Bonjour à tous.
C'est un plaisir d'être ici,
sur la scène du New World Stages,
pas de ce côté, mais de celui-ci.
C'est vraiment marrant.
Aujourd'hui j'aimerais vous parler
de la fin du public
et de l'émergence du joueur.
Permettez-moi de vous présenter
votre nouveau consommateur
dernière génération.
C'est votre public génération Y.
Il est parfois génial,
parfois incroyablement pénible.
C'est une sorte d'étrange
mélange des genres.
Mais la génération Y
est comme ça pour une raison.
Elle n'en est pas arrivée là par hasard.
Elle est très facilement distraite.
C'est le monde actuel,
mais elle l'est particulièrement.
Les jeunes ont avec eux
un appareil qui sonne sans arrêt
et tout le temps,
qu'ils soient au travail ou ailleurs.
Ils ont aussi dompté l'ennui,
ce qui est plutôt fou, non ?
Vous ne pouvez plus vous ennuyer,
même si vous n'utilisez pas Grindr.
(Rires)
Ils maîtrisent la technologie
et en sont obsédés.
À l'âge de cinq ou six ans,
nos jeunes Américains
ont utilisé plus de technologies
et en savent davantage
sur Internet et les technologies
que la majorité d'entre nous en savait
à l'âge de 30 ans à notre époque.
C'est un changement massif.
Et parce qu'ils ont grandi
dans un environnement
avec très peu de limites et de discipline,
ils adorent l'obsession.
Et « obsédé » n'est pas qu'un mot
tout juste arrivé dans notre culture
comme un cheveu sur la soupe,
c'est aussi une part entière
de notre façon de voir le monde.
Aujourd'hui, plus de discipline,
nous avons des TOC.
Leur augmentation a contribué à propulser
l'anti-héros geek.
Il y a toujours eu des anti-héros geeks,
mais aujourd'hui, le héros, c'est lui,
et on ne peut l'ignorer
dans le récit constructif.
La raison à cela, mes amis,
derrière cela, c'est le pouvoir des jeux.
Même pour ceux qui ne jouent pas,
l'influence des jeux sur la culture,
sur notre manière de penser,
est pourquoi nous nous trouvons
dans cet état de joie et de frustration.
On peut se demander :
pourquoi les jeux sont si puissants ?
Pourquoi autant d'influence ?
Que font-ils ?
En fait, c'est scientifique :
il s'agit de renforcement intrinsèque.
Voilà comment ça marche.
Chaque fois que vous vous lancez un défi,
quelle que soit son importance,
et que vous le réussissez,
votre cerveau sécrète ce joli petit
neurotransmetteur : la dopamine.
Et la dopamine est une substance
vraiment très agréable.
Donc : défi, réussite,
hummm ! C'est le pied.
Le neuropsychologue Ian Robertson
a mis en avant une autre relation
qu'il a appelé le « winner effect ».
À mesure que vous faites ça :
défi, réussite, dopamine,
vous commencez à sécréter
de la testostérone
directement liée à la boucle
défi, réussite, dopamine.
Ainsi, avec le temps, le combo défi,
réussite, dopamine et testostérone
affecte la structure de votre cerveau.
Et la conséquence
de cette modification structurelle,
c'est que les choses qui ne provoquent pas
un flux constant
de dopamine et de testostérone
n'ont pas l'air
particulièrement amusantes.
Vous vous tournez alors vers les choses
qui déclenchent la sécrétion de dopamine :
défi, réussite.
C'est pourquoi je pense aujourd'hui
que nous vivons une période charnière
où la somme de toutes ces choses
vient profondément transformer
la nature du public
et changer comment nous interagissons
avec toutes sortes de contenus.
Vous avez sûrement déjà entendu,
surtout dans le domaine
des industries créatives et de contenu,
« Non, mais moi, je sais.
C'est nul ce que tu fais ! »
Non ? « Le monde a changé,
les gens ont changé, tout est nul. »
Je ne présenterai pas
les choses de cette façon.
Je vous dirai que les choses ont changé,
certains le savent, d'autres non,
certains sont de la génération Y,
d'autres non.
Vous en avez peut-être conscience,
comme moi, ou pas.
Mais je veux vous montrer
quelques exemples
de ce que des gens font,
comment d'autres y ont répondu,
ainsi que ma vision de l'avenir
de cette remarquable institution
qu'est le spectacle vivant.
Je vous dirai aussi que je pense
que l'on peut utiliser l'impact des jeux
à notre avantage, pour arriver à nos fins.
Et quand on fait ça délibérément,
plutôt que de le subir,
quand on en devient acteur,
c'est de la gamification.
Il s'agit d'exploiter
le principe des jeux
pour toucher les gens
et changer leur conduite.
Et ce qui est fascinant,
c'est que c'est possible.
Pour y parvenir, nous avons besoin
des éléments suivants :
retour, amis et amusement.
Tout système qui rassemble
ces trois notions
retiendra votre attention.
Et plus ces notions sont présentes,
plus le système est efficace.
Observons cela
à travers quelque chose que certains
trouvent sûrement insupportable :
le fait de prendre en photo
tout ce que vous mangez.
Si nous sommes amis sur Facebook -
je vous encourage fortement
à m'ajouter sur Facebook ou Instagram -
je vous promets de vous noyer sous
une quantité de photos de nourriture.
Vous aurez la chance d'être avec moi
à chaque bouchée.
Bon, certains d'entre vous trouvent ça
insupportable, non ?
Genre : « Mais arrête avec tes photos !
Mange ! »
« Tu es là, avec moi, c'est notre moment,
alors pourquoi tu es obsédé
par les photos de ton assiette ? »
Et il y a des gens qui,
pour contrer ce phénomène,
ont lancé le jeu du « Sois poli »,
que vous connaissez peut-être.
Le principe du jeu est simple :
chacun pose son téléphone sur la table,
comme son revolver au Far West,
et le premier à reprendre son téléphone
paie l'addition.
Bonne idée, non ?
Je crois que l'on se comprend.
Oui, vous adorez l'idée !
Mais il y a un mais.
Voilà le problème :
aussi insupportable que ça puisse sembler,
aussi ridicule que l'on puisse le penser,
nous passons à côté
d'un concept fondamental :
pour cette génération de joueurs
dans le monde actuel de la gamification,
les gens, chez eux,
font partie de l'expérience.
Ils réagissent énormément
à l'expérience en cours.
Ils mettent des pouces,
ils mettent des cœurs,
ils commentent.
Ils entraînent cette agréable
sécrétion de dopamine,
et ils sont parfois
plus intéressants que vous à table.
Pas vous, d'accord, ni vous, mais vous !
Ils apportent donc parfois
plus de retours positifs,
et font partie de cette expérience.
Tout ça est adorable, n'est-ce pas ?
« Haha, Jimmy ne me parle même pas
à table. »
Quel impact cela a-t-il sur l'économie ?
Voici un exemple.
Un grand constructeur automobile
avec lequel j'ai travaillé
m'a dit : « On a un problème.
Les ados ne conduisent plus comme avant.
Ils ne veulent plus conduire. »
J'ai demandé pourquoi.
Réponse : les lubies classiques
de la génération Y.
L'environnement.
Ils ne veulent pas conduire ou
investir dans une voiture.
Mais la principale cause
du désintérêt massif des jeunes Américains
pour la conduite,
c'est la campagne de prévention sur
l'utilisation du portable au volant.
Alors ils préfèrent ne pas conduire.
(Rires)
(Applaudissements)
Vous voyez ?
Et c'est vrai !
Et si vous m'aviez dit, il y a cinq ans :
« Gabe, Instagram va tuer l'automobile »,
je vous aurais ri au nez.
« J'aimerais bien voir ça ! »
Je vais vous expliquer quelque chose.
Avec cette génération et le monde actuel,
avec cette boucle du renforcement positif
qu'entraîne le combo
dopamine, défi, réussite,
toutes les cartes sont sur la table.
Peu importe à quel point
le comportement est ancré,
peu importe le poids
de sa signification culturelle,
les gens iront vers
ce qui les rend heureux.
Ils iront vers ce qui crée le plus
de renforcement positif,
et c'est ce qui risque de renverser
tout ce que nous savons
sur le comportement humain.
Rien n'est immuable.
Et pour les professionnels d'une industrie
basée sur une vision sur le long-terme
de la création de contenu,
cela peut être crucial.
Réfléchissez :
comment l'industrie du spectacle vivant
agit face aux réseaux sociaux ?
On jette le public hors de la salle,
on le dénigre,
on fait appel au videur, on le moque.
Interdiction de surfer sur les réseaux
au beau milieu d'une représentation.
Et je pense que c'est la cause
d'un des conflits classiques
qui nous opposent à cette génération.
Vous saviez que 4/5e
de la population américaine
a regardé une émission de divertissement
avec un deuxième ou troisième écran actif
dans les 30 derniers jours ?
On ne peut même pas rester assis pendant
22 minutes d'émission sans devenir fou
tellement on s'ennuie. Pas vrai ?
Comment sont-ils censés rester assis
pendant deux heures sans interaction ?
Plutôt que de combattre cette tendance,
une des solutions possibles
est de se l'approprier et de l'utiliser
à notre avantage.
Voici Livecube,
un projet sur lequel j'ai travaillé.
Livecube invite les réseaux sociaux
au cœur d'événements en direct
pour les recentrer.
Livecube utilise le concept de jeu
pour opposer les gens,
créer des expériences sur les réseaux,
promouvoir l'événement en cours,
et bien plus.
Et ça s'est montré très efficace.
Au lieu d'aller à l'encontre de ce fait,
acceptez-le, et utilisez cette force
pour proposer d'autres choses
et prolonger l'expérience.
Voici un autre conflit fréquent
autour des représentations :
On s'imagine que,
parce que la génération Y,
ce nouveau consommateur,
aime être au cœur de l'action,
souvenez-vous, les jeux vous placent
au cœur de l'histoire,
beaucoup de créateurs de contenu
pensent que ce que ce public veut,
c'est écrire sa propre histoire.
Il veut participer et choisir la fin.
Et, parfois, c'est le cas, non ?
La télé-réalité nous propose de voter.
Toutefois, dans la pratique,
c'est à vous de le divertir.
Mais le public veut participer,
il veut être profondément impliqué.
Il y a du divertissement immersif
particulièrement efficace.
Ce n'est pas une surprise
que le divertissement immersif
rencontre un tel succès aujourd'hui.
Ça fonctionne.
Je fais partie de l'histoire,
mais vous restez l'auteur de ce récit
qui nous guide tout du long.
Donc si vous ne pouvez pas faire ça,
comment utiliser la technologie
pour placer l'utilisateur, le joueur,
au cœur de l'histoire ?
Domino's nous donne là
une très bonne étude de cas.
Domino's a conçu une application,
« Domino's Pizza Hero »,
dans laquelle vous jouez un pizzaiolo
qui fait des pizzas. D'accord ?
L'application vous apprend
comment pétrir la pâte,
la faire tourner, comme Luigi,
la garnir de sauce,
de fromage et de légumes.
Et en un clic,
la pizza est cuite dans votre Domino's
et livrée chez vous
depuis le jeu.
Et si vous êtes particulièrement doué,
Domino's vous invite
à postuler pour un travail
(Rires)
depuis le jeu !
Bien, ha ha ! Mais cette entreprise
doit recruter 30 000 personnes par an,
et ce jeu lui rapporte
un million de dollars par semaine.
Ce jeu remplace la magnifique
vidéo de promotion
dans laquelle Domino's
n'utilise que des ingrédients frais.
Regardez ce type faire votre pizza,
tout le monde est bien payé
et heureux en uniforme !
(Rires)
Il s'agit d'une expérience interactive
et c'est une différence cruciale
avec la narration.
Au théâtre,
la plupart des instants narratifs
se concentrent sur la frontière
entre le public et le spectacle,
où le spectacle s'arrête
et la vie du public reprend.
Et, avec les nouvelles technologies,
la fin du récit n'a pas à en être une.
Je ne vous dis pas
d'acheter des Google Glass,
c'est juste un exemple.
Certains ont peut-être déjà vu
ce jeu génial
appelé « Zombies, Run! »
L'idée est de vous faire courir
en vous pourchassant avec des zombies.
(Rires)
Vous pouvez prolonger vos histoires
et votre narration de la même façon,
Google Glass ou non,
ça vous permet de vous connecter aux gens
à un autre endroit.
Et c'est un autre élément de la notion
de valeur centrale chez la génération Y :
c'est cette idée que l'accomplissement
personnel est crucial, primordial.
Ce que je ressens face à mes actions
est particulièrement important,
j'ai besoin de savoir que je progresse,
et je veux que votre produit ou service,
votre idée, votre contenu
fasse partie de l'histoire de mes progrès
et de ma maîtrise au cours de ma vie.
Et c'est le cœur de la gamification.
Des applications comme Nike Plus
ont un immense succès.
Ce sont des programmes de fidélité.
Elles fonctionnent pareil.
Mais elles exploitent mon propre effort
pour m'améliorer toujours plus,
et vous permet de propager votre contenu
au-delà de son propre espace.
Et cette extension de consommation
est particulièrement importante
car la génération Y est aussi à la pointe
de ce concept de consommation compulsive
popularisé par l'épisode de Portlandia
sur « Battlestar Galactica ». Non ?
La consommation compulsive,
c'est l'idée que je dois pouvoir décider
combien je veux consommer moi aussi.
Je ne veux pas juste consommer
vos nuggets,
si j'aime vraiment ce que vous faites,
je veux en consommer le plus possible.
Et je veux en consommer
à l'exclusion de toute autre chose.
Vous avez donc l'occasion d'étendre
le concept que vous créez
même si vous n'en avez pas les ressources,
même si votre contenu
ne colle pas parfaitement
au modèle de consommation compulsive.
En associant technologie et gamification,
vous pouvez étendre ce que vous créez
et entrer dans la vie des gens
différemment.
Voici un de mes exemples préférés
qui utilise aussi un concept important
de la gamification : Tabasco Nation.
Et ce concept, c'est le tribalisme.
Car, plus que tout ce dont
nous avons parlé,
la génération Y aime créer du lien,
elle aime trouver sa tribu
et être avec elle.
Tabasco cherche un moyen de diffuser
son concept de sauce piquante
dans le monde
et incite les amateurs de sauce piquante
à revendiquer publiquement
leur appartenance à une tribu.
Chaque goutte de sauce piquante versée
vous rapporte un point.
Plus c'est fou, plus vous avez de points :
comme en mettre sur du gâteau,
en manger au sommet de la Tour Eiffel,
en verser dans la tasse
de votre professeur.
C'est cool.
Plus vous jouez,
plus vous gagnez de points
et plus vous débloquez
d'expériences sympas.
Mais la valeur centrale,
et c'est une campagne très efficace,
c'est que vous appartenez à une tribu.
Idem si vous êtes fan
des comédies musicales de Sondheim.
Il y en a ici !
(Rires)
Et c'est le moment du coup de grâce
pour nous tous ici.
Tout ce dont j'ai parlé,
je l'ai placé du point de vue
de la génération Y,
mais, en réalité, tout ce que veut
la génération Y,
être au cœur de l'histoire,
consommer plus de contenu,
constater sa progression,
voir comment votre concept
s'adapte à son univers
et y être profondément connecté,
ce sont des choses que tout le monde veut.
Pas besoin d'avoir 24 ans
pour vouloir ces choses.
Si vous avez effectivement 24 ans,
vous attendez toutes ces choses
parce que vous avez joué à des jeux.
Et c'est aussi vrai à 45 ans,
vous avez toujours besoin de défis,
vous voulez toujours du contenu,
vous voulez toujours faire partie du récit
et pouvoir en faire plus.
Sans surprise,
les femmes de plus de 40 ans représentent
la plus grande population de joueurs.
C'est vrai.
Si vous contactez ma mère
en disant « Salut Maman de Gabe,
que faites-vous ? »,
elle répondra : « Candy Crush ».
(Rires)
C'est ce genre de population !
Alors, si vous pensez que
l'industrie du divertissement
restera la même
encore une vingtaine d'années,
laissez-moi vous dire que c'est faux.
Pour conclure, j'aimerais juste dire que
je pense que nous sommes
à une période charnière.
Nous sommes à une étape
dans le domaine du divertissement,
de la création de contenu.
Nous faisons les mêmes choses,
de la même manière
depuis plus ou moins
des milliers d'années.
Et, comme d'autres
vous l'ont dit aujourd'hui,
un tas d'avancées technologiques
se produisent tout autour.
On peut utiliser plein de techniques
et intégrer plein d'idées différentes
pour que les représentations
et le lien avec le public
soient plus profonds.
Mais pour cela nous aurons besoin
d'adapter intégralement nos concepts,
de réfléchir à des solutions utilisant
les nouveaux cerveaux améliorés
de la prochaine génération.
Et la gamification est le support
que nous utiliserons à ces fins.
Merci.
(Applaudissements)