1
00:00:04,570 --> 00:00:07,910
Salut, je suis Tony, et voici
Every Frame a Painting. Faisons un tour.
2
00:00:08,510 --> 00:00:11,729
Le sujet du jour est :
Martin Scorsese et l'art du silence.
3
00:00:11,729 --> 00:00:16,060
Bien que Scorsese soit connu pour son utilisation
de la musique, l'un de ses meilleurs atouts
4
00:00:16,060 --> 00:00:18,740
est en fait son usage délibéré
et puissant du silence.
5
00:00:18,740 --> 00:00:22,909
Dans une interview, il a cité Frank Warner
pour l'avoir aidé à ce sujet sur "Raging Bull".
6
00:00:22,909 --> 00:00:26,140
- Au bout d'un moment, on avait
tellement d'effets sonores,
7
00:00:26,140 --> 00:00:29,120
qu'on a pensé à les retirer,
et laisser le silence s'installer.
8
00:00:29,120 --> 00:00:32,910
Comme pour simuler un d'étourdissement
après des coups répétés dans l'oreille.
9
00:00:32,910 --> 00:00:35,809
Il y a cette célèbre scène où
Jake LaMotta se prépare
10
00:00:35,809 --> 00:00:37,870
à se faire massacrer religieusement :
11
00:00:49,600 --> 00:00:53,789
Si vous parcourez la filmographie de Scorsese,
il y a plein de variations intéressantes
12
00:00:53,789 --> 00:00:57,500
sur ce concept. On peut même le comparer
directement à d'autres réalisateurs.
13
00:00:57,500 --> 00:00:59,850
Par exemple, dans "Infernal Affairs",
14
00:00:59,850 --> 00:01:02,480
ce moment crucial de l'histoire
a un fond musical.
15
00:01:07,850 --> 00:01:09,850
Mais dans le remake :
16
00:01:15,170 --> 00:01:18,700
Indépendamment de votre version préférée,
il y a assez d'éléments à étudier
17
00:01:18,700 --> 00:01:21,700
en regardant et comparant ces deux films
pour faire un cours complet.
18
00:01:22,010 --> 00:01:25,810
Parfois, Scorsese amène le film
à un climax sonore.
19
00:01:29,060 --> 00:01:32,750
Et puis ... le silence. Cet exemple
est assez extrême,
20
00:01:32,750 --> 00:01:36,750
car le moment le plus bruyant du film
est immédiatement suivi par le plus calme.
21
00:01:37,290 --> 00:01:41,310
Parfois, le silence est l'élément central
de la tension dramatique d'une scène :
22
00:01:41,750 --> 00:01:45,930
- Et pourquoi tu me trouves drôle ?
Qu'est ce qui est si putain de drôle avec moi?
23
00:01:45,930 --> 00:01:47,930
Dis-moi.
Dis-moi ce qui est drôle.
24
00:01:53,130 --> 00:01:55,609
- Arrête de te foutre
de ma gueule, Tommy.
25
00:01:56,019 --> 00:01:59,470
En regardant ses 50 ans de carrière,
on trouve plein de manières fascinantes
26
00:01:59,470 --> 00:02:02,850
d'utiliser le silence : pour intensifier
la subjectivité d'un moment,
27
00:02:02,850 --> 00:02:05,090
pour rendre une scène
encore plus terrifiante,
28
00:02:05,090 --> 00:02:07,039
pour exprimer l'amour
au premier regard,
29
00:02:07,039 --> 00:02:09,689
et amener notre bonheur
à un arrêt brutal et total.
30
00:02:13,779 --> 00:02:16,240
En fait, pas toujours
un arrêt 'total'.
31
00:02:16,490 --> 00:02:18,109
- Je ne pars pas.
32
00:02:19,949 --> 00:02:22,300
- Putain, je ne partirai pas !
33
00:02:23,450 --> 00:02:27,699
Je pense que, par dessus tout, ces choix
de design sonore viennent des personnages.
34
00:02:27,769 --> 00:02:31,529
Les personnages font tous des choix
importants qui auront des conséquences :
35
00:02:31,709 --> 00:02:34,820
prendre l'argent ...
ne pas riposter ...
36
00:02:34,910 --> 00:02:37,989
cacher ses émotions ...
ne pas faire confiance à quelqu'un ...
37
00:02:38,059 --> 00:02:39,650
attendre la fin d'une gêne ...
38
00:02:39,760 --> 00:02:41,240
revenir dans la partie ...
39
00:02:41,370 --> 00:02:43,260
ignorer qu'ils ne sont pas désirés.
40
00:02:43,370 --> 00:02:47,409
Et parce que ces moments sont répétés
délibérément et avec parcimonie dans chaque film,
41
00:02:47,409 --> 00:02:50,190
le silence semble différent,
et lié à un thème différent.
42
00:02:50,310 --> 00:02:54,539
Cela permet aussi à Scorsese de bâtir
une structure cinématographique autour du son.
43
00:02:54,739 --> 00:02:57,960
Par exemple, dans "Raging Bull",
quasi toutes les scènes de combats
44
00:02:57,960 --> 00:03:00,240
sont précédées par un moment
+ calme à la maison.
45
00:03:00,240 --> 00:03:03,650
Cela lui permet certaines choses, comme
faire des "cuts" brutaux sur des coups.
46
00:03:03,650 --> 00:03:05,700
Mais cela souligne aussi
le thème du film :
47
00:03:05,700 --> 00:03:09,340
la violence dans le ring est juste
un prolongement de la violence domestique.
48
00:03:09,370 --> 00:03:12,529
Quand il attaque son frère,
on entend les mêmes sons
49
00:03:14,880 --> 00:03:16,540
que dans le ring.
50
00:03:17,070 --> 00:03:20,709
Et Scorsese n'est pas seul à utiliser
ce genre de structure cinématographique.
51
00:03:20,709 --> 00:03:24,290
Par exemple, "Sauver le Soldat Ryan"
débute et fini par deux longues batailles.
52
00:03:24,290 --> 00:03:27,280
Et dans chacune d'entre elles,
il y a un moment comme celui-là :
53
00:03:30,110 --> 00:03:32,470
Au début, on ne connaît aucun
de ces personnages.
54
00:03:32,470 --> 00:03:34,069
Et à la fin,
on les connaît tous.
55
00:03:34,069 --> 00:03:36,889
Vous pouvez être en désaccord
avec mon interprétation, mais ici,
56
00:03:36,889 --> 00:03:40,340
je suis convaincu que le personnage
sait qu'il va mourir et, dans les deux cas,
57
00:03:40,340 --> 00:03:42,760
il l'accepte, et choisit
de continuer à se battre.
58
00:03:42,760 --> 00:03:45,450
Et je pense que c'est un bel exemple
d'utilisation du son
59
00:03:45,450 --> 00:03:47,980
comme structure cinématographique
globale d'un film.
60
00:03:48,700 --> 00:03:51,419
Ce n'est pas juste
une question de 'bon' mixage audio,
61
00:03:51,419 --> 00:03:54,190
les ingénieurs du son ne peuvent pas
faire ça d'eux-mêmes
62
00:03:54,190 --> 00:03:58,210
si le film est conçu pour contenir seulement
des dialogues, effets et musique continus.
63
00:03:58,570 --> 00:04:02,369
- Je n'ai rien contre
un film bruyant une fois ou deux,
64
00:04:02,409 --> 00:04:06,930
pendant des courtes périodes
de temps; c'est parfois approprié.
65
00:04:07,470 --> 00:04:11,359
Mais si une séquence est bruyante
pendant 20 or 30 minutes,
66
00:04:11,359 --> 00:04:14,250
on oublie ce qu'est le silence.
67
00:04:14,480 --> 00:04:18,200
Et du coup, rien ne semble vraiment
bruyant, car tout l'est.
68
00:04:18,390 --> 00:04:22,268
Dans le cinéma commercial, les scénaristes
et réalisateurs n'utilisent plus du tout
69
00:04:22,268 --> 00:04:25,529
le silence, ou alors ils utilisent mal
le silence à leur disposition.
70
00:04:25,529 --> 00:04:28,330
Et c'est quelque chose
qui s'aggrave d'année en année.
71
00:04:28,680 --> 00:04:30,680
Par exemple, 1978 :
72
00:04:37,220 --> 00:04:41,090
C'est un peu ringard, mais au moins,
ce film essaye d'utiliser le silence
73
00:04:41,090 --> 00:04:43,530
pour nous faire ressentir
la perte du personnage.
74
00:04:43,690 --> 00:04:46,600
Et on la ressent pendant
l'intégralité de ce silence.
75
00:04:48,600 --> 00:04:50,600
Et pendant ce temps-là,
en 2013 :
76
00:04:57,610 --> 00:05:01,170
Cela peut sembler silencieux, mais
il y a toujours de la musique en fond.
77
00:05:01,170 --> 00:05:05,269
Plus important, le "presque-silence"
est utilisé pour récompenser le personnage :
78
00:05:05,430 --> 00:05:09,630
il assassine quelqu'un et gagne un câlin.
Mais si vous regardez le film en entier,
79
00:05:09,630 --> 00:05:12,519
vous verrez qu'à chaque moment de silence,
il y a un câlin.
80
00:05:14,759 --> 00:05:17,159
Donc utilisez les moments
de silence à bon escient.
81
00:05:17,159 --> 00:05:20,649
N'affaiblissez pas leur impact en
les sur-exploitant à chaque scène dramatique.
82
00:05:20,649 --> 00:05:23,470
Si vous pouvez structurer le film
pour que le silence vienne
83
00:05:23,470 --> 00:05:26,150
des personnages et de ce qu'ils
ressentent, vous obtiendrez
84
00:05:26,150 --> 00:05:29,260
quelque chose de mieux que du silence :
une réaction émotionnelle.
85
00:05:29,400 --> 00:05:31,270
- Quel est le pire ?
86
00:05:32,220 --> 00:05:36,220
Vivre en monstre,
ou mourir en homme de bien ?
87
00:05:46,120 --> 00:05:47,370
- Teddy ?