Ma quête pour défier la gravité et voler

Durant sa carrière téméraire, la spécialiste des activités extrêmes, Elizabeth Streb, a repoussé toutes les limites physiques du corps humain. Elle a sauté à travers du verre brisé, et sauté depuis des hauteurs étourdissantes, en utilisant du matos qu'elle s'est fabriqué pour améliorer ses performances. En illustrant ses propos avec des vidéos de son travail, Streb prend du recul sur la quête qui a dirigé sa vie : défier la gravité et voler de la seule manière possible pour les humains : en maîtrisant l'atterrissage.

Allons !

N'avez-vous jamais rêvé de voler ?

Pourquoi les humains n'ont-ils
encore jamais volé ?

Depuis toujours, je suis obsédée
par le fait d'apprendre à voler.

Enfant adoptée et farouche, j'ai grandi
sur le rivage nord du lac Ontario,

sans quitter mon père,
qui était maçon et pêcheur.

Tout ce qui bougeait me fascinait.

J'attrapais des petits animaux
et les prenais dans mes mains,

ressentant la magie de leurs mouvements.

Je jouais avec le feu.

Etant fascinée et terrifiée
par sa puissance implacable,

j'ai accidentellement incendié
la grange de mon père,

uniquement une fois.

(Rires)

Ce fut ma première rencontre
avec le vrai danger,

le feu et mon père.

Quand j'avais huit ou neuf ans,
j'ai enfermé une mouche dans un bocal.

Je l'observais en pensant : « Waouw,

elle change de direction en plein vol,
selon des angles aigus,

si vite que c'est imperceptible.

Pourquoi ne pouvons-nous pas
faire ça ? Pourquoi pas ? »

Partout où je posais mon regard,
des choses s'agitaient.

Ces éléments bougeaient
selon leur propre rythme causal,

selon leurs caractéristiques
anatomiques propres.

C'était clair pour moi, et pour Newton,

que les choses se déplaçaient
en fonction de leur anatomie :

les vers rampaient, les oiseaux volaient
et les kangourous sautaient.

Et le premier envol d'un humain
était une chute accidentelle,

en trébuchant ou en glissant
sur la fameuse peau de banane.

Quand le sol dérape sous nos pieds,

un monde mystérieux se précipite sur nous.

J'avais découvert mon territoire.

J'étais envahie par la compulsion,

le besoin primitif d'apprendre à voler,

en tant qu'humain.

Les dix années qui ont suivi,
j'ai réalisé mes expériences seule,

sur mon propre corps.

J'ai conduit ma Honda 350
à travers les États-Unis,

un peu comme dans « Easy Rider ».

J'ai eu un diplôme en danse moderne.
J'ai imité cette mouche dans son bocal.

J'ai plongé horizontalement dans une vitre

en la perçant avec mon poing en passant.

J'essayais de comprendre
quelque chose sur le vol.

À 27 ans,

je me suis retrouvée dans un loft
infesté de rats à New York,

prête à sauter d'une échelle.

J'ai grimpé, toujours plus haut,

et j'ai sauté.

Vlan ! J'ai atterri.

Ça a fait mal.

(Rires)

J'ai alors compris que les gens
n'aimaient pas se faire mal,

et que la raison pour laquelle
nous ne volions pas encore,

était que nous étions encore
attachés à l'idée erronée

que nous volerions comme des oiseaux,

ou des papillons.

Nous avions peut-être besoin
de chasser nos suppositions

et de poser des questions différentes,

sur la durée, par exemple.

Des humains en vol ? Quelques secondes.

Des oiseaux et papillons ?
Des minutes, peut-être des heures.

Et qu'en est-il de notre peur ?

Je pense que la peur
est complexe et personnelle.

Je suis convaincue
qu'elle est liée à la curiosité

et au fait de ne pas
se prendre au sérieux.

On pourrait avoir besoin
d'une légère blessure,

mais pas trop douloureuse.

Et la douleur : il faut la redéfinir.

Au lieu de « douleur », disons :
« une sensation étrange et intéressante ».

Quelque chose comme ça.

J'ai compris que pour apprendre à voler,
il fallait apprendre à atterrir.

Mon héros, Evel Knievel,
un de mes héros, a dit :

« N'importe qui peut sauter en moto.

La difficulté commence
quand on essaie d'atterrir. »

(Rires)

Ça fait mal d'atterrir.

J'étais curieuse.

Je me suis dit : « Pourquoi
ne pas inventer une technique d'impact ? »

Pourquoi ne suffit-il pas
d'élargir notre base de soutien ?

J'avais observé la chute
de planches de bois

et elles ne fléchissaient pas en tombant.

J'ai donc disposé mon corps bien droit,
et me suis laissée tomber en arrière.

Paf !

Le bruit fut totalement différent
de mon premier « vlan ».

Je me suis précipitée
dans les rues de New York

et j'ai sauté au cou d'inconnus

en disant, enfin, en pensant :

« Je suis tombée à la renverse
aujourd'hui. Et vous ? »

En 1985, on a commencé
à faire un petit tour du monde

et j'ai créé mon entreprise,

nommée STREB EXTREME ACTION.

En 2003, on nous a invité à Kitty Hawk,

pour célébrer le 100ème anniversaire
de l'envol des frères Wright.

Nous étions devenus très bons
en atterrissage

et nous devions à présent monter en l'air.

Et comme eux, nous voulions
y rester plus longtemps.

J'ai trouvé cette citation de Wilbur :

« Celui qui recherche la sécurité parfaite
doit rester assis sur la barricade

et observer les oiseaux ;

mais celui qui veut vraiment apprendre
doit grimper sur une machine

et s'habituer à ses combines
en la testant directement. »

Ah, les machines.

Ça inspirait la fana
de quincaillerie en moi.

Si nous voulions aller ou voyager
dans des endroits inhabituels de l'espace,

là où se trouve cette peau
de banane qui nous trouble,

cet endroit en dehors
de notre zone de confort verticale,

là où on rencontre
des turbulences inattendues

et où on subit curieusement
des accélérations,

là où le sol change
et défile sous nos pieds,

comme le compositeur qui,
cherchant une note parfaite

plus haute que ce qui est possible
pour la voix humaine,

invente le piccolo ou la flûte,

je me suis mis à inventer
mes prototypes d'engins.

Et pour aller plus haut,
plus vite, plus tôt et mieux,

nous devions créer nos propres vaisseaux.

C'est ce qu'on a fait.

Et nous avons parcouru des territoires
inconnus, invisibles et dangereux

et cela nous a transformés.

Si quelqu'un veut essayer,
dites-le moi.

(Rires)

En 2012, on a apporté
nos meilleurs engins à Londres

et on les a placés dans les endroits
les plus symboliques.

On est monté sur le London Eye.

À 135 mètres de hauteur.

Au moment d'atteindre le zénith,
on a retiré le frein et on a glissé,

sur 60 mètres,

sur le rayon auquel nous étions attachés.

On a atteint le ciel ce jour là,

j'en suis convaincue.

Ensuite, deux de mes danseurs et moi

avons foulé l'extérieur
de la mairie de Londres.

Debout, à 90 mètres de hauteur,

je regardais en bas,

et je voyais 2000 yeux qui m'observaient.

Ils voyaient ce qu'ils voient d'habitude,
le ciel, un oiseau, un avion, puis nous.

Nous n'étions qu'un petit point là-haut.

J'ai compris que l'action
appartient à tout le monde.

Maintenant, nous avons notre propre bocal,
à Williamsburg, à Brooklyn.

Il s'appelle SLAM:
STREB Labo for Action Mechanics.

C'est une ancienne usine
de graines de moutarde.

Je l'ai conçue
comme une boîte de pétri.

Dans cette boîte de pétri,

j'ai mis Kid Action, STREB EXTREME ACTION

et les arts du cirque.

Nous y apprenons tous
à voler, tomber, atterrir

et on invente des actions extrêmes.

Devinez ce qu'on a découvert.

Tout le monde vient --

des gens de toute taille,
forme, âge et capacité,

de toute nationalité,
race, classe et genre,

des timides et des audacieux,
des parias et des populaires,

les timorés et les casse-cou.

Et ces bâtiments se trouvent
partout dans le monde.

Tous peuvent devenir
un centre d'entraînement au vol.

Vous savez quoi ?

En fait, les gens ne souhaitent
ni uniquement rêver de voler

ni simplement nous regarder voler.

Ils veulent voler et ils le peuvent.

Avec un peu d'entraînement,

ils apprennent à savourer
le choc et l'impact,

et à encore plus apprécier, je pense,
le fait de se relever après.

J'ai découvert que voler
rend les sourires plus fréquents.

que l'estime de soi germe,

et que les gens deviennent
un tout petit peu plus courageux.

Les gens apprennent vraiment à voler,

de la seule manière possible
pour les humains.

Alors vous le pouvez aussi.

Venez voler avec nous.

(Applaudissements)

(Musique)

Merci. Merci. Merci.

(Applaudissements)