25 % ...
25 % c'est le pourcentage d'enfants
qui sortent du CM2 chaque année
avec des acquis fragiles
et insuffisants,
en lecture, mathématiques, écriture.
À ces 25 % d'enfants
s'ajoutent 15 % d'enfants
qui sortiront chaque année du CM2
en n'ayant pas les acquis de base
en lecture, écriture et mathématiques.
Ce qui nous fait
un total de 40 %.
Chaque année, 40 % d'enfants,
soit environ 300 000 élèves,
sortent du CM2 avec de graves lacunes.
Et ce rapport précise que ces lacunes
les empêcheront de poursuivre
une scolarité normale au collège.
40 pour cent !
Et pourtant,
nous avons à portée de main,
des informations solides que
nous donnent les sciences cognitives
pour comprendre
la façon dont apprend l'être humain.
La première chose
que disent les sciences cognitives
c'est que pour apprendre,
il faut être attentif.
En plus d´être attentif, pour apprendre,
il faut être engagé activement.
La troisième chose,
lorsque nous sommes attentifs, engagés,
il faut également recevoir
un retour d'information immédiat
sur l'action que nous sommes
en train d'effectuer.
Parce que ce signal d'erreur va permettre
au cerveau d'ajuster les hypothèses
qu'il est en train d'émettre
sur l'action qu'il effectue,
et c'est le décalage
entre la prédiction du cerveau
et l'observation
qui va créer la surprise et
qui va créer l'apprentissage.
Le dernier point, c'est la consolidation.
Lorsque nous sommes attentifs, engagés,
que nous recevons
un retour d'information immédiat,
nous avons besoin ensuite de répéter
pour consolider.
Et cette répétition va permettre
au savoir de s'automatiser,
de ne plus prendre autant de ressources
et d'effort conscient.
Alors il y a une chose
qui ne fait plus débat, aujourd'hui.
C'est que nous savons,
tout le monde le dit,
toutes les études le disent,
les inégalités
sont déterminantes
et arrivent entre zéro et six ans.
La place de l'école maternelle
est donc centrale
dans la prévention de l'échec scolaire.
Et pourtant en France,
l'école maternelle sollicite très très peu
ces quatre paramètres de l'apprentissage.
Alors, si l'on regarde tout simplement
une matinée en maternelle,
on le voit tout de suite.
Sur trois heures de classe,
il n'y a que 30 minutes, en moyenne,
45 minutes, en Grande Section,
de moments dédiés à ce qui va être
un apprentissage direct,
guidé par l'enseignant.
L'activité
n'est pas choisie par l'enfant.
Elle est imposée par l'enseignant,
aussi riche soit-elle.
Elle est imposée par l'enseignant.
Ce n'est pas une décision. Il n'y a pas
de motivation endogène, personnelle,
de la part de l'enfant.
Donc, il n'y aura que très peu d'attention
et donc très peu d'engagement,
et le signal d'erreur
que pourrait recevoir l'enfant,
va être très pauvre, très insuffisant,
parce que l'enseignant ne peut pas donner,
lui seul, avec 30 enfants,
un signal d'information immédiat,
sur toutes les hypothèses
de tous ces petits cerveaux
qui vont être en train de travailler.
La dernière chose, c'est la consolidation.
Un enfant à qui l'on a imposé une tâche
n'aura qu'une seule envie,
surtout à trois ans,
c'est de s'en libérer !
pour pouvoir aller dans les coins jeux :
coins camion, construction, bibliothèque.
Donc il n'y aura pas de répétition,
donc pas de consolidation.
Depuis 5 ans,
je ne pense qu'à une seule chose :
Et si l'école
se réorganisait de l'intérieur
selon ces quatre principes ?
Juste ça.
Rien que ça.
Ce serait déjà en soi une révolution.
Mon intuition profonde, c'était que :
si non seulement nous respections
ces mécanismes de base,
non seulement les enfants
s'épanouiraient au niveau scolaire,
mais ce que nous appelons
les compétences non cognitives :
la confiance en soi, l'estime de soi,
la capacité d'entraide, de coopération,
tout ça se développerait, fleurirait,
sans avoir cherché à le provoquer.
Alors j'ai voulu voir ça.
Le Ministère de l’Éducation Nationale
m'a laissé la possibilité de le faire.
En 2011, nous avons pu
ouvrir cette classe.
Je vous propose de regarder
ce qu'il se passe
quand on réorganise une classe maternelle
en fonction des mécanismes d'apprentissage
(Musique)
Bré...sil
Brésil !
- 9898 divisé par 3 est égal à 3299
- et il reste 1 !
- Camion.
- Un camion.
- Un bateau.
- Un bateau.
- Un hélicoptère
- Un quoi ?
- Un hélicoptère.
- Hé-li-cop-tère !
- ffffffffffffff
- l - i -
- Li ?
- Li !
- Une boule.
- Co-ne
- L'histoire que nous allons vous lire
s'intitule « Tous les bisous » !
- Moi, je suis fort, très fort,
j'ai dit à maman
- Séraphine et Julie.
C'est sa belle-mère
qui la surnomma Cendrillon.
- C'est pas fini tout ce boucan !
Je voudrais dormir moi !
- C'est pas moi, papa, c'est lui !
- Comment ça, c'est lui ?
Vous êtes plusieurs ?
- J'en ai assez !
Bois ce sirop tout de suite !
- Alors t'as vu ?
Il est terrible mon papa !
(Applaudissements)
Je ne l'ai pas dit,
mais je le précise maintenant,
cette classe est en
zone d'éducation prioritaire
et plan violence, à Gennevilliers.
Quand nous avons testé ces enfants,
en début d'année en 2011,
en septembre,
nous les avons testés
sur plusieurs dimensions,
et ils étaient, évidemment,
sur beaucoup de dimensions,
très en-dessous du niveau moyen.
Quand nous les avons testés
un an plus tard
donc en juin, de l'année scolaire,
ils avaient non seulement
rattrapé la norme pour la grande majorité,
mais ils l'avaient dépassée !
Et pas de quelques mois,
certains de plusieurs années !
100% des enfants de Grande Section
sont entrés dans la lecture !
Avec plaisir !
Enthousiasme !
Joie !
Facilité !
90% des enfants
de Moyenne Section également.
Dans les mêmes circonstances.
Et la chose la plus impressionnante
que nous avons tous remarquée,
quand nous sommes rentrés dans la classe,
c'est l'épanouissement des enfants !
Ils sont devenus rayonnants !
Lumineux !
Ils sont épanouis.
Alors, comment ?
Quels sont les grands principes ?
La première chose,
c'est que les enfants sont autonomes.
Ils choisissent librement leur travail.
Donc ils sont motivés.
Ils veulent ce qu'ils font !
Et pendant ce temps-là,
l'enseignant peut être
avec d'autres enfants,
les plus en difficulté,
et répondre à leurs besoins spécifiques.
Ensuite, chaque activité
qui est proposée dans la classe
réunit les algorithmes
que nous avons cités auparavant.
L'enfant est attiré par un matériel
qui est attrayant,
qui retient son attention.
Ensuite, l'activité même
de ce matériel est passionnante.
Pour un enfant de trois ans,
boutonner et défaire des boutons,
c'est passionnant !
Donc les enfants sont attentifs, engagés,
vous le voyez, extrêmement engagés,
et reçoivent un retour
d'information immédiat.
Le matériel dénonce l'erreur.
Ce n'est plus l'enseignant
qui a besoin de le faire.
Là, si l'enfant ne boutonne pas
correctement son bouton,
il va le voir.
Le matériel lui montre.
Et ensuite, parce que le matériel propose
des conditions d'exactitude et de contrôle,
cela fixe une difficulté intéressante
pour l'enfant qui répète l'activité,
qui essaie de se perfectionner.
Et donc il développe
une attention encore plus profonde
qui va se généraliser
aux autres domaines d'apprentissage.
Donc c'est un cercle vertueux !
Et surtout la conséquence directe
de cette sollicitation optimale
des mécanismes cérébraux,
c'est que les enfants sont calmes,
apaisés,
ils sont heureux.
Je ne m'attendais vraiment pas à ce
qu'ils soient si heureux de travailler !
Un autre principe important
sur lequel nous avons fondé cette classe,
c'est que, la recherche le dit,
les enfants apprennent en touchant.
Nous ne pouvons pas intégrer des choses
que nous n'avons pas avant touchés.
Intégrés sensoriellement
pour les intégrer intellectuellement.
Donc tout le matériel
proposé aux enfants est sensoriel.
Et nous savons,
la recherche le dit aussi,
évidemment,
que la place des interactions sociales
est prépondérante dans l'apprentissage.
C'est par l'interaction sociale
que nous apprenons,
parce qu'on interagit.
Donc, nous avons mélangé
les trois niveaux d'âge dans la classe.
Il y a petits, moyens, grands.
Et ce qui se met en place,
ce n'est plus un enseignement vertical,
où l'enseignant fait la leçon aux enfants.
C'est un mode d'apprentissage horizontal.
Le savoir se partage entre les enfants.
Des plus grands aux plus petits,
mais pas forcément.
Un enfant qui peut avoir besoin va
demander, même à un plus petit.
Ça arrive.
Et donc la conséquence directe de ceci,
c'est qu'il n'y a pas de compétition,
ni de comparaison dans la classe.
Ça aussi, ça m'a beaucoup étonnée.
Il y a une émulation constante
où les différences de chacun participent
à la vie de la classe et l'enrichissent.
Donc là, vous voyez,
une petite fille qui apprenait
à un enfant des mots
pour lui apprendre le français.
Théophile ne parle pas français.
Et vous voyez cette bienveillance
qu'il y a dans son regard ?
Ce que je voudrais vous dire, c'est
qu'après deux ans, dans cette classe,
après tout ce qu'y j'ai observé
après tout ce que nous y avons observé,
je ne suis pas la seule,
je ne suis plus la seule à l'avoir vu,
il ne me semble plus possible de débattre
de refondation d'école
sans d'abord avoir posé
les bases du débat !
À savoir :
Reconstruire sur les bases
d'un environnement inadapté ?
Ou alors, si nous voulons reconstruire
sur un système,
un environnement,
qui crée des conditions d'épanouissement
pour l'enfant,
et où l'adulte peut répondre
aux besoins spécifiques
de chaque enfant, de façon individuelle.
Dans le premier cas de figure,
l'école est elle-même la cause des difficultés
qu'elle essaie de corriger
par des réformes.
Dans le deuxième cas de figure,
nous parlons d'une école basée
sur les lois de développement humain.
Où l'enfant trouve un environnement
qui lui permet
d'être chargé d'enthousiasme !
De joie !
Et où un chemin lumineux s'ouvre à lui !
Je pense que sur ce deuxième chemin,
nous devons ouvrir le débat
et penser une école pour nos enfants.
Merci.
(Applaudissements)