Bonjour. Juste pour être sûr·e.
Pouvez-vous tou·te·s m’entendre ?
Super.
Je n'ai jamais compris ce phénomène
de la part des conférencier·ère·s,
parce que si vous n'entendez pas,
qu’êtes-vous censé répondre ?
(rires)
Oui, comme c'est indiqué, je suis Os.
Je suis doctorant·e
à l’université de Washington,
où, comme la diapositive l'indique,
mon sujet d'étude est :
« Genre, infrastructure
et (contre-)pouvoir ».
Je vous prierai de me faire
la grâce de faire comme si
il s'agissait là d'une description
académique très explicite, nuancée
et réfléchie et non
comme un titre fourre-tout,
car en quelque sorte j’étudie
un millier de choses différentes
et qu'il est difficile de toutes
les caser en quelques mots.
Mais la plupart des choses que j’étudie
traitent de la manière dont les systèmes
de savoir imposent des idées particulières
sur la façon dont le monde fonctionne,
et les rapports particuliers de pouvoir
vus sous l'angle spécifique du genre.
Je suis aussi ex-Wikipédien·ne.
J’ai passé 15 ans comme un rédacteur·rice,
ce qui a peut-être éveillé mon intérêt
pour la nature du savoir
et je ne peux vraiment exprimer
la joie que j’ai eue d’être invité·e
et à quel point je suis
content·e d’être avec vous,
surtout avec James Forrester
qui peut-être est la
seule personne qualifiée
à contresigner ma demande de
renouvellement de passeport,
car il arrive bientôt à expiration
et j'ai bien cherché une solution mais...
(rires)
Vous déménagez à Seattle.
Tout est super jusqu'au jour où :
« Oh, le gouvernement
britannique exige que je trouve
un ancien prêtre,
un fonctionnaire d’État ou un député,
qui me connaisse depuis au moins deux ans
à qui je puisse envoyer les documents.
Cela semble plausible.
(rires)
Enfin…
Je me retrouve comme quelqu’un
qui a passé beaucoup de temps à…
un nombre d’années
auquel je n'aime pas penser
tant cela me fait me sentir vieux·eille,
à se débattre avec la nature du savoir
et l’idée du savoir,
pour vous dire à quoi Wikidata ressemble
pour quelqu’un de mon milieu
et ayant mes intérêts de recherche.
Et je ne passerai pas trop de temps
sur l’histoire de Wikidata,
car si vous avez déjà passé 24 heures
à ingurgiter toutes les données
possibles sur le sujet,
vous devez bien le connaître.
C’est un entrepôt gigantesque de données
sémantiques qui vise à fournir
des savoirs lisibles par machine
d’une manière centralisée.
Et cela ressemble à une série d'éléments
ayant des propriétés
ou des déclarations associées.
Donc, l'élément « pomme »
a pour propriété « fruit »,
Enfin, je suppose.
C’est un Wiki donc il y a certainement
une interminable bataille de révisions
pour savoir si la pomme est un fruit,
et il y a 50 personnes
gérant 300 comptes entre elles
et ça dure depuis des années,
et à ce stade si vous mentionnez
le mot « pomme » sur Wikidata,
vous êtes suspendu·e à titre préventif
comme étant quelqu'un
qui est un faux-nez gérant un autre compte
pour appuyer un camp ou l'autre.
Par conséquent,
c'est aussi un système
de classification, n'est-ce pas ?
Une façon de classer
et d’organiser le monde.
Donc, des objets ou des personnes
ou des concepts
sont jugés dignes d'avoir
une entrée sur Wikidata ou pas.
Un fruit ou non.
Et dans chaque cas
une série de critères s’applique
pour déterminer les propriétés
que doit avoir un objet,
la valeur de ces propriétés
et comment les objets
sont reliés entre eux.
Donc Wikidata est effectivement
une tentative pour construire
un système de classification universelle.
Et les systèmes de classification
ont été étudiés assez largement.
Une œuvre importante que je recommanderais
vraiment aux gens de lire
s’iels sont intéressé·e·s par ces choses,
c’est Sorting Things Out,
qui est un livre de Geoff Bowker
et Susan Leigh Star.
Et ils ont découvert
que dans un univers idéal,
un système de classification,
qu'il soit universel
ou dans un domaine particulier,
a trois attributs.
Le premier est qu'il fonctionne
selon des principes cohérents et uniques.
Donc, il y a un modèle cohérent
de ce qui doit être dans chaque catégorie
et pour quelles raisons.
Le second est que toutes les catégories
sont mutuellement exclusives.
Et le troisième est que
le système est complet.
Il contient une couverture
totale de ce qu’il décrit.
Et ceci ne signifie pas qu'il doive
comprendre chaque objet
qui puisse s'intégrer dans le système.
Ça veut juste dire que dans le cas
où un objet manquerait
et que cet objet apparaîtrait,
il devrait y avoir un mécanisme cohérent
pour décider de l'inclure ou non,
comment il devrait être décrit
et ainsi de suite.
Il y a un petit problème qui se pose,
c'est qu'aucun système de classification
dans le monde réel
que nous avons examiné ne répond
à ces simple exigences
et nous doutons que cela puisse
jamais être le cas.
En d'autres termes,
tout système de classification a échoué.
Tous les systèmes de classification
ont des lacunes et des exceptions.
Et évidemment, il en va de même
pour tout système, point final.
Quiconque a déjà eu à coder
ou tout simplement à travailler
dans un milieu,
à étudier dans un milieu
ou à vivre dans le monde
sait que nous n'avons encore
jamais élaboré une seule chose
dont nous ayons considéré
tous les aspects.
Le problème est que quand
nous prenons un système,
une classification ou autre chose,
et que nous le diffusons dans le monde
tout en lui conférant
pouvoir et autorité
et que nous l'intégrons
à d’autres systèmes,
qui ont déjà du pouvoir et de l’autorité,
cela a des conséquences
sur ce qui se produit
quand inévitablement le système échoue,
sur la façon dont il renforce ou affaiblit
les relations existantes de pouvoir,
sur la façon dont il affecte les gens.
Autrement dit, un système
de classification universelle
est non seulement voué à l'échec
mais aussi à faire du mal aux gens.
Et la manière dont il est organisé
est en fin de compte une série
de choix éthiques et politiques.
À qui voulez-vous faire du mal ?
À quel degré ?
Qu'est-ce qui devrait être fait quand
les gens sont blessés ?
Et ces choix ont de réelles conséquences.
Faire ces choix amène souvent
à se confronter au fait
qu'il y a très rarement
une seule interprétation simple
et lisible par machine
de quelque chose qui soit vrai
pour tous à travers l'histoire.
Toute chose dans l’univers
a plusieurs significations,
symbolismes et nuances
pour différentes personnes
dans différents contextes
à différents moments.
Mais concevoir un système de
classification et le mettre en œuvre,
concevoir un système qui puisse prétendre
avoir des principes cohérents
et couvrir tout ce dont il traite,
implique inévitablement
de réduire cette complexité
et de prendre des décisions sur ce que
doit être « la » définition d'une chose
ou quel éventail de sens possibles
doit être présenté et dans quel ordre.
Et par conséquent, cela implique
de faire taire certaines voix
ou de rendre certaines voix plus fortes.
Encore une fois, ceci a des conséquences.
Et pour voir ce que je veux dire
sur cette complexité
et le contexte et la réduction,
et les conséquences de celle-ci,
je voudrais donner quelques
exemples pris sur Wikidata même.
Ceux que j'ai choisis sont tous liés
au genre, car encore une fois,
le genre est en quelque sorte
un centre d'intérêt clé pour moi,
tant à titre professionnel que personnel.
Donc je vais commencer
avec le transsexualisme
qui est décrit comme « état dans lequel
un individu s'identifie à un genre
en désaccord ou culturellement
non associé avec son sexe biologique. »
Assez irréprochable et--
mais attendez, non, c’est classé
comme une maladie
et une maladie psychiatrique en plus.
Là, je sais ce que vous pensez ;
vous vous dites que c'est consternant
mais en fait ce n'est pas aussi simple
que de savoir si l'une ou l'autre
de ces déclarations est vraie ou fausse,
n'est-ce pas ?
Elles tombent plutôt
dans une catégorie « vrai, sauf ».
Alors, prenez
le transsexualisme en tant que
nature de l'élément maladie, d'accord ?
Techniquement ceci est vrai
dans la mesure où le transsexualisme
est le nom d'une entrée
de la Classification internationale
des maladies, version 10,
Mais nous devrions ajouter
de la complexité et de la nuance à cela.
Ainsi, la CIM est une classification
d'absolument tout ce que
quelqu'un pourrait avoir au monde
qui puisse être impliqué
de quelque manière que ce soit
dans sa blessure ou sa mort.
Il est en fait illégal de mourir
d’une chose qui ne figure pas dans la CIM
(rires)
Donc, elle contient beaucoup de choses,
et le transsexualisme y est répertorié,
donc nous le classifions
en tant que maladie
parce qu'il figure dans
une classification des maladies.
Alors, voici d'autres choses que
la CIM classifie également comme maladies
pour lesquelles elle
a des entrées spécifiques.
PA80 : Blessure accidentelle par balle.
PA40.0 : Chute de bateau
ayant entraîné la noyade.
(rires)
PA41.1 : Chute d’un bateau avec dommages
causés au bateau, suivie de noyade.
(rires)
PA40.1 : Chute d’un bateau
sans dommages causés au bateau,
non suivie de noyade
mais décès pour raison autre.
(rires)
Et enfin QD50 : Pauvreté.
(rires)
Donc, si l'un·e d'entre vous
est déjà tombé·e d'un bateau,
je suis vraiment désolé·e
mais vous avez une maladie
donc vous devriez vraiment
parler à un médecin.
Quel type de docteur·e,
je n'en suis vraiment pas sûr·e.
Ce pourrait être un·e psychiatre,
allez savoir !
Donc, vous savez que
c'est une maladie, d'accord ?
Concernant la spécialité médicale :
la psychiatrie.
Eh bien, c'est aussi vrai,
en quelque sorte.
Ainsi, les psychiatres sont les personnes
qui diagnostiquent la présence
d'une dysphorie de genre,
une déconnexion entre le sentiment
d'appartenir à un genre
et le genre morphologique ou perçu.
Mais une fois de plus, voyons le contexte.
Par exemple, dire que les psychiatres
en font le diagnostic
ne tient pas compte du fait qu'aucun
des traitements n'est psychiatrique.
Vous pourriez également
énumérer des spécialités
comme la spécialisation en hormones
ou la chirurgie plastique
ou devenir personal shopper.
Toutes ces choses jouent également
un rôle dans les trajectoires de vie ;
elles ne sont pas répertoriées.
Petite info en passant qui peut
être utile : la CIM version 10
est en fait l'ancienne Classification
internationale des maladies
et la CIM 11 ne répertorie plus
du tout le transsexualisme
et encore moins comme une maladie.
Mais mon propos n'est pas
de dire que Wikidata
contient parfois des
informations obsolètes
ou contient parfois
de fausses informations,
c'est que les déclarations qui
sont construites
à partir de ces informations,
à cause de ce qu'elles omettent
et des résultats qui en découlent,
laissent des choses de côté
et ajoutent des risques.
Une façon donc de structurer l'information
que cette entrée contenait est :
« Le transsexualisme est
une maladie psychiatrique. »
Et cela omet beaucoup de complexité,
dont nous avons abordé certains aspects.
Mais le plus grand problème
est de savoir comment cela s'entremêle
et entre en résonance avec les écrits
existants et les informations existantes.
Par exemple, l'idée du transsexualisme
en tant que maladie.
Quelqu'un sait-il pourquoi la CIM cesse
de le faire figurer comme une maladie ?
Eh bien, pour deux raisons.
La première est que désigner
le fait d'être trans comme
une maladie n'est pas exact.
Cela ne correspond pas à la définition
de ce qu'est une maladie.
En fait, la seule raison pour laquelle
quoi que ce soit ayant trait au fait
d'être trans est toujours dans la CIM
n'a pas pour objectif
d'effectuer des examens
de biologie ou de psychiatrie,
mais plutôt purement par pragmatisme.
Car si on arrêtait de le répertorier,
alors les compagnies d'assurance
comme aux États-Unis cesseraient
de couvrir les soins médicaux
associés au fait d'être trans.
Et la seconde est que
la stigmatisation liée au fait
d'avoir quelque chose de classifié
comme une maladie est substantielle
et quand vous répertoriez
le transsexualisme comme une maladie
et une maladie psychiatrique en plus,
vous puisez dans des hypothèses
immémoriales
et de fausses croyances
sur les personnes trans.
Des hypothèses et des croyances
qui ont une grande influence
du genre si c'est une maladie,
il doit y avoir quelque chose qui cloche
chez les personnes trans, quelque chose
que les gens devraient corriger.
Et si c'est une maladie psychiatrique,
alors les personnes trans devraient
être traitées pour ne plus être trans.
En d'autres termes,
quelle que soit la vérité brute
ou la fausseté de la déclaration,
la dépouiller de sa complexité
et de son contexte
permet aux gens de l'intégrer dans leurs
propres notions de ce que cela signifie.
Et cela n'aboutit pas à un système
de classification neutre et objectif ;
cela aboutit à des choses
comme la thérapie de conversion
ou au fait qu'il soit légal de battre
les gens à mort pour être trans
quand vous découvrez qu'iels sont trans
après avoir couché avec eux·elles,
parce que, vous savez, quelque
chose ne va pas chez eux·elles,
raison pour laquelle vous seriez
considéré·e comme raisonnable
d'avoir fait cela.
Donc, un cadrage plus précis
de ceci pourrait être ceci,
ce qui est difficile à intégrer
dans Wikidata.
Et parce que nous ne pouvons
pas l'intégrer dans Wikidata,
et nous l'avons dépouillé,
et nous perdons toute cette complexité,
nous ouvrons la possibilité de renforcer
encore ces notions vraiment dangereuses.
Alors, regardons un autre exemple,
toujours sur le thème du genre
et c'est l'entrée pour non-binaire.
Donc, comme Wikidata nous informe,
le non-binaire est une gamme de genres
qui ne sont ni exclusivement
hommes ni femmes.
Et j'aurais aussi quelques critiques
à émettre sur la section « alias »,
mais ce n'est pas
le plus gros problème ici.
Non, le plus gros problème ici
est qu'à aucun moment dans toute la page,
il n'est fait référence
aux personnes trans.
Donc, si vous regardez l'entrée
pour femme transgenre,
il est écrit : « l'opposé
de l'homme transgenre ».
Et si vous regardez l'entrée
pour homme transgenre,
il est écrit : « l'opposé
de femme transgenre ».
Si vous visitez cette entrée,
il n'y a absolument aucune
référence aux personnes trans.
Il y a une déconnexion
et une distinction totale
entre les personnes non binaires
et les personnes trans.
Et cela pourrait et semble paraître
pédant de s'en inquiéter,
mais c'est en fait un exemple
vraiment utile pour plusieurs raisons.
La première est que la façon
dont les personnes non binaires
s'associent au fait d'être trans
est vraiment ardemment débattue.
Les personnes individuelles non binaires
peuvent ou non s'identifier comme trans.
Donc, il est vraiment difficile
de faire de grands jugements catégoriques
sur une classe de personnes.
D'autres personnes diraient
que les personnes non binaires
ne sont pas trans,
pour une raison quelconque, ou que
les personnes non binaires sont trans.
Vous savez, il faut prendre
une décision à un moment donné :
comment allez-vous
catégoriser cette entrée ?
À quels attributs allez-vous l’associer ?
Mais c'est difficile
de le faire dans Wikidata
quand par nécessité
la structure de la plate-forme
est si catégorique et si fixe
que vous ne pouvez pas vraiment dire
des choses comme :
« Pour certaines personnes, ces choses
sont liées et mais pas pour d'autres
et c'est en fait très politiquement chargé
mais vous devriez y penser. »
il n'y a pas de fait objectif
sur lequel se rabattre.
C'est très contextuel,
complexe et contesté.
« Être non binaire est affaire de genre
(nous ne disons pas
que les non-binaires sont trans ou pas
et faisons la distinction
entre non-binaire et trans.) »
Alors, comment intégrez-vous cela ?
Quelqu'un a une idée ?
Mais cette tendance à réduire
n'est pas une simple histoire de :
« Eh bien, nous n'avons pas intégré
toutes les informations
et je suppose que ce n'est pas parfait. »
Encore une fois, cela s'inscrit
dans les discours préexistants
et le monde préexistant et a le potentiel
de causer des dommages très réels.
Il y a cette très longue histoire
de personnes non binaires
qui ne sont pas considérées comme trans
et qui remonte, en fait,
aux ouvrages médicaux et académiques
fondateurs qui font autorité
en matière de ce qu'être trans signifie
et la façon dont les personnes trans
devraient être traitées.
Et ce que cela a entraîné,
c'est que les personnes non binaires
sont privées d'accès aux ressources,
les soins médicaux, l'appartenance
à la communauté, tout type de soutien.
En fait, jusqu'en 2013,
vous ne pouviez pas être non binaire
tout en ayant accès à un traitement
médical lié à la transition.
Si vous l'étiez et que vous vouliez
avoir accès à ce type de traitement,
vous deviez aller voir votre médecin
et lui mentir constamment
et vous en sortir, avec un peu de chance.
Donc, si vous vouliez que
ce diagnostic soit établi
pour que votre assurance
maladie couvre ces choses
ou que votre sécurité sociale
les prenne en charge,
vous pouviez être
soit un homme, soit une femme
et rien d'autre.
Et en ce moment,
il y a une tonne de réactions
aux existences non binaires,
de la part de personnes qui pensent
que nous sommes une menace
ou quelque chose de nouveau et d'inédit,
alors que notre existence remonte aussi
loin que tout autre type de personne trans
sans que personne ne parle de nous.
Et encore une fois,
la conséquence de ceci
est que ce silence renforce
ces idées préexistantes
qu’être non binaire n'a absolument
rien à voir avec être trans.
et il crée et renforce les discours qui
écartent les gens de l'accès aux soins
et les excluent de la communauté.
Et enfin, avant de m'arrêter
de rabâcher tant de choses sur le genre,
les hijras.
Ainsi, selon Wikidata,
les hijras sont le troisième genre
des cultures sud-asiatiques
et une sous-classe de non-binaires.
Mais seulement voilà :
oui, les gens hijras n'entrent pas
dans une simple catégorie
de binaires homme-femme,
mais à peu près zéro personne hijra
se définirait jamais comme non-binaire,
parce que cela n'a tout
simplement aucun sens.
Dans un contexte occidental, les personnes
non binaires ne sont, par définition,
pas un homme ou une femme,
mais par conséquent pas
un homme trans ou une femme trans.
Les hijras comprennent les femmes trans
et comprennent également toutes
les personnes intersexuées,
toutes les personnes stériles,
et un grand nombre d’homosexuels
mais n'incluent pas les hommes trans
ni les personnes qui ne sont pas binaires,
et ont été désignées en tant
que femmes à la naissance.
Tout cela est vraiment complexe
et il y a littéralement des livres écrits
sur le système du genre
et comment cela s'y intègre.
Mais le fait est qu'il n'y a pas
une simple modélisation
des notions de genre occidentales
aux notions de genre dans
le reste du monde.
Catégoriser les personnes hijras
comme un sous-ensemble
de personnes non binaires
ne tient pas compte du fait que
la plupart des personnes hijras
ne se voient pas de cette façon
et ne veulent pas se voir de cette façon,
et que les définitions d’hijra
et non binaire
sont complètement incompatibles.
Mais encore une fois, cela a
le potentiel de causer des dommages.
Parce que le fait est
que les notions occidentales de genre
sont assez régulièrement
et sur une longue période de temps
exportées vers le reste du monde
souvent par la violence.
Nous avons ces systèmes d'information,
nous avons des systèmes de classification,
nous avons des normes,
nous avons, historiquement
et actuellement, des guerres,
qui gravitent toutes
autour de l'idée selon laquelle
la façon occidentale de faire les choses
est la seule bonne façon
ou est la meilleure façon
et la façon normale
et que tout le monde
devrait s'y conformer.
Et donc, quand nous avons
ces grands projets
qui essaient d'adapter le monde
à une idée très occidentalisée de la
connaissance, parce qu'ils le doivent,
car c'est ainsi que les systèmes
de classification opèrent en général :
tout doit tenir dans un schéma uniforme,
cela perpétue ce genre de violence.
Donc, vous pourriez répondre
à mes préoccupations, mes exemples
et mes divagations de plusieurs façons.
Une ligne à tenir serait :
« Pourquoi ceci a de l’importance ? »
« Pourquoi la participation
de Wikidata et sa validation
ou son invalidation
de discours particuliers
ont-elles un impact sur le monde ? »
Et la première réponse est
que peu importe si ça compte ou pas.
Ce qui est important,
c'est que vous le reconnaissiez.
Donc, à l'heure actuelle, le système
par défaut de Wikidata est :
nous recueillons toutes les données
sous une forme lisible par machine,
mais ce n'est pas ce que vous faites.
Vous prenez également des décisions
sur ce qui devrait être inclus
et ce qui ne devrait pas l'être
et comment le savoir
devrait être représenté,
sur quelle complexité mérite
d'être représentée
et quelle autre ne le mérite pas.
Et ce sont là des choix
éthiques et politiques
et formuler le projet
comme étant simplement le résultat
d'un million de singes anonymes
et interchangeables
avec un nombre équivalent
de machines à écrire
rend impossible pour nous d'avoir
des conversations à ce sujet.
Les organisateur·rice·s,
les utilisateur·rice·s
et les bailleur·se·s de fonds de Wikidata
doivent comprendre
qu'iels prennent fondamentalement
des décisions chargées qui ne sont
pas du tout neutres ou objectives,
ce qui n'est pas mauvais mais dangereux.
« Pourquoi les gens
ne règlent-iels pas le problème ? »
Et donc, d'accord, après avoir accepté
qu'il s'agit là de décisions éthiques
et politiques, vous pourriez dire :
« Eh bien, si les gens veulent
que leurs points de vue soient inclus,
iels n'ont qu'à contribuer ».
Et les communautés marginalisées
contribuent énormément, n'est-ce pas ?
Les communautés homosexuelles
ont une longue histoire derrière elles,
d'autant plus qu'elles ont très vite
adopté cette technologie.
Et les gens pourraient
contribuer simplement à Wikidata.
Par exemple, les hijras pourraient créer
des comptes et commencer à argumenter
qu'en fait, l'entrée ne devrait pas être
un sous-ensemble de non-binaire
et ainsi de suite.
Le problème est qu'il y a peu de chance
que ça serve à quelque chose
parce qu'iels sont la minorité,
parce que bon nombre
des opinions et des perspectives
qui sont actuellement réduites au silence
à l'heure de prendre des décisions
politiques et éthiques,
sont celles des minorités.
J'ai donc fait
quelques calculs sur ce sujet.
Wikidata compte 20 000
éditeur·rice·s actif·ve·s
sur une population humaine
d'environ sept milliards de personnes,
à moins que vous ne croyiez
que les mathématiques sont un mensonge
et que les gouvernements du monde,
contrôlés par des lézards sous l'Arctique,
inventent tout ça.
Et il y a environ... Hein ?
(intervenant·e 1) Vous voulez dire
que ce n'est pas vrai ?
(rires)
Écoutez, je vais être franc·he.
Si les cinq années que j'ai vécu
aux États-Unis m'ont appris quelque chose,
c'est qu'une coalition de gouvernements
qui serait de taille à vouloir contrôler
une grande partie de la population
humaine ne pourrait en aucun cas
avoir la compétence suffisante pour
dissimuler durablement ses agissements.
(rires)
Nous l'aurions découvert en trois mois
et ça n'aurait même pas été
grâce à un courageux
journaliste d'investigation,
mais parce qu'un des lézards aurait
oublié de mettre son costume humain
pour aller s'acheter un litre
de lait un matin
et qu'il se serait accidentellement
retrouvé sur une vidéo TikTok.
(rires)
Wikidata compte donc 20 000
éditeur·rice·s actif·ve·s,
parmi lesquel·le·s nous supposerons
qu'aucun·e n'est un lézard
en costume humain ou autre,
sur une population humaine
de sept milliards d'individus
et il y a environ un million
d'hijras dans le monde.
Donc, si nous supposons
un taux de participation égal,
sans tenir compte de l'extrême pauvreté
dans laquelle vivent
de nombreuses personnes hijras
et de l'impact correspondant
sur l'accès à des choses comme
une couverture internet fiable,
alors les efforts combinés
des 20 000 éditeur·rice·s de Wikidata
devraient être surpassés
par 2,85 personnes.
Cela ne semble pas très réaliste.
D'accord, alors vous pourriez dire :
« Et si nous avions juste
d'autres instances de Wikibase ?
N'est-ce pas vers cela
que nous nous dirigeons ?
Vous pouvez créer votre propre Wikibase
avec vos propres perspectives
et vos propres décisions sur la façon
de classer les choses,
et sur ce qu'il faut privilégier ou non.
Créez votre propre site
avec votre propre norme
de ce qui constitue la connaissance
et de quelles informations
sont importantes. »
Et c'est précisément ce que
les gens pourraient faire.
Mais le problème est que Wikidata
a laissé pas mal de monde derrière elle,
c'est pourquoi les décisions
que Wikidata prend ont tant d'importance.
Il y a le fait qu'elle existe déjà,
elle a l'avantage des précurseurs,
Il y a la marque Wikimedia,
il y a le financement
de sources comme Google,
il y a les partenariats
avec d'autres institutions.
Quand le plan stratégique pour Wikidata
prévoit un engagement
et une intégration avec les musées,
cela n'a pas pour seul résultat d'obtenir
plus de données pour Wikidata.
Il en résulte également que Wikidata
et les décisions prises
par ses utilisateur·rice·s
imprègnent davantage la réalité,
deviennent plus une norme
de fonctionnement des systèmes de données,
et davantage un lieu où l'on puise
pour peupler d'autres espaces.
Je continue donc à utiliser cette phrase :
« Pas mauvais, mais dangereux »
pour décrire les systèmes
de classification
ou pour décrire Wikidata,
et je tiens à souligner
que je ne pense pas que Wikidata
soit intrinsèquement mauvaise.
Mais je pense que ses dangers sont vastes
et que l'on n'y prête
pas suffisamment attention.
Rien qu'en se penchant sur le genre,
nous avons vu trois exemples
que j'ai tirés très, très rapidement,
de situations où même en mettant de côté
le genre « d'exactitude » objective
des informations qu'une entrée
de Wikidata pourrait contenir,
les informations
qu'elle choisit de contenir
et qu'elle choisit
de privilégier perpétuent
ou font taire des discours particuliers
et des idées particulières
qui ont du poids dans le reste du monde,
qui font du mal dans le reste du monde.
Et j'ai choisi ces exemples
pas parce qu'ils sont
particulièrement surprenants
ni parce qu'ils sont uniques,
mais simplement pour souligner que
si j'ai pu trouver autant de problèmes
ayant des résonances dans
des systèmes violents plus larges
dans une si petite tranche de contenu,
imaginez combien d'autres existent.
Et le but de Wikidata,
l'objectif d'une
classification universelle,
si l'on ne s'occupe pas
de ces dangers,
pourrait aboutir, ou aboutira finalement,
non pas à une simple
classification neutre,
mais à une imposition.
En disant voilà la façon dont
le monde fonctionne
et si ça ne vous plaît pas,
alors félicitations,
vous devriez essayer de vous adapter.
Et j'aimerais vraiment avoir une sorte
de réponse simple à cette question.
Je n'en ai pas.
C'est l'un des avantages
de passer à l'université
plutôt que de travailler
dans un département d'ingénierie :
vous pouvez vous pointer
à certains endroits et dire :
« Tout est vraiment compliqué.
Quelqu'un devrait faire
quelque chose pour arranger ça.
Pourriez-vous m'accorder
une subvention ? »
(rires)
Mais tout ce que je peux
vraiment faire, c'est vous renvoyer
à la conclusion de Bowker et Star,
à savoir qu'il ne s'agit pas
seulement de Wikidata,
ce n'est pas un problème de Wikidata,
c'est que la classe de systèmes
dont Wikidata fait partie, n'a jamais
été réalisée en toute sécurité
et qu'il n'y a aucune raison
de penser qu'elle pourrait l'être.
Mon message n'est donc pas
de demander un changement particulier,
ni de vous demander à tou·te·s
de rentrer chez vous et d'abandonner.
Il appartient au projet collectivement
et à chacun·e de vous individuellement
de déterminer dans quelle mesure
vous vous sentez à votre aise
de participer à construire un système
qui revendique l'universalisme,
qui revendique la neutralité
et la vérité des données,
alors que nous savons
que ce n'est ni possible
ni inoffensif en cas d'échec,
et si vous n'êtes pas à l'aise avec cela,
de travailler à l'articulation
d'autres façons de faire
qui pourraient exister.
Cela pourrait être, par exemple,
de donner la priorité
à ces installations locales de Wikibase.
En disant que finalement,
nous devons donner
aux communautés individuelles
et aux contextes
et espaces individuels la priorité
dans la définition de
ce qui compte pour eux,
et comment ils souhaitent être définis.
Et la conversation sur la perspective
qui devrait être incluse
dans un dépôt central devrait attendre
que nous ayons l'éventail
complet des perspectives.
Donc, c'est tout de ma part.
Merci à tou·te·s d'avoir assisté
à cette séance.
Je pense que nous avons
environ 20 à 25 minutes--
(modérateur·rice) 25 minutes pour
les questions, alors allez-y largement.
(longs applaudissements)
Merci beaucoup.
(intervenant·e 2) Merci beaucoup
pour cette merveilleuse présentation
sur les problèmes inhérents
aux systèmes de classification.
L'un des exemples que
vous aviez est vraiment cool
d'un point de vue mathématique,
quand vous montriez
que l'homme transgenre
est l'opposé de la femme transgenre
ou que transgenre féminin est l'opposé
de transgenre masculin
et l'opposé de cisgenre féminin.
Ça signifie que les femmes cisgenres
sont les mêmes que les hommes transgenres,
parce que l'opposé, c'est comme :
si A est l'opposé de B
et C est l'opposé de B,
alors, A et C sont identiques.
En fait, c'est un cas
où l'on devrait dire « différent de »
et non pas « l'opposé de »
et ça pose beaucoup
de problèmes mathématiques
lorsque nous allons demander
des informations à la base de données,
donc il est très important
que vous ayez souligné ce genre de choses.
Oui, un autre exemple de ça
que j'ai trouvé amusant,
c'est le transsexualisme,
dans une section située un peu plus bas--
que je voulais inclure,
mais je n'ai pas réussi
à l'intégrer dans le flux—
comme l'identique de la chirurgie
de changement de sexe.
Ce qui est involontairement désopilant,
parce qu'un diagnostic de transsexualisme
était autrefois une condition préalable
à la chirurgie de changement de sexe.
Ce n'est pas tant une question du style :
« Qui de l’œuf ou de la poule... »
dans la mesure où la poule
porte effectivement l’œuf.
(rires)
Ouais. Donc oui,
quand on regarde Wikidata et sa façon
d'utiliser un langage mathématique
ou pseudo-mathématique
tel que « l'opposé de », « distinct de »,
« dans l'ensemble de »...
Oui, la réalité est plus complexe
que les mathématiques dont
nous disposons pour la représenter.
Je n'ai pas de réponse à ça,
si ce n'est que j'étais
un·e chercheur·se consensuel·le
et que je suis parti·e,
et il y a une raison à cela.
(modérateur·rice) Question suivante.
Qui a levé la main ?
Je vois une main là-bas ?
(intervenant·e 3) Bonjour.
Tout d'abord.
Je vous remercie pour cet exposé.
C'était très révélateur.
Je voudrais vous dire, mais avant tout--
il y a Wikimédia--
Je ne sais pas si vous connaissez
le groupe des utilisateur·rice·s LGBT+.
C'est donc un groupe d'utilisateur·rice·s,
et iels ont cette liste de diffusion,
et iels discutent en fait de la question
du sexe et du genre dans Wikidata
et il y a des propositions qui sont faites
par des personnes LGBT+ pour l'améliorer.
Donc, mais ce n'est pas
encore tout à fait terminé.
Donc, il y a des plans,
des gens qui y travaillent.
Ce serait génial
si vous vouliez intervenir
et donner votre avis
parce que je suis sûr·e
que vous êtes plus expert·e
que la plupart d'entre nous.
Mais je veux faire une critique
de cette chose que vous avez dite
à propos des personnes hijras,
selon laquelle
sur 20 000 éditeur·rice·s de Wikidata,
en supposant que 2,8
d'entre eux·elles soient hijras
et qu'iels doivent venir à bout
de toutes ces 20 000 personnes,
mais ce n'est pas vrai.
Beaucoup de gens,
je dis bien 20 000 personnes,
ne sont tout simplement
pas conscient·e·s d'un problème.
Ce ne sont pas des fanatiques
ou iels ne vont pas activement
empêcher les gens de faire cela
et nombre d'entre eux·elles
aideraient si vous leur en parliez.
Comme [inaudible] qui édite Wikidata,
je n'ai aucune idée de ce problème
et si je l'avais su, je l'aurais réglé.
Alors, oui.
Ouais. Je comprends tout à fait
ce que vous voulez dire.
Et je tiens à préciser
que je ne suis pas en train de dire
qu'il y a 20 000 personnes,
dont beaucoup sont dans cette salle,
même s'iels représentent
un pourcentage infime du total,
qui sont de véhément·es bigot·es
et des impérialistes culturel·le·s.
Ce que je veux dire,
c'est que le modèle
de consensus et de discussion
sur lequel reposent les WikiProjets
comporte quelques failles
dont l'une des plus importantes
est qu'il suppose que toutes les voix
qui méritent d'être représentées
sont présentes
et le sont de manière
quelque peu proportionnelle.
Le consensus a commencé comme
un modèle dans les communautés quakers
où littéralement tout le monde touché par
une décision était dans la pièce,
car tout le monde touché par une décision
pouvait tenir dans la pièce.
Ce que je veux dire
avec ce chiffre de 2,85,
ce n'est pas qu'il faille argumenter
avec toute la population de Wikidata
chaque fois que l'on veut
prendre une décision,
mais plutôt que le modèle de consensus
et le modèle majoritaire quant au type
de connaissance qui devrait
être représentée
se heurte fondamentalement à un problème
lorsque les personnes
qui sont sous-représentées
sont sous-représentées.
Un autre exemple de ça,
et un exemple réel,
c'est le Myanmar en tant que pays.
La Wikipédia anglaise
prétend qu'il s'appelait la Birmanie
jusqu'à il y a quelques années.
Et le raison pour cela était très simple.
Ça n'a pas plu à la BBC
de l'appeler Myanmar
et des tas d'éditeur·rice·s--
Pardon ?
(intervenant·e 4) [inaudible]
complètement faux. Désolé·e.
(rires)
Vous gérez cette question ou bien...
Je sais que ce n'est pas
exactement ça, mais c'est juste...
(i.4) : [inaudible] C'est en fait--
- (m.) Je vous passe le micro, monsieur.
- Oui ?
(i.4) C'est juste incroyablement
jouer les ignorants
- (I.4) et ça...
- OK, allez-y
c'est une terrible, terrible
caractérisation erronée
- de la situation politique au Myanmar.
- Ok. Allez-y.
(i.4) Quoi qu'il en soit, donc en fait,
ce qui se passe, c'est que le pays--
en birman,
- le pays peut être appelé Myanma ou Bama.
- Oui.
Myanma tend à être un registre plus formel
et Bama tend à être un registre
un peu plus informel,
mais les deux sont des termes
acceptables pour le pays.
Le terme Birmanie vient
évidemment du terme Bama,
mais ce qui s'est passé,
c'est qu'il n'y a pas d'officiel...
Le pays a été officiellement appelé,
en anglais, Burma
jusqu'en 1988 -- 1989, excusez-moi,
lorsque le gouvernement militaire du pays
a simplement décidé,
la junte militaire du pays a décidé
que le pays devrait être désigné
sous le nom de Myanma.
En apparence, c'était une tentative
de rendre le nom du pays
plus acceptable
pour les minorités dans le pays.
Toutefois, il s'agit d'un peu
de révisionnisme historique
parce que Myanma et Bama
se réfèrent spécifiquement
à l'ethnie majoritaire dans le pays.
Donc, essentiellement,
c'était le gouvernement
de la Birmanie à l'époque--
qui essayait de rendre
le peuple équivalent au pays,
donc implicitement en disant--
(intervenant·e 4) Presque le contraire,
mais d'une manière vraiment bizarre.
Ils ont essentiellement déclaré
que Bama faisait référence à l'ethnicité
et que Myanma faisait référence au pays,
alors qu'historiquement
ils représentent à la fois
l'ethnicité et le pays.
C'est logique.
(intervenant·e 4) Mais ce qui s'est passé
était parce que les défenseurs démocrates
dans le pays croyaient
que la junte militaire
n'avait pas le pouvoir
de changer le nom du pays
dans quelque langue que ce soit,
parce qu'ils n'étaient pas habilités
par le peuple du pays
mais qu'ils étaient explicitement
une junte militaire...
par conséquent, le pays devrait continuer
à s'appeler Burma en anglais.
Parce que le fait de l'appeler Myanmar
revient essentiellement à dire
que le gouvernement de la Birmanie
et du Myanmar à l'époque était légitime.
Après la chute, enfin, pas la chute
mais après on peut dire le semi-retour
du gouvernement civil en 2014.
cette question s'est posée :
« D'accord, devrions-nous appeler
ce pays Burma-Myanmar en anglais ? »
et essentiellement,
la dirigeante de facto du pays,
Aung San Suu Kyi,
a déclaré qu'il n'y a rien
dans la constitution birmane qui indique
comment vous devriez l'appeler en anglais
alors appelez-le comme vous voulez.
Le nom du pays est officiellement
l'Union du Myanmar en birman,
mais en ce qui concerne l'anglais,
vous pouvez l'appeler ce que vous voulez.
Mais en général, avant le retour
du gouvernement civil en Birmanie,
utiliser le nom de Myanmar
revenait en un sens
à légitimer le gouvernement militaire.
Et donc, le fait de l'appeler la Birmanie
était en général considéré
comme un acte politique spécifique
pour ne pas donner de légitimité
à ce gouvernement.
Ouais. Donc, je ne dis pas
que ce n'est pas une raison d'être.
Je dis que sur la version anglaise
de Wikipédia en particulier,
la page a traversé sept demandes
de discussions de renommage
sur quatre ans, une décision
de la cabale de médiation,
une tentative de médiation structurée,
et la révision de l'une des fermetures
de discussion de renommage.
Et lorsque vous regardez les discussions,
la majorité des arguments
dans un sens comme dans l'autre
ne porte pas sur la situation
politique nuancée du pays,
mais plutôt sur quel est le nom couramment
utilisé dans les sources médiatiques
et comment les différentes institutions
appellent le pays.
Et quand vous regardez la discussion,
vous pouvez voir un point clair où
à peu près toutes
les organisations d'information
qui ne sont pas la BBC en langue anglaise,
qui est tenue pour être une source
d'information occidentale majeure
ont changé leurs sources linguistiques
et le débat devient essentiellement
une question de savoir
si nous devrions suivre
le Wall Street Journal ou la BBC.
Donc, ce que je veux dire n'est pas
sur l'aspect politique spécifique
de la situation, mais plutôt sur le fait
qu'il est vraiment facile
pour ces décisions
de devenir presque
un différend par procuration
sur combien nous aimons la BBC,
Et que lorsque vous regardez
les discussions,
vous voyez cette très belle étude de cas
sur la difficulté d'avoir
ces conversations
et d'avoir ces perspectives nuancées,
et souvent internes,
lorsque la plupart
des discussions sont centrées
sur combien nous aimons la BBC
et proviennent de personnes
qui sont en dehors du contexte.
Donc, ce n'est pas--
Là où je veux en venir
avec tout cela, c'est fondamentalement
que même si vous ne combattez
pas 20 000 personnes,
même si vous ne discutez
qu'avec 20 personnes,
il y a une forte probabilité
que 19 d'entre elles
soient des gens qui ont
des opinions très fortes,
qui ne supportent pas nécessairement
les conséquences négatives
de tout changement qui se produit,
mais ont une vision du monde particulière
et ont décidé de s'y tenir,
et donc les propositions du groupe LGBTQ+
pour changer les critères Wikidata
pourraient être étonnantes, je pourrais
les aimer, je pourrais ne pas les aimer,
je ne les ai pas lues.
Mais la prémisse de base de ceci est...
Nous avons les gens qui apparaissent
sur Wikidata en ce moment,
et ce sont les représentants
de tous les homosexuels
et c'est la règle universelle
de ce qui devrait être fait
avec le contenu de tous les homosexuels,
c'est presque un microcosme
du même problème.
(modérateur·rice) Nous avons
une autre question.
(intervenant·e 5) Salut.
Je pense qu'il y a un autre problème
avec l'approche consensuelle
que nous avons,
c'est que parfois nous avons un consensus
sur des questions vraiment difficiles
sur la façon de traiter cela
et [inaudible] cela sur Wikidata,
et personne ne lit la discussion.
Typiquement, les noms de projet,
qui est un très, très vieux
Wikiprojet sur Wikidata--
et les noms sont une question vraiment,
vraiment compliquée dans le monde.
Tous les gens au monde
n'ont pas un prénom,
tous les gens au monde n'ont pas
un nom de famille, enfin, vous voyez.
Et il y a tellement de systèmes
d'écriture qui existent
et nous avons, en fait, un système
qui a fonctionné
pour de nombreux cas dans le monde
quant à la manière d'utiliser
les propriétés,
à quoi les éléments devraient ressembler,
comment les relier entre eux et tout--
Nous en avons huit pages--
personne ne lit ça
et quelqu'un vient d'ajouter
des noms de famille en caractères latins
à un chercheur chinois.
Donc, nous n'avons pas
les noms de ces chercheurs,
mais nous savons avec certitude
que la valeur ajoutée était erronée.
Je n'ai pas la valeur exacte,
mais je sais que celle-ci
n'est pas la valeur correcte.
Et il ne s'agit pas seulement
de discuter du problème
parce que nous avons
de grandes discussions
et nous avons en fait la modélisation
qui marche en général et même
pour qualifier les points à traiter
dans des cas plus compliqués,
mais les gens se contentent
de voir :
« Oh, 'Prénom' fait partie
des propriétés suggérées,
je vais juste ajouter ça. »
- Mais non !
- Ouais.
(i.5) Je pense qu'il ne s'agit pas
seulement de savoir modéliser les choses,
mais de savoir expliquer
le modèle aux gens
et c'est une partie technique--
nous pourrions avoir des outils
avec des suggestions
et je pense que la contrainte
qui a été mise en place l'année dernière
est une bonne chose pour cela.
Mais il ne s'agit pas--
même si nous savons modéliser les choses,
il s'agit de faire connaître
ce modèle aux gens.
C'est une grande difficulté technique
pour parvenir à mieux faire cela.
(m.) Donc, c'était juste une remarque ?
Il n'y avait pas vraiment de question
de votre part ?
Ou c'est une question que vous posez :
- (m.) « Comment faire ça ? »
- (i.5) Oui, c'est une question.
(i.5) Pardon, même si
nous avons la discussion,
(modérateur·rice) Oui, bien sûr.
(intervenant·e 5) Ma question,
si ce n'était pas clair, est :
même quand tout le monde est d'accord
sur la façon de modéliser
des cas compliqués,
comment, d'un point de vue technique,
faisons-nous connaître ce modèle
pour un projet dans le cadre de Wikidata,
de sorte que les gens n'ajoutent pas
la mauvaise valeur en toute bonne foi ?
Parce que nous avons les deux problèmes.
Nous avons du mal à modéliser
des réalités compliquées
et nous avons du mal à expliquer
aux utilisateurs comment suivre le modèle
dont nous disposons réellement.
Oui.
Je dirai que si je pouvais
résoudre ce problème
qui est, pour le reformuler,
comment « enculturer »
de manière fiable et cohérente
les nouveaux·lles utilisateur·rice·s
pour qu'iels aient la même vision
et la même compréhension
de l'espace du projet,
alors iels me laisseraient obtenir
mon diplôme
et iels m'embaucheraient.
C'est le deuxième problème le plus ancien
dans les espaces internet :
savoir comment faire ça,
le problème le plus ancien
étant le codage d'un système
capable de détecter les insultes
automatiquement.
Je dirais que...
Vous pouvez regarder
en arrière sur Wikipedia
ou avant cela, il y a eu le phénomène
de septembre éternel sur Usenet
qui était : « Oh, les gens n'arrêtent pas
de-- » Les disques AOL sont allés partout
et il y a tout le temps
des nouveaux·elles venu·e·s
qui ne savent pas comment
les choses marchent par ici
et tout est submergé à cause
des gens qui font « Répondre à tous »
En général, l'endroit où je chercherais
est une discipline appelée « travail
collaboratif assisté par ordinateur »,
et l'une des grandes questions
qu'elle traite
est la question de l'intégration
et de savoir comment faire connaître
cette culture aux gens.
Mais ce n'est peut-être pas quelque chose
qui soit directement résoluble
ou que nous voulions résoudre
directement, d'accord ?
Ainsi, Susan Leigh Star
qui a écrit Sorting Things Out,
une de ses autres contributions était
généralement l'étude des infrastructures,
dont je dirais que Wikidata
fait certainement partie
et une des choses qu'elle soutenait
était que les infrastructures
se font connaître en les utilisant.
Ainsi, la seule façon de comprendre
le fonctionnement d'un système
est de s'y engager, de trébucher,
de se planter lamentablement
et d'apprendre à ne plus
retomber de cette façon.
Et je pense que tout le monde, partout,
y compris les nouveaux·lles
utilisateur·rice·s,
y compris les personnes
venant d'autres projets,
veut une façon d'aborder les choses
qui ne les oblige pas à se planter.
Mais je ne suis pas sûr·e que cela existe
et je pense qu'il serait peut-être
préférable de se demander
quelles sont les conséquences
du fait que des gens se plantent
et comment faire de ces plantages
une composante compréhensible
et plus attendue
de l'expérience utilisateur·rice.
(modérateur·rice) OK, merci.
Question suivante.
(i.6) Merci. Donc, tout d'abord,
merci beaucoup pour la présentation
Encore une fois, quelqu'un l'a dit,
c'était très révélateur.
Je regardais l'élément spécifique
du transsexualisme
et c'est en fait encore plus intéressant
parce que j'ai regardé différentes
édiitions de Wikipédia
et comment elles ont traité la question.
Et je n'en regarde que trois.
Donc, apparemment,
ce que nous voyons sur Wikidata
reflète en fait à peu près ce qui
s'est passé dans une certaine mesure
à un certain niveau
sur l'édition anglaise de Wikipédia,
tandis que si vous regardez
la Wikipédia portugaise,
l'élément est relié à transgenre
et sur la Wikipédia française,
il est relié à l'identité trans,
alors que le transsexualisme
est une redirection
à la fois en portugais et en français.
Et je regardais l'historique des révisions
sur l'élément Wikidata,
et si vous regardez--
il y a eu plusieurs sortes de guerres
mais la page de discussion
tient en fait en une seule ligne,
mais il y a eu plusieurs conflits
entre les éditeurs,
en particulier avec les Français
qui s'opposaient à l'utilisation
du transsexualisme.
Si vous regardez les noms
des éléments dans chaque langue,
la seule où vous ne trouvez pas
« transsexualisme »
est le français pour l'identité trans,
et puis quelqu'un est venu
et a fait ce que vous avez dit
que c'est le contraire [inaudible],
l'identité trans,
et puis il y a un élément différent qui--
Oh oui !
(intervenant·e 6) Donc,
c'est un combat mondial complet pour...
principalement, ce sont les conflits
qui se répercutent
qui sont visiblement aussi
les manifestations des conflits
qui se produisent sur chaque Wikipédia.
Oui, cela reflète aussi
les conflits dans les cultures locales
et dans différentes parties
du monde, oui...
Et je dirais que, je veux dire,
je suis britannique
donc j'ai tendance à dire :
« Il faut se battre contre
les Français·es ?
Oui, avec plaisir ! »
(rires)
Mais je dirais qu'il y a presque quelque
chose de plus fondamental que cela
et vous pouvez soutenir
un argument contraire.
Je peux, en tant que trans,
avancer un argument contraire et dire :
« En fait, ce sont les Français·es
et les Portugais·es qui ont tort ».
Car la vraie question est la suivante :
l'entrée transsexualisme est-elle
dans la classification médicale,
la façon d'être
ou la classification médicale historique
ou le terme historique pour l'état d'être,
s'agit-il d'entrées différentes
ou de la même entrée ?
Quand les choses sont-elles assez
distinctes pour être des objets différents
et comment négocier cette lutte
entre des personnes qui pensent
que le statut médical
et l'identité sont la même chose
ou des choses différentes ?
Mais oui, il n'y a pas de réponse
facile, mais oui, je suppose
que si vous regardez beaucoup
de ces exemples,
et si vous regardez beaucoup
de controverses,
généralement sur Wikidata,
ce que vous allez voir
ce sont des batailles autour de...
Ces quasi-négociations
sont les normes de la communauté locale
et au-delà, celles des normes culturelles.
Ce qui est un problème
parce qu'une fois de plus
quand on parle de groupes
marginalisés ou minoritaires,
on s'attendrait à ce qu'ils
soient également marginalisés
au sein des communautés Wiki,
et aussi au sein de Wikidata
et donc Wikidata est en quelque sorte...
en train de s'appuyer
sur ces priorités préexistantes,
dont les connaissances sont importantes,
dans quelles circonstances
et sous quelle forme.
(intervenant·e 7) Je voulais aborder
un point que vous avez mentionné.
Tout est complexe et je pense que
le fait de bien le modéliser,
de bien l'adapter sur Wikidata
n'est pas la somme des problèmes,
comme vous l'avez dit,
Wikidata est une infrastructure,
et comme [Hermione] l'a dit,
nous l'avons bien adaptée peut-être
à certaines choses, à d'autres sujets,
et nous ne pouvons toujours pas
la mettre correctement en pratique.
Oui.
(intervenant·e 7) Je veux donc suggérer
qu'il s'agit d'une condition permanente
de la race humaine.
Et nous aurons beau modéliser
quelque chose de la meilleure manière,
même si nous modélisons le genre
de façon dix fois plus complexe
qu'aujourd'hui,
la plupart des requêtes SPARQL
sur le genre ne vont pas se soucier
- (i.7) des qualificatifs, OK ?
- Ouais.
(i.7) Et elles continueront à générer
des résultats très nivelés, simplifiés.
L'utilisation par Google de nos données
dans ses tristement célèbres infobox
va également niveler les données
et ignorer les qualificatifs.
Et ça ne va pas changer.
Wikidata continuera à être utilisée
de façon simpliste.
En effet, la majorité de l'utilisation,
probablement, sera cette chose simpliste.
Ce que je veux dire, c'est que ce n'est
probablement pas réparable
et que nous ne devrions pas
arrêter d'essayer.
Je veux dire que nous devrions essayer
de le faire correctement
et comprendre qu'une grande
partie de l'utilisation sera,
malgré tous nos efforts,
simpliste et erronée.
Ouais. Je suis d'accord avec ça.
Je suppose que je dirais que,
vous savez, il ne s'agit pas de genre,
mon problème ici n'est pas de savoir
s'il y a une vraie réponse
incroyablement complexe.
À un moment donné, j'ai même
renoncé, y compris dans ma thèse
qui porte sur l'état
d'être trans et la technologie,
à tenter de définir l'état d'être trans.
J'y ai simplement renoncé.
Et j'ai plutôt adopté ce que
l'on appelle une vision pragmatique,
qui consiste simplement
à dire que c'est ce que les gens
dans la situation que
vous étudiez croient que c'est
et la façon dont iels conçoivent
le monde, pour ainsi dire.
Et ce que je veux dire, ce n'est pas
qu'il existe une définition universelle
de quoi que ce soit,
si elle est suffisamment compliquée,
qui soit suffisante,
mais plutôt que je pense
que l'échelle est le problème
et que l'universalisme
est le problème, vous savez.
Peut-être devrions-nous
continuer à essayer
ou peut-être devrions-nous arrêter.
Peut-être devrions-nous plutôt
dire que, encore une fois,
il devrait y avoir une Wikibase installée
dans chaque communauté auto-définie
qui le souhaite et qu'ils puissent définir
les choses et les articuler
à leur propre satisfaction.
Mais nous retombons alors
dans les débats plus politiques
opposant les actions réformistes
aux actions radicales
ou comment ouvrir une boîte avec un pied
de biche qui se trouve à l'intérieur
et je finis par citer Foucault
pendant une heure
et tout le monde devient triste.
Moi y compris parce que
je déteste Foucault.
Il s'agit donc peut-être
d'une discussion à mener ailleurs.
Mais selon l'avis général, je...
Je me demanderais plutôt
si nous devons continuer à rechercher
une meilleure forme d'universalisme
ou si le problème est
cet universalisme lui-même.
Je crois que nous avons le temps
pour une dernière question ? Ouais.
(i.8) : Il s'agit d'une question courte,
dont la réponse est peut-être complexe.
L'une des propriétés les plus populaires
et les plus utilisées
est le sexe ou le genre sur Wikidata.
Pourriez-vous nous dire si vous trouvez
cette fusion utile, productive,
problématique ?
Bien sûr, je veux dire, je pense que
ça va toujours être réducteur
du simple fait que c'est une fusion.
Mais je pense aussi que
c'est profondément ennuyeux
d'une manière qui est assez intéressante
dans la mesure où cela révèle
les limites de Wikidata,
alors que Wikidata prétend œuvrer
à atteindre ce genre de grand objectif
d'ensemble de connaissances,
mais finalement
ils ont en quelque sorte fusionné
ces choses ensemble parce que,
je veux dire, ils n'ont pas demandé
à la plupart des gens
qui ont des entrées quel est leur sexe,
et/ou quel est leur genre,
et donc ils les fusionnent juste
pour faciliter l'inférence.
Mais en général, oui,
je dis que la fusion
des deux ensemble est réductrice
et dangereuse
mais...
Là encore, ce n'est pas...
Il n'y a pas de bonne façon de le faire.
Je pense que c'est une façon
particulièrement mauvaise
de les traiter comme
des choses interchangeables,
et de les traiter comme
des choses liées à jamais,
mais je ne peux pas suggérer
une meilleure façon qui reste--
qui permette à Wikidata de continuer
à suivre cette information
ou l'information contenue
dans cela du tout.
(m.) : Ok.
Je pense que nous devons conclure ici.
J'ai vu encore quelques mains levées,
alors j'espère que vous serez là.
Ouais. Je suis étudiant·e diplômé·e
et je n'ai quasiment pas de vie, donc...
(rires)
(modérateur·rice) : Parfait. OK.
Donc, merci de venir discuter.
Je vous remercie beaucoup.
(applaudissements)