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L'art post-Internet | Olga Sviblova | TEDxRANEPA

  • 0:13 - 0:17
    Quand on parle de l'art à l'époque
    des technologies numériques,
  • 0:17 - 0:19
    et cette époque est devenue notre réalité,
  • 0:20 - 0:23
    il faut d'abord réfléchir
    à ce qu'est l'art.
  • 0:24 - 0:26
    Qui peut dire ce qu'est l'art ?
  • 0:26 - 0:27
    En deux mots.
  • 0:27 - 0:31
    (Dans la salle) Un moyen d'expression
    pour ceux qui ont quelque chose à dire.
  • 0:31 - 0:33
    (Dans la salle)
    Quelque chose qui nous touche.
  • 0:33 - 0:35
    (Dans la salle) Une démarche.
  • 0:35 - 0:40
    Qui a vu l'exposition
    sur Kabakov ? Levez la main.
  • 0:40 - 0:45
    L'art, ce n'est pas seulement
    un moyen d'expression
  • 0:45 - 0:47
    ou quelque chose qui nous touche.
  • 0:47 - 0:50
    Quand on voit l'installation
    « Déchets » de Kabakov,
  • 0:50 - 0:55
    où sont suspendues à un fil
    de petites étiquettes
  • 0:56 - 1:01
    sur lesquelles figurent des petits mots
    que l'on s'échange au quotidien :
  • 1:02 - 1:05
    « Macha, tu as oublié ton parapluie »,
  • 1:05 - 1:08
    « Tolia, va t'asseoir »,
  • 1:09 - 1:13
    mais aussi des petits déchets, que chacun
    d'entre nous produit en grandes quantités.
  • 1:13 - 1:15
    Nous utilisons et produisons des déchets.
  • 1:15 - 1:18
    Ces déchets sont notre mémoire
  • 1:18 - 1:24
    et cela devient de l'art, merveilleux
    et percutant chez Ilya Kabakov.
  • 1:24 - 1:28
    Les déchets ont une importance cruciale
    dans l'art contemporain en général.
  • 1:28 - 1:30
    D'où cela vient-il ?
  • 1:30 - 1:33
    Si l'on repense à la révolution de 1917,
  • 1:33 - 1:38
    dans l'ensemble, les artistes
    ne s'en sont pas rendu compte,
  • 1:38 - 1:42
    parce que la révolution d'Octobre
    s'est produite en fin d'année.
  • 1:43 - 1:45
    C'était l'automne, il faisait froid
  • 1:45 - 1:49
    et, si vous avez vu l'exposition
    à la galerie Tretiakov,
  • 1:49 - 1:51
    où figuraient des œuvres de 1917,
  • 1:51 - 1:53
    la vie des artistes n'avait pas changé.
  • 1:53 - 1:56
    Pendant encore six mois,
    ils se sont retrouvés dans les cafés,
  • 1:56 - 1:58
    ont passé des soirées
    à déclamer de la poésie,
  • 1:59 - 2:01
    ont organisé des salons.
  • 2:01 - 2:05
    En 1918, au début de la guerre civile,
  • 2:05 - 2:10
    qui a aggravé l'état du pays, déjà meurtri
    par la Première Guerre mondiale,
  • 2:10 - 2:15
    ils se sont brusquement aperçus qu'après
    la promulgation des décrets de Lénine,
  • 2:15 - 2:17
    quand tout a été nationalisé,
  • 2:17 - 2:19
    qu'il n'y avait plus
    de clientèle pour l'art.
  • 2:19 - 2:25
    Alors, de manière sincère ou peut-être
    par l'effet du syndrome de Stockholm,
  • 2:25 - 2:31
    les artistes se sont tournés vers
    la révolution, les rêves de révolution,
  • 2:31 - 2:36
    les artistes sont traditionnellement
    de gauche, ici, en France, partout.
  • 2:36 - 2:41
    C'est là que l'avant-garde russe
    a commencé à se disputer le titre
  • 2:41 - 2:45
    de meilleur prolétariat artistique.
  • 2:45 - 2:49
    Mais en 1917 va se produire
    la principale révolution,
  • 2:49 - 2:54
    celle qui pour l'art d'aujourd'hui,
  • 2:54 - 2:57
    il y a 102 ans,
  • 2:57 - 3:01
    celle qui s'est produite quand Duchamp...
  • 3:01 - 3:03
    Quelqu'un connaît-il ce nom ?
  • 3:03 - 3:04
    C'est bien.
  • 3:04 - 3:07
    Qu'a-t-il exposé à New York ?
  • 3:07 - 3:12
    Un égouttoir et son célèbre urinoir.
  • 3:13 - 3:17
    À ce jour, ses urinoirs se trouvent encore
    dans les plus grands musées du monde.
  • 3:17 - 3:19
    Duchamp a prouvé une chose simple :
  • 3:19 - 3:22
    l'art, c'est un objet purement symbolique.
  • 3:23 - 3:25
    Si on pense aux objets exposés au musée,
  • 3:25 - 3:27
    quand on entre au musée,
  • 3:27 - 3:29
    un interrupteur s'allume
    dans notre cerveau
  • 3:29 - 3:34
    et on se met à les regarder
    comme des objets de musée.
  • 3:34 - 3:39
    Tout dépend donc du point de vue adopté.
  • 3:39 - 3:42
    Nous voulons voir et nous voyons.
  • 3:42 - 3:45
    Il faut comprendre que voir et regarder
    sont deux actions distinctes.
  • 3:45 - 3:48
    Chacun de nous,
    en regardant une œuvre d'art,
  • 3:49 - 3:53
    ressent et comprend uniquement
    ce qu'il a à l'intérieur de lui,
  • 3:54 - 3:59
    projette sur cet objet symbolique
    diverses significations.
  • 3:59 - 4:04
    Quand on admire aujourd'hui
    un tableau du Tintoret ou de Tiepolo,
  • 4:04 - 4:09
    on ne voit pas ce qu'avait voulu
    exprimer l'artiste en son temps.
  • 4:09 - 4:17
    On ne sait pas si la Joconde était
    l'amie, l'épouse du commanditaire
  • 4:17 - 4:21
    ou simplement une courtisane
    qui plaisait à l'artiste.
  • 4:21 - 4:25
    On ne connaît pas les relations
    qu'entretenaient ces personnes,
  • 4:25 - 4:31
    tout comme les sujets bibliques,
    qu'on devrait semble-t-il tous connaître,
  • 4:31 - 4:34
    mais qui nous sont inaccessibles,
    à nous qui sommes d'une autre époque.
  • 4:35 - 4:37
    De même que, heureusement
    ou malheureusement,
  • 4:37 - 4:39
    les gens ont aujourd'hui
    oublié les décrets de Lénine,
  • 4:39 - 4:43
    qui soit dit en passant
    ont causé tant de désastres
  • 4:43 - 4:45
    dont nous ne sommes, à ce jour,
    pas complètement remis.
  • 4:45 - 4:48
    Alors comment percevons-nous l'art ?
  • 4:48 - 4:51
    Il y a autant de manières de voir
    une œuvre que d'individus.
  • 4:51 - 4:56
    Et cela n'a rien à voir avec le fait
    qu'on soit ou non un expert.
  • 4:57 - 4:58
    Nos regards évoluent,
  • 4:59 - 5:01
    et peu importe ce que
    nous savons de l'artiste,
  • 5:01 - 5:04
    ce que nous racontent les guides,
  • 5:04 - 5:09
    qui retiennent forcément notre attention
    s'ils font bien leur travail,
  • 5:09 - 5:13
    ce n'est jamais qu'une façon
    d'attirer notre attention.
  • 5:14 - 5:15
    Vers quoi ?
  • 5:15 - 5:18
    D'un côté, l'art est symbolique,
  • 5:18 - 5:23
    mais de l'autre, la logique de l'évolution
    autonome de l'art est implacable,
  • 5:23 - 5:27
    tout comme celle du développement
    autonome de la science.
  • 5:27 - 5:30
    Peu importe les tentatives de
    Lyssenko pour réfuter la génétique,
  • 5:30 - 5:33
    et il a réellement entravé
    son développement,
  • 5:33 - 5:35
    parce qu'à son époque,
    dans le domaine de la génétique,
  • 5:36 - 5:39
    les scientifiques soviétiques
    faisaient de grands progrès.
  • 5:39 - 5:42
    Lyssenko est arrivé et y a mis un terme.
  • 5:42 - 5:44
    Mais la génétique évolue malgré tout
  • 5:44 - 5:49
    et on doit aujourd'hui faire avancer
    la génétique, comme partout ailleurs.
  • 5:51 - 5:54
    L'art étant dans cette logique
    de développement autonome,
  • 5:55 - 5:59
    comment le définir autrement
    qu'à travers sa dimension symbolique ?
  • 5:59 - 6:03
    Les grands courants se sont succédé
  • 6:03 - 6:07
    parfois sur des millénaires,
    puis sur des siècles,
  • 6:07 - 6:09
    mais depuis la fin du 20e siècle,
  • 6:09 - 6:11
    tout a changé.
  • 6:12 - 6:14
    Le rythme des évolutions s'est accéléré,
  • 6:15 - 6:19
    or l'art, ce n'est pas que des sentiments,
  • 6:19 - 6:24
    c'est le reflet avec un temps d'avance
    de ces évolutions historiques,
  • 6:24 - 6:27
    y compris des évolutions
    de notre mode de vie.
  • 6:27 - 6:30
    À partir de la fin du 19e siècle,
  • 6:31 - 6:36
    l'art n'évolue plus seulement
    sur un rythme décennal.
  • 6:36 - 6:42
    En fait, chaque artiste devient
    au 20e siècle son propre courant.
  • 6:42 - 6:46
    Il y a eu l'impressionnisme,
    puis l'expressionnisme,
  • 6:47 - 6:49
    puis l'avant-garde, puis le modernisme
  • 6:49 - 6:52
    et les évolutions de ces courants
    ont été extrêmement rapides.
  • 6:52 - 6:54
    Alors, qu'est-ce que l'art ?
  • 6:54 - 6:57
    Nous nous sommes éloignés des canons.
  • 6:57 - 7:03
    Prenez les canons médiévaux,
    aucun nom d'artiste ne nous est connu.
  • 7:04 - 7:09
    L'art médiéval qui nous est parvenu
    est grandiose, mais anonyme.
  • 7:09 - 7:11
    Ensuite, il y a eu la Renaissance.
  • 7:11 - 7:13
    Et aujourd'hui, qu'y a-t-il ? Des déchets.
  • 7:13 - 7:16
    De très beaux déchets chez Ilya Kabakov.
  • 7:17 - 7:18
    Donc, qu'est-ce que l'art ?
  • 7:18 - 7:20
    Comment définir cette notion ?
  • 7:20 - 7:24
    L'art, c'est bien sûr la communication,
  • 7:24 - 7:26
    un vecteur de symboles
    et de communication.
  • 7:26 - 7:28
    C'est un double moyen de communiquer.
  • 7:28 - 7:36
    Il fait naître un dialogue intérieur entre
    chaque spectateur et une œuvre d'art.
  • 7:36 - 7:38
    L'art, c'est notre miroir.
  • 7:38 - 7:42
    Quand on se regarde
    dans le miroir de l'art,
  • 7:42 - 7:46
    on voit bien plus
    que ce qu'on savait sur soi.
  • 7:46 - 7:51
    Soudain, on a accès
    à ce qui nous était inconnu.
  • 7:51 - 7:53
    C'est certainement pour cela
    que l'art est vivant
  • 7:54 - 7:57
    et ce depuis des millénaires.
  • 7:57 - 8:02
    L'art est un moyen de communication
    essentiel entre les hommes.
  • 8:02 - 8:05
    Maintenant, intéressons-nous à Internet.
  • 8:05 - 8:11
    Aujourd'hui, nous vivons plus
    en ligne que hors-ligne.
  • 8:11 - 8:16
    Or, si on vit sur Internet,
    on y communique forcément.
  • 8:16 - 8:22
    Je ne parle pas des réseaux sociaux
    dont nous sommes tous addicts aujourd'hui.
  • 8:22 - 8:28
    Nous devenons des esclaves, avec cette
    immense liberté d'accès à l'information,
  • 8:28 - 8:31
    qui a aussi des avantages incroyables.
  • 8:32 - 8:33
    Nous avons arrêté de nous parler,
  • 8:33 - 8:39
    nous avons oublié que le contact humain
    n'était pas interdit,
  • 8:39 - 8:42
    mais agréable, important,
    et même nécessaire pour les enfants,
  • 8:42 - 8:45
    les enfants ne peuvent pas grandir
    sans chaleur humaine.
  • 8:45 - 8:48
    Aujourd'hui ils n'ont
    plus le temps, plus besoin.
  • 8:48 - 8:53
    Internet est devenu un concurrent sérieux
  • 8:53 - 8:57
    à tout ce qui participait avant
    au développement psychologique.
  • 8:57 - 9:00
    Et si la communication
    s'opère désormais sur Internet,
  • 9:01 - 9:03
    cela signifie que l'art
    s'y est déplacé aussi.
  • 9:04 - 9:06
    Si on parle de Net art...
  • 9:06 - 9:10
    Et il arrive rapidement, à mesure
    que nos vies s'installent sur Internet.
  • 9:11 - 9:14
    Les premières formes de Net art
    sont apparues en même temps qu'Internet.
  • 9:14 - 9:23
    D'une part, il y a des œuvres
    que l'on peut diffuser via Internet,
  • 9:23 - 9:28
    car Internet nous offre la possibilité
    de diffuser tout ce qu'on veut.
  • 9:28 - 9:33
    Tous les musées deviennent
    disponibles sur nos écrans,
  • 9:33 - 9:37
    on peut regarder des films, des vidéos,
  • 9:38 - 9:40
    on peut regarder des photos,
    on peut tout faire.
  • 9:40 - 9:49
    Internet a cette capacité fascinante
    de reproduire et de rendre accessible
  • 9:49 - 9:52
    n'importe quel contenu
    qui existe hors-ligne.
  • 9:52 - 9:56
    Internet possède ses propres
    genres artistiques et ses spécificités.
  • 9:56 - 9:58
    Prenez les photomontages.
  • 9:58 - 10:04
    Notre ministre de la Culture défend
    le développement des arts traditionnels,
  • 10:04 - 10:09
    quand on parle d'un « art populaire »,
    on pense à la céramique de Gjel,
  • 10:09 - 10:13
    à la dentelle de Vologda,
  • 10:13 - 10:16
    mais les photomontages
    font aussi partie de l'art populaire.
  • 10:16 - 10:22
    Regardez ce qu'il se passe aujourd'hui
    sur Instagram, sur Youtube.
  • 10:22 - 10:23
    Les vidéos, ce sont des chefs-d'œuvre !
  • 10:23 - 10:27
    Nous utilisons Internet
    comme un dispositif,
  • 10:27 - 10:31
    comme on utilisait autrefois
    le télégraphe ou le téléphone.
  • 10:32 - 10:40
    Il y a douze ou quatorze ans, nous avons
    souhaité définir le concept de Net art,
  • 10:40 - 10:43
    au-delà de l'idée de récupérer
    des contenus sur Internet
  • 10:43 - 10:47
    et de créer une œuvre à partir
    de ce qu'on y a trouvé.
  • 10:47 - 10:51
    J'ai été deux fois commissaire
    du pavillon russe à la Biennale de Venise,
  • 10:51 - 10:53
    en 2007 et en 2009.
  • 10:53 - 10:59
    En 2007, nous avons exposé une œuvre
    de la jeune artiste Julia Milner,
  • 10:59 - 11:02
    qui est devenue aujourd'hui
    incontournable dans le Net art.
  • 11:02 - 11:06
    Elle s'appelait « Click I Hope »
    et c'était une véritable révolution,
  • 11:06 - 11:09
    parce que le Web 2.0
    en tant que technologie,
  • 11:09 - 11:12
    je pense que vous savez mieux
    que moi ce qu'est le Web 2.0,
  • 11:13 - 11:15
    moi je l'ai découvert à ce moment-là,
  • 11:16 - 11:19
    le Web 2.0, cette technologie interactive,
    venait tout juste de naître.
  • 11:20 - 11:26
    C'était un écran blanc, comme
    le moteur de recherche Google.
  • 11:26 - 11:29
    On y lisait « I hope », « J'espère »,
  • 11:29 - 11:31
    dans 50 langues.
  • 11:31 - 11:33
    Les gens devaient cliquer.
  • 11:33 - 11:35
    En voyant l'artiste, je lui ai demandé :
  • 11:35 - 11:38
    « Comment vont-ils cliquer et trouver ? »
  • 11:38 - 11:39
    Elle m'a dit : « Ils trouveront. »
  • 11:39 - 11:42
    J'ai dit : « Faisons un prototype.
    Moi je n'y crois pas. »
  • 11:42 - 11:46
    J'étais là à 5 heures du matin à me dire -
  • 11:46 - 11:49
    il n'y avait pas de bots
    informatiques à l'époque -
  • 11:49 - 11:53
    « Dans la journée d'accord, ses amis
    cliqueront, mais la nuit qui le fera ? »
  • 11:53 - 11:55
    Mais j'ai vu que les gens cliquaient.
  • 11:55 - 11:57
    Les gens trouvaient.
  • 11:57 - 12:00
    Nous ne savons pas
    comment fonctionne aujourd'hui
  • 12:00 - 12:08
    ce système incroyable d'autocommunication.
  • 12:08 - 12:12
    Et quand les gens cliquaient,
    on voyait deux compteurs :
  • 12:12 - 12:16
    combien il y avait d'utilisateurs actifs
    et quelle langue ils choisissaient.
  • 12:16 - 12:19
    On ne savait pas pourquoi les gens
    cliquaient en russe ou en anglais.
  • 12:19 - 12:21
    Naturellement, l'anglais venait en tête,
  • 12:21 - 12:24
    puis l'espagnol est passé devant,
    puis les Russes se sont connectés.
  • 12:24 - 12:27
    Pour la première fois, Venise
    était reliée au monde entier.
  • 12:27 - 12:29
    Chacun pouvait ouvrir la page et cliquer.
  • 12:29 - 12:32
    Qu'est-ce que c'était ?
    Est-ce que c'était de l'art ?
  • 12:32 - 12:41
    Comment trouver un espace sur Internet où
    on percevra un jeu comme une œuvre d'art ?
  • 12:41 - 12:46
    On perçoit déjà les performances comme
    de l'art, on a appris à les voir ainsi.
  • 12:46 - 12:49
    C'est alors qu'apparaît
    quelque chose de fabuleux.
  • 12:49 - 12:54
    Le nom de domaine .art.
  • 12:55 - 12:59
    C'est un nom de domaine
    que chaque artiste ou musée -
  • 12:59 - 13:03
    aujourd'hui, la plupart des grands musées
    sont passés au nom de domaine .art -
  • 13:04 - 13:06
    c'est un nom de domaine international,
  • 13:07 - 13:12
    qui nous aide à repérer
    ce qui doit être vu comme de l'art.
  • 13:12 - 13:16
    Si M. Dupont crée un site
    pour poster ses photos, c'est une chose,
  • 13:16 - 13:18
    mais s'il l'appelle dupont.art,
  • 13:18 - 13:22
    si on le cherche comme artiste...
  • 13:23 - 13:25
    Il sera beaucoup plus facile à trouver.
  • 13:25 - 13:27
    Est-ce que c'est un artiste ?
  • 13:28 - 13:29
    Nous ne savons pas.
  • 13:29 - 13:37
    Chaque année, des milliers d'étudiants
    sortent diplômés des écoles d'art
  • 13:37 - 13:40
    mais seules quelques dizaines
    marqueront l'Histoire.
  • 13:40 - 13:42
    C'est normal.
  • 13:42 - 13:48
    Dans la vie réelle, ce sont des experts
    qui déterminent qui est un artiste,
  • 13:48 - 13:51
    ce sont les collectionneurs,
    les personnalités publiques,
  • 13:52 - 13:56
    la presse, les galeries
    et finalement les musées.
  • 13:56 - 13:59
    Ensuite, c'est le temps
    qui opérera une sélection.
  • 13:59 - 14:04
    Alors comment distinguer un chef-d'œuvre
    sur Internet, sur Instagram ?
  • 14:05 - 14:09
    Car Instagram regorge de chefs-d'œuvre !
  • 14:10 - 14:13
    Comment déterminer
    ce qui constitue une œuvre d'art ?
  • 14:13 - 14:15
    Eh bien, c'est très facile.
  • 14:15 - 14:20
    Si quelqu'un se définit sur Instagram
    comme « Artist », il utilise .art,
  • 14:20 - 14:24
    s'il a la balise .art,
  • 14:24 - 14:29
    il nous dit : « Je n'ai pas juste
    photographié ma partie de pêche,
  • 14:29 - 14:35
    j'ai créé une œuvre d'art.
    Regardez-la, s'il vous plaît. »
  • 14:35 - 14:37
    Ça plaira à certains, pas à d'autres.
  • 14:37 - 14:43
    S'il affirme que ses photos
    sont de l'art, elles le deviennent.
  • 14:43 - 14:47
    Parce que ça fait longtemps qu'un artiste,
  • 14:47 - 14:51
    ce n'est plus juste un type
    avec son béret vert et ses pinceaux.
  • 14:51 - 14:56
    L'artiste de la Renaissance
    est un modèle qui a disparu.
  • 14:56 - 15:00
    Dans l'art conceptuel,
    il n'y a souvent même pas d'images.
  • 15:00 - 15:04
    On débat encore au sujet de ce qu'est
    le « Carré noir sur fond blanc ».
  • 15:04 - 15:08
    L'art est un concept flottant.
  • 15:08 - 15:12
    Mais si un individu considère sa création,
  • 15:12 - 15:15
    peu importe quels déchets il a utilisés,
  • 15:15 - 15:18
    s'il considère sa création comme de l'art,
  • 15:18 - 15:23
    il suffit d'une balise sur Internet
  • 15:23 - 15:25
    pour le considérer comme un artiste.
  • 15:25 - 15:30
    Ensuite, le temps nous dira
    qui sortira vraiment du lot.
  • 15:30 - 15:32
    Peut-être grâce à une cote de popularité ?
  • 15:32 - 15:36
    Sur Internet, tout s'exprime
    par des cotes, des classements,
  • 15:36 - 15:38
    or dans une cote,
    il n'y a pas de pour et de contre,
  • 15:39 - 15:41
    il y a un chiffre.
  • 15:41 - 15:45
    C'est un profond bouleversement,
  • 15:45 - 15:49
    parce que jusqu'à présent, le monde
    se divisait entre « haut » et « bas »,
  • 15:49 - 15:54
    « paradis » et « enfer », il y avait
    toujours du positif et du négatif.
  • 15:54 - 15:58
    Mais on ne réfléchit plus en termes de
    « droite/gauche », « masculin/féminin »,
  • 15:58 - 16:00
    ni en termes de « pour ou contre ».
  • 16:00 - 16:02
    Une cote, c'est un chiffre.
  • 16:02 - 16:06
    On ne peut rien y faire.
  • 16:06 - 16:08
    Si on se penchait sur le cœur du problème,
  • 16:08 - 16:11
    bien sûr qu'on changerait tout.
  • 16:11 - 16:16
    Peut-être que nous allons créer
    des groupes d'experts,
  • 16:16 - 16:17
    ça existe d'ailleurs déjà.
  • 16:17 - 16:22
    Mais qui aura le plus grand impact :
    les experts ou les cotes de popularité ?
  • 16:23 - 16:26
    Si le processus actuellement en cours,
  • 16:26 - 16:30
    un processus en ligne
    qui commence dès maintenant
  • 16:30 - 16:35
    et qui deviendra bientôt une avalanche -
  • 16:36 - 16:39
    si ce processus se poursuit,
  • 16:39 - 16:47
    nous aurons une nouvelle forme
    d'espace sur Internet,
  • 16:47 - 16:52
    un espace de divertissement,
    d'information et de communication.
  • 16:52 - 16:59
    Cela nous donnera d'autres possibilités
    que celle de présenter sur Internet
  • 16:59 - 17:03
    ce qu'on y présente déjà comme de l'art,
  • 17:03 - 17:08
    de se considérer comme un artiste,
    de renouveler la créativité,
  • 17:08 - 17:13
    parce que bien sûr, Internet
    nous donne ces possibilités.
  • 17:13 - 17:16
    Je crois que dès lors
    que les scientifiques se rendront compte
  • 17:16 - 17:22
    qu'ils peuvent aussi utiliser .art,
    ça deviendra intéressant.
  • 17:22 - 17:29
    Car les scientifiques pensent, rêvent,
    d'une manière presque paradoxale,
  • 17:29 - 17:33
    comparé aux artistes, ceux qui
    savent dessiner, disons un corbeau -
  • 17:33 - 17:37
    c'était une tâche insurmontable
    pour moi quand j'étais petite,
  • 17:37 - 17:40
    reproduire le volume et les ombres -
  • 17:40 - 17:42
    on ne peut tout simplement
    pas les comparer.
  • 17:42 - 17:45
    L'union de l'art et de la science,
  • 17:45 - 17:48
    ce n'est pas juste lorsqu'un artiste
    va questionner un scientifique
  • 17:48 - 17:55
    au sujet des nanotechnologies pour ensuite
    essayer de les représenter visuellement.
  • 17:55 - 17:59
    Non, ce qui est intéressant, c'est quand
    il y a un élan de créativité commune.
  • 17:59 - 18:02
    Je vais vous dévoiler un secret,
  • 18:02 - 18:06
    les scientifiques maîtrisent
    le discours conceptuel,
  • 18:06 - 18:09
    or l'art contemporain
    est purement conceptuel :
  • 18:09 - 18:12
    créer quelque chose de ses mains
    sans son cerveau, c'est impossible.
  • 18:12 - 18:15
    Des petites mains, ça se trouve.
  • 18:15 - 18:18
    Il y aura toujours des gens
    pour souder, scier, dessiner pour vous.
  • 18:18 - 18:19
    Mais la question, c'est : quoi ?
  • 18:19 - 18:23
    Aujourd'hui, c'est à qui
    trouvera le meilleur concept.
  • 18:23 - 18:25
    Or, je pense que
  • 18:25 - 18:30
    les scientifiques maîtriseront
    la logique du discours artistique
  • 18:30 - 18:35
    plus rapidement que les artistes
    ne domptent les nouvelles technologies.
  • 18:35 - 18:38
    Faut-il encore faire les Beaux-Arts ?
  • 18:39 - 18:41
    La question se pose.
  • 18:41 - 18:45
    Mais si un aspirant artiste
    ne sait pas ce qui a existé avant lui,
  • 18:45 - 18:48
    il risque de ne jamais
    recevoir de Prix Nobel,
  • 18:48 - 18:54
    tout comme ne le recevra pas
    celui qui réinventera la roue.
  • 18:54 - 18:59
    Mais ça crée de multiples opportunités,
    ça nous ouvre les yeux.
  • 18:59 - 19:02
    Les choses bougent beaucoup
    dans le monde de l'art
  • 19:02 - 19:06
    et nous aussi, nous pouvons
    faire bouger les choses,
  • 19:06 - 19:12
    si nous réfléchissons sérieusement
    à l'empreinte que nous voulons laisser.
Title:
L'art post-Internet | Olga Sviblova | TEDxRANEPA
Description:

Dans sa présentation, Olga soulève plusieurs questions : qu'est-ce que l'art et comment a-t-il évolué à l'ère d'Internet ? Qu'est-ce qu'un artiste à l'ère de l'art post-Internet ? Un artiste doit-il encore savoir se servir de ses mains pour être considéré comme tel ?

Olga Sviblova est critique d'art, réalisatrice de documentaires, docteure en histoire de l'art, professeure, organisatrice d'évènements, directrice du Musée Multimedia Art de Moscou, membre de l'Académie russe des Beaux-Arts, Artiste émérite de la Fédération de Russie et membre de l'Union des Artistes de Russie.

Cette présentation a été donnée lors d'un évènement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. Pour en savoir plus : http://ted.com/tedx

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Video Language:
Russian
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
19:13

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