Combien d'entre vous sont au courant
de l'incarcération des Nippo-Américains ?
Oh ! Merci et bonne soirée.
(Rires)
Vous êtes fantastiques.
J'ai été un prisonnier de guerre,
pendant la Seconde Guerre mondiale,
détenu par mon propre pays.
J'avais six ans.
Voici mon numéro de prisonnier :
125 -
12524.
Je porte la lettre « D ».
Ma famille avait le numéro 12524.
Ma famille et moi avons été incarcérés
pendant trois ans et demi,
à Poston, en Arizona,
pendant la Seconde Guerre mondiale.
Quand j'étais enseignant,
je demandais à mes étudiants,
parfois lors de
la première journée de cours :
« Dessine-moi un Américain.
D'accord ? Prends une feuille de papier,
et dessine un Américain pour moi.
D'accord ? »
Je me promenais ensuite dans la classe
en regardant les dessins,
parfois les dessins n'étaient que
des bonhommes allumettes,
pas vraiment mieux
que des enfants de maternelle.
Désolé, Marsha.
Marsha, mon épouse,
est une enseignante de maternelle.
(Rires)
Dessine-moi un Américain.
Avez-vous une idée en tête ?
Oui ?
Combien d'entre vous ont pensé
dessiner une femme ?
Merci.
La majorité des Américains
sont des femmes.
Qui dit que c'est un monde d'hommes ?
Les hommes !
Les femmes peuvent faire tout ce que
les hommes font, et même plus.
Combien d'entre vous ont pensé à dessiner
un grand gaillard blond aux yeux bleus ?
Hitler serait si fier de vous.
Pour beaucoup d'Américains,
le WASP est l'Américain typique.
Si vous n'êtes pas blanc,
anglo-saxon et protestant,
vous n'êtes pas vraiment américain.
Vous savez, je ne suis pas japonais.
Je n'ai jamais été japonais.
Je suis américain
de descendance japonaise.
Mon père était japonais, ma mère aussi,
mais moi, je ne suis pas japonais.
Quand je vais au Japon et que je parle,
ils rigolent et disent :
« On ne parle plus comme ça. »
Ils savent que je suis un « gaijin »,
un étranger.
Un jour, j'étais dans
un magasin de Londres
où j'ai eu une charmante conversation
avec la vendeuse
qui, à la fin, m'a dit :
« Oh, vous les Yanks ! »
Elle me regardait et voyait un Yankee.
Mais dans ce pays,
dans certaines parties de ce pays,
je suis un satané Jap.
Et je ne parle pas seulement du Sud.
Il y a des régions de l'Idaho, du Montana
ou du Dakota du Nord, entre autres,
où voyager est dangereux pour moi.
Le racisme est toujours
bien présent dans ce pays.
Après les attaques du 11 septembre,
contre les tours jumelles de New York,
il y a eu des discussions
concernant la possibilité
de rassembler tous les Arabes et Musulmans
américains de ce pays
et de les incarcérer
dans des camps de concentration.
Le président George W. Bush,
et c'est tout à son honneur,
a convoqué son cabinet ministériel
et a dit à tous les membres du cabinet :
« Il n'est pas question que l'on fasse
aux Arabes américains de ce pays
ce que nous avons fait
à Norm Mineta et sa famille. »
Ça a mis fin à toutes ces discussions sur
l'incarcération des Arabes et Musulmans.
Et nous lui en sommes reconnaissants.
Mais dites-moi,
pourquoi Norm et sa famille,
et 120 000 Japonais et Nippo-Américains -
les deux tiers d'entre eux
étaient citoyens américains,
des États de Washington, d'Oregon
ou de Californie -
pourquoi ont-ils été incarcérés
après l'attaque de Pearl Harbour ?
Eh bien,
Sandy Lydon, historien émérite et
instructeur au Collège Cabrillo, a dit
que les cultivateurs de fraises japonais
de Watsonville n'avaient rien à voir
avec l'attaque de Pearl Harbour.
Saviez-vous qu'il y avait 158 000 Japonais
et Nippo-Américains
qui vivaient sur le territoire de Hawaii -
qui n'était pas encore un État américain -
et qu'ils n'ont pas été incarcérés,
à l'exception d'environ 2 000 d'entre eux.
Ils étaient dans une zone de guerre.
En fait, ils avaient besoin des Japonais
et des Nippo-Américains à Hawaii
pour faire tourner l'économie d'Hawaii.
Ils représentaient la pluralité,
ils formaient 37% de la population
selon un recensement datant de 1940.
Leur Général Evman a dit :
« Il n'est pas nécessaire de faire ça.
Il n'y a aucun risque de sabotage. »
Et nous ? Situés à plus de 4 000 km
de la zone de guerre,
on nous a incarcérés.
Pourquoi ?
Pour expliquer, remontons dans le temps
de l'histoire des États-Unis.
La constitution des États-Unis
a légalisé l'esclavage.
Le gouvernement américain a endossé
et pratiqué le racisme.
La Loi sur la Naturalisation de 1790 :
les Asiatiques ne pouvaient pas obtenir
la citoyenneté américaine.
La nation Cherokee.
Vous connaissez la « Piste des Larmes » ?
Ils ont été expulsés de leurs maisons.
La décision Dred Scott,
il était esclave,
même dans un territoire libre.
Il y avait un sentiment anti-Irlandais
et anti-Catholique dans ce pays.
Il y avait des affiches imprimées :
« Irlandais : Nul Besoin de Postuler ».
La loi d'exclusion des Chinois de 1882.
Plessy contre Ferguson :
« Séparés, mais égaux ».
Comment le séparé peut-il être égal ?
A. Mitchell Palmer Raids, 1919-1920.
Les communistes, et les Juifs aussi,
déportés sans procès ;
on les a mis sur un bateau
et envoyés au loin.
La loi sur l'Immigration de 1924.
Les Japonais ne pouvaient alors
plus entrer dans le pays.
L'affaire Fred Korematsu.
Notre histoire est une histoire de racisme
et de discrimination,
aussi en matière d'immigration.
Au début du 20ème siècle,
on pouvait lire dans les journaux -
The Examiner, The Chronicle,
les journaux de McClatchy, eh oui,
le Sacramento Bee, Fresno Bee
et le Sentinel -
que la race japonaise était
une race étrangère,
qui ne pourrait jamais être assimilée
à la vie américaine ;
il n'y avait aucune valeur à trouver
dans la culture japonaise.
Aucune valeur.
Avez-vous déjà goûté aux sushis ?
(Rires)
Eh oui, les sushis,
c'est bon pour la santé.
Et que dire des bonsaïs ?
Et les arrangements floraux Ikebana ?
Et l'origami ?
« Lustrer, frotter » ?
(Rires)
Le karaté ?
Ah,
la culture japonaise est riche.
Et tant de gens apprécient et
participent à la culture japonaise.
Mais pour s'assurer que les Japonais
ne s'intègrent pas dans ce pays,
on a voté des lois.
Les Asiatiques ne pouvaient pas
être propriétaires,
ni épouser une personne blanche,
ni devenir citoyen des États-Unis.
Après l'attaque de Pearl Harbour,
le 7 décembre 1941.
John L. DeWitt,
le commandant de
la quatrième armée occidentale,
au presidio de San Francisco,
avait l'attention
du Président des États-Unis.
Il lui a dit :
« Un Jap, c'est un Jap.
Ça ne fait aucune différence
qu'il soit citoyen ou pas. »
J. Edgar Hoover a dit : « M. le Président,
il n'est pas nécessaire de faire ça ».
Francis Biddle, qui était
Procureur général à l'époque, a dit :
« M. le Président, je ne crois pas
que l'on puisse faire cela. »
Il n'y a pas eu...
de poursuites judiciaires intentées
en notre nom.
Le décret exécutif numéro 9066
a été décrété il y a 75 ans.
Vous savez, à l'échelle nationale,
un seul groupe nous a aidés :
les Quakers d'Amérique,
les Amis d'Amérique.
Ils ont été les seuls.
À l'échelle nationale, même l'ACLU
ne nous a pas supportés.
À l'échelle locale,
nous avions heureusement quelques amis.
L'avocat de la ville de Watsonville,
John McCarthy,
le chef de la police, Matt Graves,
les enseignants des écoles publiques,
et plusieurs autres nous ont aidés.
Vous savez -
la récompense ?
On les traitait « d'amoureux des Jap »
pour nous avoir supportés.
Leurs maisons et leurs voitures
ont été vandalisées.
Et pourtant, ils ont été parmi
les premiers à nous accueillir au retour.
Nous avons eu des amis très précieux.
En 1942,
nos maisons ont été fouillées,
sans mandat de perquisition.
Le FBI est entré dans nos maisons -
ils ont obtenu l'information
du Bureau du Recensement.
Le Bureau du Recensement
n'est pas censé faire cela.
On nous a piratés.
Il n'y a pas eu de procès,
sauf pour quatre personnes seulement.
Pour le reste d'entre nous,
il n'y a pas eu d'accusations,
pas d'avocats,
pas de processus judiciaire.
Et c'est ainsi que la Constitution
des États-Unis
a cessé de s'appliquer pour nous.
Il y avait dix camps principaux,
et à partir des camps,
nos hommes et femmes se sont portés
volontaires pour joindre l'armée.
Plusieurs des hommes ont joint
le 100ème/42ème régiment de combat,
l'unité la plus décorée de l'armée
pour son nombre et durée de service.
Mes deux frères ont joint le MIS -
le service d'intelligence militaire -
car ils savaient lire et écrire japonais.
Adolescents, ils sont allés à l'école
japonaise tous les jours, après l'école.
Ils se sont battus contre les Japonais.
On a utilisé la langue japonaise
comme une arme contre les Japonais.
Le MIS
est demeuré actif après la guerre,
et avec la restauration, l'occupation
et la restauration du Japon.
Leur service pendant la guerre a sauvé
tant de vies, américaines et japonaises.
On estime que leur implication a permis
de raccourcir la guerre de deux ans.
Le Congrès américain a officiellement
reconnu la contribution
du 100ème/42ème régiment et du MIS
avec la médaille d'or du Congrès.
Nous lui en sommes reconnaissants.
Notre expulsion forcée
était illégale.
N'est-ce pas ?
Non.
Non.
C'est légal.
Le gouvernement des États-Unis
peut expulser quiconque de son domicile,
en raison d'une « nécessité militaire ».
De nos jours, on n'utilise plus ce terme.
On dit plutôt pour des raisons
de « sécurité nationale ».
Le Congrès et le Président se sont excusés
pour ce que nous avons subi
pendant la guerre.
La Loi sur les Libertés Civiques
a été votée le 10 août 1988.
Nous avons reçu des excuses officielles.
Vous savez,
des 120 000 individus incarcérés,
le gouvernement s'attendait à ce que
60 000 d'entre eux soient décédés
et que 60 000 soient toujours vivants.
Nous les avons bien eus !
80 000 d'entre nous
étaient toujours en vie.
Vous voyez, les sushis,
c'est bon pour la santé !
(Rires)
Il n'y a qu'une seule race.
Et c'est la race humaine.
Il y a ceux qui souhaitent
qu'on nous classifie, vous savez,
« Vous êtes américain caucasien,
vous êtes un Asio-Américain,
vous êtes hispano-américain,
ou afro-américain. »
Il n'y a qu'une seule race.
Vous connaissez les chiens ?
On les appelle bergers allemands,
caniches français, ou chihuahuas.
Ils vont vers n'importe qui, non ?
Ils sont insensibles aux couleurs.
J'aimerais que les humains soient pareils.
(Soupir)
De nos jours, le gouvernement actuel
annonce constamment de nouveaux décrets,
de nouvelles lois
en matière d'immigration ;
ces politiques sont contraires
à l'esprit de l'Amérique.
Heureusement,
en ce moment,
nous avons des organismes comme
le Centre « Southern Poverty Law Center »
et l'Union des libertés civiques
d'Amérique.
Nous avons tant de groupes,
et tant d'individus,
qui supportent ce qu'est
l'Amérique véritable.
C'est quelque chose
qui n'existait pas en 1942.
Est-ce que ça se reproduira ?
Nous avons la mémoire courte.
Non, sans doute pas sous la pression
d'une nécessité de guerre, non.
Qui donc est la pire menace ?
Certains croient que ce sera
les journalistes et leurs « fake news ».
Ce n'est pas nécessairement
une personne ou un groupe,
ni même un groupe ethnique ou racial.
Ça peut être une profession.
Les jours de Walter Cronkite, conscience
de l'Amérique, sont derrière nous.
Maintenant nous avons l'Internet,
les animateurs de radio,
les commentateurs de télévision.
Je suis reconnaissant d'habiter ici,
dans le comté de Santa Cruz,
le deuxième plus libéral comté
de tout le pays.
Vous savez, si vous connaissez l'histoire
de la ville de Santa Cruz,
ça n'a pas toujours été le cas.
Eh oui, les minorités n'étaient pas
les bienvenues à Santa Cruz.
En grandissant, je ne suis venu
que rarement à Santa Cruz.
Mais tout cela a changé.
Comment ?
On doit remercier le Collège Cabrillo,
et l'Université de la Californie
à Santa Cruz.
L'intelligentsia est venue,
et ça a transformé tout le comté.
De nos jours, c'est le meilleur endroit
où vivre sur Terre !
Sans blague !
Gordin Hirabayashi.
Il était étudiant
à l'Université de Washington,
un Quaker.
Il a été arrêté,
condamné,
incarcéré.
Les procureurs ont menti aux juges.
Il a passé du temps en prison.
Ensuite, sa condamnation a été annulée.
Pas renversée, mais plutôt annulée.
Gordon Hirabayashi a dit :
« L'ascendance n'est pas un crime. »
De nos jours, on pourrait ajouter :
« l'Islam n'est pas un crime ».
Avec notre énergie renouvelée,
nous avons beaucoup de travail
à accomplir.
Vous connaissez,
ce type qui vivait à proximité
de Charlottesville, en Virginie,
dans un endroit appelé Monticello.
Thomas Jefferson,
« Une vigilance sans fin
est le prix de la liberté. »
Il nous appartient, à nous tous,
de travailler en paix, en harmonie,
et avec compassion,
pour éliminer la haine et l'intolérance.
Nous pouvons y arriver.
Merci.
(Applaudissements)