Les histoires des jeux vidéo sont uniques car vous prenez des décisions. Par exemple, vous moquer de ce prêcheur ou non. GERALT : « Combien de vies as-tu sauvées ? Des brouxes ? Des léchis ? » PRÊCHEUR : « Cela ne change rien... » GERALT : « Réponds. Combien ? » Ces choix peuvent provoquer une réaction immédiate... GERALT : « Méditez là-dessus, vous deux. » Dans certains cas, le jeu peut mémoriser votre décision et présenter une conséquence par la suite. GARDE 1 : « Geralt de Riv, sorceleur. » GARDE 2 : « Vous êtes accusé d'avoir porté atteinte au sentiment religieux. Veuillez nous suivre pour votre interrogatoire. » Ce type de choix est typiquement associé aux RPG, aux récits interactifs, et... au genre des jeux inspirés par Telltale. Et je pense que cela s'explique par leur origine, qui remonte aux jeux d'improvisation sur table, et aux livres dont vous êtes le héros. Mais c'est aussi une affaire d'interface. Ce sont des jeux où vos interactions consistent à choisir dans une arborescence de dialogue ou une liste d'options. Ainsi, faire des choix narratifs est un acte parfaitement naturel. Et si votre jeu n'a pas tout ça ? Si c'est un jeu de tir, un survival horror, ou un jeu d'action ? Comment laisser les joueurs faire des choix dans ces jeux ? On retrouve un exemple de ceci dans Bioshock. C'est un jeu de tir subjectif, doté d'un choix moral notoire : à chaque Petite sœur que vous croisez, vous devez décider de la sauver, ou de la récolter pour devenir surpuissant. Dans ces moments, le jeu ralentit, vous prive des commandes normales, et affiche deux grandes invites à l'écran. X pour récolter, Y pour sauver. PETITE SŒUR : « Non, non ! Non, non ! » C'est une façon de faire. Il suffit d'emprunter les interactions des jeux plus adaptés, qu'il s'agisse de boutons à l'écran, d'une liste d'options, ou d'une roue de dialogue. Ce seront les « choix explicites ». Mais il existe une autre façon de faire. Regardons un autre jeu de tir, à savoir Spec Ops : The Line. Ici, nous rencontrons deux hommes, pendus par les mains, et des snipers visent leurs corps. Vous devez prendre une décision. WALKER : « Va falloir faire un choix. » Mais cette fois, pas de boutons à l'écran et aucun menu en vue. Au lieu de cela, vous décidez qui Walker doit tuer... en tirant sur cette personne. Coups de feu C'est une autre façon de faire. Au lieu de se reposer sur les systèmes d'un autre genre, Spec Ops laisse le joueur choisir en utilisant les outils de base utilisés ailleurs en jeu. C'est un jeu de tir, et donc, vous prenez des décisions en tirant. Vous l'aurez deviné, j'appelle ceci un « choix invisible ». Et je pense que ces spécimens rares ont des avantages non négligeables. Dans cette vidéo, je vais partager quatre raisons pour lesquelles vous devriez dissimuler vos choix. Premier avantage : les choix invisibles rendent les options ambiguës. Dans Bioshock Infinite, vous êtes invité à lancer une balle sur un couple interracial. Saviez-vous que vous pouviez aussi la lancer sur l'annonceur raciste... ah oui, c'est indiqué à l'écran, et ça gâche la surprise. Voilà ce qui arrive quand votre système de commandes exige de lister toutes les actions possibles. Revenons à ce choix dans Spec Ops, et même si votre contact radio vous demande de tuer l'un des deux hommes, vous pouvez décider de tirer sur les cordes qui les attachent. Ou refuser de prendre une décision, ou tirer sur les snipers à la place. Comme le choix est invisible, le jeu peut cacher des options bonus trouvables si des joueurs curieux envisagent la situation et les outils à leur disposition. Spec Ops regorge de ce genre de choses. Plus tard, une foule en colère submerge Walker, et vous êtes invité à leur tirer dessus, mais vous pouvez tirer en l'air, ou porter une attaque non létale pour désamorcer la situation. Far Cry 4 comporte un choix mémorable : Pagan Min vous demande d'attendre son retour, ce qui vous donne une chance de fuir sa forteresse. Mais si vous attendez vraiment son retour, vous débloquerez une fin secrète. Ces options cachées font que les joueurs se sentent malins. Et le jeu ressemble moins à une séquence de choix fixe, et plus à un monde organique et crédible. Deuxième avantage : les choix ne doivent pas être égaux. Revenons à Bioshock : quand il faut sauver ou récolter une Petite Sœur, les choix se valent, même si les conséquences sont différentes. Vous pourriez regretter l'une d'elles. Mais l'action physique du choix ne change pas : vous appuyez sur un bouton ou un autre sur votre manette. Prenez ensuite un jeu comme Undertale. Ici, vous pouvez choisir de tuer tous les monstres et boss du jeu ou de les épargner. Ces choix sont inégaux, et il est généralement bien plus dur de sauver les créatures que de les éliminer. Cela signifie qu'il faut se montrer persévérant pour un meilleur résultat. Et vous prendrez une certaine décision, car prendre l'autre serait trop difficile, ou demanderait trop de ressources. Par exemple, dans Deus Ex: Human Revolution, votre pilote Faridah est cernée par des ennemis, et il est possible de la sauver, si vous parvenez à battre une horde en un temps record. Sa survie ne dépend pas d'un choix moral, mais de vos compétences. De plus, opter pour un choix immoral ou égoïste dans un menu peut vous laisser un goût amer. Et c'est encore pire quand c'est vous qui devez commettre ces actes. Quand vous cambriolez ces personnes âgées dans This War of Mine... Cela fait de vous, le joueur, un complice de ces actes horribles. Voilà qui est fâcheux ! Bien, troisième avantage : des choix précis. Généralement, la notion de choix explicites renvoie à des décisions importantes. Choisir qui survit entre deux personnages, ou le destin d'une ville entière. Ou... ce qu'on va manger au petit déj. Mais quand un jeu suit des choix invisibles, il construit une gigantesque base de données détaillée des moindres actes du joueur, et l'utilise pour façonner le reste du jeu. Cela donne le sentiment que le jeu est très personnalisé. Par exemple, les Orcs de L'Ombre de la guerre se souviennent de votre dernière apparition. Ou bien les personnages de Hades parlent des détails de votre dernière tentative d'évasion. HYPNOS : « Cette fois, c'est un Débauché Misérable qui t'a tué, tu sais, ces vieux gros tas ? Essaie de les tuer avant qu'ils te tuent, je sais pas ! » Le jeu peut donc commenter des choses comme les lieux que vous visitez, c'est pourquoi JC Denton se fait incendier s'il entre dans les WC des femmes de Deus Ex. Ou le temps qu'une action vous a pris : perdez du temps avant de sauver vos amis dans Mass Effect 2 et l'équipage du Normandy ne fera pas long feu. Cela vous fait réfléchir aux conséquences de vos actes, et ce quelle que soit leur envergure. Dans Dishonored, chaque ennemi que vous tuez alimente la jauge de chaos, ce qui change la fin de l'histoire, la façon dont les gens vous voient, et ajoute des rats dans le monde. Et comme chaque combat a une chance de changer le futur, vous finissez par jouer de manière plus délibérée et réfléchie. Même chose pour Metal Gear Solid V, où les ennemis s'adaptent à votre style de jeu en mettant des casques ou en installant plus de projecteurs. Pour finir, quatrième avantage. Des résultats surprenants. L'un des écueils principaux des choix explicites indiquent clairement que vous prenez une décision. Et si ça n'était pas déjà assez évident, ajoutons une notification à l'écran pour confirmer cela. Il est donc difficile de surprendre le joueur avec les conséquences de leurs actes. Mais avec des choix invisibles, le jeu peut discrètement suivre vos actions sans que vous ne vous en rendiez compte, pour vous surprendre par la suite. C'est le cas dans Metal Gear Solid avec Psychomantis, qui lit dans les pensées. PSYCHOMANTIS : « Vous êtes méthodique, le genre qui réfléchit avant d'agir. Et pourtant, vous ne valez pas grand-chose au combat. » Ce qui se passe ici, c'est que le jeu a suivi des données comme la fréquence de vos sauvegardes, le nombre de pièges activés, et même le contenu de votre carte mémoire. Ainsi, Psychomantis dira la réplique adaptée. C'est une ruse typique de Kojima, mais aussi un bon exemple illustrant comment un choix invisible peut surprendre. D'autres exemples incluent sauver Biorr de cette cellule pour qu'il vienne vous aider dans le combat contre le Transperceur. Ou vos actes au début de Chrono Trigger, qui sont mentionnés dans le procès du jeu. Par ailleurs, comme les choix explicites ont pris une telle importance, les joueurs s'attendent, à juste titre, qu'ils aient des conséquences égales dans l'histoire. Et à être déçus quand ce n'est pas le cas. Mais avec des choix invisibles, même des conséquences minimes sont mémorables et impressionnantes. Si je fais la liste des avantages... je devrais aussi aborder les difficultés de la mise en place des choix invisibles. Il peut être difficile de gratifier chaque choix du joueur. Dans une scène de Firewatch, vous devez gérer des ados qui se baignent nues, et le jeu réagira à différentes actions, y compris lancer leur boombox dans le lac, mais les programmeurs ont dû créer un système complexe et robuste pour tenir compte de toutes ces actions. Vous trouverez des ressources pour vous aider à mettre en place des choix invisibles dans la description. Ce système ne fonctionne pas pour tous les types de choix. Si votre seul mode de communication est le canon d'une arme, cela ne fonctionnera pas pour les décisions nuancées. Mais tout n'est pas noir ou blanc. Revenons à Firewatch. Ce jeu suit des actions comme les objets récupérés, mais dispose aussi d'un système de dialogues complet via le talkie-walkie. Cela vous donne deux façons de vous exprimer. Si les choix sont ambigus, les joueurs peuvent ne pas comprendre qu'ils avaient accès à certaines options, et se sentent trahis quand ils comprennent. J'ai fait une vidéo sur la Forteresse Folâtre de Bioshock, où l'on peut quitter la zone sans tuer Sander Cohen. Si j'en crois les commentaires, beaucoup ne savaient pas que partir était une option. Il faut donc indiquer que d'autres choix sont possibles. Enfin, les joueurs peuvent ne pas comprendre qu'ils voient les conséquences de leurs actes. Les choix explicites ont un avantage : ils indiquent explicitement que vous avez un impact sur le jeu. Mais il est possible de rater des choix invisibles. Lors des tests de Dishonored, Arkane a remarqué que des joueurs trouvaient le jeu linéaire, car ces joueurs ne comprenaient pas qu'ils prenaient des décisions. Ils étaient trop subtils et naturels. De même, il est facile de finir Silent Hill 2 sans comprendre que la cinématique que vous voyez est le résultat de certains actes obscurs que vous avez effectués tout au long du jeu. Quand vous utilisez des choix invisibles, les dialogues doivent être un peu maladroits, et indiquer clairement aux joueurs qu'il s'agit des conséquences de leurs actes. GHÛRA LE CHANTEUR : « Comme un refrain, il revient. Mais il ne verra pas demain. » Si vous êtes trop subtil, vous aurez travaillé en vain. Et voilà. Les jeux d'action n'ont pas besoin de devenir des RPG ou des jeux d'aventure textuels pour réagir, mémoriser, ou répercuter les choix des joueurs. Ces jeux offrent des modes de communication au joueur, d'exprimer son intention, ses valeurs, ses décisions et tendances morales. En ajoutant des choix invisibles, les joueurs peuvent parler la langue qu'ils parlaient dans le cadre du jeu normal. Et ainsi, les jeux peuvent rendre les options plus ambiguës. Une décision peut être difficile à prendre. Le jeu peut suivre des tas de petites actions effectuées par le joueur. Et les conséquences de celles-ci peuvent être étonnantes. Pour conclure, disons que les actes sont plus éloquents que les mots, et je pense que plus de jeux devraient suivre cette maxime. Merci d'avoir regardé. Hé, bonne année ! Celles et ceux qui soutiennent GMTK sur Patreon reçoivent une liste de 20 articles et vidéos recommandés. Voici un exemple de la liste de janvier : pourquoi le genre des super-héros n'est pas comparable au western. Vous trouverez la liste complète sur Patreon, le lien est en description. Merci beaucoup pour votre soutien.