Nous avons tous des rêves. Nous avons tous de l'ambition. Nous aspirons tous à la perfection - le travail parfait, la famille parfaite, la vie parfaite - ce qui devrait nous apporter joie, bonheur et satisfaction. Donc nous choisissons souvent un chemin qui selon nous, nous emmènera à cette perfection au plus vite. C'est vrai, parfois la vie nous réserve des coups durs, mais nous nous retrouvons souvent à recoller les pots cassés et nous nous retrouvons sur le même chemin avec toujours la même destination en tête. Et si la vie ne fonctionnait pas comme ça ? Et si, en restant sur ce chemin, vous passiez à côté des opportunités qu'auraient pu vous offrir les autres chemins ? Ou pire encore, et si rester sur ce chemin ne vous apportait que grande misère et déception ? Mes amis, je suis ici aujourd'hui pour vous dire que, parfois, oui parfois, pour trouver votre vrai chemin de vie, vous devez vous perdre. Comment je sais ça ? Eh bien, il s'agit de notre histoire. En 2011, nous nous sommes perdus, pas perdus au sens propre où demander notre chemin ou regarder une carte aurait pu nous aider, mais perdus comme si on avait été déposés dans un étrange pays où on ne connaissait personne, dont on ne connaissait pas la langue, ni les panneaux. C'était notre entrée dans le monde de l'autisme. Avant cela, ma femme et moi avions ce qu'on pourrait appeler la vie parfaite. Nous étions tous les deux médecins, nous avions une jolie maison. Nous pouvions voyager quand nous voulions, et nous venions d'accueillir notre premier enfant. Il s'appelait Abram. Abram était un magnifique bébé. Il dormait bien, il était heureux, et il était très précoce, il a d'ailleurs commencé à parler à environ dix ou onze mois. Nous pensions être sur notre chemin, sur le bon chemin nous menant à notre destination parfaite. Mais tout ça changea quand il eut deux ans. Presque en un clin d'œil, il s'arrêta de parler, de dormir, il se réveillait en pleurant de manière inconsolable de deux à six heures du matin. En tant que parents, nous étions très inquiets. Nous avons fait appel aux médecins de notre communauté, l'autisme a été mentionné, mais on nous a souvent dit qu'il n'avait pas tous les traits, ou qu'il était trop affectueux pour être autiste. Enfin, nous avons eu un rendez-vous chez un des meilleurs médecins du pays, spécialisé en retard du langage. Il avait récemment créé un terme appelé le syndrome Einstein pour décrire les enfants qui n'étaient pas autistes, mais qui avaient un retard de langage et étaient très intelligents. En nous rendant au rendez-vous, nous étions remplis d'espoir. Enfin quelqu'un allait nous remettre sur notre chemin de vie. C'est à ce moment-là que nous nous sommes perdus. Nous étions assis dans une pièce, de la taille d'un placard à balais. Le docteur est entré, il a examiné Abram. Et en cinq minutes, il nous a dit : « Il est autiste. Il ne parlera jamais. Il ne dira jamais 'Je t'aime.' Il ne vous appellera jamais 'maman' ou 'papa'. Et dans deux ou trois ans, vous devrez sûrement le placer dans un institut parce que son état va empirer. » Souvenez-vous qu'Abram n'avait que quatre ans à ce moment-là. C'est comme si quelqu'un avait largué une bombe au beau milieu de nos vies, et on se tenait là à s'accrocher aux morceaux. Mais pourquoi cette peur du diagnostic ? Pourquoi cette peur de l'autisme ? Même si nous étions médecins, notre connaissance de l'autisme se limitait à un seul paragraphe de nos livres de médecine. Ce paragraphe décrivait la pathologie, et mettait lourdement l'accent sur la négativité du pronostic. Quand nos professeurs parlaient d'autisme, ils faisaient souvent référence au film « Rain Man », un film sur une personne autiste qui a passé la majeure partie de sa vie dans un institut psychiatrique. Donc, comme vous le voyez, non seulement nos connaissances étaient limitées, mais elles étaient surtout en lien avec le point de vue culturel de cette époque sur l'autisme. Et du point de vue culturel, l'autisme a toujours été dépeint par les médias comme un diagnostic qui effaçait tout avenir, détruisait les familles, et isolait les individus. Abram est entré dans un monde de thérapie, et nous sommes devenus de plus en plus désabusés : rien ne semblait marcher. Nous avons réalisé que ce dont nous avions besoin était l'acceptation. Nous devions accepter Abram pour qui il était au lieu de continuer à essayer de le faire rentrer dans une case. Et nous devions comprendre qu'il était le même garçon qui se tenait devant nous. Oui, il était autiste, mais il avait un grand potentiel, et il avait tant à offrir au monde. Nous devions trouver un moyen de le comprendre mais surtout de lui apprendre, et la communauté ne devait pas seulement l'accepter mais l'inclure. Nous devions choisir un nouveau chemin pour montrer au monde ce qu'est vraiment l'autisme, sous un nouvel éclairage. Comment en sommes-nous arrivés là ? Nous y sommes arrivés à l'occasion de trois incidents distincts. Le premier est arrivé dans un salon de coiffure. Abram déteste se faire couper les cheveux. Il déteste ça car c'est physiquement douloureux pour lui, car il ressent chaque lame entre ses cheveux de la même manière que mille coupures sur sa peau. Donc nous l'emmenions seulement quand il n'y avait personne, pour que les autres clients ne soient pas dérangés. Un matin, ma femme l'a emmené et le salon avait l'air vide. Le coiffeur a mis Abram sur la chaise, et tout se déroulait plutôt bien, tout compte fait. Cinq minutes après avoir commencé la coupe, une dame qui se faisait coiffer au fond se rua devant, commença à attraper Abram par le visage en le secouant, tout en accusant ma femme d'être une horrible mère ne sachant pas comment punir un enfant en public. Nous avons réalisé qu'avoir conscience de l'autisme ne suffit pas. Ce dont nous avions besoin, c'était de l'acceptation de l'autisme. Vous voyez, la conscience vous donne toujours une porte de sortie. Pas l'acceptation. L'acceptation est proactive. Elle vous force à regarder les solutions et non le problème. L'acceptation est libératrice et puissante. Par exemple, si je vous disais, là, que votre maison est en feu, ce serait de la conscience. (Rires) Ce que vous choisissez de faire avec cette information, ça, c'est de l'acceptation, et ça, c'est puissant. Le second incident arriva alors que j'étais au supermarché avec un bon ami. Cet ami essayait de me consoler sur l'avenir d'Abram et disait : « Abram peut devenir quelqu'un qui emballe les courses au supermarché. » Il n'y a rien de mal à emballer les courses au supermarché, mais cette déclaration m'a vraiment frappé. Pourquoi le monde m'applaudirait-il et me taperait dans le dos si mon fils atteint d'autisme emballait des courses, alors que Judah, mon fils typique, s'il faisait ce métier, le monde me ferait ressentir que je suis le pire père qui existe ? Pourquoi la barre est-elle placée si basse pour les personnes autistes ? Les personnes autistes ont du potentiel mais nous devons leur donner une chance. Nous devons créer des milieux où ils peuvent s'épanouir, où ils peuvent apprendre et s'auto-instruire. Nous devons aider la communauté à comprendre, et nous devons créer des opportunités professionnelles. Le dernier incident a eu lieu en rencontrant une autre famille. C'était une famille qui était si isolée depuis le diagnostic de leur fils qu'elle n'avait été invitée par personne depuis cinq ans. Elle avait été abandonnée par ses amis et sa famille. C'est là que nous avons réalisé que l'acceptation devait se transformer en inclusion. L'autisme a toujours été un diagnostic qui isole, mais ça ne devait pas l'être pour autant. Nous devions trouver un moyen de ramener ces familles dans la communauté. Et voilà comment est né le mouvement KultureCity, un mouvement pour aider les familles, réunir les communautés, et pour voir le potentiel dans chacun de ces enfants. Un mouvement qui a créé une association et a touché plus de 100 000 familles à travers notre formidable pays en l'espace de deux ans et demi. Un mouvement que nous n'aurions pas lancé si nous ne nous étions pas perdus sur notre chemin de vie. Alors mes amis, parfois, oui parfois, se perdre peut être la meilleure chose qui puisse vous arriver. Cela vous donne du temps. Cela vous fait vous rendre compte de ce qui est vraiment important. Et vous pourriez même lancer un mouvement qui pourrait changer le monde. Et selon les mots du grand John Newton, « Amazing grace ! Quelle douce voix qui a sauvé un misérable tel que moi ! J'étais égaré mais je me suis retrouvé. J'étais aveugle mais à présent je vois. » Merci. (Applaudissements)