Bien. (Polonais) Mesdames et messieurs,
(Rires)
C'est injuste.
(Rires)
Vous êtes nombreux à être Polonais
et à parler le polonais donc,
mais on doit parler en anglais.
Alors, j'essaie de rétablir
un certain équilibre.
(Rires)
Je suis désolé
mais je vais devoir lire.
(Polonais) C'est un plaisir et privilège
d'être de retour à Cracovie.
(Applaudissements)
(Polonais) Évidemment, Cracovie est
une ville intelligente.
(Rires)
(Polonais) C'est la seule ville
où les supporters de football
ont des drapeaux de leurs équipes
écrits en latin !
(Rires)
(Applaudissements)
(Polonais) J'aimerais beaucoup
continuer en polonais
mais les organisateurs, semble-t-il,
pensent que les auditeurs de TED en ligne
partout dans le monde,
ne parlent pas votre langue.
(Rires)
(Polonais) Hélas, je vais devoir
me soumettre et parler anglais.
(Rires)
(Applaudissements)
Pour les anglophones présents
qui ne maîtrisent pas encore le polonais,
je disais que Cracovie est un des lieux
les plus intelligents sur terre,
le seul où les supporters de foot
écrivent en latin sur leurs drapeaux.
(Rires)
Vous souvenez-vous qu'on vous a demandé
au début de la séance
d'éteindre vos téléphones ?
Je souhaite vous raconter une histoire
à ce sujet.
Un jour, j'ai organisé un concert pour des
musiciens anglais spécialistes de Mozart.
Il y avait une délégation
d'invités polonais,
environ 100 convives,
dont Maria Kaczyńska.
Avant le concert, j'ai dit : « Écoutez,
il y a deux sortes de personnes.
Ceux qui éteignent leur téléphone
pendant un concert,
et tous les autres. » (Rires)
Tous le monde a éteint son portable.
Cela a amené un grand calme dans la salle.
Et brusquement : dring dring dring !
C'était Maria Kaczyńska.
Et - (Rires)
C'était une personne formidable.
J'ignore si vous l'avez déjà rencontrée.
Mais je sais que vous êtes nombreux
à connaître des passagers du vol Smolensk.
J'en connaissais 25.
Je regardais ça depuis le Royaume-Uni,
les cérémonies et tout le toutim,
et je pense, si vous me le permettez,
que les citoyens polonais ont accompli
des choses extraordinaires
dans des circonstances difficiles.
Bien.
Commençons par le début.
Le thème aujourd'hui est : « Texting the
Dragon », la modernité et la tradition.
C'est le sens de tout ça.
Revenons donc aux prémices.
Ésope.
Il est l'auteur des fables d'Ésope,
« Le renard et les raisins » entre autres.
Mais saviez-vous qu'Ésope
était un ambassadeur ?
Il a été envoyé à Delphe par le roi Crésus
pour rendre hommage au peuple de Delphe.
Il leur a remis des pièces d'or.
Mais le peuple de Delphe fut ingrat.
Ils ont pensé soit
qu'il trichait sur ses dépenses,
soit qu'il était chiche.
Alors, ils l'ont poussé d'une falaise.
(Rires)
En chute libre,
ils ont découvert une loi physique
extrêmement importante.
(Rires)
Pour ce malheureux Ésope,
la vitesse lui fut fatale.
Mais voici la formule qui explique
comment un objet qui tombe
atteint sa vitesse maximale.
Qu'est-ce que la diplomatie
et à quoi ai-je consacré ma vie ?
Remettre des messages.
Négocier.
Les deux sont des expressions du pouvoir.
Le pouvoir, qui l'a et qui ne l'a pas ?
Qui est en haut, qui est en bas ?
Comme nos amis à Moscou le disent :
« kto kovo » [qui l'emporte sur qui ?].
(Rires)
Cette dame,
la Reine Elisabeth d'Angleterre.
Paul Dzialynski, l'Ambassadeur de Pologne
venait d'arriver pour la voir,
envoyé par le roi de Pologne.
Tous les nobles étaient présents
et la Reine l'a accueilli en grande pompe.
Il a fait un discours
expliquant en substance que le roi
de Pologne n'était pas satisfait.
(Polonais) « Se plaindre »,
vous savez ? (Rires)
J'ai dit à une personne hier soir,
le polonais est la seule langue,
j'ai appris des rudiments en français,
allemand, espagnol, russe, latin,
et aussi de polonais,
de serbe et d'afrikaans,
mais le polonais est
la seule langue au monde
où le premier mot qu'on apprend
est : « se plaindre ».
(Rires)
(Applaudissements)
Bref, il représente son pays
et se plaint :
« Le roi de Pologne n'est pas
très satisfait, Majesté,
car vous vous battez avec le roi d'Espagne
et cela perturbe les échanges
avec la Pologne. »
Mais la reine Elisabeth
avait le cuir plutôt épais.
Elle a offert la réponse la plus célèbre
faite par un monarque anglais en latin.
C'est impossible de lire ça
mais voici l'essence :
« Combien ai-je été trompée !
Je m'attendais à une mission diplomatique
mais vous m'apportez une dispute. »
(Rires)
« Jamais de ma vie, je ne me serais
attendue à une telle audace.
Je suis ébaudie devant tant d'impertinence
publique sans précédent. »
(Rires)
Elle a dit tout cela en latin
à l'ambassadeur.
Pas mal du tout. (Rires)
Les accidents de la route en diplomatie
existent donc.
Quel est l'objectif ?
Quelles lois physiques sont en jeu ?
Quand une voiture percute
un mur, elle s'arrête.
La voiture exerce une force contre le mur
et le mur exerce une force
contre la voiture.
Ça fait beaucoup de forces.
Certains connaissent
sans doute l'équation.
Qui la connaît ?
Ici, Oui ?
(Public) L'énergie cinétique.
Charles Crawford : l'énergie cinétique.
Qui l'ignorait ?
(Rires)
Il y a quelques menteurs dans la salle.
(Rires)
Voici l'équation de l'énergie cinétique.
J'ai besoin de mon laser.
L'énergie cinétique de tout objet
égale la moitié de sa masse
multipliée par le carré de sa vitesse.
La moitié de sa masse multipliée
par le carré de sa vitesse.
Avec une bombe,
un demi-kilo, qui voyage vite.
La moitié de cela représente
250 000 joules d'énergie.
Doublez la masse,
doublez l'énergie.
Augmentez la vitesse par un facteur quatre
pour une même masse.
On multiplie l'énergie par un facteur 16.
La vitesse fait la différence.
Plus de vitesse fait plus de différence
que la masse
en termes d'impact.
C'est pour cela qu'au bowling,
si on fait rouler la boule
vers les dix quilles,
en la faisant rouler, on éjecte
toutes les quilles.
Mais si on lance la boule,
elle traverse les quilles.
Plus petite, moins lourde
et plus de vitesse.
L'histoire nous offre beaucoup
d'exemples de vitesse.
Agincourt : des flèches anglaises
petites et rapides
contre des chevaliers français
gros et lourds.
(Rires)
C'est un exemple merveilleux
de la vitesse.
Le roi Sobieski,
avec une troupe de cavalerie,
a attaqué toute l'armée turque.
Très rapide. L'Europe est sauvée.
Il a inventé le croissant,
quelle bonne nouvelle !
(Rires)
(Rires)
(Applaudissements)
(Rires)
Pendant longtemps, 200 ans environ,
depuis l'invention des machines,
on a pensé que
plus c'était gros mieux c'était.
Que se passe-t-il ?
« L'ère de la masse et des masses ».
Le mot même de masses,
en anglais du moins,
transmet l'idée.
Vous souvenez-vous de « Metropolis » ?
Qui a vu ce film ?
Tout le monde.
Ce type, juste au cas où, qui fait ça
pour maintenir la machine en exploitation.
Ce sont les masses, qui entament
et terminent leur rotation.
« Production de masse »,
« réunions de masse »,
« Participation en masse »,
tout cela sonne pas mal.
Même « mouvements de masse »,
sonne plutôt bien.
Par contre, un peu de « masse » ici
paraît moins bon.
[Armes de destruction massive]
« Plus c'est gros, mieux c'est ».
Des grosses machines, des grosses
entreprises dans le pétrole ou pharmacie.
Planification centrale
et grand gouvernement.
C'est notre lot aujourd'hui :
de grands gouvernements.
La révolution russe a inventé
un mouvement vraiment grand.
Et qu'est-il arrivé à cette idée ?
Qui a déjà entendu parler de
« la consommation de la plus-value » ?
La théorie marxiste de la plus-value,
comment les capitalistes la consomme.
Voici à quoi elle ressemblait
à 300 km d'ici,
il y a 80 à 90 ans.
Du cannibalisme en Ukraine.
Causé par le communisme.
Voilà la forme de la consommation
de la plus-value sous le communisme.
Allons-y : le dessin animé le plus célèbre
de l'histoire anglaise, sans doute.
Pouvez-vous lire ça ?
« La lie de l'humanité, » a dit Hitler.
« Les assassins sanguinaires
des ouvriers » a répliqué Staline.
Et voici la Pologne.
Ce qui a mené à ceci.
Le principe que nous devons collaborer,
à grande échelle.
Et actuellement,
aux États-Unis, ça mène à ça :
une réaction anti grand gouvernement.
« Vous gaspillez mon avenir. »
« Vous n'avez pas droit à mes revenus. »
Ce sont des messages profonds
sur notre attitude
vis-à-vis du passé et de l'avenir.
Certains orateurs l'ont évoqué,
ils ont parlé de notre héritage agricole
et environnemental.
Eh bien, ce n'est pas une bonne idée
de détruire notre environnement
et de ne rien laisser à nos enfants
et petits-enfants.
Et ce n'est pas une bonne idée
d'emprunter de l'argent
de nos arrière-petits-enfants,
qui ne sont pas encore nés
pour payer notre consommation actuelle.
C'est très compliqué.
Pardon, j'ai sauté un transparent.
Quelle est l'énergie cinétique
de la politique étrangère ?
Un mouvement léger, rapide et ciblé
ou un mouvement lent et lourd ?
Savez-vous qui est la baronne Ashton ?
[L'Europe a besoin
d'un service d'action extérieure
pour construire une politique
étrangère plus forte]
Il y a tant à redire.
Je ne suis pas anti-européen.
En tant qu'Européen,
je souhaite voir l'Europe être efficace.
Mais il y a tant à redire
à cette affirmation.
« Une politique étrangère plus forte » :
ça veut dire quoi ?
Ça veut dire qu'on n'en a pas maintenant.
Pourquoi ne pas affirmer vouloir
construire une politique étrangère forte ?
« Je veux en construire une plus forte. »
Plus forte que quoi ?
C'est étrange de dire cela.
Qu'est-ce qui est « fort » ? Imaginons
vouloir une politique étrangère forte.
Comment savoir si c'est le cas ?
(Rires)
Voici une vision de la force.
Et ces états, d'une autre
manière, sont forts
et ont l'attitude qui va avec.
Des pays individualistes.
Des pays qui ne deviennent pas fort
en s'associant avec leurs voisins.
Ils deviennent fort en affirmant :
« On sait qui on est.
Pas besoin de s'associer pour être fort.
On est fort parce qu'on est fort. »
Regardez ces scarabées taureau.
Très forts et très petits.
Il y a des raisons physiques
pour lesquelles en grandissant,
la force se transforme dans nos corps.
Des raisons de la physique.
On peut être fort en étant très bon
à être très petit.
Voici des exemples d'endroits
de politique étrangères
qui, de manières différentes,
s'épanouissent de part leur petite taille.
Le Montenegro à Wembley, pas mal du tout.
Le Vatican, aussi grand que Google
ou General Motors.
Le Vatican, c'est Google.
Petite base mais de nombreux fans.
(Rires)
Les états insulaires dans le débat
sur le changement climatique.
Ils sont très bons
pour faire valoir leur opinion.
Les pirates et les chefs militaires.
Très petits, très agiles, grande vélocité.
On peut être fort
rien qu'en disant : « non ».
« Nous ne voulons pas
faire ce que vous demandez.
Peu importe ce que vous faites.
Cassez-vous ! »
L'Iran et la Corée du Nord.
« Aucun intérêt. Merci et au revoir. »
(Rires)
En Europe, la Grèce et son débat
au sujet de l'appellation de la Macédoine,
une dispute étrange
qui dure depuis des années.
La Grèce refuse, un point c'est tout.
(Rires)
On peut être fort
en s'éloignant de l'action.
Pas besoin d'être dans l'action
pour être fort.
La Norvège est puissante et efficace
en matièrs de propositions
d'initiatives internationales
car elle ne fait partie de rien.
(Rires)
C'est vrai : elle est libre et riche.
Elle peut financer ce qu'elle veut.
C'est leur argent.
Si la Norvège faisait partie de l'UE,
elle ne serait plus libre
de dépenser son argent ainsi.
Un autre exemple : la Syrie.
Vous savez ce qu'est une tache ?
Une grosse tache ?
(Rires)
(Rires)
L'UE est forte car elle est grande
et elle est là.
Elle n'est pas forte
pour d'autres raisons.
C'et une forme de présence en-soi
de par sa presque immobilité.
C'est une forme de force.
Et ce n'est pas nécessairement mauvais.
Mais cela réduit la vélocité massivement.
Donc, on obtient un impact moindre.
Réduire la vitesse et augmenter la masse
est la pire combinaison possible.
L'EU se parle à elle-même.
Aux Nations-Unies, les ambassadeurs
se parlent beaucoup trop.
Ils ne parlent pas aux autres pays
dans le monde.
Des milliers de réunions de coordination
et la plupart sont une perte de temps
astronomique.
C'est une utilisation horriblement
mauvaise de l'argent du contribuable.
Voici le Conseil européen des relations
extérieures qui affirme
être un grand supporter de l'UE.
« Exhaustives, défensives et sans aucun
lien avec la vraie diplomatie. »
On est à 14 minutes 27, 28, 29...
il me reste donc trois minutes.
L'Union européenne accuse les autres
de l'échec retentissant sur le climat.
Regardez ce qui est arrivé.
On a eu le Sommet sur le changement
climatique à Copenhague.
Qu'est-il arrivé ?
Qui était présent
à la réunion de clôture ?
Le président Obama, le président de Chine,
l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Inde.
Est-ce tout ?
Nous n'étions même pas conviés
à nos propres réunions.
(Rires)
Et nous la financions en plus !
Sans lésiner, et je ne plaisante pas.
C'est une défaite extraordinaire.
C'est une défaite symbolique
de proportions cosmiques.
Et donc voilà :
un-zéro pour la vitesse contre la masse.
Ces gens ont fait un accord.
Ça ne dit pas grand chose.
Ils ont écrit un truc
sur un bout de papier :
« Merci. Voici l'accord ;
au revoir, on rentre à la maison. »
Et les Européens se demandaient
ce qui venaient d'arriver.
On a raté le bon moment. (Rires)
C'est le triomphe d'une agilité relative
contre les procédures.
Tout n'est pas à jeter dans la masse,
ne vous méprenez pas.
Quand on traite un problème
complexe à résoudre rapidement,
comme la sortie du communisme
de l'ancienne Union soviétique,
c'est compliqué.
Il convient d'établir un modèle
lent et robuste.
Donc, l'européanisation
et les valeurs européennes
imprègnent progressivement
la Biélorussie,
l'Ukraine et même la Russie.
Elles arrivent au CEI !
Mais c'est un progrès lent, très lent.
Impossible d'avancer vite.
La Géorgie :
vous savez quel fut le résultat ?
L'UE y était très active
mais le résultat net fut l'indépendance
de l'Abkhazie, en Ossétie du Sud-Alanie.
Une autre défaite.
La diplomatie européenne et l'UE
vont-elles survivre ?
La Pologne est un pays qui aime l'UE.
À raison.
Mais il y aura-t-il encore une UE
dans 50 millions d'années ? Non.
(Rires)
5 millions d'années ? Non.
50 000 ans peut-être ? Non.
5 000 ans ? Non.
500 ans ? Non plus.
50 ans ? Espérons-le. (Rires)
Peut-être existera-t-elle encore.
Dans 5 ans ?
[Probablement]
(Rires)
En fait, le système financier
européen est sur le fil.
Si la Grèce coule,
les banques françaises, allemandes,
espagnoles etc. coulent avec.
L'UE telle que nous la connaissons
pourrait ne plus exister dans une semaine.
C'est peu probable mais possible.
(Rires)
L'Âge des objets gros et lents
arrive à sa fin.
On entre dans l'Âge des objets
petits et agiles.
Pensez aux masses
et aux démonstrations de masse
à Nuremberg.
En fait, les gens étaient obligés
d'y être, d'une certaine manière.
C'est organisé quelque part.
Et je songe au rassemblement massif
pour cette conférence.
Les gens tissent leur réseau
très librement,
spontanément, agissant selon les propos
de Richard Lucas.
Une forme d'organisation massive
très différente,
basée sur la liberté.
C'est sur ça que nous devons miser.
On a besoin de la masse mais la vélocité
est un pari intelligent.
La diplomatie européenne ne peut pas
fonctionner sous sa forme actuelle.
Même dans la théorie,
ce n'est pas efficace.
Pourquoi ? C'est la loi de la physique.
Si je lâche ceci, il tombe au sol.
(Bruit d'impact)
On ne peut rien faire contre ça.
Mais je vais devoir acheter un nouveau.
(Rires)
C'est la loi de la physique.
C'est la réalité.
Ayn Rand dit qu'on peut fuir la réalité.
Mais on ne peut pas
en fuir les conséquences.
(Rires)
(Polonais) Merci beaucoup.
(Applaudissements)