L'Université de Californie
Santa Barbara présente
Voix
Douglas Adams, créateur du
Guide du voyageur galactique
Les perroquets, l'univers et tout le reste
Merci beaucoup, mesdames et messieurs
C'est une expérience très intéressante,
inhabituelle et étrange pour moi
de parler dans ma ville natale. Qui est…
Bien, parmi les livres
que Constance a mentionnés
lorsqu'elle m'a présenté,
Le guide du voyageur galactique,
Un cheval dans la salle de bains, etc
Ceux-ci n'étaient pas mes préférés.
Et mon livre préféré
est ce dont je vais
vous parler ce soir.
C'est drôle comme, comme souvent…
Pour pratiquement
tous les auteurs que je connais,
leur livre préféré est
celui qui se vend le moins.
C'est un peu l'avorton de la portée,
c'est celui que vous
avez toujours préféré.
Et j'aimerais vous raconter
comment celui-ci est né.
À un moment durant
la moitié des années 1980,
le téléphone sonna.
Et la voix dit :
« Nous voudrions que
vous alliez à Madagascar.
Nous voudrions que vous y cherchiez
une espèce de lémurien très rare,
qui s'appelle Aye-aye.
L'avion décolle dans deux semaines,
nous souhaiterions que
vous soyez à bord. »
Et là, pensant qu'ils s'étaient
trompés de numéro, j'ai dit "oui !"
avant qu'ils réalisent leur erreur.
Mais il se trouve qu'ils avaient décidé
« Eh bien voilà quelqu'un qui
n'y connaît rien aux lémuriens,
rien à l'Aye-aye,
rien à Madagascar,
envoyons-le. »
Alors j'ai commencé à me renseigner,
et il se trouve que
c'est très intéressant.
Les lémuriens étaient autrefois
les primates dominants sur toute la terre.
C'étaient des créatures très
très douces et gentilles
Ils faisaient à peu près
la taille d'un chat,
et ils traînaient en haut des arbres
à profiter de la vie.
C'est alors que le Gondwana se sépara.
Ça sonne toujours comme si un groupe
de rock des années 70
se séparait pour divergences artistiques.
Mais comme vous vous
en rappelez sans doute,
le Gondwana était cette vaste
masse de terre continentale
qui consistait en
ce qui était alors devenu
l'Amérique du Sud, l'Afrique, l'Inde,
l'Asie du Sud-Est, l'Australasie
—euh, non—l'Australie,
l'Australie et non pas
— et ça sera important plus tard —
pas la Nouvelle Zélande
qui s'avère n'être qu'un tas de saletés
qui a émergé des
profondeurs de l'océan
Et comme je le disais,
Les lémuriens étaient les
primates dominants sur terre
et lorsque les continents se sont séparés,
et Madagascar en faisait partie,
Madagascar a
en quelque sorte dérivé
vers le milieu de ce qui devint
alors subitement l'Océan Indien.
Et prit avec elle
un échantillon représentatif
du cheptel de l'époque,
qui incluait nombre de lémuriens.
Et ils sont restés comme ça
pendant des millions
et des millions d'années
dans une isolation splendide.
Tandis que, dans le reste du monde,
une nouvelle créature fit surface.
Une nouvelle créature arriva,
bien plus intelligente que les lémuriens,
— du moins d'après elle —
bien plus compétitive,
bien plus agressive,
et incroyablement intéressée
par tout ce qu'on peut
faire avec des brindilles.
Les brindilles étaient
absolument merveilleuses.
On peut tant faire avec des brindilles,
on peut fouiller
le sol avec des brindilles,
on peut gratter sous l'écorce des arbres,
on peut se frapper l'un l'autre avec…
S'il y avait eu un
Brindille Hebdo à l'époque,
ces créatures auraient
fait la queue pour l'avoir.
Et ces créatures
— qu'on appelle singes comme
vous l'avez probablement deviné—
parce qu'elles étaient plus compétitives
et plus agressives,
et qu'elles vivaient dans
le même habitat que les lémuriens,
ont réussi à supplanter ceux-ci
partout dans le monde
en dehors de Madagascar.
Parce que Madagascar se trouvait
en plein milieu de l'Océan Indien
et qu'elles ne pouvaient pas y aller.
Du moins jusqu'il y a environ 1500 ans,
suite à de stupéfiantes avancées
des technologies à base de brindilles,
qui leur permirent d'y aller en bateau,
et par la suite en avion.
Et subitement les lémuriens,
qui ont disposé de cet endroit
pendant des millions et des
millions d'années,
faisaient subitement face à
leur vieil ennemi : le singe.
Donc, voilà Madagascar,
et il se trouve que le plus
rare des lémuriens
— et quand je dis le plus rare,
à ce moment précis des années 80
on pensait qu'ils étaient les plus rares;
on a depuis découvert un lémurien
encore plus rare appelé hapalémur doré
qui a pris la première place des
lémuriens en voie de disparition—
mais le Aye-aye est
un animal très singulier.
Il ressemble à un mélange
de différentes sortes d'animaux.
Par exemple, il a des espèces
d'oreilles de renard,
et a des dents un peu comme un lapin,
et a une queue qui ressemble
à une plume d'autruche,
et il a des yeux très bizarres,
en fait, il a les yeux de Marty Feldman.
Un peu comme s'il regardait
légèrement derrière vous
vers une autre dimension juste
au dessus de votre épaule gauche.
Mais il a également une caractéristique
très très particulière,
son majeur sur chaque main est
squelettique et très très long.
Et il se trouve qu'il n'y a
qu'un seul autre animal
dans le monde entier
qui présente ce trait.
Et on appelle celui-ci
—j'adore les zoologistes;
ils ont une imagination tellement vive—
on l'appelle triok à longs doigts.
Cette créature vit en Nouvelle Guinée,
mais c'est son annulaire qui est
squelettique et allongé.
Et c'est bien ce qui démontre
qu'il n'y a aucun lien entre ces animaux,
c'est de la pure
convergence évolutive,
parce que le facteur commun
entre Madagascar et l'aye-aye,
et la Nouvelle Guinée et
le triok à longs doigts
c'est que dans aucun de ces habitats
il n'y a de pic-vert.
Ce qu'il y a, voyez-vous,
— la vie est très très opportuniste,
et profitera de toute source de nourriture
qu'elle pourra trouver autour d'elle.
Et s'il n'y a pas de pic-vert
pour chercher des asticots
sour l'écorce des arbres,
dans ce cas, ce sera les mammifères
qui développeront
un doigt long et squelettique
pour gratter sous l'écorce des arbres
et accéder à cette source de nourriture
à savoir les asticots sous l'écorce.
Donc, l'aye-aye est une créature
très très étrange.
Et à ce moment là on pensait
qu'il n'en restait qu'une quinzaine.
Et ils ne vivaient pas sur Madagascar
à proprement parler,
mais sur une petite île
recouverte d'une forêt tropicale
juste au large de Madagascar,
appelée Nosy Mangabe,
sur la pointe Nord-Ouest de Madagascar.
Et pour y parvenir, vous devez
prendre un 747 jusqu'à Madagascar.
Puis un vieux coucou lamentable
de Madagascar jusqu'au port Nord-Ouest.
Et de là vous devez prendre une série
de moins en moins excellente
de charrettes et de camions etc,
jusqu'à un petit port où
devait nous attendre un bateau
qui devait nous emmener à Nosy Mangabe.
Nous voilà donc arrivés au port,
et nous cherchions le bateau
qui devait nous emmener à Nosy Mangabe,
et on n'arrivait pas à le trouver.
On demandait autour de nous
« Mais où est ce bateau ? »
et ils répondaient
« Il est juste là ! »
et on n'arrivait pas à voir ce
qu'ils montraient du doigt
parce que c'était masqué par
une énorme épave rouillée.
Comme vous l'avez deviné,
c'était l'énorme épave rouillée
avec laquelle nous devions
aller à Nosy Mangabe.
Et elle ne remplissait pas
ce que je pensais
être un critère de base pour un bateau,
en cela qu'elle était
en gros pleine d'océan.
Et pour moi la fonction
première d'un bateau
c'était de garder l'océan à l'extérieur.
Enfin bref, nous avons navigué
jusqu'à Nosy Mangabe.
C'est une île minuscule
et très très jolie,
recouverte par une forêt tropicale.
Et nous nous sommes heurtés
à un problème majeur
qui est qu'évidemment cet animal
vit non seulement dans les arbres
— nul ne l'avait vu
depuis bien des années —
mais en outre c'est
également un animal nocturne.
Et la qualité des batteries
à Madagascar laissait à désirer.
On a donc passé nuit après nuit,
errant à travers la forêt tropicale,
sous ce qu'on ne peut décrire
que comme la pluie.
De quoi devenir grincheux,
à passer nuit après nuit,
blottis sous des bâches,
priant pour que la pluie cesse.
Et de temps en temps
l'un de nous s'écriait
« Grr, quand va-t-on enfin trouver
ce satané animal ? »
En fait, c'est assez inouï,
nous avons trouvé cette hutte
qui devait être à un garde-chasse
— non, pas un garde-chasse—
un garde forestier.
C'était une hutte minuscule.
Et en fait elle était pleine
de vie sauvage.
Ce qui se produisait, voyez-vous,
c'est que vous ouvriez la porte,
et vous entendiez tout ce bruit…
et vous allumiez la lumière,
et ça s'arrêtait.
Et là vous voyiez des araignées
géantes partout sur le mur,
chacune avec un insecte
à demi-dévoré dans la bouche !
et là, « Oui ? »
Et vous éteigniez la lumière et…
C'était donc notre abri,
on s'est bien amusés.
Et par la suite…
Mais une nuit, une nuit,
nous étions tous, comme je le disais,
blottis sous nos bâches,
et je suis sorti faire un tour,
et subitement, subitement,
j'ai regardé en l'air, et sur une branche
à environ cette hauteur
au dessus de ma tête
une créature émergea.
Cette créature avança sur la branche,
m'a jeté un regard,
et je la regardais,
et alors qu'elle me contemplait
— elle n'a manifestement pas
du tout aimé ce qu'elle voyait —
elle a fait demi-tour et s'en est allée.
La rencontre dura une
dizaine de secondes en tout.
Et c'était ce pour quoi nous étions venus.
J'avais vraiment vu,
— on a tout juste réussi à en prendre
une photo quand elle est apparue —
mais j'ai subitement réalisé
que nous avions vu un aye-aye.
J'étais totalement
subjugué par cet instant,
pour des raisons que je ne
m'expliquais pas totalement.
Parce qu'un mois auparavant je n'avais pas
même entendu parler de cet animal
et me voilà, la fixant du regard,
pensant que quelque chose d'extraordinaire
était en train de se produire.
J'ai donc commencé à y réfléchir un peu,
et voilà ce qu'il en est ressorti.
En voyageant jusque là,
en prenant un 747 jusqu'à Tananarive,
la capitale de Madagascar,
puis ce vieux coucou lamentable
qui nous a menés jusqu'au coin Nord-Ouest,
puis cette série de
moins en moins excellente
de charrettes et de camions,
et enfin dans cet énorme épave rouillée
jusqu'à la forêt tropicale
où nous marchions
à travers la forêt nuit après nuit,
c'était comme si nous avions
fait une sorte de voyage temporel
en remontant le temps
à travers l'histoire des technologies
à base de brindilles.
Et ce qu'était cette rencontre,
ce que ça représentait, c'était que
j'étais un singe
qui regardait un lémurien.
Et quand on y pense,
il y a une très longue histoire
qui mène à ce moment, sans qu'on réalise
qu'on la porte en nous.
Nos racines sur cette planète
remontent à très très très longtemps,
et on a tendance à ne pas trop y penser.
Et il faut une confrontation de cet ordre
pour prendre conscience
de l'ampleur de notre famille.
Je me suis dit que
c'était tout à fait fascinant.
J'ai parlé au type
qui faisait office de guide,
un zoologiste qu'on avait envoyé
pour s'assurer que je
ne tomberais pas d'un arbre.
Il s'appelait Mark Carwardine,
et je lui ai dit,
« J'aimerais vraiment qu'on puisse…
que diriez-vous qu'on aille
de par le monde
à la recherche d'autres espèces rares
et menacées d'animaux,
peut-être pour en faire un livre ? »
Il répondit « Eh bien c'est mon métier ! »
« Donc oui, d'accord. »
Et c'est ce qu'on a fait.
Il y a eu une pause à ce moment là
parce que je venais d'être
signé pour quelques romans.
j'ai donc écrit Un cheval
dans la salle de bains
et Beau comme un aéroport,
et seulement après
ce fut le moment de partir.
Et le premier endroit où nous allâmes,
c'était pour un certain lézard,
à savoir le dragon de Komodo.
Bien, vous savez à quoi
ressemblent les lézards, n'est-ce pas ?
je veux dire, ils font environ…
Le dragon de Komodo est
un peu plus grand que ça.
Le plus gros que nous ayons vu
faisait près de quatre mètres de long,
sa tête arrivait à peu près ici
« un putain de bestiau »,
selon le terme technique.
On pense qu'ils sont à l'origine
du mythe chinois du dragon
— parce qu'ils sont, eh bien, d'énormes
lézards géants,
ils sont couverts d'écailles,
mangeurs d'hommes,
littéralement mangeurs d'hommes,
et s'ils ne crachent pas le
feu à proprement parler,
ils sont en revanche dotés de
la pire haleine connue de l'homme.
Et ils vivent sur une île nommée Komodo.
Comme si ça ne suffisait pas, il s'avère
que cette île comporte mille cinq cent
dragons mangeurs d'hommes
et qu'en réalité l'animal
le plus menacé de l'île
c'est tout sauf les dragons.
Et comme je l'ai dit
ils s'attaquent aux hommes.
Ils ne vous dévorent pas immédiatement,
ils ne se jettent pas sur
vous pour vous engloutir.
Ils se faufilent en douceur
et vous mordent un coup.
Mais comme leur salive est très virulente,
votre blessure ne guérira pas,
et après un moment vous mourrez.
Et donc un des dragons pourra vous manger
— peu importe que ça ne soit pas
celui qui vous a mordu—
ils se fient simplement à la stratégie
d'avoir autant de créature mortes
et mourantes autour de l'île
qu'ils peuvent et ça leur permet de vivre.
Comme si ça ne suffisait pas que l'île
comporte mille cinq cent
dragons mangeurs d'hommes,
pour rendre les choses
un peu plus intéressantes,
elle dispose également
de plus de serpents venimeux
— par mètre carré de terrain —
que n'importe quelle autre
surface équivalente sur terre.
Donc on a approché Komodo
— je dois bien le dire —
assez nerveusement,
et de manière légèrement détournée.
En fait on l'a approchée
de manière si détournée
qu'on est passés par
Melbourne en Australie.
Et la raison pour laquelle
nous sommes allés à Melbourne
était pour y rencontrer quelqu'un,
un certain Dr Struan Sutherland.
En fait je voudrais vous lire
un petit passage à son sujet,
c'était un expert renommé
en venin de serpent.
Je devrais d'abord
m'excuser avant de lire,
parce que mon accent australien
n'est pas très convainquant.
Mais après tout peu importe,
vous êtes tous américains et
vous ne ferez pas la moindre différence.
Il se trouve à Melbourne un homme
qui en connaît probablement
plus sur les serpents venimeux
que quiconque sur terre.
Il s'appelle Dr. Struan Sutherland,
et a dévoué sa vie entière
à l'étude du venin.
« Et j'en ai marre d'en parler »,
dit-il lorsque nous allâmes
le voir le matin suivant,
bardés de dictaphones et de calepins.
« Supporte plus toutes
ces créatures venimeuses,
tous ces serpents, insectes,
poissons et autres.
Fichues bestioles, qui
mordent tout ce qui bouge.
Et après les gens me
demandent quoi faire.
Voilà ce que je leur dis :
ne vous faites pas mordre.
C'est ça la réponse.
J'en ai marre de leur dire sans arrêt.
L'hydroponie, voilà
une chose intéressante.
J'vous parlerais autant
que vous voulez de l'hydroponie.
Fascinant, ce truc,
faire pousser artificiellement
des plantes dans de l'eau,
technique très intéressante.
Faudra qu'on sache tout là-dessus
si on va sur Mars et tout.
Vous allez où, déjà ? »
« Komodo. »
« Ben vous faites pas mordre,
c'est tout ce que je peux vous dire.
Et courez pas me voir si jamais,
parce que vous n'arriverez pas à temps,
et de toutes façons
j'ai déjà assez à faire.
Regardez-moi ce bureau,
rempli d'animaux venimeux
Voyez cet aquarium,
il est plein de fourmis de feu.
Saletés de créatures venimeuses,
qu'est-ce qu'on y peut ?
Enfin bref, j'ai des petites madeleines
si jamais vous avez faim.
Vous en voulez ?
Je me souviens plus ce que j'en ai fait.
Il y a bien du thé
mais il n'est pas très bon.
Mais bref, asseyez-vous, bon sang.
Donc, vous allez à Komodo.
Bon, je sais pas pourquoi
vous faites une chose pareille,
mais j'imagine que
vous avez vos raisons.
Il y a quinze types de serpents
différents sur Komodo,
dont la moitié sont venimeux.
Les seuls qui sont potentiellement mortels
sont la vipère de Russel,
la vipère bambou, et le cobra indien.
Le cobra indien est le quinzième
serpent le plus mortel du monde,
et les quatorze autres
sont tous ici en Australie.
C'est bien pour ça que j'ai un
mal fou à trouver du temps
pour avancer sur mon hydroponie,
avec tous ces serpents partout.
Et les araignées ! L'araignée la
plus venimeuse est l'atrax robustus,
on a environ cinq cent personnes par an
qui se font mordre,
Beaucoup mouraient,
alors j'ai du développer un antidote pour
qu'on arrête de me déranger tout le temps.
Pris un temps fou. Ensuite on a développé
un kit de détection
de morsures de serpents.
Non pas qu'il faille un kit pour savoir
que vous avez été mordu par un serpent
vous êtes généralement au courant,
mais le kit permet de savoir
quel type de serpent vous a mordu
pour vous traiter convenablement.
Voulez-vous voir un kit ? J'en ai
quelques uns dans le frigo à venin.
Voyons voir. Ah, voilà, les madeleines
sont là dedans aussi.
Vite, prenez-en tant
qu'elles sont fraîches.
Des madeleines, les ai faites moi-même. »
Il distribua les kits de
détection de venin de serpent
et ses madeleines maison,
et se réfugia derrière son bureau,
d'où il nous souriait joyeusement
derrière sa barbe bouclée
et son nœud papillon.
Nous admirâmes les kits constitués
de petites boîtes efficaces
proprement remplies de petites bouteilles,
une pipette, une seringue,
et un jeu d'instructions compliquées
que je ne voudrais pas avoir à lire
la première fois dans la panique.
Puis nous lui demandâmes par
combien de serpent il avait été mordu.
« Pas un seul », répondit-il.
« Une de mes autres spécialités
est de faire manier les animaux dangereux
par d'autres personnes.
Le ferais pas moi-même.
Veux pas être mordu, pas vrai ?
Vous savez ce qu'il y a écrit sur
la couverture de mon livre ?
'Passe-temps : jardiner, avec des gants;
pêcher, avec des bottes;
voyager, avec précaution.'
Voilà la réponse. Quoi d'autre ?
En plus des bottes, portez des
pantalons amples et épais.
Et préférablement marchez derrière
une douzaine de personnes
faisant autant de bruit que possible.
Les serpents ressentent les vibrations
et libèrent le passage.
Sauf si c'est une vipère de la mort,
qu'on appelle aussi sourde comme un mort,
qui reste là sans bouger.
On peut lui marcher par dessus
sans que rien ne se passe.
J'ai entendu parler de douze personnes
en file indienne qui marchèrent par dessus
et la douzième lui a marché dessus
accidentellement et s'est faite mordre.
C'est d'ordinaire assez sûr
d'être le douzième de la file.
Vous ne mangez pas vos madeleines.
Allez, avalez-moi ça,
il y en a plein d'autres
dans le frigo à venin. »
Nous demandâmes avec hésitation
si nous pouvions
emporter un kit de détection de morsure
de serpent avec nous sur Komodo.
« Sûr, vous pouvez,
prenez-en autant que vous voudrez.
Vous avancera pas plus, ils ne marchent
que pour les serpents australiens. »
« Alors que faire en cas de morsure par
animal mortel ? » demandai-je.
Il cligna des yeux
comme si j'étais stupide.
« Eh bien que croyez-vous
que vous ferez ? » dit-il.
« Vous mourrez, bien sûr.
C'est ce que mortel signifie. »
« Et si on coupe la plaie et aspire
le poison ? », demandai-je.
« Je n'aimerais pas être
à votre place », dit-il.
« Je ne voudrais pas
d'une rasade de poison.
Devrait pas vous faire de mal, ceci dit,
les toxines de serpent ont
une grande masse moléculaire
donc ils ne pénétreront pas
les veines de la bouche
comme l'alcool
ou certaines drogues.
Et ensuite le poison est détruit
par les acides de l'estomac.
Mais ça ne fera pas nécessairement
grand bien non plus.
Vous n'arriverez probablement
pas à extraire beaucoup de poison,
mais vous allez sûrement
endommager la plaie en essayant.
Et dans un endroit comme Komodo, vous
aurez vite une plaie gravement infectée
à gérer, en plus d'une jambe
pleine de poison.
Septicémie, gangrène
et consorts, ça vous tuera. »
« Et si on fait un garrot ? » demandai-je.
« Très bien, si ça ne vous embête
pas de perdre la jambe après.
C'est ce qui vous attend
parce que si vous bloquez
complètement l'afflux sanguin,
elle va nécroser.
Et si vous trouvez quelqu'un
dans cette partie de l'Indonésie
en qui vous avez assez confiance
pour vous couper la jambe
alors vous êtes plus courageux que moi.
Non, la seule chose
que vous pouvez faire,
c'est d'appliquer un bandage de
compression sur la plaie
et envelopper fermement la jambe,
mais pas trop.
Ralentissez l'afflux sanguin mais ne
le bloquez pas ou vous perdrez la jambe.
Tenez la jambe, ou la partie mordue,
plus basse que le cœur et la tête.
Restez totalement immobile,
respirez lentement,
et voyez un docteur immédiatement.
Si vous êtes sur Komodo
ça veut dire pas avant deux jours,
à ce point là vous serez raide mort.
Non, la seule réponse, et je dis
ça très sérieusement,
c'est : ne vous faites pas mordre.
Il n'y pas de raison que ça arrive.
Tous les serpents s'écarteront
de votre chemin
bien avant que vous les voyiez.
Vous n'avez pas à vous inquiéter des
serpents si vous faites attention.
Non, ce qui devrait vraiment vous
inquiéter ce sont les créatures marines. »
« Quoi ? »
« Rascasses, poissons-pierre,
serpents marins.
Bien plus venimeux que
tout ce qu'il y a sur terre.
Faites vous piquer par un poisson-pierre
et la douleur vous tuera à elle seule.
Certains se noient juste
pour arrêter la douleur. »
« Où sont toutes ces choses ? »
« Oh, seulement dans la mer. Des tonnes.
Je m'en approcherais pas si j'étais vous.
Pleine d'animaux venimeux. Les déteste. »
« Y a-t-il des choses que vous aimez ? »
« Oui », dit-il, « L'hydroponie. »
« Non », dis-je, « y a-t-il
des animaux venimeux
auxquels vous soyez
particulièrement attaché ? »
Il regarda à travers la fenêtre un moment.
« Autrefois », dit-il,
« mais elle m'a quitté. »
Enfin, l'animal que je préfère de tous
ceux que nous sommes allés voir,
mon préféré, était
un animal appelé kakapo.
Et le kakapo est un genre de perroquet.
Il vit en Nouvelle Zélande.
C'est un perroquet ratite,
il a oublié comment voler.
Malheureusement, il a également oublié
qu'il a oublié comment voler.
Donc un kakapo gravement inquiet pourrait
grimper à un arbre et en sauter.
On est partagé sur ce
qui se produit ensuite :
certains disent qu'il a développé un genre
d'aptitude rudimentaire au parachutisme,
d'autres disent qu'il vole
un peu comme une brique.
Mais en réalité
— je vous ai parlé d'un
kakapo gravement inquiet—
le fait est que vous aurez du mal à
trouver un kakapo gravement inquiet
parce que les kakapos n'ont
pas appris à s'inquiéter.
Cela semble une chose incroyable à dire
parce que nous sommes tous
très doués pour l'inquiétude
et que celle ci nous
vient très naturellement,
nous pensons que ce doit
être aussi naturel que de respirer.
Mais il s'avère que s'inquiéter
est tout simplement une habitude
qui s'acquiert comme tout autre chose.
Vous êtes disposé génétiquement
à le faire ou ne pas le faire.
Et comme le kakapo s'est développé
en Nouvelle Zélande
qui était, jusqu'à ce que l'homme arrive,
un pays qui n'avait aucun prédateur.
Et ce sont les prédateurs qui,
au fil des générations,
vous apprendront à vous inquiéter.
Et si vous n'avez pas de prédateur, alors
vous n'aurez pas besoin de vous inquiéter.
Comme je l'ai dit plus tôt,
la Nouvelle Zélande s'avère
n'être qu'un tas de saletés qui a
émergé des profondeurs de l'océan.
Et c'est pourquoi, lorsqu'elle a émergé,
aucune faune ne s'y trouvait
— peut-être quelques poissons morts.
Donc les seuls animaux qui
vivaient en Nouvelle Zélande
étaient les animaux qui ont pu voler
jusque là, à savoir les oiseaux.
Il y a également quelques
espèces de chauves-souris
qui sont des mammifères,
mais vous comprenez l'idée.
Donc seuls les oiseaux vivaient
en Nouvelle Zélande.
Et, en l'absence de prédateurs,
ils n'avaient pas à s'inquiéter.
Ce qui est assez compliqué
à imaginer pour nous
parce que nous n'avons jamais rencontré
d'environnement dépourvu de prédateurs.
Pourquoi pas ? Parce que nous sommes
des prédateurs
et qu'en conséquence,
si nous nous trouvons
dans cet environnement,
celui-ci contient des prédateurs.
Pour les européens qui arrivèrent
originellement en Nouvelle Zélande
… pardon, c'était maladroit de ma part.
Bien évidemment, il y avait
avant eux les Māoris
et encore avant les Morioris, les
Māoris ont mangé les Morioris
et ensuite les européens sont arrivés.
Mais avant que tout cela se produise,
comme je le disais,
l'île ne comportait aucun prédateur, et
les oiseaux menaient une vie tranquille.
Vous pouvez trouver un autre example
de cela si vous allez au Galapagos,
Il se trouve un autre type d'animal,
un type d'oiseau sur les îles Galapagos,
appelé fou à pieds bleus.
Et le fou à pieds bleus s'appelle ainsi
— je pense — pour deux raisons :
l'une qui a à voir
avec la couleur de ses pieds,
et l'autre qui concerne
le comportement suivant.
Parce qu'apparemment, vous pouvez
vous approcher d'un fou à pieds bleus
— installé là sur la plage
ou sur une branche —
vous pouvez vous approcher
et simplement le soulever.
Et ce que le fou pensera,
c'est qu'une fois que vous en
aurez fini avec lui vous le reposerez.
Et si vous n'avez pas vécu
avec des générations et des générations
de gens qui cherchent à vous manger,
on en vient très facilement
à cette conclusion.
Donc le kakapo, comme je le disais,
s'était développé dans un
environnement sans prédateur.
Et parce qu'ils étaient tous des oiseaux,
et parce que la nature
est très opportuniste,
et que la vie s'infiltrera dans le moindre
interstice où elle peut exister,
donc — si je peux être très osé et faire
de l'anthropomorphisme un instant —
c'est comme si les
oiseaux avaient réalisé,
« Bon, cette histoire de
vol est très coûteuse.
Ça prend beaucoup d'énergie,
on doit manger un peu, voler un peu
voler un peu, manger un peu,
parce qu'à chaque fois qu'on
mange un truc
on est plus lourds
et c'est plus fatiguant de voler,
il doit bien y avoir
d'autres façons de vivre. »
Et donc c'est comme si
certains oiseaux disaient,
« En fait, ce qu'on pourrait faire, c'est
prendre un plus gros repas,
et faire une dandinade après. »
Et donc graduellement sur des générations
nombre d'oiseaux ont
perdu la faculté de voler.
Ils ont embrassé la vie terrienne.
Le kiwi, —je suppose— l'oiseau le plus
célèbre de Nouvelle Zélande
et le weka, et le vieux perroquet nocturne
— comme on l'appelle — le kakapo.
Qui est cette espèce d'oiseau gros, gras,
doux, duveteux et lugubre.
Et parce qu'il n'a jamais
appris à s'inquiéter,
lorsque l'Homme est arrivé avec
sa ménagerie mortelle de
chiens, chats, et hermines,
et l'animal le plus destructeur de tous
— hormis l'Homme— à savoir rattus rattus,
le rat du navire,
Subitement, ces oiseaux se
dandinaient à toutes jambes.
À ceci près qu'ils ne savaient
même pas comment faire
parce qu'une fois confrontés
à un animal prédateur,
ils ignoraient quoi faire,
ils ne connaissaient pas le protocole,
ils attendaient simplement que
l'autre animal fasse le geste suivant,
et bien sûr — comme attendu —
celui-ci était rapide et mortel.
On est donc passé subitement
d'une population de
— on ne sait pas exactement combien —
vraisemblablement moins d'un million,
mais de centaines de
milliers de ces oiseaux,
leur population a chuté à un taux
incroyable vers la petite quarantaine.
Ce qui constitue grossièrement
la population actuelle.
Et donc il y a des groupes de personnes
qui ont voué leurs vies entières
à essayer de sauver ces animaux,
et de les conserver.
Et l'un des problèmes
qu'ils ont rencontrés
est que bien qu'il soit très bon
de simplement les protéger
—des prédateurs—
ce qui est très très difficile.
Mais le problème suivant
qu'ils ont rencontré
c'est les mœurs nuptiales du kakapo.
Parce qu'il s'avère
que ses mœurs nuptiales
n'en finissent incroyablement pas,
sont fantastiquement compliquées,
et quasi-complètement inefficaces.
Certains vous diraient
que l'appel du kakapo mâle
repousse activement le kakapo femelle,
ce qui est le genre de comportement
qu'on ne trouverait par ailleurs
que dans les discothèques.
Les personnes qui ont entendu
l'appel du kakapo mâle
vous diront qu'on ne peut
qu'à peine l'entendre
c'est comme une espèce de…
je vais vous dire ce qu'ils font.
Cet animal, durant
une centaine de nuit dans l'année,
va suivre son rituel nuptial.
Et ce qu'il fait, c'est de trouver
un grand affleurement rocailleux
dominant les grandes vallées
déferlantes de Nouvelle Zélande,
parce que l'acoustique est très
importante pour ce qui va se produire.
Il creuse une espèce
de bol dans lequel il se tient.
Et il se tient là,
et il remplit ces espèces de
sacs d'air qu'il a sur le torse.
Et il se tient là
— et ce sont des caisses de résonance —
et il se tient là, nuit après nuit
durant une centaine de nuit dans l'année,
pendant huit heures d'affilée,
il joue les premières mesures
de Dark Side of the Moon.
Je vois qu'il y a des
cheveux gris parmi vous
donc vous voyez de quel album je parle.
Qui, comme vous vous en
souvenez, commence par
cet espèce de grand boum, boum, boum,
c'est le son d'un battement de cœur.
Et c'est le bruit que fait le kakapo.
Mais le son est tellement grave
que vous le ressentez plus comme un
tremblement dans le creux de l'estomac.
Vous pouvez à peine l'entendre.
Je n'ai jamais pu l'entendre moi-même,
mais ceux qui l'ont pu,
disent que c'est un son très étrange
parce que vous ne l'entendez pas
vraiment, vous le ressentez plus.
Et c'est un son grave.
C'est un son très très grave de basse,
juste en dessous de notre
capacité à l'entendre
Il se trouve que les sons graves
ont deux caractéristiques importantes.
La première est que ces ondes très longues
ces ondes sonores très longues
traversent de grandes distances,
et remplissent les grandes vallées de
l'île méridionale de la Nouvelle Zélande.
Ce qui est une bonne chose.
C'est une bonne chose.
Mais l'autre caractéristique
des sons graves,
avec laquelle vous êtes
peut-être familiers,
si vous avez ces enceintes
stéréo qu'on peut trouver.
Vous avez deux tout petits haut-parleurs
qui vous donnent les aigus,
et vous devez les placer très
précautionneusement dans la pièce,
parce qu'ils vont définir
votre paysage stéréo.
Et puis vous avez celui connu
sous le nom de subwoofer
qui se charge des sons graves,
et vous pouvez le mettre
n'importe où dans la pièce.
Vous pouvez le mettre derrière
le canapé si vous voulez,
parce que l'autre caractéristique
des sons graves
— et rappelez vous qu'on parle ici
de l'appel du kakapo mâle —
c'est qu'on ne peut pas
déterminer sa provenance !
Imaginez donc,
le kakapo mâle qui se tient là,
faisant ce grondement qui,
s'il y a une femelle par là
—probablement pas—
et si elle aime ce grondement
—probablement pas—
alors elle ne peut même pas trouver
la personne qui le produit !
Mais en supposant qu'elle le soit,
en supposant qu'elle soit par là
—probablement pas—
et qu'elle aime son grondement
—probablement pas—
en supposant qu'elle le trouve
—probablement pas—
elle ne consentira à s'accoupler que
si le podocarpus porte des fruits !
Bon, on a tous eu des relations comme ça…
Mais en supposant qu'ils
traversent tous ces obstacles,
en supposant qu'elle
parvienne à le trouver,
elle ne pondra qu'un œuf
tous les deux ou trois ans
qui sera rapidement gobé
par une hermine ou un rat.
Et vous devez penser à ce stade
—avant même d'essayer de
les sauver et de les conserver—
comment diable sont-ils
parvenus à survivre jusqu'ici !
Et la réponse est
particulièrement intéressante :
cela nous paraît un comportement absurde,
mais c'est uniquement parce que
l'environnement a changé
d'une façon particulière et dramatique
qui nous est totalement imperceptible.
Et ce comportement est parfaitement
adapté à l'environnement
dans lequel il s'est développé,
et complètement inadapté à celui
dans lequel il se trouve maintenant.
Parce que dans un environnement
où rien n'essaye de vous tuer,
vous évitez de vous reproduire trop vite.
Et il se trouve qu'on peut le
simuler sur un ordinateur.
Si vous avez un taux de
reproduction donné,
et que vous prenez la capacité
de tout environnement
à subvenir aux besoins
d'une population donnée,
et que vous commencez par un taux
de reproduction assez faible,
et que vous le tracez
sur plusieurs générations
vous verrez que la population
grimpe de plus en plus
pour finir par se stabiliser
sur un joli plateau.
Augmentez un peu le taux de reproduction,
et elle grimpe un peu plus haut,
et puis elle se stabilise et s'équilibre.
Augmentez encore un peu
le taux de reproduction,
et elle grimpe, et va trop haut,
et redescend, et va trop bas,
regrimpe trop haut, et se stabilise
sur une onde sinusoïdale.
Augmentez encore, et elle oscillera
entre quatre valeurs différentes.
Augmentez encore et encore,
et vous atteindrez subitement la condition
terriblement chic nommée chaos.
Où la population de l'animal bascule
violemment d'une année sur l'autre,
et finira par atteindre zéro à un moment
rien que par les simples
mathématiques de la situation.
Et une fois que vous atteignez zéro,
il n'y a plus vraiment de retour possible.
Et donc, parce que la nature tend
à être très parcimonieuse
elle ne va pas mettre de
l'énergie et des ressources
sur quelque chose voué à disparaître.
Donc le taux de reproduction d'un animal
dans un environnement sans prédateur
s'ajustera à un niveau de
reproduction approprié.
Donc, s'il n'y a rien qui essaye
particulièrement de vous manger,
alors ce taux de reproduction
sera très bas.
Et c'est celui auquel le
kakapo se reproduisait,
et continue de se reproduire bien qu'il
soit désormais victime de prédateurs,
parce qu'il ne sait pas mieux faire.
Parce que rien ne lui a appris
à faire autrement jusque là,
parce que ce changement
s'est produit si soudainement,
qu'il n'y a pas de pente,
il n'y a pas de pente de
pression évolutive graduelle
ce qui est la chose qui tend
à apporter le changement.
Si vous avez un changement
dramatique et soudain,
alors il n'y a aucune orientation et
vous avez simplement un désastre.
Donc, si je peux encore verser dans
l'anthropomorphisme un moment,
ce qui semble s'être produit,
c'est que l'animal
qui atteint soudainement une
crise de population pense,
« Ouah ! Je ferais bien de faire
ce que je fais parfaitement bien,
faire ce qui est mon truc,
à savoir me reproduire
très très lentement ! »
Et sa population s'effondre.
« Bon, je ferais bien de
vraiment faire mon truc,
et me reproduire très très
très très lentement ! »
Et ça nous paraît absurde parce
qu'on peut voir plus loin qu'eux.
Mais si c'est le genre de comportement
qui vous a permis d'évoluer avec succès,
alors faire quoi que ce soit d'autre
irait à l'encontre de la nature du kakapo,
ce serait antikakapoesque.
Et il n'a rien pour lui enseigner de faire
autrement que ce qu'il a toujours fait,
de suivre sa stratégie fructueuse,
et parce que les temps
ont changé autour de lui,
ça n'est plus une stratégie fructueuse,
et l'animal est en grand danger.
Il y a un autre animal que
nous sommes allés trouver,
qui se trouve encore plus mal à présent.
Il s'agit du Baiji, le dauphin
du Yang-Tsé-Kiang,
qui est un dauphin fluvial
quasiment aveugle.
La raison pour laquelle
il est quasiment aveugle,
est qu'il n'y a rien à voir
dans le Yang-Tsé-Kiang.
Des milliers et des milliers
d'années d'agriculture
au long des berges du Yang-Tsé-Kiang
ont délavé dedans tant de boue et de vase,
que le fleuve est devenu
totalement turbide,
un mot dont j'ignorais le sens
avant d'avoir vu le Yang-Tsé-Kiang,
et en gros on ne peut rien voir dedans.
Donc ces animaux, ces dauphins,
ont graduellement abandonné
l'usage de la vue.
Comme nous le savons tous,
les mammifères marins disposent
également d'une autre faculté,
qu'ils peuvent développer,
à savoir celle du son.
Et donc pour le dauphin du Yang-Tsé-Kiang
au cours des millénaires,
tandis que leur vue se détériorait,
leur capacité au sonar est devenue
de plus en plus sophistiquée,
plus puissante et plus complexe.
Et c'est très intéressant, vous pouvez
réellement observer
le développement d'un fœtus de baiji,
et vous verrez — comme vous
le savez peut-être —
il y a une certaine validité dans l'idée
que le développement du fœtus
récapitule les étapes
dans le développement
évolutif d'un animal.
Et vous verrez, juste au début
du développement du fœtus,
que les yeux sont dans leur position
normale pour un dauphin,
à savoir assez bas sur
les côtés de la tête.
Et graduellement, alors que les
générations se sont succédées,
ses yeux ont en quelque sorte
migré vers le haut de la tête,
et vous pouvez observer cela
durant le développement du fœtus.
Parce que graduellement,
au fil des générations,
sa seule source de lumière
venait directement d'au dessus
et il n'y avait pas de
lumière ambiante, et enfin,
alors que cela aussi
finit par disparaître,
les yeux se sont atrophiés graduellement
en conséquence.
Et le sonar a pris le relai à la place.
Et ces animaux ont développé des
capacités incroyablement sensibles,
et incroyablement précise, pour se diriger
dans l'eau en utilisant
seulement le sonar.
Et tout se passait pour le mieux.
Jusqu'au vingtième siècle, quand l'Homme
invente le moteur diesel.
Et subitement c'est l'enfer
qui se déchaîne
sous la surface du Yang-Tsé-Kiang,
parce qu'il est subitement
rempli de bruit.
Et donc subitement, ces animaux se
retrouvent pris au piège
dans une chose qu'ils ne
— que personne n'avait
aucun moyen de prévoir —
que ce dont ils dépendaient désormais
était totalement anéanti
par la pollution sonore qu'on
a mis dans les océans.
Et subitement ces animaux
qui étaient si sophistiqués
dans leur capacités à se diriger,
se retrouvent à se cogner n'importe où,
contre les bateaux,
contre les hélices des bateaux,
à se retrouver emprisonnés
dans les filets de pêcheur etc.
parce qu'on a en gros ruiné
la dernière de leurs facultés.
Et c'est un sentiment très étrange,
je me souviens être assis sur un
bateau sur le Yang-Tsé-Kiang
essayant de regarder
— ce qu'on ne pouvait faire parce qu'il
est turbide comme vous vous en souvenez —
et réalisant que tout ce bruit
là dessous voulait dire que…
C'est très curieux de penser que
un dauphin aurait pu
se trouver là tout près
— je n'en savais rien, à ce stade là,
c'était il y a une dizaine d'années,
il n'en restait que deux cents
dans un bras d'eau d'environ
300 kilomètres de long,
on ignorait donc s'il s'en
trouvait un dans les parages—
mais c'est curieux parce que
vous vous dites que si vous
et une autre personne,
une autre créature, vous retrouvez
dans le même monde, alors vous
devez ressentir à peu près la même chose.
Mais l'une des choses
dont vous prenez conscience
en observant différents animaux c'est
qu'à cause de leur histoire évolutive,
et à cause des façons
dont ils se sont développés,
et des moyens qu'ils ont
de percevoir le monde,
ils ont beau habiter le même monde,
ils n'en vivent pas moins dans
un univers radicalement différent.
Un univers réellement différent,
parce que vous créez
votre propre univers à partir des données
sensorielles qui vous parviennent.
Donc, vous réalisez que vous êtes là,
et qu'un dauphin est là,
et que tout va bien pour vous, tandis que
le dauphin pourrait bien vivre l'enfer.
Mais il n'a aucun moyen
de vous le communiquer
parce que disons que
nous avons pris le contrôle
et il n'y a aucun moyen
de signifier à la direction
qu'il y'a un problème.
Donc, je me suis subitement intéressé
à l'environnement sonore
dans le Yang-Tsé-Kiang.
Il se trouve que nous étions venus
enregistrer des émissions pour la BBC,
et donc en plus du zoologiste
Mark Carwardine,
nous avions également avec nous
un ingénieur du son de la BBC.
Je lui ai donc dit,
« Pourrions-nous immerger
un micro dans le Yang-Tsé
pour voir ce qu'on y entend ? »
Et il a dit,
« J'aurais préféré que vous me demandiez
ça avant de quitter Londres. »
Et je lui ai dit « Pourquoi ? »
Et il a dit, « Eh bien,
j'aurais pu y prendre
un micro étanche mais bon,
vous n'avez pas parlé
d'enregistrer sous l'eau. »
Et j'ai dit, « Non, en effet. Peut-on
y faire quelque chose ? »
Et il a dit « Eh bien, il y a bien
une technique
qu'on nous enseigne à la BBC pour
enregistrer sous l'eau en cas d'urgence.
L'un de vous a-t-il des
préservatifs sur lui ? »
Nous n'en avions pas.
Ce n'était pas ce genre de voyage.
Mais nous avons décidé que
nous ferions bien d'en acheter.
Et nous voilà dans les rues de Shanghai,
tentant d'acheter des préservatifs,
et je voudrais vous lire
un passage à ce sujet.
Le Magasin de l'Amitié semblait un endroit
prometteur pour acheter des préservatifs,
mais nous eûmes certaines difficultés
à faire passer le message.
Nous passâmes d'un comptoir à l'autre
dans le grand magasin en espace ouvert,
constitué de divers stands individuels,
étals et comptoirs, mais nul
ne put nous aider.
Nous commençâmes par les étals qui
semblaient vendre
des fournitures médicales,
mais fîmes chou blanc.
Lorsque nous arrivâmes aux étals
qui vendaient des serre-livres
et des baguettes
nous sûmes que la quête était vaine,
mais au moins nous trouvâmes une jeune
assistante commerciale
qui parlait anglais. Nous tentâmes de lui
expliquer ce que nous voulions,
mais semblâmes atteindre les limites
de son vocabulaire assez rapidement.
Alors, je sortis mon calepin et dessinai
soigneusement un préservatif,
y compris le petit réservoir au bout.
Elle fronça les sourcils,
mais ne comprit toujours pas.
Elle nous apporta une cuiller en bois,
une bougie, une sorte de coupe-papier et,
assez étonnamment,
un petit modèle en porcelaine
de la Tour Eiffel
avant de s'effondrer
dans une posture de défaite.
Les autres filles de l'étal
s'approchèrent pour nous aider,
mais elles furent également
déroutées par notre dessin.
Enfin, je puisai le courage d'effectuer
un petit mime délicat,
et enfin ça a fait tilt.
« Ah ! », dit la première fille,
subitement tout sourire, « Ah oui ! »
Elles rayonnèrent toutes avec délice
alors qu'elles comprenaient.
« Vous comprenez ? » demandai-je.
« Oui ! Oui, je comprends. »
« En avez-vous ? »
« Non », dit-elle. « Pas avoir ».
« Oh. »
« Mais, mais, mais… »
« Oui ? »
« Je dis à vous où vous aller, OK ? »
« Merci, merci beaucoup. Oui. »
« Vous aller 616 Nanjing Road.
OK. Ils ont là.
Vous demander 'caoutchouteur'. OK ? »
« Caoutchouteur ? »
« Caoutchouteur. Vous demander.
Eux avoir. OK. Bonne journée. »
Elle ricana joyeusement,
la main couvrant sa bouche.
Nous les remerciâmes à nouveau,
abondamment, puis partîmes
dans de grands signes et
de grands sourires.
La nouvelle sembla s'être propagée
très rapidement au sein du magasin,
et tout le monde nous salua.
Ils semblaient vraiment contents
qu'on leur ait demandé.
Lorsque nous atteignîmes le 616 Nanjing
Road, qui s'avéra être
un autre grand magasin
et non un lupanar
comme on s'y attendait à moitié,
notre prononciation de 'caoutchouteur'
sembla nous faire défaut
et produire une autre vague
d'incompréhension déconcertée.
Cette fois je fis directement le mime
qui nous servit si bien précédemment,
et celui-ci sembla faire
l'affaire immédiatement.
L'assistante commerciale, une dame un peu
plus âgée à la chevelure austère,
marcha droit vers une armoire à tiroirs,
nous ramena une boîte et la posa
triomphalement sur le comptoir
devant nous.
Victoire, pensions-nous
en ouvrant la boîte
pour constater qu'elle contenait
une plaquette de pilules.
« Bonne idée », dit Mark dans un soupir.
« Mais mauvaise méthode. »
Nous pataugeâmes à nouveau rapidement
alors que nous tentions d'expliquer à la
dame désormais légèrement offensée
que ça n'était pas exactement
ce que nous cherchions.
À ce point là, une foule d'une quinzaine
de badauds s'était assemblée alentour,
dont certains, j'en étais convaincu,
nous avaient suivis depuis
le Magasin de l'Amitié.
L'une des chose que vous découvrez
rapidement en Chine,
c'est que nous y sommes tous au zoo.
Si vous restez sans bouger
pendant un moment,
les gens vont s'attrouper
et vous regarder fixement.
Ce qui est perturbant c'est qu'ils ne
vous fixent pas attentivement
ni avec curiosité, ils se tiennent
simplement là, souvent juste devant vous,
et vous observent avec le regard aussi
vide que si vous étiez une pub pour
de la nourriture pour chien.
Enfin, un jeune homme à la mine pâteuse
et portant des lunettes
se faufila à travers la foule et dit
qu'il parlait anglais en offrant son aide.
Nous le remerciâmes et lui dîmes que,
oui, nous voulions des préservatifs,
des caoutchouteurs, et que nous lui
serions reconnaissants de l'expliquer.
Il sembla perplexe,
prit la boîte rejetée qui
gisait sur le comptoir
devant l'assistante commerciale
offensée et dit,
« Pas vouloir caoutchouteur. Ça mieux. »
« Non », dit Mark.
« Nous voulons vraiment des caoutchouteurs
, pas des pilules. »
« Pourquoi vouloir caoutchouteurs ?
Pilules mieux ! »
« Dis lui, toi » dit Mark.
« C'est pour enregistrer
les dauphins, » dis-je.
« Enfin pas les dauphins eux-mêmes.
Ce qu'on veut enregistrer, c'est le bruit
dans le Yang-Tsé qui…
c'est pour recouvrir le micro,
voyez-vous, et… »
« Oh, dis lui simplement que tu
veux baiser »
dit l'ingénieur du son.
« Et que tu ne peux pas attendre. »
Mais à ce point là le jeune homme
s'éloignait de nous nerveusement,
réalisant subitement que nous
étions des fous dangereux,
avec qui il valait mieux se prêter
au jeu et s'échapper.
Il dit quelque chose avec hâte
à l'assistante commerciale
et se réfugia dans la foule.
L'assistante commerciale haussa les
épaules, ramassa les pilules,
ouvrit un autre tiroir et en
sortit une boîte de préservatifs.
Nous en achetâmes neuf,
juste par précaution.
Quelques jours plus tard
nous nous tenions sur
les berges du Yang-Tsé,
en un jour bruineux et grisâtre.
Et nous avons mis le microphone dans
cette espèce de petite chose rose,
et l'avons plongé dans l'eau.
Et, je n'ai pas l'habitude de
faire des imitations,
mais je vais imiter pour vous
le son qu'on peut entendre sous
la surface du Yang-Tsé.
Et c'est quelque chose comme ça
Le Yang-Tsé-Kiang, Mesdames et Messieurs.
Et j'ai réalisé tout d'un coup
la chose épouvantable
que nous infligions à ces pauvres animaux,
qui vivaient dans un monde de sons
et d'ouïe ultra sensible.
Et c'était la raison pour laquelle ces
animaux étaient désormais
désespérément en danger parce qu'après
leur avoir enlevé un mode de vie,
nous leur en enlevions
maintenant un autre.
Le problème c'est qu'on est sur le point
d'en enlever un troisième,
je vous ai dit que je me
trouvais là bas il y a dix ans,
il n'en restait que deux cents,
aujourd'hui ils sont vingt.
Et parce que les Chinois bâtissent
ces gigantesques barrages
pour endiguer le Yang-Tsé sur l'un
des sites les plus beaux et les
plus spectaculaires du monde,
les Trois Gorges, qu'ils vont endiguer
ce qui veut dire que le dauphin du Yang-
Tsé sera certainement éteint d'ici là.
Et c'est horriblement triste.
Ce qu'il y a de particulier
avec les barrages,
c'est qu'on continue d'en bâtir
et qu'aucun d'eux ne fait
jamais le moindre bien.
Ça n'est pas tout à fait vrai,
parce que malheureusement il y en a
— dans l'histoire de l'érection
des barrages—
deux qui ont fonctionné,
l'un est le barrage Hoover
et l'autre se trouve dans le Nord-Ouest
du Pacifique, le barrage de Grand Coulée.
Mais aucun des autres ne fonctionne.
Et pour une certaine raison, nous
n'arrivons jamais à nous en empêcher…
nous nous disons toujours qu'on
n'en construira qu'un seul de plus.
Je pense qu'on doit avoir des gènes de
castor aux tréfonds de notre…
Mais ce qu'il y a de triste c'est que
le dauphin du Yang-Tsé
est voué sans le moindre
doute à l'extinction.
Et ça me semble très particulier
que nous vivions actuellement
dans un âge extraordinaire,
une renaissance extraordinaire,
parce que nous en sommes au point
où nous comprenons tout d'un coup
la valeur de l'information,
plus que jamais.
L'âge dans lequel nous
vivons est celui de l'information.
Et nous avons découvert
que l'information est
la ressource la plus précieuse
que nous avons.
Et comme vous le savez, nous venons
de dépenser des milliards de dollars
— à juste titre — à essayer de comprendre
le génome humain,
et ça n'est là qu'une espèce,
rien que nous.
Et nous en sommes venus à comprendre et
réaliser la valeur incroyable
de l'information.
Et jusqu'ici nous n'avions jamais compris
comment tout fonctionnait ensemble,
parce que jusqu'ici nous avions…
disons-le comme ça.
De par le passé nous avons bâti la science
en démontant les choses
pour voir comment elles fonctionnent.
Et cela nous a conduit à
d'extraordinaires découvertes,
un degré de compréhension incroyable,
mais le problème de démonter les
choses pour comprendre leur fonctionnement
c'est que même si cela vous emmène
jusqu'aux particules fondamentales,
les principes fondamentaux, les forces
fondamentales en œuvre,
nous ne comprenons pas
vraiment leur fonctionnement
tant que nous ne les voyons pas à l'œuvre.
Une des choses qui ont émergé
à l'aune de la compréhension
des principes fondamentaux,
c'est cette chose appelée ordinateur.
Et ce qu'il y a de formidable avec
l'ordinateur c'est que,
contrairement aux outils
analytiques précédents,
— et ils étaient quelque peu…
c'est étonnant combien de ces
choses ont à voir avec le verre,
quand nous avons découvert le verre,
qui est une forme du sable,
nous avons inventé les lentilles,
et levé les yeux au ciel.
Et nous avons découvert,
avec cela, les choses…
en étudiant le ciel
nous avons commencé à découvrir
les choses fondamentales sur la gravité,
et nous avons également découvert
que l'univers semble constitué
— de manière assez terrifiante —
presque entièrement de rien.
Ce qu'on a fait avec le verre après,
c'est le mettre dans des microscopes,
et nous avons regardé de près ce monde
très très solide qui nous entoure,
et nous voyons là les particules
fondamentales, les atomes
— faits de protons et de neutrons, avec
les électrons qui tournent autour —
et nous avons également découvert
qu'ils semblent constitués,
terriblement, de presque entièrement rien.
Et que même lorsque vous
trouvez quelque chose
il s'avère qu'elle ne s'y
trouve pas vraiment,
il n'y a pas vraiment une chose là,
à peine la possibilité qu'il s'y
trouve quelque chose.
Ça ne semble pas aussi réel que ceci.
Puis la chose suivante que nous avons
fait avec le sable c'est le silicium,
lorsque nous avons créé l'ordinateur.
Et cela nous permet enfin
d'assembler les choses
pour en voir le fonctionnement.
Et ça nous permet de voir les
processus en fonctionnement,
et nous commençons à voir comme des
choses très simples mènent inexorablement
— itération après itération —
à l'émergence de processus
énormément complexes.
Et à mon avis l'une des choses les
plus extraordinaires de notre âge
— pour ceux qui étaient
là pour s'en souvenir,
voir un homme marcher sur
la lune pour la première fois—
mais je pense que la chose la
plus extraordinaire et dramatique
qu'on ait vue de notre temps
c'est de pouvoir observer,
sur un moniteur,
le processus par lequel des choses
énormément simples et primitives,
des processus, des instructions,
répétés d'innombrables fois,
de manière très très rapide, et itérées
sur des générations d'instructions,
produisent des résultats
énormément complexes.
Ce qui nous permet tout à coup de créer,
rien qu'avec des instructions
fondamentalement simples et primitives,
nous pouvons recréer la façon dont
le vent se comporte dans une soufflerie,
les turbulences du vent,
on peut voir comment la lumière danse
dans l'œil d'un dinosaure imaginaire.
Et on fait tout ça à partir d'instructions
fondamentalement simples.
Et le résultat de tout ceci c'est que
nous sommes finalement arrivés
à comprendre la façon dont la
vie a effectivement émergé.
Bon, il y a énormément de choses
que nous ignorons sur la vie.
Mais n'importe quel biologiste
vous dira que,
bien qu'il y ait énormément de
choses que nous ignorons,
il n'y a désormais plus de
mystère profond.
Il n'y a plus de mystère profond
parce que nous avons effectivement
vu de nos propres yeux
la façon dont la simplicité donne
naissance à la complexité.
Quand je dis qu'il n'y a pas de mystère
c'est plutôt comme si vous imaginiez
un détective du XIXè siècle,
faisant équipe avec un détective
de la fin du XXè siècle,
et si vous leur donniez cette
énigme à résoudre:
un suspect de crime
a été vu un jour marchant dans les rues
au beau milieu de Londres,
et le lendemain
il a été vu quelque part dans le désert
au beau milieu du Nouveau Mexique.
Le détective du XIXè dira,
« Eh bien je n'ai pas le début d'une idée.
Ce doit être l'œuvre
d'une sorte de magie. »
Et il n'aura pas la moindre idée
du commencement d'une explication
sur ce qui s'est passé ici.
Concernant le détective du XXè siècle,
celui-ci ne saura peut-être
jamais si le type
a pris un vol de British Airways ou
d'United ou d'American Airlines
ni où il a loué sa voiture,
toutes ces choses,
il ne trouvera peut-être
jamais ces détails,
mais il n'y aura pas de mystère
fondamental sur ce qui s'est produit.
Et donc pour nous il n'y a plus
de mystère fondamental sur la vie.
C'est le produit d'une éruption
extraordinaire d'information.
Et c'est l'information qui nous donne
ce monde fantastiquement riche et
complexe dans lequel nous vivons.
Mais au même instant où
nous découvrons cela,
nous la détruisons à une vitesse
sans précédent dans l'histoire,
à moins de remonter jusqu'au point
où un astéroïde s'abat sur nous.
Il y a donc une ironie assez terrible
qu'au moment même où nous sommes
les plus à même de comprendre,
et d'apprécier, et de valoriser la
richesse de la vie qui nous entoure,
nous la détruisons à un rythme plus
élevé qu'elle ne l'a jamais été.
Et nous perdons espèce après
espèce après espèce,
jour après jour, simplement parce que
nous gaspillons nos ressources
comme du petit bois.
Et c'est une mise en cause assez
terrible de notre compréhension.
Mais, voyez-vous, nous commettons
une autre erreur,
parce que nous pensons que d'une
manière ou d'une autre,
tout ira bien dans un sens fondamental,
parce que nous pensons que tout
ceci est « voué à se produire. »
Laissez-moi vous expliquer comment
on en vient à ce type de mentalité,
parce que c'est exactement le
même type de mentalité
dans lequel le kakapo s'est empêtré.
Parce que, ce qui a été
une stratégie très fructueuse
pour le kakapo
sur des générations et des générations
durant des milliers
et des milliers d'années,
est soudainement devenu
la mauvaise stratégie,
et il n'a aucun moyen de le savoir
parce qu'il fait simplement
ce qui lui a réussi jusqu'ici.
Et nous avons toujours été, parce
que nous fabriquons des outils,
parce que nous prenons
de notre environnement
ce dont nous avons besoin pour faire
ce que nous voulons
et cela a toujours été très
fructueux pour nous…
Je vais vous dire ce qui s'est passé.
C'est comme si nous avions effectivement
appuyé sur le bouton "pause"
de notre propre évolution
parce que nous avons mis un
tampon autour de nous,
qui consiste en — vous savez —
la médecine, l'éducation et les bâtiments,
et toutes ces choses qui nous protègent
des pressions environnementales normales.
Et c'est notre capacité à fabriquer des
outils qui nous a permis de le faire.
De manière générale, ce qui
pousse à la spéciation,
c'est qu'un petit groupe d'animaux
se voit séparé du reste
du groupe principal
par la pression de la population, ou un
bouleversement géographique ou autre.
Donc imaginez qu'un petit groupe se
retrouve tout à coup échoué
dans un environnement
légèrement plus froid.
Ensuite, sur un petit
nombre de générations
tous ces gènes qui favorisent
une fourrure plus épaisse
vont monter au créneau
et quelques générations plus tard
l'animal aura une fourrure plus épaisse.
Pour l'homme, comme il est capable
de fabriquer des outils
lorsque nous arrivons dans un
environnement beaucoup plus froid,
nous n'avons pas à attendre ce processus.
Parce que nous voyons un animal
qui a déjà une fourrure plus épaisse
et on se contente de la lui prendre.
Et donc nous avons en quelque sorte pris
le contrôle de notre environnement,
et tout cela est très bien,
mais nous devons dépasser ce processus.
Nous devons dépasser cette vision
et en voir une plus élevée
—et comprendre l'effet
que nous avons de fait.
Imaginez, si vous le voulez bien,
un homme primitif,
et voyons comment
cet état d'esprit émerge.
Il est là, observant son monde
à la fin de la journée.
Il le regarde et pense,
« Que voilà un monde merveilleux
dans lequel je me trouve.
C'est pas mal du tout.
Je veux dire, regardez, me voici,
derrière moi se trouvent les montagnes,
et les montagnes c'est super
parce qu'il y a des grottes
dans les montagnes
où je peux m'abriter,
que ce soit du climat ou des ours
qui essayent occasionnellement
de m'attaquer.
Et je peux m'abriter là, donc c'est super.
Et devant moi se trouve la forêt,
et la forêt est pleine de noix,
de baies et d'arbres,
qui me nourrissent, et sont délicieux
et me permettent de survivre.
Et il y a un ruisseau qui la traverse
qui contient des poissons,
et l'eau est délicieuse, et je bois l'eau
et tout est fantastique.
Et voilà mon cousin Ug.
Et Ug a attrapé un mammouth ! Youpi !!
Ug a attrapé un mammouth !
Les mammouths sont géniaux !
Il n'y a rien de mieux qu'un mammouth,
parce qu'avec un mammouth,
en gros vous pouvez vous
envelopper de sa fourrure,
manger sa viande,
et vous pouvez utiliser les os du
mammouth, pour en attraper d'autres !
Ce monde est un monde
incroyablement bon pour moi. »
Ainsi, une partie de la manière dont nous
prenons les commandes de notre monde,
et de notre environnement,
de fabriquer ces outils qui
nous permettent de le faire
c'est de nous poser
sans cesse des questions.
Donc cet homme commence à s'interroger.
« Ce monde », dit-il, « eh bien,
qui… qui l'a fabriqué ? »
Il raisonne évidemment de la sorte,
parce qu'il fabrique lui-même des choses,
il cherche donc qui aurait
pu fabriquer ce monde.
Il se dit « Alors, qui aurait pu
créer ce monde ?
Bien, ça doit être un petit peu comme moi.
Manifestement, en beaucoup plus grand,
et nécessairement invisible,
mais il l'aurait créé. Bon, dans quel
but l'aurait-il créé ? »
Nous nous demandons toujours « pourquoi »
parce que nous cherchons
les intentions alentour,
car nous faisons tout avec intention.
Vous savez, on fait bouillir un œuf
dans le but de le manger.
Alors, on regarde les
cailloux et les arbres,
et on se demande quelle
intention s'y trouve,
bien qu'il n'y en ait pas.
On se demande donc dans quelle intention
cette personne a créé ce monde.
Et c'est à ce moment qu'on se dit,
« Eh bien, il me sied particulièrement.
Vous savez, les grottes et les forêts,
et le ruisseau, et les mammouths.
Il doit l'avoir créé pour moi !
Je veux dire, on ne peut faire
aucune autre conclusion. »
Et c'est un peu comme si
une flaque se réveillait un matin
— je sais qu'elles ne
le font pas d'ordinaire,
mais accordez-le moi, je suis
écrivain de science-fiction.
Une flaque se réveille un matin et pense,
« Que voilà un monde intéressant
dans lequel je me trouve.
Il me sied particulièrement bien.
En fait, il me sied si proprement,
c'est vraiment précis, pas vrai ?
Il a du être créé pour moi !
Et le soleil se lève, et elle continue
de se raconter
cette histoire du trou
créé pour la recevoir.
Et le soleil grimpe, et
graduellement la flaque
se rétrécit peu à peu,
et au moment où la flaque cesse d'exister,
elle pense toujours,
enfermée dans cette idée,
que le trou était là pour elle.
Et si nous pensons que
le monde est là pour nous,
nous continueront de le détruire
comme nous l'avons fait jusqu'ici,
parce que nous pensons que nous
ne pouvons commettre aucun mal.
Il y a beaucoup de spéculation
d'une manière ou
d'une autre actuellement,
sur l'existence de la vie
ou non sur d'autres planètes.
Carl Sagan, comme vous savez,
était très partisan
qu'il doit y en avoir.
Les seuls chiffres dictent,
parce qu'il y a des milliards
et des milliards
— comme il ne l'a pourtant pas dit —
de mondes au delà,
que le simple hasard doit faire
qu'il y a d'autres vies
intelligentes là bas.
Mais d'autres voix s'élèvent pour dire
que si vous considérez
les circonstances réunies ici sur terre,
elles sont spécifiques
de manière si extraordinaire
que les chances que ça
se soit produit ailleurs
sont en fait très minces.
D'une certaine manière,
ça n'a guère d'importance.
Parce que pensez-y :
— Carl Sagan, je crois,
a lui-même dit ceci.
Il y a deux possibilités :
soit il y a de la vie
sur d'autres planètes,
soit il n'y en a pas.
Voilà deux idées
incroyablement extraordinaires !
Mais il y a une forte probabilité
qu'il n'y ait rien qui
nous ressemble du tout.
Et nous agissons comme si cette planète,
cette incroyable petite boule de vie,
était quelque chose qu'on pouvait
saloper comme on veut.
Et peut-être qu'on ne peut pas.
Peut-être qu'on devrait en prendre
un petit peu mieux soin.
Non pas pour le salut du monde
— on parle assez orgueilleusement
de « sauver le monde »
Nous n'avons pas à sauver le monde
- le monde va très bien !
Le monde a traversé cinq périodes
d'extinctions massives.
Il y a 65 millions d'années
lorsqu'une comète a frappé la terre
au moment où l'Inde subissait de
vastes éruptions volcaniques,
ce qui vit la fin des dinosaures,
et quelque chose comme 90%
de la vie sur terre à l'époque.
Remontez encore, je crois,
150 millions d'années plus tôt
à la limite permienne-triasique,
et il y a une autre
extinction gigantesque.
Le monde l'a déjà subi
de nombreuses fois.
Et ce qui a tendance à se produire,
ce qui se produit après
chaque extinction massive,
c'est qu'il y a d'énormes
espaces disponibles,
permettant à de nouvelles formes de vie
d'émerger et les investir.
Tout comme l'extinction des dinosaures
nous a donné de la place.
Sans cette extinction,
nous ne serions pas là.
Donc, le monde va bien.
Nous n'avons pas à sauver le monde
— le monde est assez grand
pour s'occuper de lui-même.
Ce qui doit nous préoccuper,
c'est si oui on non le monde
dans lequel nous vivons
sera capable de nous subvenir.
Voilà ce à quoi
nous devons réfléchir.
Merci beaucoup Mesdames et Messieurs.
Et maintenant si quelqu'un
a des questions,
j'y répondrai avec plaisir,
et il y a des micros ici et devant
donc je vous suggère de les utiliser.
Oui, bonjour.
Merci, merveilleuse conférence.
Vous dites que nous devrions
éviter de détruire la planète,
une suggestion qui a été faite, c'est que,
la raison pour laquelle nous
détruisons la planète,
c'est que nous ne payons pas
le véritable prix des choses
quand nous les consommons
Le prix de l'essence dégringole
en vrai dollars et les véhicules
deviennent de plus en plus gros,
nous avons les
Stupides Ubuesques Véhicules
— je crois que c'est ça — les SUV
Vous savez, je dois dire
en tant que Britannique,
vous savez on reste perplexes,
« Les américains se plaignent encore
parce que le prix de leur essence
a presque atteint le quart
de ce que nous payons. »
Je me demandais juste si vous pensez
que ça serait une bonne solution
d'avoir le véritable prix des choses,
si nous payions les 3 dollars par litre
ou quel que soit le prix en termes
d'impact sur l'environnement,
est-ce que ça ferait une différence ?
Et bien… ça pourrait… je… c'est…
Il y a un problème dont je suis
particulièrement conscient dans ce cas,
qui est que, bien que je parle du point
de vue d'un défenseur de l'environnement,
sans équivoque, si vous
regardez ce qui s'est passé
et ce que nous et le mouvement
de la défense de l'environnement avons dit
durant les dix dernières années,
et les dix années précédentes,
et les dix années qui ont encore précédé,
et pour l'essentiel de ce que
nous avons dit qu'il faudrait faire
ou la façon dont nous avons approché
le problème, se sont avérés incorrects.
Donc, c'est très difficile
pour moi de prétendre
que je peux me dresser et
dire que nous devons faire
ceci ou cela.
Parce que ça pourrait bien
ne pas être la bonne solution.
J'en suis pertinemment
conscient d'autant que,
rien qu'en regardant derrière nous,
en considérant la protection des
animaux en Afrique, par exemple,
à chaque fois, nous avons
mal approché la question.
Et oui, les efforts de défense
de l'environnement
consisteront à chaque
décennie tout autant à
défaire les problèmes causés
par la décennie précédente.
Donc c'est une question
d'auto-éducation constante,
essayer d'assimiler les informations,
essayer de voir quelles sont les suites
de ce que nous avons essayé jusqu'ici,
ce que nous pouvons en
retenir comme leçon.
Il se pourrait très bien que si nous
multipliions le coût de l'essence
par dix ou autre, que cela puisse avoir
des effets que nous pourrions mettre au…
cela pourrait attirer des conséquences
indésirables, qui entrent en jeu.
Je pense que la meilleure chose à faire
c'est de continuer à s'informer
être aussi conscient que possible de
ce qui se passe réellement,
et voir comment ce retour l'affecte,
si nous disons qu'on va faire
refléter le vrai coût des dommages que
nous causons sur ce que nous payons
alors ça pourrait très bien être
une excellente réponse,
mais j'ai également peur que
ça puisse ne pas l'être
ce qui est une façon compliquée
de dire « je ne sais pas »
Deux questions : d'abord, savez-vous
où est votre serviette ?
Non.
D'accord.
Ça a toujours été un problème pour moi.
C'est drôle cette histoire
de serviette parce que…
Je vais vous dire d'où ça sort.
J'étais en vacances avec un tas de gens,
et nous étions dans une villa à Corfou.
Et chaque jours nous
partions pour la plage,
et juste au moment du départ
il y avait un problème,
et le problème était que Douglas
n'arrivait pas trouver sa serviette !
Où pouvait bien être ma serviette ?
Était-elle sous le lit ?
Était-elle au pied du lit ?
Était-elle dans le lit ?
Était-elle dans la salle de bain ?
Était elle étendue dehors ?
Était-elle au lavage… ? Était-elle… ?
Je n'avais aucune idée, jour après jour,
d'où pouvait bien être
cette fichue serviette.
Et après un moment j'ai commencé à me dire
que ça devait être
symptomatique de quelqu'un
qui est si profondément chaotique.
Mais alors je…
Je ne sais même pas si
ça m'est venu en premier,
ou si c'était quelqu'un sur
place qui y a pensé avant,
que l'idée que quelqu'un
qui était plus organisé que moi,
serait quelqu'un qui saurait vraiment
où sa serviette se trouve.
Et donc, quand j'écrivais le guide du
voyageur, j'ai mis en quelque sorte…
on met très souvent des choses parce
qu'on sait ce qu'elles veulent dire.
alors que c'est plutôt un
signal pour vous-même
pour que dans la version suivante du
manuscrit, vous le remplaciez
par quelque chose qui veut dire
la même chose pour tout le monde.
Vous voyez. Et puis ça reste quand même,
et il s'avère que ça veut dire quelque
chose pour tout le monde malgré tout.
Ça répond à votre question ?
D'accord. Est-ce qu'on se comporte
comme des descendants des singes
qui utilisent des bâtons,
ou comme des descendants
de nettoyeurs de téléphones ?
Je crains que nous ne tenions des deux.
Je ne me le pardonnerai jamais si je
sors sans vous poser cette question
elle m'est venue lorsqu'un de mes amis
m'a physiquement obligée à
prendre le premier livre
Le guide du voyageur, et j'ai lu
les toutes premières phrases
du tout premier paragraphe,
« que diable cet homme peut-il bien avoir
contre les montres digitales ?! »
je dois admettre qu'elles se
sont améliorées depuis
que j'ai écrit ce passage.
Mais si vous y réfléchissez,
les premières montres digitales étaient…
si vous regardez une montre à aiguilles,
vous avez un camembert.
Vous vous rappelez l'époque où
on s'enthousiasmait
au sujet des camemberts qu'on pouvait
faire avec les ordinateurs ?
« Ouhhhh ! Des camemberts ! »
Mais alors même qu'on s'enthousiasmait
pour des camemberts,
et en quoi ils pouvaient nous aider à
mieux comprendre le monde,
nous disions « nous ne voulons plus
de camemberts sur nos poignets.
C'est de la technologie à l'ancienne.
Non, on ne veut pas simplement jeter
un œil pour savoir l'heure qu'il est.
On veut quelque chose qui oblige à aller
dans un coin sombre et à poser sa valise
et à appuyer sur un bouton
pour pouvoir lire,
"oh, il est 11:43, alors
qu'est-ce que…? euh… ?
ça fait combien de temps avant midi ?" »
Et ça c'était le progrès.
Mais ce qu'il y a de génial
avec les êtres humains,
— puisqu'on en rigole —
c'est que non seulement
on invente des choses nouvelles,
meilleures, et plus efficaces.
Mais même les choses qui marchent bien
on ne peut pas s'empêcher d'y toucher,
c'est un des aspects les plus
charmants des êtres humains
on continue d'inventer des choses qu'on a
déjà réussi à bien faire auparavant.
Par exemple les lavabos dans les salles
de bain,c'est pourtant très simple.
Vous tournez d'un côté et l'eau sort,
vous tournez de l'autre et l'eau s'arrête.
Et on avait à peu près pigé tout ça.
Ça marche. Mais c'est incroyable,
vous allez dans
un hall d'hôtel ou dans un aéroport,
et vous approchez la bassine
avec un certain niveau d'anxiété.
« Qu'est-ce que je fais ?
Je tourne quelque chose ?
Je pousse quelque chose ?
Je tire quelque chose ?
Je lui file un coup de genou ?
Est-ce que je dois être
dans les environs ?
Et une fois que l'eau commence à couler
parce qu'elle a capté une espèce
d'énergie cérébrale ou autre.
« Et maintenant, comment je l'arrête ?
Est-ce que c'est à moi de l'arrêter ?
Est-ce que ça s'arrête tout seul ? »
Je pense qu'on a réglé la question
du robinet.
Mais je pense que c'est merveilleux
qu'on continue
d'inventer des choses qui marchent déjà,
parce que c'est notre façon de nous sortir
des maximums locaux, n'est-ce pas ?
Je crois que c'est tout
ce que j'ai à dire. Merci.