Physique bizarre | Leo Kouwenhoven | TEDxDelft

Ce qu'Einstein a décrit comme étant « bizarre », le physicien Leo Kouwenhoven l'appelle l'avenir. Dans une présentation révélatrice, il nous explique l'intrication quantique, la propriété qui montre comment les particules s'influencent réciproquement même en étant dans des régions opposées de l'univers. Il nous montre comment la manipuler pour révolutionner la manière dont fonctionne les ordinateurs.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus: http: //ted. com/tedx

On vient de me glisser à l'oreille

qu'apparemment, il y a une règle d'or
dans le monde de l'édition qui stipule :

« Pour chaque équation qu'on présente,
on perd la moitié de son public. »

J'en ai deux sur mon premier transparent.

Mais je tiens à vous les montrer
pour illustrer qu'avec quelques symboles,

comme « F » égale « m » fois « a »,

on peut décrire une flopée de phénomènes,
de la Terre autour du Soleil,

jusqu'à un jeu de ballon,
en passant par votre tour en vélo, tout.

Si vous aimez la communication,
vous pourriez aimer l'équation de Maxwell.

Notre radio, nos communications
avec nos portables,

et même le fait de se voir

peut être décrit par cette équation
de Maxwell très simple que voici.

C'est si simple.

Ces deux équations décrivent
fondamentalement

tout ce qui se passe
dans notre vie quotidienne.

Et ce n'est pas fini.

A côté de notre monde classique,
il y a le monde de la mécanique quantique.

C'est le monde des atomes, des molécules
et des très petites particules.

Ici aussi, on a une équation toute simple.

Le symbole grec la rend un peu obscure

mais sinon, elle est plutôt courte.

Cette équation devrait
vous impressionner :

c'est l'équation de Schrödinger
et elle décrit toute la chimie.

Dans un certain sens, nos corps sont
des énormes usines chimiques

où tous les atomes sont tenus ensemble
par la colle de la mécanique quantique.

Nous devons notre existence
à la mécanique quantique.

Avec cette troisième équation, je risque
de perdre une autre moitié du public,

vous pourriez penser :

« Ces petites particules
ne m'intéressent guère »,

ou : « Je n'ai jamais compris
les équations. »

Je préfère l'échelle humaine.

J'aime bien ressentir les choses,
les entendre et même les toucher.

Dans ce cas, ma présentation
vous est dédiée

car je ne vais pas vous montrer
plus de formules.

Je vais toutefois vous montrer
des objets quantiques

que l'on peut réellement voir,

entendre et toucher.

Allons-y !

Tout a commencé il y a quelques minutes,

juste avant que je monte sur scène,

cette mécanique quantique décrit très bien
et très précisément

le monde des atomes et des molécules.

Et à une échelle plus grande,
cela commence dès notre unité,

la cellule biologique,
elle ne fonctionne plus.

Le biologiste considère la cellule

comme l'unité fondamentale
pour construire la biologie.

C'est une simplification énorme

car elle ignore totalement
la mécanique quantique.

Mais c'est le mieux que
nous puissions faire actuellement.

Des objets plus grands,
comme nos cheveux,

la chose la plus petite
que l'on peut voir à l'œil nu,

ou nous, c'est typique.

Mais on peut décrire
avec précision les petits objets.

Et ceux qui ont avancé cette théorie,

la théorie quantique,

ont sans aucun doute contribué
à la plus grande avancée intellectuelle

de l'humanité.

Voici une photo avec au premier rang,

très en évidence, Albert Einstein.

On le reconnaît aisément au centre.

À sa droite, la gauche pour nous,
Hendrik Lorentz, notre héros hollandais.

À côté de lui, Madame Curie.

La plupart de ces personnalités
sur cette photo

ont reçu un Prix Nobel pour leurs œuvres.

Une personne a même reçu deux Prix Nobel.

Il s'agit de la seule femme sur la photo,
Madame Curie.

Apparemment, l'adage serait donc vrai :

les femmes devraient faire tout deux fois
mieux pour devenir un membre du club.

(Rires)

Elle a assuré !

(Applaudissements)

C'était il y a 100 ans ;
quoi de neuf depuis lors ?

Les génies d'aujourd'hui
ressemblent à ceci.

Ce sont les gens brillants
qui forment notre équipe à TU Delft.

À nouveau, ils sont à la lisière
d'une nouvelle ère quantique.

Nous n'étudions plus les atomes
et les molécules créés par la nature.

En fait, nous concevons et créons,

aux moyens de techniques
de fabrication avancées,

des nouveaux objets, plus gros,

mais qui montrent encore les comportements
absurdes de la mécanique quantique.

Qu'est-ce qui est absurde
dans la mécanique quantique ?

Pourquoi ces trucs quantiques
nous excitent-ils tant ?

Je vais vous donner deux exemples
d'absurdité quantique.

Le premier est la superposition quantique.

Prenons une particule,
un électron par exemple,

et mettons la
dans une structure en anneau

où la particule peut sortir
de la structure par le haut

ou par le bas.

En mécanique quantique,

l'électron naviguera sur les deux axes
simultanément, en même temps,

il sera dans le couloir du haut
et dans le couloir du bas

en même temps.

On le sait car nous suivons la particule

et on constate qu'à la sortie de l'anneau,
elle se télescope avec elle-même,

elle rebondit dans elle-même.

On observe cela en tant qu'interférence.

Une telle superposition d'états
présente à deux localisations distinctes

simultanément

a été dûment vérifiée
par des tas d'expériences.

La superposition quantique.

L'exemple suivant est l'intrication.

On va y aller doucement.

Prenons disons, une particule rouge
et une particule blanche.

Des couleurs classiques.

À l'étape suivante, on les met ensemble

et on les fait interagir un peu.

On les rapproche très fort
pour qu'elles se touchent.

En vertu de cette interaction,
elles s'enchevêtrent.

Elles adoptent mutuellement
les propriétés de l'autre.

En termes de couleurs,
elles deviennent blanche-rougeâtres.

Jusque là, ça va.

C'est quand on les prend,
qu'on les enchevêtre

et qu'on les sépare
que ça devient curieux.

Bien qu'on les sépare,
elles restent enchevêtrées, intriquées.

Elles conservent, c'est sur votre gauche,

certaines propriétés de l'autre particule,

ce qui peut se passer
sur de très longues distances,

jusqu'à celle de l'univers, en principe.

C'est cela l'intrication
sur de longues distances :

des particules qui conservent
mutuellement les propriétés de l'autre.

Que faire ?

Comment mesurer ça ?

Le problème est qu'en mesurant,

avec par exemple un équipement
de mesure chromatographique classique,

comme l'équipement est classique,

il ne donne que des réponses classiques.

Il nous dira, rouge ou blanc.

Alors, si on veut savoir quelle est
la couleur de la particule de gauche,

et qu'on la mesure, l'équipement
va nous indiquer : « rouge ».

Vous avez dû remarquer
que la particule de droite

est devenue blanche à ce moment précis.

On va re-vérifier.

Je mesure la particule de gauche

et celle sur la droite devient blanche
immédiatement.

C'est parce que la couleur est
une quantité conservée dans l'univers.

Dès lors, si un objet devient
complètement rouge,

un autre objet qui était intriqué
avec le premier

devient complètement blanc.

Et cette action a lieu instantanément,
quelle que soit la distance,

souvenez-vous,
cela peut être la taille de l'univers,

quelle que soit la distance entre
ces particules.

Autrement dit,

l'acte de mesurer la couleur
de la particule de gauche

change instantanément la couleur
de l'autre particule, éloignée.

Je suis ici et je fais quelque chose,

mais en même temps,
je change quelque chose ailleurs

sans qu'aucun signal ne voyage
pour communiquer sur l'action prise.

Il n'y a rien entre les deux.

C'est plus rapide que
la vitesse de la lumière.

C'est une des prédictions
de la théorie quantique.

Et un type, Einstein en fait, a dit :

(Rires)

« Ça doit être une erreur.

Une théorie qui prédit
une action bizarre à distance -

faire une chose ici
et changer autre chose là -

voilà une prédiction qui me fait dire
que la théorie est erronée. »

Il ne dit pas que c'est possible,
il dit que la théorie est erronée.

Heureusement,
il y a d'autres héros en physique,

le physicien théorique
Richard Feynman notamment

qui a proposé :
« Ne nous embarrassons pas

des conséquences philosophiques
de notre théorie.

Calculons et regardons
ce qu'il se passe. »

Aux Polytechniques de Delft,

on forme les ingénieurs,
des gens comme moi en fait.

Notre approche est que
si on nous pose des défis,

ont les relève.

Alors, que faisons-nous ?

On prend ces deux particules,
on les éloigne

et on rend les choses
un peu plus complexes :

on ajoute une troisième particule,
une verte.

On la pose à proximité de la particule
de gauche pour les faire interagir.

Je vais les faire interagir

mais observez bien le graphique.

Vous constaterez qu'au même instant,

alors que les deux particules
interagissent et partagent leurs couleurs

celle de droite,

qui reste intriquée avec l'autre,

devient un peu verdâtre.

Ensuite, on vérifie les couleurs :

« Particule de gauche !

Je vais mesurer ta couleur » et du coup,
elles deviennent blanc-rougeâtre.

Simultanément, celle sur la droite
devient verte.

Regardez ce que j'ai fait.

Recommençons.

Je prends une particule verte,
et elle entre en intrication avec l'autre.

Elles s'intriquent aussi
avec celle à droite.

Je clique une nouvelle fois

et la particule de droite est verte.

J'ai téléporté la particule verte

de l'univers à gauche
à l'univers à droite,

sur une longue distance
et de manière instantanée.

Nous caractérisons cette téléportation

d'absurde, d'étrange ou de très bizarre.

Mais c'est possible et on l'a fait.

On fait cela en labo.

On l'a fait tant de fois

qu'on a créé une installation
destinée à résister à nos étudiants.

Et si ça résiste à nos étudiants,

vous pouvez me croire : c'est robuste.

(Rires)

Alors, que fabriquons-nous ?

Norte but est de fabriquer des choses
qu'on peut vraiment utiliser

pour en faire quelque chose.

D'abord, un exemple simple d'une ampoule.

C'est un câble et quand on envoie
un courant dedans

ou quand il excité par la lumière,

il devient luminescent
et laisse paraître un peu de sa lumière.

Dans ce cas-là, le câble est très court ;

quelques nanomètres de diamètre
et maximum un micron de longueur.

La flèche rouge indique l'endroit

où nous excitons le système
avec une lumière laser.

Nous pouvons voir ce qui sort du câble.

Quand on fait cela, on voit

un peu de lumière qui sort du câble, non ?

Le point lumineux.

Ce point lumineux a ceci de particulier

que quand on l'analyse
avec un bon détecteur,

la lumière sort comme un flux
de particules individuelles, une par une.

Ce n'est plus un rayon de lumière,
c'est vraiment granulaire :

une particule sort et puis une autre, etc.

Ce sont les photons que nous utilisons
dans les expériences

de téléportation des couleurs.

Voici un autre exemple,
une autre sorte de -

Pour ceux et celles qui sont plus auditifs
que visuels, voici une corde.

Avec toutes nos cordes,
guitare et violon entre autres,

le fait d'appliquer
une petite pression sur la corde

fait monter la tonalité musicale
dans les fréquences.

Le son devient aigu.

On a donc pris un câble très fin,

un nanotube avec un diamètre
de un nanomètre,

on l'a suspendu au-dessus d'un sillon,

on l'a attaché fermement
sur deux points de contact

et on a excité le nanotube
avec une pulsion électrique.

Il a commencé à vibrer
et on a entendu sa tonalité.

Cette vibration précise est spéciale

car c'est si petit
que c'est aussi très sensible.

En ajoutant un seul électron,
un quantum de charge électrique

à ce nanotube,

la tension du tube augmente un peu

et cela cause une variation de tonalité.

Écoutez le son des électrons.

(Son descendant vers les graves)

(Fin du son)

La composition pourrait être plus élaborée

mais le changement de tonalité,

en passant d'un niveau au suivant,

ce changement est induit
par un seul électron à la fois.

Vous entendez...

Écoutons ça à nouveau.

On entend des quanta
individuels d'électrons.

(Son descendant vers les graves)

C'est arrivé à nos oreilles.

C'est devenu audible.

L'exemple le plus récent
que je souhaite vous montrer

provient du labo de mon collègue,
Leonardo DiCarlo.

Et en fait, je dois faire
quelque chose pour ça.

Le labo DiCarlo a fabriqué une boîte.

La voici en haut à droite de l'écran.

Il y a quelques connecteurs coaxiaux.

Si je mets mes gants,
je pourrais vraiment toucher la boîte.

Bien.

Cette boîte est assez grande.

Je peux la tenir en main.

Dans notre groupe, on fabrique
des petits éléments électroniques,

si petits qu'ils peuvent traiter
les informations

d'une façon complètement différente.

Les bits de zéros et de uns sont remplacés

par des superpositions de bits,

une superposition
de zéros et de uns en même temps.

Et cela doit être posé
sur un circuit électronique.

Le labo Leo DiCarlo
a fabriqué trois qbit –

je vais zoomer dans un instant

mais voici la boîte avec les trois qbit -

et ces trois qbits peuvent être mis
en superposition

ou être intriqués ensemble
de n’importe quelle façon arbitraire.

Regardons si l'on peut voir
les qbits avec la caméra.

Je devrais pouvoir zoomer davantage.

Vous pouvez imaginer les dimensions
du systèmes par rapport à mon doigt.

J’espère que vous pouvez distinguer

trois points noirs
sur ce plateau en quartz.

Ces trois points noirs

sont espacés d’un cm entre eux.

Ces qbits sont donc
en superposition quantique

et nous pouvons intriquer
d’autres qbit avec eux.

Voici une puce d’un centimètre,

La distance entre les qbits
est aussi d’un centimètre.

Nous pouvons donc produire
cette absurdité quantique sur cette puce

à une échelle visible.

Bien, maintenant, vous avez pu voir.

Ceci fonctionne naturellement

si la fabrication est extrêmement précise
dans les moindres détails

à l’échelle nanométrique.

Les objets à l’échelle du centimètre
peuvent donc se comporter

selon la mécanique quantique

à condition de les concevoir
de manière très précise

à l’échelle nanométrique.

C’est la photo que vous voyez.

Je vais essayer de dézoomer un peu.

Qu’essayons-nous d’accomplir ?

Nous voulons créer des systèmes
de mécanique quantique

et exploiter la richesse
des systèmes quantiques,

comme les possibilités offertes
par la superposition

et la téléportation
sur de longues distances,

dans la technologie.

Pouvons-nous envisager des applications

plus efficaces que celles d’aujourd’hui ?

En particulier,

de par le fait que nous sommes
dans l’information quantique,

nous voulons étendre le niveau quantique
de l’atome au transistor.

C’est déjà le cas et les résultats
sont prometteurs.

Mais nous voulons élever
le niveau de complexité

à un circuit électronique entier
qui se comportera quantiquement.

Le gain d’efficacité est incroyable.

Cela rendrait nos gadgets
beaucoup plus rapides aussi.

Il y a à peine quelques années,
les gens dans notre domaine affirmaient

que cela n'était pas possible,

qu'il était intrinsèquement impossible
à la mécanique quantique

d'exister à une échelle plus grande
en termes de dimensions et de complexité.

Mais le progrès des dernières années,

me permet d'affirmer,

et c'est la première fois
que je le fais en public,

que cette époque va survenir.

Oui, nous serons capable de créer
des circuits quantiques

et les ordinateurs quantiques
arriveront d'ici une dizaine d'années.

Permettez-moi de conclure avec un message.

Je vous ai présenté quelques équations
dont des équations de mécanique quantique.

Et cela m'a amené à vous expliquer
il y a quelques minutes

que si la quantique était limitée
aux très petits objets,

à partir de maintenant,
elle arrive à l'échelle humaine :

on peut la voir, l'entendre et la toucher.

Merci beaucoup
et passez une bonne journée.

(Applaudissements)