La pollution lumineuse et cinq moyens faciles pour résoudre le problème

Avez-vous déjà observé le ciel étoilé ? Cette vue imprenable risque de disparaître - à moins que nous n'agissions maintenant, explique l'astrophysicienne Kelsey Johnson. Dans une intervention fascinante et étonnamment drôle, elle explique comment la pollution lumineuse affecte presque toutes les espèces sur Terre (y compris nous) et partage cinq moyens « ridiculement simples » que nous pouvons mettre en pratique pour aider à résoudre le problème.

À moins d'avoir passé du temps
dans la Station spatiale internationale,

cette vue ne vous est
probablement pas familière.

C'est la côte Est des États-Unis.

On voit New York en bas à droite

et cette bande de lumière
nous emmène à Washington.

Ces villes brillent de mille feux
comme des bijoux,

les routes sont tracées
par des bandes lumineuses

et toute cette lumière
est très photogénique.

Mais il y a un problème.

Cette lumière est censée
éclairer nos trottoirs,

nos rues et nos maisons.

Au lieu de ça, elle éclaire le ciel

et se dirige vers l'univers

où elle ne nous est pas bénéfique.

Dans de telles photos de la Terre,

je vois une catastrophe environnementale.

Ce ne sont pas des bijoux,

mais des tumeurs.

Je suis astronome.

Ce ne sera une surprise pour personne

que j'aie toujours aimé le ciel nocturne.

Je suis un cliché ambulant.

Mais quand je grandissais
dans le Minnesota,

une de mes activités favorites
les nuits d'été

était de prendre mon vieux sac de couchage

et d'aller me coucher dans le champ
derrière la maison,

et d'y passer des heures
à admirer le ciel nocturne.

Pourtant, ça requérait une bonne dose
de courage pour affronter l'obscurité,

et les nuages de moustiques.

Et mon sac de couchage ne sentait pas
vraiment bon non plus.

(Rires)

Mais il y avait une étoile précise

que je cherchais, nuit après nuit.

Je jouais à ce jeu

d'essayer de me concentrer
sur cette étoile intensément,

jusqu'à ce que tout le reste
disparaisse de mon vue

et que cette seule étoile
soit tout ce que je pouvais voir.

Je ne pouvais que garder
cette concentration

que quelques instants fugaces.

Mais quand j'y parvenais,

je ressentais une connexion
profonde avec l'univers.

Presque une sensation de vertige,

comme si j'allais tomber dans l'espace.

Et quand cela arrivait -

je sais que cela semble ridicule -

je me sentais à la fois
infiniment insignifiante

et aussi étrangement importante.

Cette étoile que j'admirais
nuit après nuit s'appelle Vega.

Vega, c'est l'étoile la plus brillante
de la constellation de la Lyre,

le nom d'un de mes chiens aussi,
et ce n'est pas un hasard.

(Rires)

Mais cette expérience se perd.

Ma constellation préférée, la Lyre,

de Manhattan, on la voit ainsi.

Les gens qui vivent dans un environnement
urbain et suburbain,

quand ils sortent la nuit
et lèvent les yeux au ciel,

ils ne peuvent pas être émerveillés
par la majesté de l'univers

car ils ne voient presque rien.

Ce ciel nocturne banal
et complètement vide,

est dû à toute la lumière
que nous produisons la nuit.

Ces mêmes lumières que
nous observons de l'espace

brillent vers l'atmosphère,

où elles se réfléchissent pour former
un smog lumineux sans relief.

Ce smog lumineux sans relief a un nom :

la pollution lumineuse.

En tant qu'astronome,

je peux déterminer la gravité
de la pollution lumineuse

en observant la luminosité
des étoiles dans le ciel.

Et il s'avère que,

quand vous essayez de comprendre
les secrets du cosmos,

c'est vraiment utile
de pouvoir l'observer.

Et --

(Rires)

C'est vrai.

Or la lumière que nous essayons
de détecter

provient de millions ou de milliards
d'années-lumière,

par conséquent,
elle est presque imperceptible.

Comme l'astronomie est mon métier,

je me bats avec ça tous les jours
pour faire mon travail.

Je peux vous dire que
c'est un gros problème.

Mais le problème dépasse amplement

le fait de perdre notre capacité
poétique d'observer les étoiles.

Par exemple,

des plantes et des espèces d'animaux
innombrables en sont affectées.

Nous pourrions évoquer
les tortues marines,

les pollinisateurs

ou quelques-unes
de ces espèces super importantes.

Elles sont si mignonnes.

Mais je préfère évoquer

le bulot, un être tranquille
et sans prétention.

Vous en avez peut-être déjà vu

sans leur accorder
vraiment beaucoup de réflexion.

Mais ils sont très cool.

En une année,

un bulot va rarement bouger
plus que 10 mètres.

Cela signifie que quand
ils attaquent leurs proies,

ils peuvent atteindre la vitesse
phénoménale d'un millimètre par heure.

Et --

(Rires)

c'est suffisant

parce qu'ils attaquent des choses
comme les balanes.

(Rires)

Les bulots colonisent
les zones côtières intertidales

où il s'avère

qu'ils jouent un rôle central
dans l'écosystème.

Non seulement le bulot est un des
prédateurs invertébrés les plus dominants,

mais d'autres prédateurs, comme les crabes
et les oiseaux le trouvent à leur goût.

Ces malheureux escargots sont donc
dans une situation précaire

parce que s'ils descendent
trop bas dans l'eau

les crabes les menacent,

mais s'ils s'éloignent trop de l'eau,

les oiseaux vont s'en régaler.

Pourquoi une astronome
vous parle-t-elle des bulots ?

Je me le demande aussi.

Parce que leur comportement est
influencé par la pollution lumineuse.

Par exemple,

si les bulots sont soumis
à la lumière artificielle la nuit,

ils sont deux fois plus susceptibles de
rester sous l'eau avec leurs prédateurs.

Et cela les expose à un risque majeur.

Et ce n'est pas comme
s'ils pouvaient s'échapper rapidement.

Et --

(Rires)

et l'autre problème,
c'est qu'ils bougent littéralement

à la vitesse d'un escargot.

Quand une population est décimée,

elle peut prendre des décennies
pour se reconstituer.

Et cela affecte le reste
de son écosystème,

les autres espèces, comme les
oiseaux, les balanes et les crabes.

On vient de glisser sur un petit exemple

pour expliciter l'effet de cascade que
peut déclencher la pollution lumineuse

dans un écosystème entier.

Presque toutes les espèces
étudiées à ce jour

sont affectées par la pollution lumineuse.

Cela inclut les humains.

Parlons un peu de nous.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre

que la pollution lumineuse peut affecter
notre capacité à bien dormir la nuit.

Mais vous pourriez être surpris
d'entendre qu'elle est liée à l'obésité.

En fait, dans une étude récente,

on a constaté que la pollution lumineuse
contribue à plus de 70 %

du taux d'obésité dans 80 pays.

C'est même pire :

en fait, la pollution lumineuse contribue
autant à l'excès de poids

que la malbouffe.

Et ça peut encore empirer :

les personnes qui sont soumises la nuit

à des quantités significatives
de lumière artificielle

ont 50 % de risque supplémentaire
de développer un cancer du sein.

En fait, la pollution lumineuse est
corrélée avec certains types de cancer

de manière généralisée.

Des expériences contrôlées en laboratoire
démontre un lien direct

entre un accroissement
de lumière artificielle la nuit

et le taux de croissance tumorale.

Vous vous demandez sans doute
comment la lumière normale

peut bien influencer les taux de cancer.

Tout semble se résumer
à une hormone super importante

appelée mélatonine,

qui a évolué dans notre organisme
pendant des millions d'années

pour réguler notre rythme circadien.

La réaction de notre organisme
quand la lumière touche la rétine,

à l'arrière de l'œil, la nuit,

est une perturbation
de la production de mélatonine,

et l'interruption de celle-ci

affecte toute une chaîne d'autres
processus chimiques,

et cela inclut la production d'œstrogènes.

Le déséquilibre chimique
que nous provoquons

cause des choses vraiment mauvaises.

En fait, c'est si mauvais pour la santé

que le Centre international
de recherche sur le cancer

a ajouté la perturbation
du rythme circadien humain

dans sa liste des cancérogènes probables.

Et juste pour le fun,
permettez-moi d'ajouter

que la pollution lumineuse a été liée,

au hasard, aux maux de tête, à l'anxiété,
à la dépression, au diabète,

aux maladies cardiovasculaires,
la liste est longue.

Votre santé peut ne pas vous préoccuper.

Après tous, on va tous mourir.

Autant mourir dans une pièce lumineuse.

(Rires)

Rire de la mort est assez étonnant.

(Rires)

Mais vous pourriez vous
soucier de l'argent.

L'argent gaspillé
dans cette lumière inutile,

et je veux dire la seule lumière
qui part dans l'univers,

et ne nous fait aucun bien.

On parle de trois milliards
de dollars par an.

C'est assez d'argent pour construire,

1 000 éoliennes de plus de 100 kw,

ou pour financer les écoles publiques
de Washington pendant deux ans,

ou, mon exemple préféré,
parce que j'en veux vraiment une

mais je ne peux pas me le permettre,

acheter 30 000 Tesla Model X.

(Rires)

Et cela inclut le crédit d'impôt
pour un véhicule électrique.

Et puis il y a les coûts existentiels.

Je n'ai pas de données

sur comment notre perte de repère
sur notre place dans le cosmos

nous affecte.

Mais je suis convaincue

que cela doit avoir un impact
sur notre humanité

plus important que les autres statistiques
que je viens d'évoquer.

Et ça empire avec le temps.

La quantité de pollution lumineuse
double tous les 35 ans environ.

Cela signifie qu'au cours
de la prochaine décennie,

pratiquement toute la moitié
Est des États-Unis

sera constamment plus lumineuse
que le crépuscule.

Il y a encore un autre problème
avec la pollution lumineuse,

bien pire que ce que nous
pouvons voir de nos propres yeux.

Nos yeux ont évolué
pour détecter une petite plage

du spectre complet de la lumière.

Toute la lumière que
nous ne pouvons pas voir,

la lumière invisible,

elle aussi a un problème de pollution.

C'est principalement dû
à la technologie moderne,

les portables, les systèmes
de signal radar des voitures

et il paraît que nous ayons besoin
d'appareils qui communiquent entre eux.

Toute cette technologie moderne
émet des signaux puissants

capables de submerger

cette lumière extrêmement faible
que nous essayons de détecter,

venue du reste de l'univers,

et qui, rappelez-vous, concerne
la plus grande partie de l'univers.

(Rires)

Il y a les satellites aussi.

Ils causent un problème sur les longueurs
d'onde visibles et invisibles.

Beaucoup d'entreprises ont des projets
de déploiement de milliers de satellites

en orbite terrestre.

Ils seront non seulement plus nombreux,

littéralement plus nombreux
que les étoiles visibles dans le ciel,

mais ils vont aussi réfléchir
la lumière invisible vers la Terre.

Donc pour les astronomes,

qui utilisent la lumière invisible
pour étudier l'univers,

ça signifie observer le soleil

et essayer de discerner
une bougie d'anniversaire derrière.

D'accord, je veux être claire,

il n'y a rien de fondamentalement mauvais
dans les technologies modernes,

les téléphones portables,
les satellites ou les radars des voitures.

Je ne suis pas certaine
des appareils ménagers.

(Rires)

Je n'ai pas encore succombé

et acheté un four qui parle
à mon téléphone portable.

J'allume la lumière la nuit,
comme tout le monde.

Mais le message est celui-ci :

il y a des problèmes dans le monde,

comme nous en entendons
parler aujourd'hui,

qui sont si accablants
qu'ils semblent insolubles.

La pollution lumineuse visible
ne fait pas partie de ces problèmes.

C'est même ridiculement simple.

Il y a cinq choses super simples
que vous pouvez faire.

N'utilisez pas une lumière
plus lumineuse que nécessaire.

N'utilisez pas de lumière
quand ce n'est pas nécessaire.

Ces lumières que vous utilisez,

assurez-vous qu'elles sont dirigées
vers le bas

et non vers le ciel.

Parlons un instant des LED.

Si vous avez le choix,
n'achetez pas les bleues.

Recherchez des mots
comme « blanc chaleureux ».

Si vous achetez des LED qualifiées de
« lumière naturelle » ou « du jour »,

c'est comme dire que
vous détestez l'espace.

(Rires)

Et enfin,

vous pourriez en devenir le porte-parole.

Dans votre communauté locale,

cherchez s'il y a
un règlement d'éclairage

et s'il est possible de le rendre
plus favorable au ciel nocturne.

Ou, oserais-je, vous pourriez
même plaider au niveau fédéral

en demandant avec respect
à nos représentants fédéraux,

certains sont peut-être être ici,

de ne pas galvauder
notre vision de l'univers invisible

au plus offrant qui polluer à l'envi,

et c'est en fait ce qu'il se passe.

Maintenant, comme tout bon professeur,

je vais vous donner un devoir.

Si vous n'avez jamais vu
un ciel nocturne vraiment sombre,

sortez la nuit et faites-en l'expérience.

Parce que si vous ne le faites pas,

vous ignorez ce que vous ratez

et dans la foulée, vous ignorez la perte
que cela représente pour l'humanité.

Merci.

(Applaudissements)