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Une solidarité efficace | Gérard Dubois | TEDxChampsElyseesSalon

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    Suivez-moi, je vous ouvre les portes
    de la commune de Pessat-Villeneuve,
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    petite commune de 550 habitants
    du Puy-de-Dôme,
  • 0:14 - 0:17
    située au pied des volcans d'Auvergne.
  • 0:18 - 0:20
    Son école arc-en-ciel, son château,
  • 0:21 - 0:22
    son menhir,
  • 0:23 - 0:24
    et son art mural.
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    (Rires)
  • 0:32 - 0:35
    Si le menhir est daté de plusieurs
    milliers d'années,
  • 0:35 - 0:39
    l'art mural est plus récent,
    beaucoup plus récent.
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    Le 3 novembre 2015,
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    la population du village a augmenté
    de pratiquement 10%
  • 0:47 - 0:50
    en accueillant 48 migrants
    issus de la jungle de Calais.
  • 0:51 - 0:53
    Et si un bus est rentré
    dans la cour du château,
  • 0:54 - 0:57
    ce n'est pas parce que
    son GPS était déréglé,
  • 0:57 - 1:00
    mais tout simplement
    parce que je les ai invités.
  • 1:01 - 1:04
    En septembre 2015,
  • 1:04 - 1:08
    le gouvernement lance un appel
    à toutes les communes en France
  • 1:10 - 1:13
    pour que les communes volontaires
    puissent accueillir des réfugiés syriens,
  • 1:14 - 1:16
    des familles.
  • 1:16 - 1:17
    A ce moment-là, je me porte volontaire
  • 1:17 - 1:21
    comme une trentaine de communes sur 500
    que compte le département.
  • 1:23 - 1:27
    En octobre, la situation
    à Calais devient critique ;
  • 1:28 - 1:31
    le gouvernement décide de créer des CAO,
  • 1:31 - 1:34
    centre d'accueil et d'orientation,
    temporaires
  • 1:34 - 1:36
    pour les migrants qui sont à Calais
  • 1:36 - 1:39
    et qui souhaitent demander
    l'asile en France.
  • 1:42 - 1:45
    Le 26 octobre, il est 18 heures,
  • 1:46 - 1:48
    je reçois un coup de fil
    du sous-préfet qui me dit :
  • 1:48 - 1:52
    « M. le maire, êtes-vous prêt
    à accueillir 100 migrants ? »
  • 1:54 - 1:55
    Je dis oui
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    avec quelques interrogations :
  • 2:00 - 2:02
    nos locaux sont-ils adaptés ?
    Serons-nous prêts ?
  • 2:02 - 2:05
    Et la population ?
    La population n'est pas informée.
  • 2:07 - 2:08
    Durant cinq jours,
  • 2:09 - 2:11
    nous allons nous organiser
  • 2:11 - 2:14
    avec l'association
    qui va être choisie pour cet accueil,
  • 2:14 - 2:16
    les services de l'État,
  • 2:16 - 2:19
    les employés communaux -
    on va vérifier la mise aux normes,
  • 2:19 - 2:20
    le chauffage,
  • 2:20 - 2:21
    - on est en hiver -
  • 2:21 - 2:24
    les draps, préparer les lits,
  • 2:24 - 2:27
    mais au fond, la logistique
    n'est pas le plus compliqué à gérer.
  • 2:27 - 2:29
    Le plus compliqué, c'est l'urgence.
  • 2:30 - 2:33
    Et le maire que je suis
    ne décide pas seul,
  • 2:33 - 2:35
    il a un conseil municipal.
  • 2:36 - 2:40
    Je le réunis, une semaine pile
    après le coup de fil du sous-préfet,
  • 2:41 - 2:43
    et là, ils disent oui,
  • 2:44 - 2:45
    heureusement.
  • 2:45 - 2:48
    Ça me rassure,
    car quelques heures plus tôt,
  • 2:48 - 2:50
    j'ai eu confirmation
    que le bus arrivait le lendemain.
  • 2:50 - 2:52
    (Rires)
  • 2:56 - 2:59
    J'en ai profité quand même
    pour informer la population,
  • 2:59 - 3:01
    j'ai distribué un communiqué
    dans toutes les boîtes.
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    Le 3 novembre,
  • 3:06 - 3:10
    à 20h30 à peu près,
    le bus entre dans la cour du château,
  • 3:11 - 3:13
    en descendent 48 migrants.
  • 3:15 - 3:18
    Pour les accueillir,
    je suis là avec le préfet.
  • 3:18 - 3:20
    On leur souhaite la bienvenue,
  • 3:21 - 3:22
    en français,
  • 3:22 - 3:24
    -- en anglais, c'est déjà
    un peu plus compliqué --
  • 3:25 - 3:28
    et en arabe -- heureusement,
    il y avait un traducteur.
  • 3:29 - 3:31
    Mais il y avait aussi les journalistes,
  • 3:32 - 3:34
    beaucoup de journalistes.
  • 3:34 - 3:36
    Et le lendemain, la petite commune
  • 3:36 - 3:39
    de 500 habitants fait
    la une de toute la presse,
  • 3:40 - 3:42
    régionale, écrite, télévisée,
  • 3:44 - 3:46
    et à partir de là,
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    la haine se déchaîne.
  • 3:50 - 3:55
    Ça commence d'abord par des coups de
    fil : 1, 2, 3, 10, 50, ingérable.
  • 3:56 - 3:59
    Tellement que je suis obligé de fermer
    le standard de la mairie.
  • 4:00 - 4:04
    Puis viendront les menaces,
  • 4:05 - 4:07
    qui vont arriver par les réseaux sociaux,
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    les sites internet,
  • 4:09 - 4:11
    où je vais même être condamné à mort.
  • 4:12 - 4:14
    Suivront les lettres anonymes,
  • 4:14 - 4:15
    les tags -- on les a vus --
  • 4:17 - 4:20
    et c'est dans ce climat
  • 4:20 - 4:21
    que je vais faire
  • 4:21 - 4:24
    la réunion publique trois jours après
    l'arrivée des migrants.
  • 4:27 - 4:30
    Il y a une telle tension alors
    que la préfecture a décidé
  • 4:30 - 4:32
    de me mettre sous protection policière,
  • 4:33 - 4:36
    moi, le petit maire de la petite commune
    de 500 habitants.
  • 4:37 - 4:42
    J'ai mis un beau costume, une chemise
    blanche, en disant à mes adjoints :
  • 4:42 - 4:44
    « Ben si jamais je prends des coups,
    au moins, ça se verra. »
  • 4:45 - 4:46
    Et je rentre dans la salle.
  • 4:47 - 4:51
    J'étais plutôt dans le rôle du matador
    qui rentrait dans l'arène
  • 4:51 - 4:55
    mais très vite, j'ai vu que c'était moi
    qui aurais le rôle du taureau ce soir-là.
  • 4:58 - 5:00
    La salle est archicomble,
    il y a des gens partout,
  • 5:00 - 5:02
    dedans, dehors.
  • 5:04 - 5:08
    Les gens qui sont en face de moi,
    je les connais, je les connais tous.
  • 5:08 - 5:10
    Et ce que je vais entendre,
    c'est impressionnant,
  • 5:10 - 5:11
    c'est terrible :
  • 5:11 - 5:13
    « On n'en veut pas de ces gens-là !
  • 5:13 - 5:17
    Ils ne sont pas comme nous !
    Ce n'est pas à nous de les accueillir !
  • 5:17 - 5:21
    Ils vont tout détruire,
    cambrioler nos maisons,
  • 5:21 - 5:22
    brûler le château.
  • 5:22 - 5:24
    Il y aura des détritus partout.
  • 5:25 - 5:27
    Ils vont violer nos enfants. »
  • 5:28 - 5:29
    « Monsieur le Maire,
  • 5:29 - 5:31
    ils vont violer mes enfants ! »,
  • 5:31 - 5:34
    me crie cette mère de famille
    que je connais très bien,
  • 5:34 - 5:36
    que je croyais bien connaître.
  • 5:36 - 5:38
    C'est violent, c'est impressionnant.
  • 5:39 - 5:41
    Et puis, au milieu de la salle,
  • 5:41 - 5:43
    une jeune femme lève le doigt
  • 5:43 - 5:45
    et pose une question :
  • 5:45 - 5:46
    « Comment vont-ils ? »
  • 5:46 - 5:51
    Je la fais répéter pour que tout le monde
    entende bien, et puis la haine s'arrête.
  • 5:52 - 5:53
    « Comment vont-ils ? »
  • 5:54 - 5:59
    Enfin ! La première question qui va
    s'intéresser aux gens, à ces jeunes gens,
  • 5:59 - 6:02
    ces jeunes hommes, cette jeune femme,
    que l'on a accueillis,
  • 6:02 - 6:03
    qui sont arrivés apeurés,
  • 6:03 - 6:05
    perdus, dénutris.
  • 6:06 - 6:08
    Et la haine s'arrête de brailler
  • 6:08 - 6:12
    quand l'institutrice du village se propose
    pour donner des cours de français.
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    Et à partir de là, dès le lendemain --
  • 6:17 - 6:18
    la réunion se finit,
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    des gens viennent me voir
    spontanément en proposant leur aide,
  • 6:22 - 6:23
    mais dès le lendemain,
  • 6:23 - 6:25
    par dizaines,
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    les bénévoles sont arrivés -
  • 6:27 - 6:30
    on en a compté jusqu'à 60 -
  • 6:30 - 6:34
    pour nous aider,
    pour leur apprendre le français,
  • 6:34 - 6:36
    pour les véhiculer
    pour les parties administratives,
  • 6:36 - 6:39
    les amener à leur visite médicale,
  • 6:39 - 6:42
    pour ramasser les feuilles du château.
  • 6:42 - 6:46
    Ils sont allés à la piscine, ils ont
    découvert notre très beau patrimoine...
  • 6:49 - 6:50
    Ça a marché,
  • 6:50 - 6:52
    ça a commencé à bien fonctionner,
  • 6:53 - 6:55
    le CAO a pu fonctionner normalement.
  • 6:56 - 7:00
    Le principe du CAO, c'est d'accueillir
    dignement et humainement,
  • 7:00 - 7:02
    mais c'est aussi
  • 7:02 - 7:06
    les retaper physiquement parce qu'ils
    sont vraiment arrivés très fatigués,
  • 7:07 - 7:08
    et puis les orienter,
  • 7:08 - 7:12
    et notamment vers les CADA, les Centres
    d'Accueil de Demandeurs d'Asile.
  • 7:12 - 7:14
    Et c'est ainsi que
  • 7:14 - 7:16
    le site a pu --
  • 7:16 - 7:19
    Une vingtaine ont été orientés,
  • 7:19 - 7:21
    et on a pu accueillir un deuxième bus.
  • 7:21 - 7:23
    Il est arrivé au mois de janvier,
  • 7:23 - 7:26
    je vais dire quasiment dans
    l'indifférence générale.
  • 7:26 - 7:30
    Ça veut dire que les médias étaient
    passés sans doute à autre chose.
  • 7:31 - 7:33
    Et chose marrante à signaler,
  • 7:33 - 7:36
    c'est que, quand ils sont arrivés,
  • 7:36 - 7:37
    les nouveaux,
  • 7:37 - 7:40
    les anciens les ont accueillis
    en les applaudissant.
  • 7:43 - 7:46
    Tous les bénévoles étaient là
    aussi pour faire le lien.
  • 7:46 - 7:48
    La vie de la commune a pu continuer,
  • 7:48 - 7:49
    normalement.
  • 7:49 - 7:53
    Les enfants sont toujours allés à l'école;
    le Père Noël est même passé les voir.
  • 7:53 - 7:55
    Ils étaient sages, sans doute.
  • 7:55 - 7:59
    Les associations ont fonctionné,
    la commune a continué à fonctionner,
  • 7:59 - 8:02
    le bulletin municipal
    qu'on a sorti parle certes du CAO,
  • 8:02 - 8:03
    c'est normal,
  • 8:03 - 8:06
    mais aussi de la station d'épuration
    qu'on a pu réaliser durant l'hiver.
  • 8:07 - 8:09
    Ça a fonctionné
    parce qu'on a continué à travailler,
  • 8:09 - 8:12
    avec eux, au milieu d'eux.
  • 8:13 - 8:17
    Ça a fonctionné
    parce qu'en fait, ça marche.
  • 8:18 - 8:20
    Ça marche parce que,
  • 8:21 - 8:23
    au fond, la solidarité,
  • 8:23 - 8:25
    c'est silencieux,
  • 8:25 - 8:28
    mais c'est terriblement
    efficace et mobilisateur.
  • 8:29 - 8:31
    Ça a marché parce que la haine,
  • 8:32 - 8:34
    au fond, ce n'est que du bruit.
  • 8:34 - 8:38
    Quand on arrête d'écouter ce bruit, on se
    pose juste la question qui vaut le coup :
  • 8:38 - 8:39
    « Comment vont-ils ?
  • 8:39 - 8:40
    Comment vont-ils, Mohammed,
  • 8:40 - 8:42
    Mahmoud, Ali, Mehri ? »
  • 8:44 - 8:46
    Dans quelque temps,
    dans trois semaines,
  • 8:46 - 8:48
    nous organisons
    une fête des retrouvailles,
  • 8:48 - 8:51
    avec les bénévoles qui vont aller
    chercher les migrants
  • 8:51 - 8:53
    qui sont restés dans la région.
  • 8:55 - 8:58
    On a hâte de les retrouver,
    on a hâte de se retrouver,
  • 8:58 - 8:59
    on a hâte de les accueillir,
  • 8:59 - 9:01
    on a hâte de nous accueillir.
  • 9:05 - 9:09
    Comme un parent, comme un frère,
    comme un ami, comme un enfant,
  • 9:09 - 9:11
    qu'on n'a pas vu depuis longtemps,
  • 9:11 - 9:12
    on veut juste savoir comment ils vont.
  • 9:13 - 9:13
    Merci.
  • 9:13 - 9:15
    (Applaudissements)
Title:
Une solidarité efficace | Gérard Dubois | TEDxChampsElyseesSalon
Description:

Gérard Dubois, mairie de Pessat-Villeneuve, témoigne de l'action réelle et concrète de l'accueil de 50 migrants.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
09:30

French subtitles

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