vous avez peut-être l'impression
d'avoir sept, huit ou neuf mots,

mais quelques-uns sont hors de portée,
vous n'arrivez pas à les saisir.

J'ai fait ça pour illustrer
l'idée que c'est un effet rencontré

à l'école, à l'université,
au travail et dans la vie quotidienne,

qu'il y a encore trop d'informations,
que vous avez l'impression d'apprendre

et que c'est tout simplement
hors de votre portée,

que vous en avez besoin,
mais que vous n'y avez pas accès.

Et je trouve que ça représente du stress,

cette impression que l'on doit
apprendre plus qu'on ne le peut.

En plus de ça, il a été prouvé

que quand on apprend
quelque chose naturellement,

le lendemain, on n'a plus accès
à 70 % de l'information.

Comment l'expliquer ?

Le cerveau est doué pour faire
des liens, mais ils ne sont pas stables.

Le lendemain, on a déjà
oublié beaucoup d'entre eux

et il reste juste les grandes lignes
de ce qu'on voulait retenir,

comme les gros titres ou les sous-titres,
mais souvent, ce n'est pas assez.

Que pouvez-vous faire ?
Vous pouvez prendre des notes.

Mais vous devrez souvent les consulter

et les gens remarqueront
que vous n'êtes pas convaincant,

que vous avez besoin
d'améliorer votre mémoire.

Et je pense qu'on peut faire mieux.

Je suis sûr que, bien que
notre mémoire soit limitée,

vous vous rappelez encore
mon exploit du début.

Vous vous êtes peut-être
demandé ce que j'ai fait.

Ce n'était pas la mémoire eidétique
car je n'y crois pas.

Ce que j'ai fait, ça s'appelle
la « méthode des loci ».

J'ai utilisé un nombre de lieux
dans un ordre fixe

et j'ai mis les informations
sur chaque lieu.

C'est une méthode déjà utilisée
dans la Rome et la Grèce antique

et aussi par les moines au Moyen Âge.

Dans les temps modernes,
c'est même devenu un sport.

Les gens se réunissent et mémorisent
nombre de noms, de mots et de visages.

Dans ce sport,

je suis l'actuel champion
d'Allemagne et d'Europe,

et je détiens le record du monde
avec 134 mots en cinq minutes.

(Applaudissements)

Oui, c'est vraiment très dur.

Il y a des gens partout,
en Chine, en Mongolie,

qui s'entrainent comme des fous.

Donc, je suis très heureux
d'avoir encore le record du monde.

La question la plus importante
est : « Pourquoi ça marche ? »

Ça marche parce que le cerveau,

et donc l'esprit, sont connectés
pour associer informations et lieux.

De nombreuses études l'ont démontré

et du point de vue
de l'évolution, c'est logique.

Si vous savez où trouver de la nourriture
et où situer le danger,

vous parvenez alors à survivre.

Je peux aussi vous montrer
comment ça marche dans la vie.

Pensez à vos dernières vacances,
à l'hôtel, à son restaurant,

pensez à la table où vous étiez installé.

Vous remarquerez que, petit à petit,
les souvenirs vont émerger,

des souvenirs de vos conversations,

de l'assiette devant vous,
du bon repas, l'odeur, le goût,

et peut-être même l’atmosphère de l'hôtel,

et peut-être même l'envie d'y retourner.

C'est similaire aux dires
de Marcel Proust,

dans son roman le plus connu
« À la recherche du temps perdu »,

dans lequel l'odeur
et le goût de la madeleine

évoquaient une multitude de souvenirs
d'enfance chez le protagoniste.

Comme vous l'avez vu, les lieux
peuvent être de plus grands déclics.

La différence, c'est que ces déclics
n'ont pas des effets volontaires,

et ce qu'on veut,
c'est connecter volontairement

des informations avec des lieux.

Pour ça, bien sûr,
vous avez besoin de lieux.

Essayez de les suivre avec moi.

Vous êtes debout, à la porte.
Vous descendez les escaliers.

En face de la maison, il y a une voiture.

Vous longez la rue, et sur la droite,
il y a un mur.

Vous arrivez sur une grande place,
avec une mairie au fond.

Suivez ce chemin dans votre esprit,
en gardant le bon ordre.

De la porte, en bas des escaliers,
devant la maison,

il y a la voiture, puis le mur,
et la place de la mairie.

Ensuite, que faites-vous ?

Ajoutez des images, des infos cryptées
sur chacun de ces lieux.

Et essayez de relier
les images et les lieux.

Cherchez des points communs,
ils incarnent peut-être le même principe,

ils ont peut-être la même forme,
la même matière.

Je vais vous donner un exemple.

Disons que vous êtes
doué pour les discours

sur les dangers écologiques
dans le monde moderne,

sur la mise en péril
des forêts tropicales.

Les deux premières phrases
de votre discours seraient :

« Ces dernières années, la diminution
des forêts tropicales a été dramatique

à cause de l'industrialisation,
de la construction d'autoroutes.

À l'avenir, il faut empêcher
la déforestation

en coopérant avec tous
les organismes publics concernés. »

Votre but est de mémoriser ça.
Qu'est-ce que vous faites ?

Vous choisissez des mots-clés.

Un mot-clé pour chaque phrase
ou moitié de phrase

est suffisant pour retenir
l'ensemble du message

et parler librement.

J'ai choisi « forêt tropicale »,
« diminution »,

« autoroutes », « empêcher »,
« organismes publics ».

Vous avez vos cinq lieux
et vos cinq mots-clés,

maintenant, connectons-les.

Cherchez-leur des points communs.

« Porte » et « forêt tropicale »,
sont toutes deux faites de bois.

Ensuite, « escaliers » et « diminution »
représentent un déclin.

« Voiture » et « autoroute »,
les voitures roulent sur les autoroutes.

« Mur » et « empêcher ». En général,
un mur empêche quelqu'un d'entrer.

Enfin, une « mairie » est
un « organisme public ».

L'idée, c'est qu'un aspect de votre lieu

peut vous mener à un mot-clé,
vous donner un lien.

Essayons !

La porte en bois, « forêt tropicale ».

Les escaliers allant
vers le bas, « diminution ».

Les voitures roulent
sur les « autoroutes ».

Les murs pour « empêcher »

et la mairie est un « organisme public ».

Maintenant que vous avez
ces mots-clés à l'abri dans votre esprit,

chaque mot-clé vous permettra
d'avancer pas à pas dans votre discours.

Vous devez vous dire

« J'aurais pu mémoriser
ces deux phrases aussi facilement

sans moyen mnémotechnique. » Bien sûr !

Mais aucun discours ne s'arrête
au bout de deux phrases,

il y en a plutôt 200.

Regardez-ça, il est clair
que ça devient un peu plus difficile,

et c'est seulement la première partie.

Ici, vous avez 30 mots, pas 15,

et vous avez bien vu que
vous avez galéré avec 15 mots.

Mais l'avantage d'utiliser les lieux,

ce n'est pas important
si vous avez 5 ou 500 mots,

tant que vous faites
les liens correctement

et que vous les répétez
jusqu'à les reproduire parfaitement.

C'est une méthode sûre,
c'est facile, comme une promenade,

d'une partie de votre esprit à une autre,
et tout arrive naturellement.

Avec plus de mots, c'est aussi simple,
ce n'est pas comme la mémoire naturelle.

Un autre avantage,
c'est qu'il est plus difficile d'oublier.

Je vous ai dit que, généralement,
quand on apprend naturellement,

on oublie 70 % des informations.

Lorsque vous les mettez sur des lieux,

vous vous souviendrez de 90 %
des informations le lendemain.

Ça ne sert pas qu'à mémoriser.

Ce qui est intéressant,
c'est qu'en utilisant des mots-clés,

vous devez les symboliser pour les placer.

C'est aussi un outil intéressant
pour les analyses de texte.

Lorsque je fais ça,
j'ai souvent l'impression

qu'un mot-clé précis ou un symbole précis

semble similaire à une chose
que j'ai lue 10 minutes plus tôt.

Je remarque que ces deux parties
du texte sont reliées

et je ne l'aurais pas remarqué
sans cette technique.

Voici pour la partie théorique,

peut-être que vous voulez savoir
comment j'utilise ça au quotidien.

J'adore le golf.

Le golf, c'est bien, c'est relaxant.

Et j'y joue souvent la veille
de mes compétitions de mémoire.

L'an dernier, j'ai participé
à un tournoi aux États-Unis.

Ça s'appelait un golf resort.

J'ai réservé une chambre fairway
qui était offerte.

Je suis arrivé, j'ai fait un tour,
et il n'y avait pas de terrain de golf.

Il y avait juste un hall, une barrière,
et on ne pouvait pas jouer au golf.

Il n'y avait pas d'information,
pas d'e-mail, rien.

Le principal argument de vente,

c'était le parcours de golf, car l'hôtel,

c'était juste un hall d'accueil,
et c'est tout,

au milieu de nulle part.

Une fois dans ma chambre, je me suis dit :
« Ok, ça va être difficile »,

car le gérant de l'hôtel
doit être sans pitié

et ne devrait pas avoir peur
de dire à un client :

« Quel est votre problème ?
Vous avez réservé. »

Je savais donc qu'en allant voir le gars,

je ne devais pas faire preuve
de faiblesse ou d'hésitation.

Il faut que je lui dise tout.

J'avais plusieurs remarques à faire,

pas une seule, deux ou trois,
mais dix remarques à faire.

J'avais ma méthode,
j'ai noté mes remarques dans l'ordre :

Vue sur le golf, complexe de golf,
pas d'information et pas d'e-mail,

perte de confiance en la marque,
et ainsi de suite,

avec le plus gros argument en dernier.

J'ai pris mes mots-clés
et les ai mis sur mes lieux.

J'ai répété une fois
et je savais que je le maîtrisais.

J'ai toqué et j'ai vu
le gérant de l'hôtel.

Il a souri, il était décontracté
mais sur ses gardes.

Vous voyez le genre ?

Je me suis assis et je savais
que je maîtrisais mes arguments,

que je pouvais les enchaîner,

que je pouvais le regarder dans les yeux,
en restant calme et en me contrôlant.

Vu que je n'avais pas peur d'oublier,

je pouvais me concentrer sur la façon
de prononcer mon discours :

je marque une pause là,
j'élève ma voix ici,

je souligne ma déception là,
et son sourire a disparu petit à petit.

Il devait prendre ce client au sérieux.

Quand je lui ai dit ce que je voulais,
il a pris des notes.

Il m'a regardé encore une fois,
et je pouvais voir que,

dans sa tête, il calculait
le rapport risques/bénéfices

parce que ce client était déterminé.

Ensuite, il m'a regardé et m'a dit :
« M. Rainhard, tout ceci est faisable. »

Je lui avais demandé une remise de 50 %
sur le prix de ma chambre,

des repas gratuits tout au long du séjour,

des entrées gratuites dans un autre golf
avec transport gratuit.

(Rires)

Ils ne font pas ça d'habitude,

donc c'était une réussite...

C'est juste un exemple

car j'ai déjà eu plein
d'expériences similaires,

avec une situation stressante
et un défi que je voulais surmonter.

Utiliser cette liste m'a beaucoup aidé.

J'enseigne ça aux directeurs financiers
qui veulent mémoriser des comptes,

aux traders qui veulent un avantage
lors de leurs transactions quotidiennes.

Mais aussi aux artistes qui veulent
dessiner avec plus de précision

car quand ils regardent un objet
et qu'ils vont à leur toile,

l'objet a déjà presque disparu
de leur esprit,

et aussi les entreprises qui veulent
apprendre l'anglais aux étudiants chinois

ou celles qui veulent enseigner
le chinois au monde entier.

Les scientifiques peuvent l'utiliser
pour mémoriser les derniers articles,

les mathématiciens,

et tous ceux qui veulent
contrôler leur vie et gérer leur stress.

Et si certains pensent encore
que c'est étrange

et que la méthode est bizarre,

les progrès ont toujours été faits
par les non-conformistes.

Le principal, c'est que ça marche,
c'est la mise à l'épreuve ultime.

La méthode gagnant en notoriété,
les gens devront décider

s'ils vont l'ignorer et donner
un avantage certain aux autres

ou s'ils vont l'adopter
comme une nouveauté prometteuse.

Comme on l'a vu au début,

vu que notre mémoire est limitée,

cette méthode a beaucoup de potentiel
pour notre propre progrès.

Le commerce et la science

ont toujours été des parties intégrantes
pour que l'humanité découvre le futur.

On devrait utiliser tous les moyens
pour y parvenir plus rapidement.

Pour finir mon discours,
je dirai seulement :

« Essayez et voyez jusqu'où
vous pouvez aller. »

Et je peux vous promettre que,

contrairement au protagoniste
du roman de Marcel Proust,

vous ne perdrez pas votre temps.

Merci.

(Applaudissements)